Carnet de bord de Aout 2018 | Partager sur Facebook |
Je me pointe au chargement à 8h à Moerdijk. Au bureau un collègue que ne connais ni d’Eve ni d’Adam est en train d’expliquer aux gars dans un charabia incompréhensible que je suis sa collègue et que je ne parle pas anglais, puis il m’explique qu’il leur explique que je ne parle pas anglais.
« Je parle anglais » j’lui dis « Oh wife speak english » il leur dit « I’m not his wife » j’leur dit. Eux ils disent rien, ils se regardent mi-amusés mi-consternés.
Le collègue s’en va, le hollandais prend ma commande, je m’en vais charger toute seule. Je connais bien la boutique, je monte ici 2 à 3 fois par mois, c’est une super usine : c’est propre, jamais en panne, ça charge vite, les gars sont sympas…
Une fois chargée pour Nemours je m’enregistre vite fait pour la vignette, j’ai pas pensé à le faire en démarrant ce matin et je me casse ! Anvers ça file, Bruxelles ça file, ensuite je bifurque sur la R5 en direction de Maubeuge et là c’est autre chose, la route est démolie ! C’est pas le moment de te fourrer un doigt dans le nez au risque de te crever l’œil par l’intérieur !
Je m’arrête manger au Relais des Colombes sur la N2. Je m’installe en terrasse, il fait 25 degrés, je suis bien, je commande mon plat et c’est à ce moment-là que je me rends compte qu’un abruti fini a laissé son chien dans sa bagnole, en plein cagnard sur le parking. Mon sang ne fait qu’un tour, je suis sur le point d’interpeler la serveuse pour demander à qui appartient la voiture quand je vois les deux types sortir du resto et s’en aller. Je finis mon repas en réfléchissant à la vie et en me demandant dans quel genre de bétaillère on transporterait des girafes.
Un peu plus loin sur la route je passe une zone de travaux où les 2 sens de circulation sont ramenés du même côté, avec des plots pour séparer. Les trois quarts des plots ont été pulvérisés ! Y'en a plein les voies, les socles sont en morceaux, broyés. Je me demande quel genre de véhicule a pu foutre un bordel pareil, depuis quand c'est dans cet état et combien de temps ça va le rester. Deux kilomètres après la fin des travaux j'évite encore des morceaux de plots sur la chaussée.
Y’a pas grand-chose à raconter sur cette journée :
Le temps : ça va
La route : ça va
Le moral : ça va
J’arrive à Paris, je contourne par la francilienne, ça va. Je fais une pause à l’aire de lisses pour prendre une douche parce que le resto que je vise à Nemours a paraît-il des sanitaires honteux. En un quart d’heure c’est plié et je reprends ma route. Ça me fait chier que l’aire de Nemours soit juste après la sortie que je dois prendre pour livrer. Elle aurait été parfaite. Finalement je sors à l’aire d’Achères la fôret. Y’a une boutique et un snack. Je suis à 15km de mon client que je ne peux livrer qu’à partir de 11h demain.
C’est parti pour 15h de coupure, va falloir être patiente !
Grasse mat’ aujourd’hui, j’ai pas programmé de réveil, plus je dors moins il me restera de temps à me faire chier sur ce parking. A 7h30 je suis debout et je vais me taper un petit dej’ de vacances à la terrasse du snack. P’tite table au soleil, j’écoute les discussions de mes voisins et les réflexions de leurs mômes.
On les aime pas trop, ils ENVAHISSENT nos routes, VOLENT nos parkings, PILLENT nos boutiques Total. En plus à cause d’eux on peut pas rouler le Samedi ! Mais ils sont comme vous et moi : ils s’arrêtent boire des cafés trop chers, leurs gosses sont pénibles, ils ont hâte d’arriver. Usagers de la route unissez-vous au-delà de vos différences !
9h30 je craque et je quitte mon parking, je vais me pointer avec 1h d’avance et faire l’innocente. Au mieux ça passe, au pire ça passe pas et je me ferai chier dans un nouvel endroit. La dame du labo est en pause quand j’arrive mais elle me dit de revenir un quart d’heure plus tard et qu’elle aura juste la place nécessaire dans son silo pour que je puisse vider. Bonne nouvelle ! Je mets mon ciment à vider, c’est un peu long parce qu’on doit monter la pression qu’à 1 bar.
Je file à Montargis faire mes pleins et laver ma citerne. Normalement dans ce coin là je vais laver chez un transporteur près de la carrière où je recharge mais ils exigent que le ciment soit balayé avant d’être lavé, il fait 35°C, hors de question que je m’amuse à passer le balai dans la citerne avec tout l’attirail anti-poussière sur le museau. Je patiente un bon moment à la station, y’a déjà un camion devant moi et il fait de l’alimentaire, il doit faire le gros lavage avec désinfection, séchage et tout le bazar.
Quand j’arrive à la carrière à Ciez il y a déjà 2 citernes en attente dans la cour mais personne sous le silo, étrange. J’arrive dans le bureau et je trouve les deux chauffeurs en train d’attendre. Je demande où est le type qui charge, ils savent pas ils ont vu personne, ils attendent. Au bout de 10 minutes je m’inquiète un peu quand même, qu’est ce qui se passe ? Je pars faire un tour dehors voir si je trouve pas notre Gus. Personne. Quand je reviens y’a un chauffeur de plus.
« Ah ben on t’attendait, on allait bientôt sortir l'apéro » qu’il me dit. Je lui réponds que c’est pas moi qu’il attend mais il m’écoute pas, trop content de sa petite réflexion. Je prends le téléphone et appelle la dame au bureau de la bascule, elle ne sait pas ce qui se passe mais elle va essayer de retrouver notre porté disparu. Le chauffeur capte enfin que c’est pas moi qu’il attend « Aaah mais elle bosse pas là en fait ? J’croyais qu’elle bossait là» il dit aux 2 autres comme si j’étais pas là.
Nos héros finissent par arriver, ils étaient en train de gérer une panne, mais tout est rentré dans l’ordre, on va pouvoir charger ! Ils mettent le premier camion sur le silo, ils baissent la manche, et rien… Il se passe rien… ça marche pas ! On retourne tous se mettre au frais dans le bureau en attendant l’électricien, il arrive mais trouve pas la panne, ça traîne, moi je suis zen j’ai des heures à gogo, il est 19h et j’ai encore de l’amplitude jusqu’à 1h du mat. Ça finit par se débloquer et je sors de là vers 20h20.
Je roule une petite heure et finis au relais de Chatillon à Briare. Bien douchée, bien mangé, dormi au calme. Y’a plus qu’à rentrer demain matin !
C’EST VENDREDI !
J’ai enfin bien dormi ! Je me lève de bonne humeur, je bois le café avec des gens sympas, il fait beau. 7h c’est parti !
La route est bien présente, en bon état et ne présente pas d’anomalie.
Les ronds-points sont bien présents aussi.
Les voiturettes sans permis sont au rendez-vous.
Je m’arrête faire ma coupure à l’Auberge du Narais et tombe sur le chauffeur de chez Désert avec qui j’ai chargé hier et qui est resté dormir à la carrière à bout d'heures hier soir. Je repars à 45 minutes tout pile, on va quand même pas traîner !
Je dois livrer Lundi matin à St Jacques de la lande, je trouve ça un peu con de redescendre jusqu’à Poligné pour garer le camion alors que j’habite à Rennes. Je passe un coup de fil à mon exploitant, pas de souci pour rentrer avec le camion, ça c’est une bonne nouvelle, ça me fait gagner 2h !
J’habite en pleine ville donc je dois laisser ma citerne quelque part. Je m’arrête au Vallon pour demander si ça les gêne que je laisse ma citerne sur leur parking pour le week-end. Ils sont d’accord, ça m’arrange vachement.
Je la décroche et l’abandonne lâchement sur ce grand parking. Un dernier regard dans le rétro, pas de remords, le week-end avant la citerne !
14h à la maison le Vendredi comme les vrais !
Passez un bon week-end et prudence sur la route si vous partez en vacances, ça va être la folie ce week-end.
Après un excellent week-end ensoleillé auprès de ceux que j'aime il est temps de retrouver mon studio roulant Deutsche qualitat et retourner sauver le monde qui serait totalement paralysé sans moi !
6h je passe la porte de chez moi, 6h01 je suis au travail. Y’a pas à dire, rentrer le week-end avec le camion c'est vraiment confortable ! Ça n'arrive qu’exceptionnellement pour moi vu que j'ai pas de matériel attitré, du coup quand ça colle avec mon programme ça fait plaisir. Je vais récupérer ma citerne sur le parking du Vallon. Tout à l'air à sa place, on m'a rien piqué dans mon coffre à raccords et elle a toujours ses 6 roues. Pas de graffitis autres que les énormes RXL bleus que des vandales professionnels avaient peint sur le flanc alors qu'elle était encore toute neuve. J'accroche et je vais boire un petit café, je me dis que quitte à utiliser leur parking pour laisser mon matériel le week-end c'est la moindre des choses d'y aller.
6h50 je suis la première arrivée chez mon client, un Désert me suit de peu. Je mets mon dépotage en route et l'autre chauffeur vient pour discuter. J'ai pas du tout envie de causer ce matin, après 5 minutes de réponses à base de “oui” “non” et “...” il se rend compte que je suis particulièrement ennuyeuse et retourne auprès de son camion.
Mon programme est ultra chaud ! Pour bien faire il faudrait que je me téléporte de mon point de livraison à mon lieu de chargement suivant. Je serai en retard donc ! Je recharge juste à côté du dépôt pour Bannalec (29). Je pose mon camion sous le silo et je vais discuter avec un collègue et un gars de chez Garnier qui sont en train de vider. Le Garnier me demande si mon tour en Belgique s'est bien passé. Je bug complètement. Qui est-il ? De quoi il me parle ? Quel tour ? Je dois mettre longtemps à me poser ces questions et faire une drôle de tête parce qu'il y répond sans que je demande “Tu sais la dernière fois, on s'est vu ici, tu chargeais pour Andenne” mais oui ! Quand je vous dis que j'ai un problème de mémoire des visages c'est maladif, on avait bien discuté 10 minutes ce coup là, il m'avait sorti sa carte pour m'indiquer l'usine et tout… et moi je le zappe ! Ma citerne est chargée je peux y aller.
Petite pause en fin de matinée pour gober un sandwich et je reprends ma course folle ! J'arrive à Bannalec vers 14h, le type qui me reçoit est sympa, je dépote en prenant le soleil, que dis-je, en rôtissant au soleil ! C’est vide rapidement, chouette, j’ai le temps d’aller jusqu’à Vannes pour laver, comme ça pas besoin de monter dedans. Sauf que non ! J’arrive à 16h30 et le laveur me ferme la porte au nez. Je comprends pas trop, il vient me voir et m’explique qu’en ce moment les mécanos commencent et finissent plus tôt et qu’il est obligé de s’adapter à leurs horaires parce que c’est eux qui ont la main sur l’air qui fait tourner la station. Bon bref, pas grave, c’est parti pour un p’tit lavage au Karcher. Je discute un peu avec deux collègues, dont celui qui fait des blagues sur mon prénom à chaque fois qu’on se croise (Maë va bien ? Maë va où ?). Aujourd’hui il fait pas de blagues mais il m’appelle Magalie, alors Magalie va laver sa citerne donc plutôt que rester causer parce que mine de rien elle commence à plus avoir trop d’heures à perdre ! Le produit est super volatil, même avec les lunettes et le masque anti poussière j’en prends plein la tronche et je suffoque à moitié, c’est carrément désagréable.
Après le lavage commence à se poser la question de mon point de chute pour la nuit. Je charge demain matin en Mayenne, je vais finir aux alentours de Rennes, ce sera donc Le Vallon, mon point de départ de ce matin. On sent que c’est les vacances pour la plupart des restos : j’arrive à 19h30 et c’est déjà plein de monde. Je trouve un collègue que je ne connais pas encore dans sa cabine. Viens amigo, on va boire l’apéro !
Le collègue est vraiment sympa, on boit un coup, on mange assez bien, on rigole. Vers la fin de notre repas j'entends une nana qui parle de son taf aux mecs avec qui elle mange. Elle parle de Slovénie, de frontière Bielorusse et de kalachnikov. "T'entends ça ?" je demande au collègue ! Il se paye ma tête "t'as les yeux qui brillent c'est normal ?" un peu que j'ai les yeux qui brillent ouais des tours pareils je les ferais même gratos si j'en avais l'occasion ! J'ose pas aller couper la dame dans sa conversation pour faire ma relou avec mes questions mais en traversant le parking je regarde en détail tous les camions pour essayer de deviner lequel pouvait être le sien. J'ai pas trouvé.
J’ai trainé un peu tard hier soir et ce matin le réveil est pas facile facile et pourtant il est déjà bien plus tard que ce qu’il aurait dû mais j’avais pas envie de partir sans mon carburant matinal alors j’ai fait des grands calculs d’apothicaire hier soir :
“Si je suis prête dès qu’ils ouvrent,
que je bois mon café très vite,
qu’il n’y a personne devant moi,
et que ça charge bien…
ça peut le faire”
C’est comme ça que commence ma journée, au comptoir, à avaler cul sec un café brûlant tout en commandant un double à emporter.
J’arrive à l’usine à Neau il est 8h et là c’est le drame, y’a une file d’au moins 10 camions ! J’ai jamais vu ça dans cette usine, je suis étonnée, j’ai envie de savoir ce qui se passe donc quand j’aperçois un groupe de 3 ou 4 employés de la carrière en train de causer au pied d’un bâtiment j’enfile un gilet fluo et un casque puis je descend du camion. J’ai à peine mis le pied à terre qu’un des types vient à ma rencontre avec ce petit air arrogant du mec qui va te prendre la tête :
“Salut, qu’est ce qu…
-Alors, déjà, le short c’est interdit, hein, d’abord, donc tu vas remonter dans ton camion mettre un pantalon et aussi les lunettes de sécurité. Et c’est tout de suite !!!” (c’est son projeeet !!!)
Et ben toi mon gars t’es l’exemple même de ce qui se passe quand on donne un tout petit pouvoir à un grand imbécile. Je remets pas en question les règles qu’il m’a demandé d’appliquer mais son approche était vraiment ridicule. J’espère que tu marcheras pied nu sur un lego avant de tomber tête la première dans une pizza à l’ananas grand con !
Finalement je reste dans mon camion, en pantalon, si j’en descend je risque de lui arracher les oreilles avec les dents. De toute façon la file de camion avance petit à petit, je pense que ça se débloque. Je m’enregistre à la bascule, il y a deux camions devant moi au poste de chargement. Y’a des Rouxel de tous les côtés dans cette usine, c’est un de nos fief. A ce poste de chargement là les habitués se chargent tout seuls. Aujourd’hui le gars qui s’occupe des chargements est débordé donc je demande à un collègue de me montrer vite fait et je charge mes 7 tonnes de chaux moi-même.
En attendant pour repasser sur la bascule je discute avec des employés de l’usine. Je suis encore énervée de la rencontre que j’ai faite à mon rrivée. J’apprends que mon grand con “est con de naissance” et aussi qu’il aurait une forte tendance au harcèlement moral sur ses subordonnés. Tiens donc, quelle surprise ! ça va un peu mieux : p’tet bien que je poste des shorts mais moi au moins j’peux me regarder en face dans le miroir le matin (quand j’ai pas les yeux qui louchent).
Je prends la direction de St-Malo et je passe un coup de fil au mec de la station d’épuration que je dois livrer pour savoir si je peux passer sur l’heure de midi. Il est super cool il me dit qu’il va rester pour me recevoir. Je récupère ma soeur en chemin, elle va pas rester longtemps avec moi mais pour une fois que mon programme et son planning concordent on en profite ! On parle un peu de mon taf mais surtout de ses projets à elle qui évoluent vite en ce moment. ça me fait trop plaisir de l'avoir avec moi. La station est récente, y’a de l’espace pour manoeuvrer, c’est agréable. 7 tonnes c’est pas long à vider, et 45 minutes plus tard on s’en va à St-Malo, pause burger chez Quick et on part chacune de notre côté : ma frangine au boulot et moi au lavage !
La chaux c’est une vraie merde à laver, c’est super irritant pour les yeux, la peau, les voies respiratoires, en plus ça réagit à la flotte et si ça prend l’eau sans être lavé tout de suite ça colle à mort. Je lave donc ma chaux, au karcher, en apnée dans la citerne. Je vais m’étouffer ! Je suis sûre que je vais m’étouffer ! Bon ok je vais p’tet pas m’étouffer… Si je vais m’étouffer ! Je me suis pas étouffée.
Comme je suis toujours en vie je peux reprendre le volant en direction d’Ecouché, dans l’orne, où je dois charger cet après-midi. Avec une citerne propre et sèche. Propre c’est réglé, mais sèche ça risque d’être délicat, il pleut des cordes, puis des averses de grêlons hyper balèzes, puis des cordes… Je roule capots entrouverts en espérant que le vent soit plus fort que la pluie. A chaque départ d’averse de grêle les gens sautent sur les freins de leurs voitures. Si y’a des automobilistes qui me lisent : il ne faut pas faire ça, la grêle c'est de la glace, la glace ça glisse, c’est dangereux de freiner sur une chaussée glissante !
Je sais pas jusqu’à quelle heure on peut charger sur ce site, j’arrive à 18h et je m’attends à me faire refouler mais non, on me reçoit gentiment, en fait il reste plus d’1h avant la fermeture. Ma citerne est miraculeusement presque sèche. Un petit coup de serpillère dans le fond et je peux passer sous le silo. Un chauffeur d’une autre boite est en train de charger et je remarque qu’il a ouvert ses capots 3 et 4, ça m’interpelle, en principe sur une citerne à 5 trous quand on charge par deux trous on ouvre plutôt les 2 et 4. Je suis curieuse alors je vais lui poser la question, il a peut être quelque chose à m’apprendre.
“Je fais de la citerne basculante que depuis hier et le collègue qui m’a formé fait comme ça” est une excellente explication mais je vais continuer à faire comme j’ai fait jusque là. Lui il verra bien ce qui lui convient le mieux au fil de sa pratique.
Quand je sors d’ici il me reste 1h30 à rouler, c’est chaud, tout est fermé en ce moment et j’aimerais vraiment prendre une douche parce que j’ai de la chaux plein les cheveux. Je tente le resto à St-Hilaire-du-Harcouët mais c’est fermé aussi. Je suis dégoutée. Je me pose sur leur parking et je pars en quête d’un resto ouvert en ville. Cette ville est totalement morte ! Tout est fermé, je suis au bord de la crise de nerfs, quand tout à coup : PIZZERIAAAA !
Je suis sauvée !
Quand le réveil a sonné ce matin à 5h30 j'étais en plein rêve, un rêve hyper cool où je me réveillais en pleine nuit, regardais l'heure et il était 1h15. Ce n‘était qu'un rêve. Dommage.
Je suis prête en 10 minutes, la tête dans le cul, une pinte de thé brûlant dans le porte gobelet, go ! Je roule 3h en me réveillant progressivement puis cède enfin et m'offre une pause café au Bon Vallon. La dame me sert un café de cafetière pas très bon qui a l'air d'être maintenu chaud depuis des heures, je suis un peu déçue et frustrée…
J'arrive à Languidic 30 minutes plus tard. Dans l'usine les silos ont changé de place, d'ailleurs l'entreprise a changé de nom mais le personnel est toujours le même. On me dit que ça vide mieux maintenant mais j'ai toujours trouvé que ça vidait bien ici donc je vois pas trop de différence.
Une fois vide je dois remonter charger sur Rennes avec un arrêt à la station de lavage en chemin. Le problème c'est que la station qui est sur ma route est fermée sur l'heure de midi et je dois me présenter à 15h au chargement. Trop risqué d'attendre, je décide de faire un crochet par Vannes pour mon lavage. C'est du vite fait, en 40 minutes j'ai lavé le camion et douché la conductrice. Y’a pas de resto routier à St Malo où je vais finir ce soir donc j'anticipe.
Je m’apprête à partir quand un collègue en bâché arrive sur la piste EN VOLVO ! Je tombe des nues. Y’a des Volvo qui rentrent ?! Je vais faire la comère, évidemment. Donc il n'y en a qu'un seul, et à priori il fera pas de petits. J'aimerais gratter un peu d’infos sur le pourquoi, le comment et le pourquoi du comment plus mais je sens que le chauffeur a pas envie. En même temps le pauvre, les gens doivent lui en parler à longueur de journée, du coup j'insiste pas et je reprends mon activité où je l'avais laissée : sur le départ.
Je me pointe à 15h au chargement, l'usine est dans un trou paumé en banlieue de Rennes. Gloire au GPS ! J'aurais jamais eu idée de venir traîner ici par moi même. “On charge au manomètre” m'annonce t’on ce qui équivaut à dire “on charge au pif et au bout d'un moment on pèse et on voit” en deux passages sous le silo on atteint les 43T960, c'est parfait. Je referme la citerne, je fais les papiers et à 16h je peux reprendre la route. Je dois livrer demain matin, 8h, à St-Malo qui se trouve à 1h de route. Je vais encore avoir une belle coupure. Ça tombe bien j'ai pas encore fait de coupure de 11h cette semaine, et ça me dérange pas de faire des grosses coupures ici, j'ai de quoi me promener sans m’ennuyer. Je me gare sur le parking du client à 17h, tire les rideaux et pars en ville prendre un petit bain de foule au milieu des aoutiens avant de manger dans la meilleure crêperie de la ville. Elle va me coûter cher en bouffe cette semaine !
J'ai mis le réveil à 7h aujourd'hui mais je somnole depuis 5h30, il a plu toute la nuit et il pleut encore, la perspective d'un dépotage sous la flotte dès le réveil rend le lever encore plus compliqué. J’enfile des fringues sales, je sais pas pourquoi, une sorte de pressentiment de livraison crado, et je vais à l'accueil.
C'est une “p’tite jeune” qui me reçoit, elle pèse le camion et m'indique le lieu de dépotage. C'est galère de trouver le bon placement : y'a un porche sur la droite que je ne dois pas toucher en levant la citerne, puis une plaque d'égout et des rails au sol sur lesquels je ne peux pas poser mes béquilles. Avec tous ces impératifs je peux pas trop éviter les flaques par terre, donc ce sera une livraison à “Saint-Malo les pieds dans l'eau” comme je disais quand j'étais gosse et qu'on me demandait où j'habitais. Je m'installe mais au bout de 15 minutes toujours personne n'est venu à me rencontre pour m'indiquer la bouche sur laquelle je dois me brancher. Je pars dans l'usine pour trouver un interlocuteur, un magasinier, encore un “p’tit jeune” m'emmène à la salle des commandes voir l'opérateur qui est encore plus un “p’tit jeune”. Là je commence à me dire “ma grande si tu commences à voir des p’tits jeunes partout c'est que toi t'en es plus vraiment une de p’tite jeune” en plus ils me vouvoient tous, j'ai trop le seum (c'est une expression de p’tits jeunes) mais je reste digne et j'attends d'être seule pour pleurer.
Alors que la pluie arrête de tomber je commence à dépoter ma dolomie. C'est un produit vraiment facile et j'ai pas grand chose à faire une fois que c'est mis en route, je surveille seulement.
Quand c'est vide je m'en vais laver chez le même transporteur chez qui j'ai lavé ma chaux Mardi. La dolomie ça se lave mieux. Je me protège quand même bien mais je crains moins de mourir étouffée. Je finis mon lavage sous des trombes de flotte.
Je dois recharger du gros sel sur le port et mon exploitant me demande d'y aller avec la citerne bien sèche. Je comprends pas, c'est pour charger du sel complètement mouillé, puis bon citerne bien sèche de ce temps là c'est pas évident. J'annonce direct que je chargerai pas avant 13h30. Je me pointe quand même au bureau du port avant midi pour peser et m’enregistrer, comme ça on a plus qu'à charger en revenant à 13h30. Les dockers comprennent pas trop pourquoi je veux sécher ma citerne, normal, ils me laissent m'installer direct dans le hangar, ça va mieux sécher à l'abri. J'ouvre tout en grand, je lève un peu la citerne et je pars manger. Je reviens une heure plus tard, un peu en avance pour tout fermer, c'est pas vraiment sec mais je suis absolument certaine que ça ne changera rien donc on charge comme ça.
Je vais livrer en foulée à Tremorel (22). Le sel c'est pour l'atelier cuir de l’abattoir. J'aime pas trop vider le gros sel parce que ça me fait de sacrés frayeurs. Il faut lever la citerne vraiment petit à petit mais le produit est très lourd et coule mal, il descend par vagues, ça fait comme des grosses avalanches de produit et on voit le cul de la citerne s'affaisser, parfois même les béquilles bougent, se décalent, et mon coeur s'arrête de battre une demi seconde à chaque fois pendant qu'un frisson me remonte toute la colonne vertébrale. Vers la fin du levage de la citerne je me prends par surprise 2 bons kilos de sel sur la tête, j'en ai partout : plein les cheveux, sur les vêtements, dans les vêtements, dans les chaussures… Je me marre, foutu boulet, je savais que ça allait arriver en plus mais j'y pensais plus à ce tas de sel ! Après 21 arrêts cardiaques le bazar est vide et je m'en vais le coeur léger voguer vers d'autres cieux.
Pour la suite le plan est simple :
1 : Je trouve un coin tranquille pour mettre un coup de balayette dans le cul de la citerne
2 : Je roule aux max de mes heures en direction de Caen
Les 3 et 4 seront pour demain :
3 : Chargement de carbonate à Billy (14)
4 : Relais à St-Brieuc avec un collègue et retour au dépôt pour le week-end.
Le max de mes heures m'emmène donc au Guilberville. Ça me fait chier. C'est pas que c'est un mauvais établissement mais c'est vraiment un gros truc, c'est extrêmement bruyant et ce soir je suis vraiment pas d'humeur. Tant pis, avec des écouteurs et un bouquin ça fera suffisamment barrage pour que les gens me laissent en paix et au moins je pourrai prendre une douche pour me déssaler.
Allez hop ! 7h, c'est parti ! Je veux être à l'ouverture à 8h au chargement pour faire au plus vite. Ça me gêne pas de planter les week-ends mais quand je rentre je rentre !
Cette boîte est fantastique, pour charger c'est la folie. Si tu te presses un peu tu peux passer tout juste un quart d'heure sur le site, leurs silos dépotent à une vitesse complètement dingue. C'est l'usine rêvée pour charger un vendredi ! Donc le chargement est vite plié et je repars dans l'autre sens, direction le pays briochin (oui oui c'est comme ça qu'on dit ! ).
Je passe un coup de fil à mon collègue Gillou pour savoir un peu où il en est, où on se rejoint, tout ça… Gillou c'est un des gars qui m'ont formée quand je suis arrivée dans la boîte, une sacré vedette. C'est lui qui prend ce tour là d'habitude vu que ça se charge sur le port de St-Brieuc le vendredi après midi et qu'il vit juste à côté mais ce coup ci il y a un jour férié au milieu de la semaine et Gillou il préfère aller se promener en camping car plutôt que de planter un férié sur la route. Il a bien raison et moi je suis bien contente de récupérer un tour d’Alsace que j'ai jamais fait, pour vider un produit dont j'ai jamais entendu parler. Je l'appelle donc, on se file rendez-vous sur le port en début d'après midi, au resto. Moi je veux être là bas pour manger donc je roule pleine balle. D'après mon calcul si je tiens une moyenne de 80km/h ça passe, mais c'est chaud parce qu'une grande partie du trajet se fait sur l’A84 et que je suis chargée au max ! Je relève le défi quand même !
C'est pile poil mais ça le fait, bon je largue le camion sur le parking sans même prendre la peine de manoeuvrer, j'ai 4h29, pas le temps de me garer correctement et le parking est vide, à l'exception du camion de Gilles. Quand je rentre dans le resto je vois passer un autre Rouxel juste devant et je me retrouve à boire un verre avec mes 2 collègues. Je leur raconte ma vie pendant 45 minutes : “t'es revenue ? Tu faisais quoi ? T'es là combien de temps ? Et après tu fais quoi ?”, je récupère la remorque de Gilles et les 2 gars se barrent. Mes 45 minutes sont faites et j'hésite à repartir sans manger… Mais j'ai bien trop faim ! Si je mange pas je vais pas survivre ! Je rajoute donc 45 minutes à mes 45 minutes et me tape une super platrée de lasagnes qui déchirent. Je suis bien contente d'être restée.
Sur le chemin du retour je me rends compte qu’avec mon exploitant on a prévu de me faire bloquer le week-end prochain mais que je dois rendre mon tracteur à son titulaire le même week-end. Je l'appelle pour lui rappeler ce détail et je rentre à Poligné pour faire le transfert. Mon nouveau tracteur est en train de se faire vider de ses affaires, le gars a le sourire comme s'il partait 3 semaines en vacances. Il s'applique à vider soigneusement tous les placards et à astiquer l'intérieur de la cabine de fond en comble ! Ça fait plaisir de récupérer enfin un tracteur VIDE et PROPRE ! Je transfère tout mon bazar dans le tracteur tout bien rangé, je raccroche ma citerne, trouve tant bien que mal une place où garer l'ensemble puis je saute dans ma caisse, direction WEEK-END !!!