Mon Carnet de bord... Suivez mes aventures, semaine après semaine!

Mars 2010

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Lundi1

 

Mardi 2

Nous ne sommes pas dimanche, pas lundi non plus, nous sommes mardi matin et j'enterre ce week end à rallonge de 85 heures. Ce n'était pas prévu... mais je ne vais pas m'en plaindre, cela m'a - entre autres - permis de voir Neil Young à la cérémonie de clôture des JO, et Neil Young il assure grave...

Ce matin je ne suis presque pas en retard et cela recquiert pour moi beaucoup d'efforts. Au moment d'atteler la semie du jour, mon chef m'arrête et m'envoie en décrocher une autre à l'abattoir... j'expédie ça en vitesse... je reviens et je ré-attèle... mais la semie de l'abattoir n'est pas bien en place : je ne le savais pas mais ils ont fait des travaux sur le quai et maintenant il faut laisser un espace de 10 cm entre les tampons... bref, je redrécroche, retourne à l'abattoir, ré-accroche, avance de 10 cm, redécroche, reviens au dépôt, ré-accroche... pfff ça devient pénible, et puis le tachy s'en donne à coeur-joie en m'enlevant déjà près d'une demie heure!
Lancé dans la pénibilité je m'envoie 30 palettes europes à sortir des coffres... et je peux enfin aller charger.

Il fait un temps très agréable et je m'enfonce dans les paysages magnifiques du Bugey : cette semaine commence finalement bien; d'autant plus que je charge pour le sud-ouest, ça change un peu.

Le cariste est comme la dernière fois que je suis venu ici : super sympa; et comme la dernière fois il me fait profiter de son incommensurable talent de siffleur de haut vol. Je reconnais quelques mélodies empruntées à Edith Piaf... mais toutes sont nimbées d'un vibrato surdimentionné... je me demande si l'artiste ne chercherait pas à m'épater avec sa maitrise incroyable... quoiqu'il en soit, ce mec n'en fini pas de siffler, et moi je me surprends à l'imiter malgré moi, on dirait que son sifflement est contagieux ou qu'il le transmet de la même façon inexpliquable que l'on peut transmettre un baillement... et voilà que moi aussi je siffle! (sans le vibrato - je ne sais pas faire)

Après cette demie heure de manutention artistique moderne, je reprends les belles routes du Bugey pour rejoindre l'Isère et, hélas, l'autoroute pour la fin de la journée. L'A7, l'A9, l'61, c'est à peu près le même sénario : des camions, des camions et des camions.
Je fais 45 minutes sur les hauteurs de Narbonnes, il y a un poste d'observation sur l'aire alors je décide d'aller voir, d'aller voir ce qu'il y a à voir... je monte sur la colline et j'humme l'air iodé, la truffe au vent, je reste une dixaine de minutes puis redescends au parking et à son odeur de marée.

je roule, je passe Toulouse, à 9h30 de volant je peux me garer - je décide de rouler encore un peu... mais voilà ensuite je ne trouve plus rien... 10h approche... toujours rien... je sors de l'autoroute au hasard et je me case sur le maigre parking d'une station service avec - oh my god - 10h02 au compteur!

N75


un Belge sur l'A9


Méditerranée

Mercredi 3

Ce matin je passe 10 minutes à chercher le chargeur de mon appareil photo... en vain (trop de rangements dans ce camion, on s'y perd)... alors j'abandonne et je pars énervé, il est 6h. Cap sur le sud-ouest du sud-ouest de la France via cette autoroute assez monotone de nuit. En fervent amateur de grands paysages je trépigne d'impatience que ce fénéant de soleil darde ses premiers rayons sur le relief Pyrénéen... mais l'heure avance et c'est un triste ciel opaque qui s'extirpe de la nuit noire pour se figer dans la grisaille. c'est moche.

8h15, je suis à destination, j'enfile le scaphandre protocolaire avant d'aller décharger, puis je passe 40 minutes à me battre avec le tire-pal sur cette passerelle trop haute qui fait illusion de quai. Une fois cette étape surmontée je range les palettes dans les coffres et je fonce recharger dans un abattoir à deux pas d'ici.
Personne au lavage, je saute sur la piste... vingt minutes plus tard - il est maintenant 10h - je suis prêt à me mettre à quai et j'en suis tout aussi surpris que satisfait. Seulement voilà... le chef de quai m'annonce que le chargement ne finira pas avant 15h... et effectivement cela me paressait excessif toute cette chance...

bon, rien d'autre à faire qu'attendre.

Une douche, un repas, une sieste et un peu de lecture plus tard j'ai de la bidoche à ras les portes et je repars en sens inverse. Le temps est de plus en plus pourri, Toulouse s'appelle aujourd'hui "la ville grise", je roule jusqu'à épuisement de mon amplitude et attéris sur une petite aire entre Carcassonne et Luzignan. Je mange mes tortellini pendant qu'un type en manque d'amour s'obstine, malgré la pluie, à faire des appels de phares aux camions devant le cabanon des toilettes... décidément quelle tristesse...

un laché d'enkakifiés


tristesse

Jeudi 4

Je n'ai pas mis le "Basto" hier soir, je me réveille dans la moiteur froide d'une nuit pluvieuse. Il est 4 heures et des brouettes, les camions sont encore - pour la plupart - sur les parking, je traverse l'A9 incognito, puis l'A7 juste avant le ras de marée quotidien, enfin je sors à Valence sud pour prendre l'autoroute de Grenoble nettement plus calme. C'est tellement calme que je m'arrête même à la barriere de péage de Romans pour y caser 45 minutes - et pas une de plus - de profond sommeil.

J'ai remarqué un étrange phénomène inhérent à ce genre de micro-sommeil : à chaque fois, et je commence à m'y habituer, je fais des cauchemards effroyables dont je me souviens du fait qu'ils sont stoppés net par la sonnerie du téléphone-réveil. Lorsque je programme une telle "nuit", je m'endors très vite, profondément, et j'ai l'impression que mon cerveau entre en sur-activité pour me produire des situations improbables et effrayantes... mais le plus étrange c'est que je dors vraiment bien, d'un sommeil réparateur... donc c'est bizarre, ce doit être le coktail fatigue + stress + inconscient (+ chocos prince?) ...

Donc encore de drôles de cauchemards au péage de Romans...

Je continue mon chemin jusqu'à Voirons où j'enchaine avec la nationale - plutôt avec les montagnes russes. Aujourd'hui je suis bien lourd et les 480 équidés se sentent bien seuls sur les pentes à 9-10%... le compteur descend même jusqu'à 28 Km/h dans la plus balèze, j'ai tout le loisir de contempler le triste paysage isèrois (triste car mouillé), et d'en faire profiter aux 79 automobilistes qui m'adorent derrière...

11h10, je suis à destination. 11h45, je passe à quai, et comme ils ont apparemment décidé de décharger : j'en profite pour manger. Ironie du sort / et anecdote fantastique : je mange du jambon qui a été créé ici... il a juste fait 5000 Km avant de revenir mourir sur ses terres...

Oui, j'ai une vie passionnante.

A 12h15 on frappe à ma porte; je pense que c'est fini mais l'ami moustachu me dit : "ok, tu peux te mettre au quai 12 maintenant? on revient à 14h!"... bon, c'est super, j'aurais pû profiter tranquillement de la cantoche mais non, j'ai avalé mes bouts de jambons à la hâte et maintenant je n'ai plus faim... bravo...
Je quitte les lieux à 15h, après avoir lavé et récupéré les crochets. Pour l'itinéraire de retour j'hésite un instant à couper par la nationale (interdite aux PL) : en effet lorsqu'on regarde sur la carte (ci contre) on peut voir que j'ai le choix entre une ligne droite et un arc de cercle... entre un itinéraire logique et un contournement par l'agglomération Lyonnaise... entre une infraction et une sousmission docile... à contre coeur - car j'ai pleinement conscience de polluer/perdre du temps/congestionner la rocade - je prends la route "obligatoire". Résultat je me retrouve planté aux Echets car il y a des travaux et une circulation alternée : la totale... 20 minutes de plus de perdu.

Je coupe au dépôt et comme je suis tout seul - comme il fait froid - comme je suis un fin gourmet : je mange un cassoulet en boite.

un camion


un village

Vendredi 5

Je ne sais pas dans quelle aventure je m'embarque mais je ne suis pas trop rassuré dès le réveil, à 1h30. Certes je ne suis pas célèbre pour mon manque de pessimisme, mais là j'ai beau tourner mon programme dans tous les sens : ça va être tendu; nous sommes vendredi, je pars pour l'Italie avec une tournée composée de 3 livraisons - la dernière à Padova. Je réfléchis à tout ça sous la douche... et j'en arrive à la synthèse suivante : "on verra bien".

2h22 : c'est parti pour le show. Je traverse Bourg, Bourg désertique, Bourg néanmoins infernale de par sa horde de feux tricolores à forte tendance rougeâtre... cela ne fait pas 2 minutes que je roule et mon téléphone sonne déjà : à l'autre bout de la France il y a une autre bestiole nocturne, nous nous accompagnons virtuellement dans notre bestiolitude .
Je roule léger, la voie est libre, je gagne un temps fou : en 2h24 je suis au tunnel, et, après une attente laborieuse de plus d'une demie heure, je continue sur Viverone où j'arrive en établissant mon record absolu : 4h04! (4h20 en moyenne)... Adieu touristes, mamies, Cayons, gendarmes et autres grumeaux, cette nuit le ruban se deroule devant moi et j'aime ça. (je précise à l'attention des pseudo-réactionnaires qui vont sauter sur ces lignes et les fustiger : je fais ici l'apologie de la conduite solitaire et non de la conduite dangereuse, qu'on se comprenne bien...)

Quelle mauvaise surprise en arrivant chez mon premier client! Un mec vient me voir, il me demande un truc du genre : "heu, qu'est que tu viens faire ici?"... car personne ne m'a mis au courant mais l'adresse que j'ai, l'adresse où l'on avait l'habitude de livrer, cette adresse a changé suite à un déménagement datant de... la semaine dernière... Régis-la chance, le retour...
Le nouvel entrepôt est situé dans le nord milanais, près de Busto Arizio, un endroit difficile d'accès et propice aux embouteillages. Pas le temps de chercher l'adresse mieux que ça : j'appelle directement et j'essaie de comprendre ce que l'on m'explique au téléphone. Je ne me perds pas, je m'arrête juste demander à deux reprises pour être sûr, et j'arrive enfin à destination. Tout le monde sort dehors lorsque je m'engage dans la manoeuvre... heu oui? c'est pourquoi?... c'est tout simplement parce qu'aujourd'hui plus que jamais je suis une star : je suis le premier à me mettre à quai ici, j'inaugure les lieux. Une anecdote de Régis ne peux pas ne pas être dramatique : je suis obligé d'abandonner la manoeuvre au risque d'écraser le moteur de la porte automatique situé au dessus du quai mais trop bas pour ma semie... donc finalement nous déchargeons à l'extérieur sous les huées des supporters.

Je laisse de précieuses minutes pour sortir de ce nord-milanais et je fonce sur Brescia. J'arrive à 11h57 pour être précis et je cours sur le quai, dans la psychose d'un éventuel report de déchargement à 14h... mais je suis décidément trop stressé : on sort les deux palettes tranquillement, sans histoires.

Il me reste 2h22 (tiens comme mon heure de départ?) pour atteindre le nord de Padova. L'A4 est horrible, je déteste profondément cette autoroute, elle me conduit néanmoins à destination. Chez mon client il me reste 14 minutes, une fois vide je suis contraint de quitter les lieux faute de place, alors je pars à l'aventure et je trouve un endroit pas trop mal, dans une contre allée de la SS11; je m'y arrète avec 09h59 de volant... tout est calculé.

tout seul dans la vallée d'Aoste


le soleil se lève sur Novara


un bon vieux Eurostar


Veneto

Samedi 6

Ce matin c'est grasse mat': debout à 5h45.

Je recharge à Mantova; les premiers kilomètres sont ensoleillés et ma foi très agréables, mais soudain, alors que j'approche de la sortie d'autoroute, un mur dont je ne perçois pas les limites me fait face : le brouillard. En quelques dixaines mêtres je passe de la conduite tranquille à la conduite stressante avec un champ de visibilité qui m'amenuise dangereusement. Je fais quelques croisures angoissantes sur les petites routes (déjà assez dangereuses à l'origine), je peste contre les (...) qui roulent comme des (...) dans ces conditions de (...)

7h50 je suis à destination, le carsite m'indique un quai, j'attends devant. Le temps passe... rien d'autre ne se passe hormis le temps... j'attends toujours devant mon quai. Je commence à trouver ça louche, je pars à la recherche de quelqu'un... et je tombe sur mon cariste en train de m'attendre devant un autre quai... incompréhension totale.

9h15 je reprends la route, direction Bourg en Bresse.
Sur l'A4 une petite Punto me fait une grande frayeur, heureusement j'ai vu venir l'embrouille et j'ai pû l'esquiver : Je roulais à droite, pénard, lorsque les voitures ont commencée à s'accumuler dans ma distance de sécurité, la sortie "Seriate" se profilait à l'horizon. Comme tout le monde commençait à freiner et que de plus en plus de voitures venaient s'agglutiner sous mon nez, j'entrepris de mettre le cligontant et de doubler cette joyeuse farandole... Tout se passa bien, les voitures continuèrent à rouler pare-choc contre pare-choc, la sortie Seriate était imminente... soudain, une petite Punto déboula à ma gauche, je la vis hésitante, le clignotant droit s'alluma... Mademoiselle désirait passer - au dernier moment - de la voie de gauche vers la sortie Seriate, en sachant que moi je me trouvais au milieu... et comme je le devinai elle fit piler tout le monde, moi y compris, pour y parvenir...
Une anecdote difficile à retranscrire mais vraiment affligeante... restons zen.

Je passe Milan sans encombre et je prévois de faire ma pause à l'autoport d'Aoste afin de pouvoir y faire aussi mes courses. Le problème c'est que l'accès en France est réglementé et donc l'autoport est sur-saturé : je m'arrète sur l'aire souvante et oublie le bonheur ultime d'un passage chez Carrefour.

il faut que je surveille le tachy, j'ai déjà 2 fois 10h cette semaine alors ce serait bien de ne pas faire 3.
8h57 sera le résultat final... tout est calculé.

je n'y vois rien


Régis à la montagne


hoooo...


je suis dans le bon sens

Dimanche 7

Lundi 8

Toujours en mode "décalé" ma semaine débute ce lundi soir, je débarque au dépôt à 23h. Olivier devrait bientôt arriver pour me léguer une partie de son chargement, ce qui constitituera avec 3 autres lots une tournée allant de Beauvais à Rouen. Pour l'heure j'entasse tout mon basard dans la cabine et je m'empresse de mettre le chauffage car il fait un froid glacial.

J'attèle une bi-temp', je vais me mettre à quai, Olivier arrive pile quand il faut, c'est parti pour un peu de manutention.

"un peu de manutention" disais-je?... beaucoup de manutentution! Il aura fallu tout déballer et tout remettre dans l'ordre... soit plus d'une heure de tire-pal avec les mains engourdies et le visage figé par le froid. Je fais un premier quart d'heure de pause directement après avoir enlevé le camion du quai, je bois un café pour sa chaleur et sa caféïne, il est maintenant 0h55, à défaut d'aller me coucher je prends la route - direction Paris.

 

 

 

Mardi 9

Il doit se passer des trucs louches dans les environs de Bourg en Bresse car il y a des flics à tous les rond-points... et pas des bedonnants avec la moustache : des mecs encagoulés prêts à en découdre via une opération commando... Il y en a même un qui reste debout à ras la route, en pleine ligne droite, en position dite "dominante", et qui ne bronche pas lorsque je suis contraint de passer très près de lui (car il y a un terre plein central) en lui insufflant au passage une déferlante glaciale... ce mec avait des allures de super-héros... ou alors il s'agissait d'un manequin en carton...

J'attrape l'autoroute à tournus; au péage il y a la horde traditionnelle de relayeurs qui s'entassent le long des bordures en béton, entourant au passage un pauvre citernier Hollandais qui ne leur avait rien fait. Tournus est un endroit "stratégique" pour les lignards de l'A6... mais Tounrus ne possède que 1 place PL et de belles bordures tout autour...

Pendant les 3h30 suivantes : je déroule de l'asphalte, j'écoute des live de Sonic Youth très très fort, je mange une tablette de chocolat et je bois 1,5 litres d'eau sans m'en rendre compte. La conduite de nuit - et surtout la conduite de nuit "blanche" - s'apparente souvent à du "grand n'importe quoi" en terme d'hygiène de vie.
Pause et nuit de 30 minutes juste avant Fleury en Bière, il n'y a pas une seconde à perdre si je souhaite passer la capitale avant la guerre.
Il est 6h lorsque je passe Villabé et je suis surpris de voir déjà autant de monde; j'hésite un instant : périph? francilienne? A86?... allez périph, quite à être dans un bouchon autant que la route soit la plus courte.

Finalement je traverse en ne rencontrant qu'un faible ralentissement à hauteur de Grigny, le reste - tout schuss. 8h, je suis chez mon premier client à Beauvais, j'étais déjà venu là à l'ère Vivrais mais le réceptionnaire ne se souviens pas de moi... je repars donc vexé direction Gournay en Bray, charmante bourgade dont la zone industrielle accueille une vielle usine avec un vieux réceptionnaire aigri dedans : je viens livrer apparemment "beaucoup trop tôt" et mon nouvel amis ne se prive pas de me communiquer sa mauvaise humeur... sait-il seulement qu'elle m'indiffère?
Je continue et traverse - une fois n'est pas coutûme - Rouen, une ville qui a au moins l'élégance d'offrir un joli panorama au routier de passage. J'aime bien... par contre je ne comprends pas trop le plan de circulation... je n'ai pas dû passer plus de 10 fois dans cette agglomération... enfin si, peut-être, parfois la mémoire vacille...
Pour ma dernière livraison je n'ai pas d'autre renseignement que "ZA" sur la lettre de voiture. Arrivé dans la petite ville je décide donc logiquement d'arpenter l'immense "parc d'activité", en long, en large, en travers... en vain. Et puis, ne trouvant toujours pas, je suis sommé de m'arrèter faire 30 minutes de pause sous la menace d'une infraction... génial. C'est en surfant rapidos sur internet que je vais résoudre l'énigme: la boite est situé à l'opposé de la ville, au milieu de nul part, pas dans une "ZA" en tous cas...
Je décharge juste avant midi et je repars en sens inverse.

J'ai bêtement fait confiance au tachygraphe et j'ai été très fier, pendant au moins 10 minutes, de finir cette journée avec 9h59 de volant... parce qu'il s'agit en fait de 9h59 sur la journée du 09 mars... et l'ami tachygraphe ne prend pas en compte les 8 minutes effectuées sur celle du 08 mars, bien qu'elles fassent parti de la même période...
Donc au final c'est une fausse joie, c'est 10h07, c'est une infraction latente, c'est un coup de hâche programmé dans cette machine infernale.

sur le périph'

Rouen

Mercredi 10

Cette coupure journalière devient tellement longue que je décide d'anticiper mon heure de départ : 17h de parking - je n'en peux plus.

Il me faut traverser Paris d'Ouest en Est;
Ca roule à peu près presque quasiment pas trop mal, j'arrive à destination beaucoup trop tôt, je me gare dans le coin du parking et je patiente avec un livre. Mais ma patience à des limites : celles de mon livre; au bout d'un moment je suis las d'être là; j'ai laissé mon n° de portable à la réception mais personne ne m'appelle : il n'y a que mon chef qui puisse m'aider, je lui envoie un SOS (un "S"-"O"-"S", pas un saucisson...) (rire aux larmes)
quelques minutes plus tard je passe à quai...

Une fois vide il me faut traverser Paris du Sud vers le Nord;
Ca roule nettement moins bien, cette A86 est cauchemardesque, je retrouve un semblant de fluidité sur l'A3 et arrive juste avant midi dans la mega plateforme qui renferme mon chargement. Tout va très vite, je suis même contraint d'attendre la fin de ma coupure avant de repartir, direction B-en-B.

Une fois plein il me faut traverser Paris du Nord vers le Sud;
Je décide de faire dans le radical : boulevard périphérique, ce choix s'avèrera payant.

Je quitte enfin le chef lieu du canton de Paris et m'éloigne vers des horizons plus calmes et moins pollués. C'est sur les grandes terres cultivées qui jouxtent la capitale que va s'offrir à mes yeux une apparition hallucinante : je conduisais peinard, une main sur le volant, l'autre dans le paquet de choco, je scrutais machinalement le ruban comme j'ai l'habitude de le faire 9 à 10 heures par jour, mon esprit souffrait d'un morne ennui devant le flôt incipide de voitures me dépassant par la gauche, alors je cherchai quelquechose de mieux à regarder sur ma droite... et quelle ne fût pas ma surprise...
Au début j'ai vu un gros nuage dans un champ, comme si un echappé du Paris Dakar s'était retrouvé là en cherchant un itinéraire qu'il n'avait de toutes façons pas compris dès le début puisqu'on lui avait filé une carte d'Amérique du Sud... puis en regardant mieux j'ai vu qu'il n'y avait pas "un" truc mais "des" trucs dans le champ, et qu'il ne s'agissait manifestement pas de pilotes de rally, car aucune pub sur les pelages, pas de casques non plus... mais alors, de quoi s'agit-il? pas de vaches, c'est trop svelte... pas de chevreuils, c'est plus grand... pas de poneys shetland, c'est plus digne... bon sang mais c'est bien sûr! il s'agit d'un troupeau cerfs! Ils sont là, ils courent à vive allure juste à coté de moi, ils remuent une poussière infernale... puis il s'arrètent en plein milieu mais restent très agités, on dirait qu'il jouent à quelque chose... (au foot peut-être?)... Je tente en vain d'immortaliser la scène mais il y a des arbres, les sujets sont peu propices à la pose-photo, et je conduis un camion... je parviens néanmoins à en cadrer une voir ci-contre (il s'agit de la photo avec des cerfs dessus et non de celle avec un vieux merco)

La prochaine fois je vous montre des ours.

L'A6 se déroule devant moi, les programmes de France Inter aussi. 19h20, nous sommes mercredi, voici "les questions du mercredi" - invitée : la présidente du Front Nationale, fille d'un célèbre borgne à l'esprit aussi large que son champ de vision. Non! Non! Non! Il est hors de question d'exposer une opinion politique ici, là, dans cette bafouille hebdomadaire qui n'a d'autre vocation que me rendre plus célèbre que Greg le millionnaire. Non! Je n'ai pas le droit de dire ici à quel point le discours que j'ai pû entendre déborde d'un opportunisme malsaint qui fait de la situation de "crise" actuelle un étendard pour diviser et instaurer une incommensurable haine d'autrui sous la bannière de l'insécurité... Non! Non! Non! je ne dirai pas que j'ai entendu, ce soir, pendant 40 minutes, un chien aboyer à la radio.

D'un Jean-Marie à l'autre il n'y a qu'un pas : en arrivant au dépôt je zappe sur "Rire et chansons", oui cela m'arrive lorsque j'ai envie d'être plus drôle et de mieux chanter. Ce soir je tombe sur le sketch du "lâcher de salopes" de Bigard, eu égard aux milliers des féministes extrémistes qui, je le sais, me lisent passionnément. L'oeuvre s'achève, un animateur aussi insignifiant que le jingle qui le précède exprime son avis (bien que personne n'en ait fait la demande) : "Holala, le "lâcher de salope", c'est vraisemblablement le meilleur sketch de tous les temps!"
Le "meilleur sketch de tous les temps"? je m'interroge...
_Ce chef d'oeuvre va-til ouvrir les portes de l'éternité artistique à son illustre auteur en le lui offrant sa place post mortem au Panthéon avec Victor Zola et Emile Hugo?
_Doit-on enseigner cette pierre angulaire de la poèsie romantique aux généations futures dès l'âge de la maternelle?
_N'est-il pas de bon ton de placer des citations de Bigard dans le petit Robert?... Lâcher: n. m. Action de laisser aller, de laisser partir. ex: "un lâcher de salopes" (JM Bigard)
_Bigard doit-il vraiment interpréter ce sketch place St Pierre?
_doit-on lui réserver - pour sa retraite et pour la bienséance - une cape, une épée et une place dans le célèbre club branché du quai Conti?

houlà, je m'égards.

vieux merco

stade de France

troupeau de cerfs

Jeudi 11

J'ai dormi 1/3 de nuit mais ça va, j'ai la forme. A 4h45 je suis sous la douche, à 5h15 je suis parti.

Il fait froid, un bon -2° au compteur, je m'en vais voir s'il fait plus chaud en Bretagne. A partir de Mâcon la N79 est recouverte d'une fine pellicule de neige frivole qui tourbillone derrière chaque véhicule avant de se redéposer sur le sol gelé. Etant chargé lourd, je ne me soucis guère de cette infime couche de givre, je roule à la régul'. C'est en arrivant sur les premières collines du charollais que je revois mon apprécation du terrain : j'ai ressenti une légère perte d'adhèrence sur une zone de travaux, je ne dépasse plus les 70Km/h. Dans une descente j'arrive précipitamment au cul d'un autre camion, et pour cause : il roule à 10 Km/h! faut pas abuser quand-même... allez, obligé de doubler, je n'ai pas envie de me faire rentrer dedans...
La RCEA a des allures de patinoire, je vais rouler en accordéon en rencontrant quelques véhicules échoués jusqu'à Moulins.

Pour le reste de l'itinéraire, je n'ai quasiment plus de dificulté, il fait de plus en plus beau, de plus en plus chaud derrière le pare-brise; arrivé en Bretagne je "tombe le pull" pour ne garder que le tee-shirt au grand désarroi des bigoudaines en émoi.

Je suis vide à 17h et je redescends sur Rennes. Je me retrouve sur le périph avec 9h50 de volant... pfff ça tombe très mal je ne connais pas d'endroit où aller... finalement je décide de faire un petit crochet pour atteindre le grand resto de Chateaubourg, je suis sûr d'y trouver une place.

Fin de la période avec 3 minutes en trop.

Ce soir je mange donc au restaurant, cela faisait longtemps... pourtant j'ai eu l'impression d'avoir repris la conversation là où je l'avais laissée... en tous cas j'ai bien mangé, c'est l'essentiel.

ce matin il a gelé

vieux griffon

sans queue ni tête

Vendredi 12

Aujourd'hui c'est l'anniversaire de mon grand frère alias Fredo01, alors 3...4... JOYEUX AAANNIVERSAIRE!!! JOYEUX AAAANNIVERSAIRE!!! JOYEUX AAAAAANNIVERSAIRE Fredôôôôôô - zéro unnnnn!!! JOYEUX AAAANNIIIIIIVERSAIRE!!!

Nous n'avons qu'un an d'écart, Fredo fête aujourd'hui ses 17 ans.

Ce matin je continue dans mon trip de vrai routman, je vais prendre le café au bar; j'y retrouve mon voisin de table d'hier, c'est comme si le sort avait décidé de s'acharner sur moi...
Décollage 6h45, direction la Vendée. Pour me réveiller, en plus du café, je m'envoie un vieux live de 1987 de Sonic Youth... résultat j'ai une envie soudaine de faire hurler une guitare au moyen d'un tournevis... Mais c'est impossible alors j'essaie de gérer ma frustration en pensant à autre chose... le vide se créer dans ma tête... je ne suis pas assez imaginatif...

Je n'ai pas réussi à localiser la rue de mon client donc en arrivant dans le village j'arrive vers l'inconnu. Je tente une première zone artisanale sans succès... alors je pars sur la rocade, à droite, au pif... je prends la deuxième sortie, au pif... et je tombe sur un panneau "pôle viande" : bingo! c'est ce que je cherchais! Je n'ai plus qu'à me laisser guider, en espèrant ne pas arriver chez Monsieur "Viande" - "Paul" de son prénom... une blague qui vous l'aurez remarqué ne fonctionne pas à l'écrit... quel dommage c'était si drôle...

Le lavage est en panne à l'abattoir... on m'apprte un tuyau d'arrosage d'à peine 10 mètres... et débrouille toi avec ça mon gars...
Pfff... pas facile du tout... quasiment une heure de perdu...
En ramenant la clé du local à la secrétaire, cette dernière m'annonce "ha bon, ça marchait pas? boon... allez... je vous prends juste heuuu... heuu... allez 5 euros?". Je ne me souviens plus de ma réponse précise mais cela devait ressembler à un truc du genre "5 euro???? t'hallucines la vioque!!! (ça je l'ai seulement pensé) 5 euro pour un tuyau d'arrosage??? non pas moyen..." Je ne lui ai rien donné et je suis parti, personne ne m'a couru après.

Je charge juste avant midi et fonce complèter dans le Poitou.
Arrivé sur place je suis très surpris : je n'ai jamais vu un abattoir aussi petit, ça ressemble à une ferme... Le quai, situé derrière le batiment ne laisse pas le droit à l'erreur et j'en ai la preuve en direct, devant moi, le chauffeur italien qui me libère la place frotte le spoileur de son FH sur un talu mal placé... je n'ai même pas pû le prévenir, je ne regardais pas...
Je charge rapidement et galère moi même pour me faire une place dans cette micro-cour merdique. Les bureaux sont à l'image de l'endroit, minuscules. Avant de partir je me lave les mains au milieu des machines de la chaine d'abattage... c'est plutôt "convivial" ici, c'est tellement petit qu'on voit tout... heureusement l'heure est au nettoyage et je n'assiste pas à un quelconque dépeçage.

J'ai une dernière ramasse près d'Auxerre, ce sera pour demain; je roule en surveillant la pendule pour ne pas dépasser 9h, j'arrive finalement au centre routier de Bourges... peu ravis d'être là... mais il y a la douche c'est toujours ça...

port de Nantes

j'ai chargé là

 

 

 

Samedi 13

Ouff... un peu plus et je me loupais ce matin... le réveil à sonné à 3h45, je l'ai éteint, et lorsque j'ai rouvert les yeux je ne savais pas si 10 minutes ou bien 3 heures s'étaient écoulées. Heureusement pour moi je ne pars qu'avec un petit quart d'heure de retard. Je dis "heureusement" en pensant aux ouvriers de l'abattoir qui viennent juste pour charger mon camion en ce samedi matin. le RDV est à 7h, c'est parti pour une course contre la montre.
La N151 n'est pas la plus belle route de France mais elle a l'aventage d'être déserte ce qui me permet de tâter un peu le terrain. Je redoutais un peu le brouillard, le verglas et les chevreuils, je n'aurai que les chevreuils - du moins UN chevreuil qui va me passer sous le nez au niveau de La Charité/Loire.

Je n'en reviens pas à quel point je suis précis (chanceux?) : à 6h55 je suis à destination, à 7h je suis à quai... comme si j'avais dormi dans la cour.
C'est parti pour 1 heure de viande. J'ai enfilé la blouse, j'ai enfilé les sur-chaussures, j'ai enfilé la charlotte (...), je suis paré pour la séance de musculation. Nous sommes trois : un qui amène les morceaux, un qui les accroche, et moi qui les range dans la semie. 5o minutes pour 16 tonnes de Boeuf, nous formons une dream team!
Un café, quelques lieux communs échangés et je m'en vais.

Il fait beau, la N6 n'a pas l'air de séduire les automobilistes alors je la garde, je me l'accapare. Je ne sais pas si c'est véritablement rentable de prendre cette route avec un complet de pendu... mais j'ai envie de conduire, pas de me battre pour trouver une place sur une autoroute fade. Cette descente vers le dépôt est tellement plaisante que j'en oublie même l'autoradio... à quoi bon mettre de la musique? je ne m'ennuie pas! j'observe avec attention la semie tanguer dans les virages, ça me distrait.

Je suis à Bourg à 12h45 - repas avec le chef, ça fait plaisir.
A 16h je suis officiellement en week-end - et en 4L.

La Charité sur Loire

complet de boeuf

Arnay le Duc, N6

Dimanche 14

Lundi 15

Le briquet allume la flamme bleutée du réchaud sur lequel repose la petite casserole et l'eau du café. Il est 7h, Marek prépare le petit déjeuner; deux tasses - Piotr dort encore dans la couchette du dessus. Ce lundi matin arrive comme une délivrance pour nos deux comparses qui n'ont trouvé mieux qu'une place de fortune sur le parking-voitures de l'aire du "Jarrier" (A85) - les 3 places poids lourds ayant été prises d'assaut. Ce repos hebdomadaire a été éreintant physiquement mais surtout psychologiquement; il a plu sans arrêt ce qui a contraint nos deux hommes à se cloîtrer dans cette cabine d'Actros qui n'est même pas "Megaspace". Déja le week end précedent il avait fallu réchauffer l'eau du bidon pour qu'elle redevienne liquide, les beaux jours se font attendre avec impatience.

Piotr tarde à se lever et Marek descend une première tasse de café en regardant le triste paysage solognot dont l'aire d'autoroute ne montre qu'un alignement d'arbres morts - sans leurs feuilles. Marek pense. En entendant ses ronflements il réalise qu'il ne peut plus supporter son binôme. Ce n'est pas qu'il soit méchant - il a le coeur sur la main - mais cette promiscuité devient insupportable. A deux il faut tout partager : le mode de vie, la place, les repas, les odeurs; l'intimité est quasi-inexistante et la qualité de vie en pâtit. Plusieurs fois déjà il a pensé abandonner mais ce travail reste une aubaine alors pour garder le moral Marek pense à sa famille, à sa maison, à un avenir dont le sort repose sur cette vie faite de sacrifices.

L'odeur du café est enfin arrivée à la couchette du haut, Piotr se réveille.

Marek revient un peu sur ses pensées : oublions un instant les désagréments "logistiques", Piotr n'est-il pas un agréable compagnon d'aventure avec qui tout partager? Une vie de solitaire à plusieurs milliers de Km de son pays n'est-elle pas plus usante? devant le tas de linge sale qui s'accumule sous la couchette il y a de quoi rester dubitatif...
Pendant que le Mercedes chauffe nos deux hommes improvisent une toilette sommaire; puis il s'habillent chacun à leur tour faute de place; remettent un peu d'ordre dans la "maison", et décollent enfin - Marek au volant, Piotr sur le siège passager.

La semaine dernière en Pologne, la semaine prochaine en Italie, le semaine suivante on ne sait où : le Mercedes est un camion tous terrains. Nos deux baroudeurs aiment rouler en Europe de l'Ouest et surtout en France. Certes l'accueil n'y est pas des plus chaleureux - surtout vis à vis des chauffeurs locaux - mais les paysages sont variés et les routes sont en état... on est loin de leur campagne d'origine.

Ils n'ont pas encore le GPS alors c'est Piotr qui endosse le rôle : carte sur les genoux, il pose un doigt sur "tunnel du Fréjus" et un autre sur "Bourges", il en déduit un itinéraire qui - ça tombe bien - est allégé en autoroute. L'autre bonne nouvelle du jour, c'est que pour de la route nationale ça roule très bien, c'est bon pour la conso.

La campagne berrichonne s'étire devant eux, "Nostalgie" résonne dans la cabine - en navigant sur la bande Fm on est tombé sur les Beatles, on a alors décidé de laisser ça. Deux heures se sont déjà écoulées. A l'entrée de Villeneuve sur Allier un feu tricolore passe au rouge, Marek s'arrète. De l'autre coté il y a un FH blanc qui s'arrête à son tour : sur le pare-brise la plaque "R-é-g-i-s" intrigue Marek, "c'est vraiment bizarre ce nom" pense-t-il alors, "impossible de pronomcer ça!", il pointe alors le camion du doigt, et, se tournant vers Piotr tout sourire : "RRReeuguii!?!"... "rrrééégui!?!"... "wréjis!?!"... et Piotr de surenchérir : "reukis!?!"... "rédji!?!"... Le feu repasse au vert, "Reukis" se s'aperçoit même pas que derrière le parbrise d'en face on se fend la poire - préoccupé qu'il est a attraper un choco Prince dans le fond du paquet, les deux camions s'éloignent.

poster FranceRoutes

poster Géo

Mardi 16

Il y a eu un sérieux accident sur l'autoroute A81 et une déviation est improvisée entre les sorties Laval et Château-Gontier. Xavier se retrouve donc malgré lui sur la nationale, plus stressé que jamais : déjà tout à l'heure au dépôt on lui a donné un mauvais numéro de remorque - le temps qu'il attèle la bonne et 7 minutes de tachygraphe s'étaient déjà envolées - voici que maintenant il faut sortir de l'autoroute!
Ce crochet ne lui coûte au final qu'une dixaine de minutes... mais de Rennes à Romorantin il faut 4h15, Xavier le sait très bien - il fait l'aller-retour tous les jours, il va donc falloir s'arrèter 45 minutes quelque part, hors de question de dépasser la conduite continue - c'est un motif de licenciement.

Dans l'absolu Xavier aimerait quitter cette boite, il partirait même volontier s'il était sûr de trouver mieux; aujourd'hui il se retrouve à faire "des navettes" et pour un passionné comme lui c'est frustrant. Il en a marre de partager son XF : impossible de laisser la moindre chose dans la cabine - on lui vole; et puis on lui a abîmé le parchoc, le rétro droit; et puis il y a toujours des marques de pieds un peu partout - parfois même sur la couchette; et puis il faut sans cesse vider les poubelles des autres (bouteilles vides, papiers de sandwich, mouchoirs...)
Il a beau solliciter ses supérieurs, impossible de se dépétrer du train-train quotidien Rennes-Romorantin / Romorantin-Rennes. Une fois on l'a envoyé sur Paris, une fois seulement.

Xavier decide de faire sa pause juste avant Le Mans. Sous les pompes de la station Shell il y a un magnifique camion-remorque scandinave; il le prend en photo - c'est pour envoyer à fierdetreroutier, un site qu'il aime bien.
Pas une minute à perdre, Xavier repars et annonce le retard à son exploitant ne connaisant pas le numéro de celui avec qui il effectue quotidiennement le relais.
Il est 17h lorsque arrive le péage de Romorantin, sur le parking un camion attend - moteur allumé.

Denis est fou de rage : on ne l'a même pas prévenu du retard, "sinon il se serait arrèté à Mornay" (parce qu'il y a repéré une "ptite serveuse pas mal"). Son circuit à lui c'est Belleville-Romorantin / Romorantin-Belleville.
Les deux hommes ne s'apprécient guère, surtout depuis cette histoire de porte-palettes accroché non-élucidée. On échange brièvement les papiers, et chacun repars en sens inverse avec sa nouvelle semie.

Ce n'est pas la peur d'arriver en retard qui lui met la pression, c'est juste que ce soir il y le huitième de final de ligue des champions et Denis n'envisage même pas l'éventualité de rater le coup d'envoi. Pour se mettre en condition il écoute RMC à fond, plus concentré sur les analyses de "coach Courbis" que sur la N7O. En prenant le virage de Sancoins à la corde, Denis se dit qu'il sera sûrement à l'heure, car c'est assez rare sur cette route mais il n'a pas trouvé plus lent que lui.
"Bon sang mais c'est dans l'axe qu'il faut le mettre Lissandro!" s'offusque notre spécialiste devant l'énoncé de la compo d'équipe, en entrant à 75Km'H dans l'agglomération de Chevagnes - uniquement ralenti par la chicane d'entrée qui suit le panneau. Denis se retrouve sur la N79 et garde un oeil attentif sur l'horloge - s'il décroche vite au dépôt, à 21h grand maximum il est dans son canapé.
Dans la côte de Charolles il rattrape une semie et, manque de chance, arrive à son niveau juste au moment où les deux voies se rejoignent pour n'en former qu'une. "put(...) d'enc(...) fait chi(...)!" enrage Denis car il sait qu'il n'y a plus possibilité de dépasser sur des dixaines de Km. Sans réfléchir et en vertu d'une tradition de conduite de type agressive, il "s'accroche" littéralement au parechoc d'en face, roule à environ 3 mètres de distance, décalé sur la gauche pour voir et se faire voir. Ce n'est pas que ce camion soit plus lent, c'est juste qu'il est plus lourd... alors au moindre "coup de cul" Denis est obligé de relâcher légèrement l'accélérateur - ce qui le met hors de lui. Il s'en moque du "pourquoi", il n'imagine pas une seconde que devant lui il y a 23 tonnes de viande en suspension, il n'a jamais vu autre chose que du groupage dans une semie, alors il continue comme ça, à mettre volontairement la pression.
Ni l'allumage des feux de brouillard, ni l'allumage des feux de détresse, ni le décalage sur la gauche du frigo d'en face n'éveilleront le cerveau abreuvé de ballon rond de Denis. Au niveau de la sortie Ste Cécile, le clignotant droit s'allume, le frigo sort de la RCEA, c'est la délivrance pour notre supporter. En dépassant il lit "Asotrans" sur le coté, il voit que le chauffeur lui fait un signe : il dresse subrepticement le pouce en l'air... Denis s'énerve "quoi! qu'est ce t'as!?"... il klaxonne violemment et il poursuit sa route.

ça brûle...

Mercredi 17

La rampe d'accès au tunnel du Mont blanc est encore recouverte de sel malgré le redoux. Luigi se fait une raison : "Il va encore falloir passer les jantes au Belgom pour les protéger de la rouille
, tiens d'ailleurs il faudra aussi racheter du Belgom..." C'est qu'une telle cathédrale ça s'entretient! Le camion c'est toute sa vie, c'est ce qu'il a de plus cher - dans tous les sens du terme. L'autre jour il a même été obligé de se justifier auprès de son banquier : l'ensemble tracteur + semie chiffre, au total, à plus de 220 000 euros - et la baisse d'activité qui s'installe n'est vraiment pas la bienvenue.
Aujourd'hui heureusement il est chargé complet et les 620 cheveaux rugissent dans un tonnerre d'échappement libre. A son arrivée sur la plateforme du tunnel, il est le premier, ce n'est pas bon signe : il risque d'y avoir beaucoup d'attente.

Voici maintenant 10 ans qu'il ralie le sud de l'Italie au Nord de la France, des primeurs à l'aller - de la viande au retour. Au début ça marchait fort, les prix étaient raisonnables; mais aujourd'hui certains acteurs sans scrupules cassent le marché et si les méthodes de travail ont peu changé, l'état d'esprit est différent. Au quotidien Luigi joue au chat et la souris avec tout ce qui s'apparente à de l'autorité. L'année dernière il a laissé un mois de bénéfice à la DRE lors d'un dépouillage de disque au péage de Toul, il ne l'a toujours pas digéré. La réglementation sociale il s'en moque, lui il travaille à sa manière et n'envisage pas de le faire autrement. Au prix d'efforts surhumains, Luigi s'est fait une place parmi "l'élite" : dans un pays on l'on s'attache particulièrement à l'image, se faire "reconnaître" sur la route est pour beaucoup un accomplissement. Luigi fait parti de ces mordus pour qui la réussite se traduit dans le langage du V8, d'ailleurs pour sur le coté de la cabine il y a ce fameux V8 en lettres d'or. Son camion est tellement beau que les enfants le montrent du doigt, que les touristes se prennent en photo devant, et qu'il attise les fantasmes les plus fous auprès des autres chauffeurs... on a même récemment parlé de lui sur un forum internet de routiers.

Toujours pas le moindre signe de voiture-pilote, Luigi va prendre un café. Il en a déjà bu 5 aujourd'hui et il en boira encore plusieurs avant d'atteindre le Mercato Carni di Roma où est prévue sa première livraison. Posté devant son joyau il inspecte les moindres recoins pour s'assurer que tout rutile, puis il va reprendre un café. De retour sur le parking il voit arriver un frigo français, il connait bien cette entreprise il y avait même charger un voyage il y a de ça quelques années. Luigi s'attarde quelques instant sur le FH car plus le temps passe plus il se demande si son prochain vaisseau ne sera pas un Volvo... le "700" en gros sur la réhausse ça pourrait en imposer!
En remontant dans sa cabine il croise le regard du chauffeur français, il l'a déjà vu, c'est le mec qui jouait de la guitare à quai, à 3h du mat', l'autre jour.
L'escorte arrive et ouvre accès au tunnel; il n'y a que ces deux camions dans le convoi, coté Italien Luigi prend ses distances et poursuit sa route en solitaire.

Mt Blanc

ça brûle encore...

Greg le millionnaire?

après le burkini, la burkauto.

Jeudi 18

Il est 20h et une petite dixaine de chauffeurs sont attablés au restaurant de l'autoport, on a déjà vu meilleure affluence à Suse. Un par table, comme pour insister dans la solitude, le tableau est d'un ennuyeux sans pareil.
Michel termine son dessert et il se dépêche car l'heure tourne et emmène avec elle une amplitude déjà rongée par 3h de rechargement laborieux ce matin. Il passerait bien la nuit ici, mais s'il veut rentrer la maison demain soir il doit rouler au moins jusqu'à la frontière.

La montée du Fréjus ne pose aucun problème au Man TGX flambant neuf que Michel à reçu l'automne dernier pour honorer 35 années d'un travail irréprochable pour la même enseigne. Il a été le premier chauffeur de l'entreprise, il n'en a pas connu d'autre; Il voit arriver la retraite avec une certaine appréhension : sa femme est partie, ses enfants son maintenant adultes, l'entreprise c'est un peu la famille d'adoption, aussi ces derniers temps les difficultés avouées par son chef l'ont beaucoup inquiètées : "peut-être faudra-t-il rendre les clés avant même les deux ans qu'il reste à tirer..." songe-t-il dans le grand tube qui ralie les routes françaises et italiennes. "Du beau gâchis en tous cas" poursuit-il "en arriver à 12 camions au prix d'un travail sans relâche : l'aventure est belle", d'autant plus belle que l'éthique de la maison a toujours été portée en étendard : on a toujours priviligié le qualitatif au quantitatif - l'entreprise aurait pû tripler de volume mais ne l'a pas fait. Aujourd'hui c'est dans cet état d'esprit que travaille Michel : il sait où manger, il sait où trouver des douches, il garde un avis critique sur son tachygraphe tout en s'alignant sur les évolutions réglementaires qu'il trouve de plus en plus contraignantes. Il n'avait pas pris de PV pendant 12 ans... il en a pris 2 le mois dernier... et à chaque fois - impossible de justifier les quelques minutes de dépassement, 135 euros et au suivant!

Vu la tournure des évenements Michel en arrive à déconseiller de faire chauffeur aux jeunes générations, et pourtant il l'aime ce métier, il n'imagine pas une seconde faire autre chose. Il a roulé un peu partout en Europe, ensuite il a roulé un peu partout en Italie, aujourd'hui il ne dessert plus que le Nord de la botte...mais c'est déjà pas mal car d'autres ne franchissent même plus la frontière.

9h44 de volant, il arrive à la Total de St Julien de MtDenis, il reste une place sur le parking entre un Dentressangle pas Français et un Mutti pas Italien...

Dernièrement il a acquis un ordinateur portable et depuis il consacre des soirées entières à jouer à "la dame de pic", ça passe le temps... et puis simultanéement il suit la défaite de l'OM à la radio, il n'est pas particulièrement féru de football mais il a pris l'habitude de suivre les matchs, ainsi il aura de la matière pour discuter demain matin au café.

Alors qu'il débute sa 17ème partie Michel voit un frigo entrer dans la station; "non, pas par ici" pense-t-il alors, soucieux de passer une nuit au calme. Finalement il se réjouit de voir que l'ensemble Asotrans - qu'il croise fréquemment lorsqu'il va au carrelage, dans la région de Modena - va se garer coté voiture, pour y passer la nuit.

l'attraction du repas

vieux F2000

parfois je ne mange pas des pâtes...

Vendredi 19

Bon sang mais elle se situe où cette "Rue de l'Europe" ? elle n'éxiste ni sur le GPS, ni sur Mappy, ni sur le panneau d'information à l'entrée de la zone ! Cela fait maintenant un bon quart d'heure que Luis tourne en rond et il commence à perdre patience. Il a 20 tonnes de crevettes à livrer dans une base discount, il a roulé toute la nuit, il aimerait juste aller se coucher. Il est pourtant déjà venu dans cette zone, il ne pensait pas avoir de problème. Le téléphone devrait bientôt sonner car Luis est géo-localisé en temps réel et ses "tournages en rond" ne vont pas tarder à se voir.
Par hasard et malgré le panneau "voie sans issue" il s'engage sur une route apparamment très récente, il a vu un camion en sortir; après 300 mètres c'est la délivrance : il aperçoit le grand batiment neuf, tout juste sorti de terre, avec le logo de l'enseigne discount qui trône tel un blason sur ce champ de bataille économique.
Il n'y a pas encore de barrière, Luis se gare sur le parking le plus près possible du poste de garde pour éviter de trop marcher, il y a une dixaine d'autres camions en attente.

Le visage buriné par une nuit d'autoroute il complète le protocole de sécurité et se met dans la file d'attente où visiblement l'ambiance à l'air tendue. 2O minutes plus tard Luis présente enfin ses documents à un réceptionnaire qui se contente de tendre le bras sans lever la tête, de jeter un oeil sur le nom de l'expéditeur, et de refaire passer les papiers de l'autre coté du hublot accompagnés d'un indifférent "13h, pas avant..." toujours sans regarder son vis à vis. Luis tente d'obtenir plus d'explications, en vain, on le prie de laisser le guichet au chauffeur suivant.

Alors il s'en retourne au camion, il est 9h30. Il envoie un mail à son affrèteur mais ne reçoit pas de réponse. Il est dépité : vider un vendredi après midi c'est un coup à ne pas pouvoir recharger et à camper dans le coin... Luis aurait au moins aimé être averti. Finalement la fatigue surpasse la colère et il s'endort comme ça, sur son volant, la tête inconfortablement coincée dans ses avant-bras. A plusieurs reprises il entendra des coup de klaxon de chauffeurs apparament très contents de se croiser 3 ou 4 fois par jour, mais ce n'est que lorsque le gardien viendra frapper brutalement sa portière pour lui annoncer "quai numéro 47" qu'il sortira véritablement de son coma.

La base est toute neuve et il n'y a même pas 50cm entre les camions lorsqu'ils sont à quai... c'est à se demander qui a imaginé un truc pareil. Une fois le camion en place Luis enfile son gilet et ses chaussures de sécurité pour entrer sur le quai. Il découvre avec amertume qu'ici c'est LUI le cariste!... et oui, on a dit discount... puis il découvre qu'il n'y a même pas assez de tire-pal pour tout le monde, il faut attendre que Marcel ait fini de sortir ses 33 palettes de fromage pour avoir le droit de vider. Luis est à Bout... il peste contre ces clients de mer(...) qu'il fait hélas de plus en plus souvent, surtout lorsqu'il vient en France.

Son tour arrive enfin. Pendant qu'il décharge, il garde un oeil sur le camion : un autre manoeuvre pour se mettre au 46. Luis se dépêche de finir pour cèder à son tour le seul et unique tire-pal au chauffeur. Ce dernier n'est pas enchanté non plus de cette organisation et un soupir de compassion simultanée accompagne l'échange.
Luis remonte dans sa cabine en tachant de le pas toucher celle d'à coté avec sa portière, puis il avance doucement en lisant "SNARTOSA" dans son rétro, il échoue enfin sur le parking d'accueil pour y passer sa nuit.

3 heures plus tard Luis se fera virer comme un mal-propre car il est interdit de couper ici.

made in Bourg en Bresse

Samedi 20

Dimanche 21

Nous sommes dimanche, il est 17h, c'est parti pour une nouvelle semaine.
Mon camion étant passé à la vidange samedi, les clés sont restées au bureau... et les clés du bureau sont avec celles du camion. J'ai de la chance, il y a Florent qui s'apprétait tout juste à partir, sans lui je serais resté planté au milieu de la cour.
Mon dieu quelle horreur : l'autoradio est calé sur Fun-Radio ce qui provoque chez moi un fort réflexe répulsif consistant à appuyer sur n'importe quel bouton pour anéantir Rihana. Le siège est dérèglé; je suis maniaque au point de mettre plusieurs jours avant de retrouver une position qui me satisfasse...

Il fait beau et relativement chaud, sur l'A40 il reste quelques persévérants avec des skis sur le toit des voitures, il y a deux catégories : il s'agit soit de mon banquier qui se paie le luxe de skier au dessus de 3000 avec mon argent, soit de mordus de la glisse pour qui skier dans les cailloux c'est pas pire que skier dans l'herbe. En effet il faut se rendre à l'évidence, la neige n'est plus; la neige s'est changée en eau, formant tout d'abord une flaque puis s'écoulant dans un fossé, un bief, une rivière, un fleuve, une mer, un océan, puis s'évaporant pour rejoindre un nuage... et retomber sur terre sous forme de pluie, pour atteindre une nappe fréatique et se faire aspirer par une pompe "Suez environnement" qui la conduira dans une canalisation, cette dernière aboutissant aux toilettes de M Dupont qui malheureusement oublie toujours de tirer la chasse d'eau...

J'arrive au tunnel du Mont Blanc, l'endroit est désertique. J'attends les voitures pilotes plus de 3/4 d'heure mais je reste stoïque, attendre ou ou ne pas attendre... telle est la question.
Coté Italien je lève le pied pour laisser un collèque de chez Olano me dépasser car manifestement il est très pressé. Je roule jusqu'à Viverone où il y a ma place habituelle qui m'attend. La suite c'est du classique ; je traverse Milano dans le noir, je chante n'importe comment jusqu'à Reggio Emilia, terminus, couchette.

Lundi 22

D'habitude chez ce client la semie est à peu près en ordre lorsque je quitte le quai... aujourd'hui non. C'est tout par terre, c'est tout mélangé, ça pue, ça dégouline... en plus mes gants sont trempés (je les ai laissé sur le marche-pied et jes roulé sous le déluge)... bref, ce matin je patoge dans l'inconfortable. Comme je ne suis pas à cela près, j'entreprends de laver la semie au jet d'eau et je termine définitivement trempé. Il n'y a pas de douche dans cet endroit génial alors j'improvise un lavage de moi-même avec mon gel-douche devant un lavabo pourri. Je pars en fin de matinée.

Je recharge à Florence et les Appenins apparaissent plus insurmontables que jamais au vu de la file de camion-escargots qui s'agglutinent sur ses versants; interdit de dépasser - 30 Km/h - 30 minutes de perdues. Cela dit je ne suis pas en retard, le quai n'est même pas libre lorsque j'arrive, je lis quelques pages de Desproges.
Mon tour est venu d'user de mon extraordinaire dextérité au transpalette électrique : deux clients à charger, une heure de manutention acrobatique au terme de laquelle le chef cariste me dit le message suivant : "tu vois le carton là-bas tout au fond? et bien je me suis trompé il va avec ta première livraison, avec les trois dernières palettes". Heu... oui d'accord c'est sympa de prévenir mais je fais comment maintenant que tout est chargé? il me fait alors un sourire complaisant qui signifie à la fois "désolé" et à la fois "tu te débrouilles mec".
Je fais les papiers et je m'en vais, il est 16h.

Je longe la côte sans trop voir la mer, je traverse Genova sans trop voir la ville, je monte le Turchino sous le déluge sans trop voir la route. Je fais une pause juste avant Alessandria, pause durant laquelle j'écoute l'émission qui fait parti de celles à ne pas manquer dans mon programme radiophonique quotidien ,"Le téléphone sonne" d'Alain Bédouet sur Inter - 19h20. la suite du voyage est nettement plus calme, je traverse Torino sans encombre et j'arrive au Gran Bosco sans dépasser 9h de volant, là était mon point de mire. Je me pose sur le parking du fond, en sens inverse pour ne pas gêner. Je lis un peu mais m'endors très vite.

c'est Las Vegas...

le mec n'a pas compris pourquoi je shootais son camion... bon sang mais un série 3 Streamline !!!

Genova

Mardi 23

J'aime l'aire du Gran Bosco! La douche y est toujours impeccable, et puis le mec qui s'en occupe est cool : aujourd'hui pour payer les 2,50 euros j'ai soit un billet de 20, soit une pièce de 2... il m'a pris la pièce de 2 en me disant "c'est bon, on va pas s'embarrasser avec de la monnaie".
En sortant du lavage je décide d'aller boire un café au bar - et de justement ramener la monnaie au mec cool car sa douche est décidément très propre... mais je suis obligé de revoir mon plan car la station est envahie de jeunes - collègiens je suppose - qui attendent les bras remplis de paquets de Pringles et M&M's devant la caissière qui manifestement s'en sort très mal... j'abandonne et retourne au camion, il est bientôt l'heure de décoller.

Sur le parking nous sommes 4, 4 camions aux couleurs d'une entreprise française : 4 semies immatriculées en France et 3 tracteurs immatriculés en Roumanie...un bel échantillon représentatif du TRM français...

Allez c'est parti, 9h30, il fait beau, je fonce sur Grenoble pour livrer avant midi.
J'arrive, je fais la manoeuvre (de plus en plus compliquée ici vu qu'ils garent leurs camionettes n'importe comment), j'ouvre les portes, j'attends un court instant. Le réceptionnaire arrive... pas "bonjour", rien, il ne deigne même pas regarder en ma direction tellement il est courtois. Avec Thomas nous commençons à bien le connaitre, ce mec fait parti de l'espèce des "aigris de la vie" qui se distinguent par leur manque de politesse, de sympatie, de jovialité, de respect et par leur comportements généralement peu primesautiers... c'est à se demander qu'est ce qui agaie sa vie? fait-il toujours la gueule comme ça ou bien réserve-il ce masque pour ses journées de travail? Aujourd'hui il n'ouvrira sa bouche qu'une seule fois, en me voyant remettre 3 palettes-europe moi-même dans la semie, et à l'attention de son collègue qui semble presque aussi sympathique : "Tu comprends il recharge lui-même les palettes, comme ça il prend les plus belles!"... je reste stupéfait devant autant de méchanceté gratuite et je me retiens de lui mettre un coup de boule.
Avant de partir - j'ai failli oublier - il me faut crapahuter sur les palettes pour aller chercher le colis situé tout devant : alors j'escalade, j'essaie de ne pas trop ecraser les cartons avec mes pas de 80kg, j'ai la tête dans la penderie et les lannières à taquets qui viennent frotter contre mes vêtements...génial...j'estime à plusieurs milliards le nombre de germes issues de viandes diverses à se retrouver sur moi.

Je traverse la rocade juste avant midi et je roule jusqu'à l'aire de "Coiranne" pour une pause macédoine. Comme prévu le grand Suèdois croise ma route, c'est à croire que nous sommes tous deux des lignards... non?

Un crochet par le dépôt pour le gazole et le lavage, puis je continue direction la Bretagne. En 09h25 j'arrive au péage de Romorantin, il me reste plus d'une demie heure à rouler mais je stoppe ici car je sais que durant cette période je ne trouverai rien pour me garer... en effet - et Phil26 nous la démontré en photo - personne n'a eu la présence d'esprit de penser aux camions sur la portion Romorantin-Blois, pas de parking, rien. Donc, tant pis mais c'est comme ça, je m'arrête derrière la barrière de péage... et j'ai la joie d'assister à des relais de "Lahaye" par milliers...

grand beau temps en Maurienne

un photographe FDR?

RCEA

il faut remettre les mots dans l'ordre?

Mercredi 24

Je me réveille à coté d'un magnifique Scania Pellet Moine, et à coté d'Andrik mon colègue qui a dû arriver dans la nuit.
Je traverse Blois avant 7h, c'est encore très calme, j'enchaine sur Vendôme avant 7h30, sans problème... c'est sur le reste du parcours que je vais rencontrer tout ce qui se fait de plus lent sur route : pour atteindre Fougères il me faudra doubler 7 ou 8 tracteurs, 2 voiturettes, plusieurs vélos, une vieille en AX, un type qui téléphone... c'est sôulant, d'autant plus que je roule à 40t et qu'il me faut à chaque fois plusieurs centaines de mêtres pour entreprendre de telles manoeuvres.
Résultat, ce qui passe d'ordinaire en 4h10 atteindra aujourd'hui les 4h30 le temps que je fasse la manoeuvre...

On décharge tout de suite.
Au moment de signer le bon de palettes je constate que les 3 dernières signatures sur la feuille sont les miennes... je suis effectivement un lignard.

J'ai le temps, je ne recharge que demain matin, je m'arrête manger sur "l'aire de la Baie" et, à défaut de prendre la Baie du Mt Saint Michel en photo (on y voit rien avec ce temps pourri), je prends des vaches qui brouttent mollement l'herbe tendre, car j'ai le souvenir d'une conversation téléphonique durant laquelle mon interlocuteur - Phil26 - m'interrompit en m'annonçant : "attends! attends! 2 minutes! faut je prenne les vaches en photo parce que Bibi elle aime bien"... je tiens moi aussi à fayoter.

Des vaches qui brouttent à l'abattoir, il n'y a qu'un pas : je me présente dans l'après midi au cas où l'on puisse charger. Réponse négative, tant pis.
Du coup je passe du temps sur la piste de lavage. Je demande du "produit" pour nettoyer l'intérieur, un des laveurs m'amène un seau et me dit "verse ça sur le plancher mais fait gaffe c'est très fort, ne t'en mets surtout pas sur la peau ou les vêtement, encore moins dans les yeux" ... j'ai donc le seau dans les mains et je suis pétrifié. Je le verse le plus délicatement du monde en tâchant de ne pas éternuer. Effectivement ça à l'air hyper agressif son produit : la mixture se transforme en mousse épaisse a contact de l'inox, une forte odeur d'amoniac s'en émane, l'atmosphère devient dangereux, je me sauve! Je laisse agir un moment en espèrant que le produit ne dissolve pas le plancher, puis je re-rentre armé du jet haute pression pour rincer à grandes eaux. Je pense avoir perdu quelques années d'espèrance de vie en respirant l'air vicié, et je constate que le produit à laissé des traces blanches sur le sol... génial... le laveur m'en donne un autre "pour faire partir les traces", je re-laisse agir, mais toujours ces traces blanches... je rince à nouveau à grandes eaux et finalement ça finit par partir, au prix d'efforts titanesques.

Je passe une heure dans la moiteur de ce lavage, aussi mon premier reflexe une fois la semie propre est de foncer sous la douche. J'en ressors frais et fringant pour une fin de journée sous le déluge, puis sous l'orage, puis sous la pluie fine... j'avais pensé faire un tour un pied pour fuir un peu ce cadre de l'abattoir, j'abandonne l'idée.

un beau Scania

la version bovine du "vilain petit canard"...

un autre

en terres normandes

Jeudi 25

Ce matin pendant les chargeurs remplissent la semie de cochons j'assiste à l'arrivée du personnel et cela suffit à me distraire : j'essaie d'imaginer des prenoms sur les personnages qui défilent devant mes yeux agards... ensuite je vais prendre le petit dej' devant le distributeur des vestiaires, je voulais un thé mais il n'y en a pas alors je me rabat sur un café et j'attends qu'il refroidisse un peu. Les gens que je rencontre disent tous bien "bonjour", c'est agréable.

10h du mat',passage sur la bascule : 40t048 pile poil

Le moment de faire les papiers est mon étape préférée : il y a toujours une bonne demie heure d'attente, un temps que je consacre à la lecture assidue des divers magazines qui ornent la table basse de l'accueil. quelle joie d'y retrouvrer le vénérable "Porc Magazine"! une vraie bible pour qui s'intéresse à la filière. Je tombe aussi sur divers journaux qui traitent des stratégies économiques dans l'industrie agro-alimentaire... mais j'y reviendrais plus tard, cela m'a inspiré.

La route du retour reste la même via Fougères, Laval, Le Mans, Blois, Bourges, Moulins, Mâcon, Bourg; 9h30 chrono. Ce parcours se résumera à une alternance d'averses et d'éclaircies.

21h30, je suis au dépôt; je fais les pleins, je dételle... puis comme je ne connais pas trop la suite des évenements, je décide de passer la nuit dans le camion.

avant

pendant

après

Vendredi 26

J'ai mis le réveil à 5h, motivé à mettre à jour deux semaines de carnet de bord... je me suis levé à 7h30, puis j'ai re-dormi un peu sous la douche...

Ce matin j'emmène mon carrosse à la visite technique. Le temps de boire 3 fois le ju chez Volvo il est déjà 10h30.

11h, me voici en week-end, je repars peut-être samedi soir, peut-être en Croatie, peut-être ailleurs...
Une question me viens soudainement à l'esprit: si je roule dans la nuit de samedi à dimanche, ce qui est fort probable, qu'advient-il de l'heure qui disparait? (oui, attention on change d'heure ce weekend) une heure de conduite fantômatique? A 2h59 je suis à Milan - à 3h je suis à Brescia?

Samedi 27

Dimanche 28

(Note pour plus tard : ne plus jamais tirer de plans sur la comète) ... c'est pas comme si je n'avais pas l'habitude...

Pas de départ samedi, pas de Croatie, mais un réveil qui hurle à 5h ce dimanche matin pour me sortir du lit et faire plaisir à mes voisins. Avec le décalage horaire je n'ai pas dormi deux heures, déjà la nuit précédente c'était à peine 3 - vivement la nuit prochaine que je dépasse 4...

Traverser la Bresse un dimanche au petit matin c'est un peu comme rouler sur l'autoroute à contre-sens, le but du jeu étant d'éviter les voitures d'en face qui rentrent de "La clé des champs" - le nid à beaufs de la région.
Il fait un temps bien pourri, je suis au dépôt à 6h45, le camion est attelé, je complète la semie en fuel et je me sauve.
La route du Mont Blanc est d'un ennui sans commune mesure. Le jour se lève péniblement, les paysages détrempés sur fond de gros nuages gris offrent un tableau d'une tristesse infinie. A la radio il n'y a rien. C'est affreux.
2h30 qui en paraissent le double s'écoulent, je suis maintenant sur la plateforme du tunnel et j'attends. Il a re-neigé ce weekend; à coté de moi s'arrète un bus avec toute une délégation de gens déguisés en costume traditionnel de je ne sais quel pays - tous le monde sors en claquettes et en pyjama, il fait 3 dégrés.

Je passe en tête de l'autre coté du tunnel avec l'intention de m'arrêter dormir un moment sur le parking italien... mais ce dernier est condamné et on a installé un podium au millieu, sûrement pour la comémoration de la catastrophe de 1999 . Je continue donc ma route... finalement la fatigue et la monotonie se discipent au fur et à mesure que la lumière s'intensifie. De ce coté des Alpes il fait une magnifique journée printanière, l'herbe est verte, le ciel est bleu et en arrivant sur l'autoport d'Aoste c'est le coup de soleil assuré avec tous ces Waberer's.
J'ai 30 minutes pour dormir ou pour faire mes courses... je pars faire mes courses. Il y a monde pas possible à Carrouf, je perds un quart d'heure rien qu'à la caisse, mais au moins j'ai refais mes stocks de guerre.

J'arrive juste avant 14h chez mon premier client, près de Milan. Le weekend prochain c'est Pâques alors il y a trois fois plus d'activité qu'à l'accoutumée; j'en fais les frais : à 14h on m'indique le parking, à 17h seulement on m'indique le quai. Et quel quai! Une manoeuvre bien pourrie, des camions bien collés les uns aux autres... pas facile-facile... durant le déchargement un énorme bruit d'explosion fait sursauter tout le monde : c'est un coussin d'air qui vient d'éclater sur la semie italienne du chauffeur Roumain d'à coté... il souffle comme un vent de panique, à 17h45 je déguerpis sans me faire prier.

Je traverse Milan assez laborieusement, puis je me cale sur l'A4, il n'y a pas un camion... ce qui me fait apprécier finalement cette conduite dominicale.
En 8h56 j'arrive sur l'ultime aire de repos avant Padova, j'ai doublement de la chance car il reste une place contre un buisson.

Comme j'ai oublié de le faire ce matin, je change l'heure du tachygraphe.

les planteurs de weekend

sur l'A4

Lundi 29

9h plus tard, au même endroit, je démarre une nouvelle journée en me faufilant entre les échoués du week end qui dorment encore. En 20 minutes j'arrive pour ma seconde livraison, il y a un camion italien devant moi, j'attends. Puis vient mon tour de dormir une heure: je n'ai pas accès au quai, je ne vais pas m'en plaindre.

Une fois la semie débarassée de son lot de carcasses je fonce sur Mantova via la nationale; je dois impérativement faire laver l'intérieur avant de recharger. Je m'arrète donc à Legnano, comme la dernière fois, et ici encore je dois attendre mon tour.
20 euros plus tard je poursuis ma route et j'apprends que mon programme change : je ne recharge plus à Mantova mais à Montichiari... alors je fonce sur Montichiari un peu contrarié d'avoir perdu du temps sur cette nationale.

Il est 12h15 lorsque je me présente à l'accueil de l'usine, ici on travaille non-stop alors je passe direct à quai.
Un cariste m'amène les palettes et je les rentre dans la semie. Commence alors un petit "jeu" de "c'est qui qui va le plus vite avec son chariot" entre lui et moi... Nous sommes tous deux concentrés sur nos tire-pal électriques - la tension est palpable, la tension est même tire-palpable -, je commence à remonter mon retard, puis je prends de l'avance... hahaha le pauvre n'arrive plus à suivre : c'est MOI qui dicte le rythme! je triomphe rien qu'à devoir l'attendre en feignant de ne pas trop en faire... arrive alors la dernière palette... je m'en saisis et j'avance en direction du pont, quand soudain je ressens une résistance et je vois la palette pencher sur la gauche...pencher sur la gauche...pencher sur la gauche... et se renverser sur la gauche car je ne suis pas parvenu à la retenir avec mes petits bras musclés... Ha il a l'air malin le champion du monde de tire-pal! Par chance il n'y a pas de casse, seulement deux cartons un peu talés que l'on replacera au milieu de la palette pour éviter les réserves. Je quitte les lieux en rasant les murs.

Direction Lyon. Je n'ai pas les heures pour y aller, je prévois de m'arrèter à Motmélian mais j'arrive avec 9h10 de volant... alors quite à flinguer une "10h" je conti nue jusqu'à la première station après Chambéry.
Je passe la soirée sur internet car j'ai fait l'erreur d'acquérir un clé 3G... comme si j'avais assez de temps à consacrer à mes carrières de guitaristes et de carnet de boriste...

141!!!

le ju d'orange rend conne!

une bonne idée?

Mardi 30

J'ai réussi à caser 11h de repos mais j'ai peu dormi. Avant de partir je prends un chocolat-chaud hors de prix à la station...nous sommes mardi et j'ai déjà dépensé le budget de la semaine! (1,20 euro)
A 8h je suis chez le client, là encore il y a de l'attente. Par téléphone je prends connaissance de mon programme pour la suite : un chargement à Valence, puis un relais, puis un autre chargement pour l'Italie... pas vraiment tout capté mais on verra bien.

10h30, c'est parti pour le sud. Plus je descends, plus le temps est pourri... j'arrive à Valence sous le déluge, je manoeuvre les fenêtres fermées mais je me fais tremper quand-même car il faut bien aller ouvrir les portes de la semie. Une fois à quai, la pluie cesse... à 5 minutes près je serais resté sec!
J'ai rendez-vous avec Joel à l'abattoir, j'arrive trop tôt. j'hésite : je mange - je mange pas?... bon j'attends un peu... personne n'arrive... allez je mange!... 5 minutes s'écoulent et Joel arrive - le coup classic...
Je vais passer 3h dans cet abattoir, 3 heures de pur bonheur à me battre avec les bouts de viande : je me tape les 19t de cochon à ranger dans la semie, j'en attrape même des crampes au bras gauche (le bras "pousseur" - l'autre servant à fermer les taquets - je vous montrerai un jour). En plus il aura fallu tasser au maximum et garder la place pour 5 palettes... je pars d'ici avec de la viande au ras des portes.

Je passe Grenoble dans les premiers embouteillages du soir, je fonce ensuite vers le Fréjus. Sur ma route je croise Maxim26... et je reçois dans la foulée un message de Sweden... le réseau FDR fonctionne bien! Je trouvais ça bizarre de ne pas avoir vu ma Suèdoise aujourd'hui... bah oui, nous sommes mardi?! RDV pour un repas aux chandelles à l'autoport de Suse.

on passe de bonnes vacances Phil?

Joel au lavage

voici comment on se sert chez EssoExpress

Sweden hyper content

Mercredi 31

5h ce matin, pendant que la belle Suèdoise ronfle lamentablement en bavant sur son oreiller, je tire les rideaux et je pars vers Milan avec pour objectif d'arriver avant les embouteillages. Dès le début je sens que la journée va être tendue : l'autoroute est coupée à Avigliana, 10 minutes de perdues. J'assiste à un énième levé de soleil entre Turin et Milan (c'est à croire q'il se lève tous les jours); à 7h15 je suis - comme prévu - dans le basard de la tangenziale Est.

5o minutes pour vider 5 palettes, le calcul est simple mais pour une fois ça tombe pas trop mal : je devais caser 45 minutes de repos.
Je reprends cette fichue Tangenziale Est et fonce sur Modena, d'après mes calculs je devrais arriver à 11h20. Je roule, je roule, j'écoute la musique à fond, pendant ce temps là mon téléphone sonne... et je ne l'entends pas... donc je continue à rouler, je passe Piacenza, mon téléphone ressonne... c'est au troisième appel que mon oreille va m'alarmer : "allô Régis? t'as pas ton téléphone?"... heuu si si je l'ai chef mais heuu... comment dire... je suis en plein concert des Flaming Lips là... "t'as passé Piacenza?" heuu oui?... "bon, sors à la prochaine tu fais un relais à la douane"... ok sur ce coup là je n'ai pas assuré du tout.

Me voici donc à la dogana de Piacenza, il est 11h. J'hésite à manger mais j'attends, on ne sait jamais, peut-être qu'Alain va vouloir manger avec moi. Quelques instants plus tards je reçois un SMS : rdv pour le relais à 13h... bon... je continue à attendre sur le parking... Il fait un temps magnifique, une légère brise vient rafraichir l'air de la cabine, s'il n'y avait pas le râle continu du Carrier transicold cet instant serait des plus agréables. 13 h arrive et Alain aussi, nous échangeons nos semies et nous nous payons le café au bar, finalement je ne mangerai pas ce midi...
Chargé à la caféïne je remonte sur Gallarate en faisant au passage une livraison ultra rapide vers Lodi. Je recharge pour la région parisienne. En 9h j'attéris sur un bout de parking entre Ivrea et Quincinetto, fin de la journée.

quai design

le temps d'un feu rouge

je me déchire de + en +

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