Mon Carnet de bord... Suivez mes aventures, semaine après semaine!

Fevrier 2011

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Mardi 1

La solution sera Thierry Gremillet! Non je ne prépare pas un camion décoré, mais devant l'incompréhension totale avec notre sticker "maison" je fais appel à un pro de chez pro pour me refaire une enseigne... seulement il me faudra attendre un peu.
Ce matin il fait très froid, en français littéraire on peut même dire qu'il pèle sa race. Je me retrouve à charger en extérieur, avec mon gros blouson, mes gants et mon bonnet vissé sur la tête. Cela dure deux heures, bien assez longtemps pour attraper froid.

Je décolle sous un soleil radieux qui habille les paysages du veneto des couleurs les plus chatoyantes; oui, ça chatoie de tous les cotés... et comme par enchantement ce chatoyage vient illuminer de sa chatonoyance l'esprit enfermé entre quatres murs - 3 de tole, un de verre - du routier le moins épris de chatoyure. C'est beau. Beau comme un tableau de... beau comme un tableau de quelqu'un qui sait bien peindre.

Une pause à Dalmine pour manger un demi-concombre avec du maïs et du thon; je continue ma route en direction du Mont Blanc. Je profite de la pause obligatoire à Aoste pour aller m'acheter du dentifrice à carrouf... et je ne manque pas d'écrire ce moment palpitant dans ce carnet de bord en temps qu'évènement incontournable de ma journée. Sur le parking je retrouve Alain qui s'apprète lui aussi à vivsiter carrouf, il m'invite à l'accompagner, je refuse : marre de carrouf, et puis mes 45 minutes s'achèvent. Je monte jusqu'au tunnel où cette fois-ci c'est Jean-Claude qui attend l'escorte. Nous descendons ensemble le versant français et décidons de nos arrêter manger au CR de Cluses.

Nous roulons le ventre bien plein jusqu'à Bourg, sur la fin du parcours un voyant annonçant un défaut d'alimentation en ADblue s'allume à plusieurs reprises.

Vidor

comme je les aime!

le virage de Bergame

entre Santia et Ivrea

Mercredi 2

Je suis finalement rentré chez moi, uniquement parce que j'avais oublié de faire la vaisselle avant de partir ce dimanche.
De retour au dépôt je prends connaissance du programme : je continue avec mon chargement pour la bretagne. Comme j'ai relativement le temps je décide d'aller prendre la température au sujet de mon 540 en préparation chez Volvo. Ils n'y ont pas touché. Je suis encore un peu plus anxieux. Avant de partir j'évoque mes messages affichés au tableau de bord hier soir; le chef mécano, Dominic, me propose une petite manip et si elle ne marche pas il me faudra passer ici avec le camion.

La manip n'a pas fonctionné, je retourne donc chez Volvo, cette fois-ci en camion. Ici s'arrête ma journée de travail : la panne que je croyais anodine s'avère sérieuse : le moteur n'est plus alimenté en ADblue et risque de se "dégonfler"... c'est apparemment le froid qui est à l'origine du problème en endommageant des durites, des sondes, ou je ne sais pas quoi - je n'ai pas tout compris.
Les mécanos se prennent la tête à pour essayer de réparer de suite, ils y passent du temps et de l'énergie pendant que je me fais terriblement chier à compter le nombre de camion qu'il y a dans le garage (...4), rarement je me suis senti aussi inutile, voire dérangeant... finalement mon chef à la très bonne idée de venir me chercher : le camion ne bougera pas avant demain, je peux rentrer chez moi. Bybye la Bretagne, c'est Alain qui attelle ma semie.

Je passe donc une deuxième soirée à la maison, comme un type normal... et comme un type normal j'allume ma télé... je tombe sur Anna Calvi qui chante au Grand Journal... grosse impression.

une simple visite...

...qui va me coûter la journée

y'en a que pour Régis chez Volvo-Bourg

Jeudi 3

Ce qui me contrarie le plus ans l'histoire c'est que si les travaux n'avancent pas sur mon futur FH - rien de plus n'a été fait lorsque j'arrive chez Volvo ce matin -, c'est à cause de mon FH actuel qui, comme par vengeance de cet abandon programmé, me fait faux bon la dernière semaine.
Une fois n'est pas coutûme, enfin presque, je suis beaucoup trop en avance ce matin : la semie est en cour de chargement à l'abattoir, le tracteur est en cours de réparation au garage, et moi je suis en cours de glandage aigu au bureau.

Ce n'est que vers 12h30 que la situation va se débloquer, pile au moment où j'avais décidé de faire quelquechose : manger... trop tard. Je pars pour Brescia et Reggio (demain), une tournée facile qui me fera rentrer sans doute samedi.
Je me rattrape sur une part de pizza tout en escaladant le col de Ceignes, je passe en Italie et je coupe un moment à Aoste où je fais une petite siète... tellement méritée...
Je mange un peu d'embouteillages à Milan, et j'échoue dans la soirée devant le portail de mon premier client. Pas de radio en grandes ondes, j'écoute "Capital" une radio de la FM Italienne qui diffuse quelques trucs pas mal entre deux navets.

duel de bétailères

dernière photo de mon vénérable 3498 pour un dernier passage au tunnel

Vendredi 4

A 6h pétante je suis à quai. Je décharge la moitié de la semie. Une fois cette formalité accomplie je décide de prendre le temps d'un café au bar du coin, celui où j'avais entendu le long discours sur Berlusconi la dernière fois. Aujourd'hui, ce n'est pas la gérante vindicative derrière le comptoir, c'est sans doute son père, où son grand-père, ou alors son mec mais seulement si elle est gérontophile. En effet il s'agit d'un vieux papi, tout maigre, à moitié recroquevillé sur lui-même, avec l'oeil brillant bien qu'à demi clos sous le poids des lourdes paupières et des ages. Il a l'air gentil, je commande un café - il se précipite à me le faire en parlant tout seul - à moins que je n'aie pas vu quelqu'un d'autre dans cette pièce?. Il me sert. Un peu mal à l'aise de me retrouver tout seul avec ce sympathique fossile, je sort un truc débile du style : "fa freddo?!!" en me disant en moi même "très original Régis!"... ce que je ne sais pas encore à ce moment là, c'est que ces deux mots, formant le lieux commun le plus insignifiant dont dispose l'imaginatif humain en guise de réparti, vont s'avèrer être le coup d'envoi pour mon interlocuteur d'un interminable monologue diatonique à mon attention. En effet, papi se met à parler, pour moi tout seul, et ça n'en fini pas, il marmone des histoires sans doutes passionnantes mais je ne comprends rien de rien : il parle tout bas et sans doute dans une sorte de dialecte... pire, j'ai même du mal à saisir les questions - des affirmations - des remarques - des confidences - des blagues... mais c'est sans conséquence car il parle tout seul et la situation est vraiment rocambolesque : il a l'air vraiment content d'avoir trouvé un réceptacle à son histoire interminable et linéaire. Les minutes passent et je commence à me demander s'il ne s'agit pas d'une blague, il parle - parle - parle, ça n'en fini pas... j'essaie de faire des mimiques pour justifier mon écoute... puis je parviens lui annoncer qu'il faut que je parte, que je suis pressé...
Quel personnage incroyable! je reviendrais le voir un de ces 4... peut-être n'aura-t-il pas terminé son monologue devant un autre auditoire?

Je traverse le brouillard et quelques zones verglacées pour arriver à Reggio à 9h. Je reste 4h à Quai pour décharger une demie semie de jambons... puis au moment de laver je ne peux pas : l'eau du lavage serait gelée... je suis légèrement dubitatif, il fait 10 degrés.
Je dois donc faire laver ailleurs, je choisi "La vela" à 3/4 d'heure d'ici. Il me faut à nouveau attendre avant de pouvoir foncer sur Mantova et recharger.

Il est 17h lorsque je ferme les portes à ras les palettes et je décolle direction la France.

J'arrive au bout de mon amplitude à Viverone, je trouve une place de choix en bout de station, le frigo démarre ou s'éteind toutes les 2 minutes alors je le mets en "continu" pour passer une courte nuit.

levé...

...couché

Samedi 5

Je voulais prendre ma douche ce matin mais je n'ai plus que 1 euro en poche alors je choisi le café. De retour au camion je me trouve un peu bête : souvent la douche est gratuite dans les autogrill, je n'ai même pas demandé.

Je lève le camp à 5h30; une heure plus tard il me faut déjà m'arrêter car une régulation est mise en place à Aoste : il y a apparemment un PL en panne sous le tunnel. Génial... c'est la bonne surprise du samedi matin...

Dans l'attente je fais connaissance avec deux chauffeurs très sympa : un Italien de chez Vercesi et un Français de chez Perrier, l'attente devient donc moins pénible que prévue.

Une heure s'écoule puis soudain la barrière s'ouvre alors que je n'ai même pas entendu "Félindra! tête de tigre!" (Fort Boyard, pour les fans) Alors nous grimpons tous les trois jusqu'au tunnel où seuls le Vercesi et moi sommes priés de patienter encore un peu pour passer sous escorte. Du coup nous discutons devant un café. Il est très cool, parle bien français et me dresse un tableau effrayant quant à la situation du transport routier dans son pays, j'ai l'impression qu'il y a encore moins d'espoir à se faire de ce coté-ci des Alpes.
Nous passons sous le tunnel et nous séparons dès la descente car il faut bien l'avouer, il a beau être super sympa, il conduit comme un con : peu être a-t-il voulu m'impressioner mais il s'est mis à dépaser tout le monde dans la descente sinueuse de Servoz au péril de son beau Scania et de sa vie.
En ce qui me concerne, je me laisse couler, tranquillement retenu par le fein-moteur... ça me va très bien...

J'arrive au dépôt à 11h... et qui vois-je dans la cour? tout de blanc peinturluré? avec une horrible enseigne au dessus du pare-brise? oui c'est bien lui, c'est mon nouveau camion qui est là, fin prêt à manger du kilomètre.
Après inspection de la bête je suis vraiment rassuré : Ils ont assuré chez Volvo! j'ai eu tors de m'en inquièter. Il reste quelques détails à régler, notament en qui concerne les jantes... mais c'est déjà très bien! inespéré il y a seulement quelques semaines! Aussi je remercie vraiment tous ceux qui ont rendu ce camion possible : mon Chef, Volvo Bourg, Optimum publicités (malgré cette horreur d'enseigne), FDR (et notament Ludo25!), Sweden (pour l'idée du globXL bleu)... je me la joue cérémonie des oscars, mais l'oscar en question en vaut la peine!

Je passe mon après-midi à trier tout le basard accumulé dans l'ancien avant de le remettre dans le nouveau. Il fait nuit lorsque je décide de renter manger une pizza avec les potes, je reviendrai terminer demain...

alors?

joli?

oui, je sais, il y a cette enseigne... et puis les roues... et puis les ailes arrières...

Dimanche 6
Lundi 7

Mardi 8

Voici 2 ans jour pour jour que je suis asotransien, et, comme si tout était calculé, j'inaugure aujourd'hui-même ce nouveau Volvo qui m'a occupé autant qu'il a fait siffler mes oreilles tout le week end, c'est à dire : beaucoup. Le nouvel aménagement d'un camion me prend toujours un temps fou compte tenu que j'y entasse plus d'affaires que dans mon appartement... et puis il faut en profiter pour étudier de nouveaux plans d'occupation du territoire : quel placard pour quel fonction? quelle couchette pour dormir? quel siège pour conduire? où ranger le linge propre? où ranger le paquet de choco?
A l'instar du jour de l'an, c'est le moment ou l'on prend habituellement de bonnes résolutions que l'on tient en général pas plus d'une semaine, exemple : "allez, c'est décidé, le vide poche de gauche ne servira plus de poubelle!", ou encore : "maintenant je ne jette plus tout mon linge en boule dans les placards, je le trie!"... et puis dès le dimanche suivant, on a une heure de retard alors on bourre une pelleté de linge dans le placard du haut, puis comme on a pas mangé on se rabat sur le paquet de choco qui, une fois vide, ira se faire oublier au fond du vide poche... ÔÔÔ résolutions stupides...

Je débarque au dépôt en milieu de matinée, je ne connais pas mon programme. Il fût un temps question de baptiser le Volvo sur la terre de ses ancêtres : aller en Suède; finalement c'est sur la terre de son cousin Iveco que vais livrer une semie pleine de jambons, une semie lourde : il parait que c'est mieux pour le rodage - plus maintenant d'après mon chef.

Comme je suis finalement arrivé trop tôt, je peaufine les derniers préparatifs avant mise en circulation : je récupère mes nouvelles cartes, mes nouveaux badges-autoroute, mes documents de bord; puis j'effectue mon premier passage à la pompe : 820 litres de pur bonheur DANS les réservoirs + quelques goutelettes SUR les réservoirs car ces derniers sont dorénavant équipés de grille anti-siphonnage, un mal nécessaire vu la recrudescence - ou la recrue de gazole - des vols.
Il me faut attendre une semie, elle revient de Valence par les soins d'Ali - pas avant cet après midi. Je pars manger à la "Gougeonnette", la cantine des travailleurs de la zone Cénord.

C'est en milieu d'après-midi que j'accouple pour la première fois le Volvo à une Lamberet, c'est beau comme un documentaire animalier. La scène se passe d'ailleurs à l'abattoir et ici aussi le camion attise la curiosité, ma pub "FDR" sur le carénage remporte un grand succès, je commence à étudier l'éventualité d'une rémunération...
16h45, c'est le grand départ, voici un camion de plus laché sur les routes, au grand dam des bobo-écolos, pour le plus grand bonheur de ces mêmes Bobo-consommateurs.
Je commence direct par une pénible traversée de Bourg, dans les embouteillages. Pas de musique - de toute façon l'autoradio est toujours aussi pourri - j'écoute le comportement du véhicule, je suis à l'affût. Tout se passe bien, je m'applique à ne pas renverser l'ensemble dans le premier rond-point... à partir du deuxième c'est moins la honte; je roule quand même stressé, comme si j'avais la responsabilité d'un camion neuf, trop bien, et très cher entre les mains.
Tout va bien jusqu'au péage, puis, en m'élançant sur l'autoroute les vitesses ne passent pas malgré le mode "auto" et le camion secoue de l'avant... grosse inquiètude, je passe les vitesses en "manuel", puis je me remets en "auto" une fois en 12ème... je reste attentif à un éventuel signe bizarre mais tout va fonctionner pour le mieux sur la suite du parcours.

J'arrive au tunnel et passe dessous sans attendre : les voitures pilotes sont là. Je rejoins Jean-Claude à Viverone, nous buvons le café, puis je continue en solitaire jusqu'à Reggio Emilia où j'arrive avec mes jambons au milieu de la nuit.
Bilan de cette prise en main : je suis plus que jamais Volvophile, les Pontévaloises peuvent sortir tranquille.

jour

nuit

mes longues-portés visent un peu trop bas

Mercredi 9

Tout d'abord il faut prendre les tiges une à une et les faire glisser en sens envers dans une main pour décrocher tous les petits bouts de ficelles qui sont coincés. On met ces tiges en tas dans un coin, à l'arrière de la semie pour pouvoir les attraper d'en bas. Ensuite il faut regrouper tous ce qui va à la benne : ficelles, bouts de viande, bâches, en prenant soin de ne pas trop se salir car tout est dégoulinant de sang; on fait un tas et on jette. Il faut maintenant elever les crochets de la penderie pour les ranger dans des bacs en plastique qui iront dans les coffres avec les tiges... attention au dos : ces bacs peuvent dépasser 50 Kg. Il n'y a plus qu'à laver à grandes eaux et avec du produit si possible. Voilà ce qu'il faut faire après avoir déchargé des jambons.

Ce matin l'opération à été particulièrement pénible car les receptionnaires ont laissé un joyeux bordel dans la semie. Lorsque je termine enfin, juste avant midi, le gardien qui m'a regardé faire depuis le début sans bouger un ongle, me fait un geste sympathique pour dire à peu près "et bah mon gars! t'en as chié!"... je lui renvoie un acquiescement insignifiant.

Je fonce sur Mantova après avoir consacré 5 minutes et un bout de pizza froid à mon repas de midi, si on peut l'appeler ainsi.

Je charge une moitié de semie le temps d'une coupure, puis j'ai pour consigne d'aller en direction de Turin, rien de plus précis. Je vais donc en direction de Turin. En cour de route je prends connaissance de mon second chargement, il se situe dans un bled pommé non loin de Cuneo, je ne prends pas le temps de regarder ma carte et tape le nom du sus-décrit bled directement dans le GPS. C'est l'erreur du jour. Je ne pensais pas être encore assez débile pour faire ce genre d'erreur... et pourtant si. Le coup classic : je vois à peu près où se trouve le village alors j'y vais confiant... et puis lorsque j'arrive non loin de la destination le GPS m'indique une route étrange, une route que je n'ai pas trop envie de prendre... mais que je prends quand même comme pour mieux insister dans la connerie... et me voilà embarqué sur les versants d'une falaise, mais attention : à deux pas de ma destination! pfff...
Je prends ce soir une route vraiment pourrie sur une vingtaine de kilomètres, je suis dépité et anxieux sur cette vingtaine de kilomètres... puis je redescends de la montagne pénard comme si c'était la meilleure route à prendre. On va dire qu'il fallait roder le camion...

Avec tout ça il me faut refaire 45 minutes de pause dans le village qui précède celui que je vise... c'est pathétique.
J'arrive enfin, trouve l'usine, et me gare à coté d'un magnum de chez Antoine (TSM), un magnum immatriculé en France avec pourtant le pavillon Polonais qui trône fierement derrière le pare-brise et sans doute deux ressortissants qui ronflent dans les couchettes. J'aimerais rencontrer Monsieur Antoine, juste pour lui dire "merci, belle contribution à l'évolution du transport routier".

un Rocco à Reggio

il faut nettoyer...

...puis sortir les palettes

couleurs pastelles

Jeudi 10

Il y a effectivement deux Polonais dans le Magnum, je leur adresse un salut amical en allant me présenter à la réception. Je profite d'une courte attente pour me faire payer le café par un type qui traine devant la machine et qui possède une clé pour cette dernière. Il fait froid ce matin et voici un gobelet bienvenu, même s'il tord un peu les boyaux. Je passe du "froid" au "très froid" lorsqu'il s'agit de charger les palettes de surgelé au tire pal manuel : séance de remise en forme garantie.

Au moment de partir j'aperçois - dans le rétro - la secretaire qui me court après ... je me dis un instant "et voilà... encore une..." mais finalement non... non elle n'est pas tombé sous le charme, si elle me court après c'est parce qu'elle a gardé le CMR bleu alors qu'il fallait garder le rouge. Moi j'aurais eu tendance à en avoir un peu rien à faire, mais c'est apparemment très important, voire carrément vital vu sa sa course éffrénée.

En prenant la route je réalise que je suis sur les terres des "Movie Star Junkies", un groupe trop génial découvert comme tant d'autres au Saint Ant', à Mâcon. Du coup je passe leur dernier CD dans l'autoradio, comme ça j'ai le son et l'image.

Je roule jusqu'à Suse où j'achète une bouteille à offrir chez Volvo en remerciement du travail accompli sur le camion.. Je repasse en France via traforo del Fréjus, sans même croiser Sweden qui rode souvent dans le coin... à défaut de croiser un Suèdois c'est un Miko57 qui me fait coucou depuis la rocade de Chambéry.

J'arrive à Bourg, je passe un moment chez Volvo, j'ai le temps, je ne vide que ce soir et à 5 minutes d'ici. J'ai tellement le temps qu'une fois au dépôt je prends ma voiture et pars faire quelques courses chez Cultura. J'achète des cahiers, des pochettes, des stylos, des trombones, pleins de nouvelles fournitures pour le camion, une sorte de rentrée des classes en février... puis, soucieux de me cultiver un minimum je passe au rayon livres où je choisis des ouvrages divers et variés allant de Victor Hugo à Charles Bukowski en passant par Gogol; je termine mes emplettes avec un CD, celui d'Anna Calvi. Ca y est, je suis un consommateur acharné.
Il me faut manger quelquepart, j'opte pour la cafetéria Casino en faisant un bras d'honneur au McDo d'en face. Je mange des endives au jambon en regardant les teletubbies sur l'écran du parc à jouet. Pas facile à comprendre les Teletubbies, j'ai beau me concentrer très fort j'éprouve des difficultés...

Mais pourquoi-donc je raconte tout ça?

A 21h je pars livrer ma semie, à 22h je reviens dans au dépôt.

"represent"

chez les Movie Star Junkies

vu de Rivoli

Vendredi 11

Réveil dans la cour, face au bureau. Ce matin je n'ai rien à faire, alors je ne fais rien. En milieu de matinée, je me décide à partir acheter un autoradio pour remplacer le dinosaure d'origine, Olivier m'accompagne. Après cette petite balade dans Bourg je file acheter deux bouteilles pour "payer un coup à boire" en l'honneur de mon nouveau camion. Nous partageons donc un verre de crémant avec quelques curly en guise d'apéro, et voilà le Volvo baptisé. Nous allons ensuite manger "chez Badou"

De retour il me faut attendre une semie en cour de chargement de boeuf, c'est Marc qui doit me ramener ça. Je profite pour installer le nouveau poste, avec toute la dextérité que m'offrent mes deux mains gauches pleines de pouces... j'y parviens tout de même mais la déception est de taille : il est nul ce poste!?! pourquoi j'ai choisi celui-ci?! bref... bien déçu : ça clignote de partout, ce n'est pas très fonctionnel, moi je voulais juste un truc tout simple! Mais le meileur reste à venir : Après avoir réussi à paramètrer un minimum l'engin, je découvre qu'il ne garde rien en mémoire lorsque je coupe le contacte : il se ré-allume en clignotant, c'est très frustrant...

Marc débarque avec mes vingt tonnes de boeuf, je peux démarrer officiellement ma journée.
Je repars en Italie, à nouveau dans le Veneto.
Je roule la soirée et une partie de la nuit, j'écoute Anna Calvi et j'aime beaucoup.

pénible traversée de Bourg

un oeuf, du surimi, un repas

entre Bergame et Brescia

Samedi 12

Nous sommes samedi matin et je brasse des gros quartiers de boeuf avec ma blouse et ma barre à taquet. Le réceptionnaire est visiblement content que je l'aide à décharger, il est venu spécialement pour moi ce matin, d'habitude il ne travaille pas. Nous partageons un café bien serré puis je pars à la recherche d'un lavage, il est plus de midi. Je recharge près de Castelfranco alors je fonce à la Q8 où je commence à avoir mes petites habitudes à force d'y aller... contre toute attente je trouve une station fermée, mais coup de bol incroyable le laveur est encore ici : il range tout son basard, il s'apprette à partir. Ni une, ni deux, je me jette sur la piste et je l'implore pour qu'il ressorte au moins un Karcher pour nettoyer en gros le plancher... Il souffle un peu et me désigne sa montre... mais je sais qu'il est sympa et une fois de plus il me le prouve, il enfile sa combine et entre dans la semie.
Il aurait pû se contenter d'un simple coup de jet comme je lui ai demandé, mais le voici en train de laver en profondeur; d'ailleurs lorsque je lui dis de ne "pas se prendre la tête" il me répond en gros que ce n'est pas le genre de la maison, "ici on fait son travail consciencieusement Monsieur!". Une fois qu'il a terminé je le remercie et lui file même un pour-boire en signe de reconnaissance : vraiment sympa ce type.

Je recharge tout près mais pas avant 15h30.
Posté devant l'entreprise je décrypte le mode d'emploi de l'autoradio pour trouver le pourquoi du comment de la non-mémoire... sans succès... et avec énervement.

Avant de charger il me faut sortir les palettes-europes des coffres. Ensuite c'est près d'une heure de valse avec le tire pal qui m'attend. Je remonte derrière le volant bien fatigué, et m'en retourne en direction de la France sur une autoroute surchargée de voitures agressives, pénibles, maladroites et parfois irréprochables.

Pause à Viverone. Re-pause à Aoste. Re-re-pause au tunnel. J'ai l'impression de ne pas avancer...

je ne l'avais pas fait depuis longtemps celui-là

des 4/4 sur un fossile

il nous snobe Sweden depuis qu'il a son permis moto...

Dimanche 13

Nous sommes dimanche matin lorsque je repasse en France. J'arrive au dépôt, il fait nuit et je renonce à laver le camion comme je l'avais prévu : trop froid et je suis trop naze. Du coup je décide de dormir sur place et reporte tout cela au réveil.

Quelques heures plus tard c'est sous un soleil radieux que je badigeonne le tout de "Paic Excel", pour que ça brille comme à la sortie du lave-vaisselle.
Drôle de surprise ce matin, nous constatons avec Jean-Claude que le parc à été mitraillé au paint-ball, le ou les auteurs sont entrés dans la cour cette nuit, avant ou après mon arrivée - ça je ne sais pas... heureusement il s'agit de peinture à l'eau, facile à nettoyer.

attentat au paint-ball

Lundi 14

Mardi 15

Encore une semaine qui débute un mardi, en arrivant au dépôt j'ai l'étrange sensation d'être un glandeur alors que je suis juste décalé par rapport au cycle "normal".
Une fois de plus je viens beaucoup trop tôt, et même si je prends mon temps pour faire les pleins et installer mes affaires dans la cabine, je finis par ne plus savoir quoi faire, je squate un siège vacant dans le bureau, je profite d'un accès internet tout en participant à "un après-midi dans un bureau d'exploitation" : il s'y passe plein d'aventures extraordinaires. Au summum de mon implication je vais même emmener le courrier à la poste, c'est génial.

A 17h je mets définitivement un terme à ma carrière d'"emmeneur de courrier" et de "surfeur sur le net", je remonte dans un camion, je pars en direction du péage en solo pour rejoindre Thomas et lui piquer sa semie. Je roule trois ou quatre kilomètres puis nous effectuons le relais sur une sorte de parking en terre trempé - plein de trous - qui me fait regretter d'avoir lavé le camion dimanche. Je récupère une des plus récentes semie du parc : la Frappa (il n'y en a qu'une), c'est une semie "expérimentale", une bi-températures avec penderie. D'ailleurs mon chargement est composé de viande pendue et de viande sur palettes.

C'est parti pour l'Italie, avec grosso modo la même tournée que la semaine dernière, et que la semaine d'avant la semaine dernière... Je roule machinalement jusqu'au tunnel où j'attends tellement longtemps que je fais une coupure sans m'en apercevoir : ça ne m'arrange pas du tout car il va falloir en faire une seconde pour arriver à destination. Vive la réglementation. A coté du mien sur le parking-frigo il ya un camion grec immatriculé en Bulgarie, ensuite il y a deux camions hollandais avec des doubles équipages Polonais... Chacun y va de sa recette miracle pour réduire les coûts à néant...

J'arrive chez un premier client en banlieu de Milan vers minuit. Drôle d'ambiance dans ce quartier résidentiel : je rencontre des gens qui se promènent ou qui promènent leur chien dans le noir, sous une légère pluie, d'autres qui passent en vélo sans lumières et que l'on ne voit qu'au dernier moment... et moi qui attends la fin de mes 45 fichues minutes sous les fenètres des maisons - tous moteurs éteins (je tiens à ma vie) - alors que la livraison n'a pris que 10 minutes et que je n'ai rien de plus à faire ici...
Quelques photos sous les lampadaires plus tard je reprends la tangenziale déserte et fonce en direction de Verone. A 2h30 je me pose dans une zone à coté d'un camion roumain, à deux pas du marchand de bidoche à livrer demain.

très bien conçu tout ça!

à quai

dans les alentours de Milan

celle-ci je l'encadre

Mercredi 16

Je me suis fait réveiller par le type qui est venu prendre la benne à ordure à coté de laquelle je dormais paisiblement, il y a avait des bruits de ferraille qui tombe, j'ai cru qu'on me piquait un bout du camion. Après quoi j'ai manoeuvré dans la petite impasse, enfilé une blouse blanche, pris ma barre à taquets, grimpé dans la remorque pour 3/4 d'heure de viande; un réveil tout aussi efficace. Je suis chargé de décrocher les chainettes et d'amener les avants-capas au cul de la semie où le réceptionnaire les saisit au robot. Je pourrais le laisser se débrouiller tout seul mais il mettrait beaucoup trop de temps... et puis il est sympa et paie toujours le café... sauf ce matin...

Je range ma blouse (un peu moins blanche), je range ma barre à taquets, je prends place derriere le volant et décolle en direction de Rovereto. Chez ce client c'est une belle Italienne qui décharge le camion pendant que lutte sans relache pour trouver quelquechose d'intéressant à lui dire... mais je ne trouve rien alors je ne dis rien et je m'en vais.

Dernière livraison près de Bassano del Grappa; il me faut couper en large par la nationale - ce qui est particulièrement pénible aujourd'hui avec ce temps pourri qui favorise l'apparition de grumeaux tous les 2Km environ. J'essaie d'être patient; je le suis; je relâche l'accelerateur sans broncher lorsque je rattrappe un autre véhicule... mais nous sommes en Italie et il y a toujours Le cas extrême : exemple, la camionnette-magasin-de-chaussures qui revient du marché à la vitesse fulgurante de 32 Km'h et que je rattrappe pile lorsqu'il devient interdit et/ou impossible de dépasser... ce qui m'énerve le plus alors ce n'est pas tant celui qui se traine devant, c'est tous ceux qui tendent le museau derrière pour voir ce qu'il se passe et pourquoi pas saisir la première opportunité avant moi.

A 15h30 la semie est vide. Je ne recharge que demain à Mantova, j'ai donc tout le loisir de m'y rendre par les routes de campagne.
Je profite d'une demie heure de coupure pour lire un peu.
Entre Montselice et Mantova la circulation est cauchemardesque... mais j'ai le temps donc je reste stoïque. Il est 19h lorsque je termine mon trajet devant l'usine où je recharge demain matin. Il pleut encore, il a plu toute la journée, il fait froid, il y a du vent... à défaut de pouvoir mettre les pieds devant la cheminée en regardant la télé pendant que la soupe mijote dans la marmitte , je mets les pieds devant le webasto en écoutant France Inter pendant que les knakis et les pates se partagent une trop petite casserolle sur le réchaud...

"Le téléphone sonne" est consacré ce soir à la sécurité routière - les mauvais chiffres - les mesures à venir... j'écoute ça en mangeant mes pâtes puis je relis des nouvelles de Bukowski.

un flou artistique

une fois à quai il faut sortir à droite

poster Franceroutes février 1990

il nous snobe Sweden depuis qu'il a touché son porteur

Jeudi 17

Cette année le 17 février tombe un jeudi. Comme en 1994. j'ai envie de tout faire sauf de conduire un camion.

Ce matin c'est Sweden qui s'improvise réveil en plaçant son coup de téléphone pile-poil au bon moment. Je commence cette journée par une douche. Une douche dont la porte ne ferme pas à clé et l'eau ne s'écoule pas - inondant ainsi le bac, puis la pièce toute entière. On a vu pire, l'eau est chaude c'est déjà bien.
Lorsque je me présente au bureau de chargement il y a déjà 4 autres chauffeurs qui se toisent en attendant leur tour. Réjouissant. Du coup je reporte tous mes espoirs sur la machine à café... elle me sert, pour 35 centimes, un fond de gobelet beige et tiède appelé "cafe macchiato". Je garde la touillette entre mes dents pour mieux patienter et me donner un air décontracté, tranquille, relaxe, genre mec trop sympa avec une touillette entre les dents...

Après avoir attendu de longues minutes pour obtenir la liste de chargement, j'attends de très longues minutes au premier quai, puis de trop longues minutes au deuxième quai, de fatigantes minutes au troisième quai, et enfin d'interminables minutes de retour au bureau pour obtenir mes papiers. Marre. Fini l'air décontracté avec la touillette, d'ailleurs j'en suis à mon troisième café et trois touillettes ça fait beaucoup. Voici maintenant plus de 2 heures que je patiente aux quatres coins de l'entreprise, je réussis l'exploit incroyable de partir avant midi.

11H30 précisément, je décolle.
"Je ne fais pas 3 Km, que les keufs m'arrètent, et me prient de me soumettre - à - un - con-trôle d'identité - simple for-malité lorsqu'on a ses papiers..." etc etc une tirade d'NTM pour dire qu'effectivement j'ai direct droit à un contrôle bien poussé de la Polizia sur la route (pourtant secondaire) de Goito. Tous les documents possibles et imaginables me sont demandés, ainsi que des tickets de tachygraphe faute de pouvoir contrôler autrement. Je reste 20 minutes en compagnie des deux playmobils, puis ils me libèrent, un peu amers de n'avoir rien trouvé... J'ai bien cru qu'ils allaient me sortir un truc débile du style : "longues portés sur la casquette" (interdit en Italie), mais non, je repars sans rien.

Sur la route du Mont blanc je prends le temps de m'arrèter à Carisio pour acheter une CB, une antenne, et faire installer le tout par le spécialiste local qui opère dans son camion-atelier. Le mec travaille très soigneusement, il prend soin notament de quitter ses grolles pour monter dans le camion, il vérifie tout plusieurs fois, et en plus il est sympa! Me voilà donc enfin (après tant d'années) devenu un vrai chauffeur routier : un chauffeur qui a une CB. Reste à m'en servir, car je dois bien l'avouer, je ne sais pas trop comment ça marche... je sais juste qu'il faut prendre une autre voix pour parler dans le micro, une voix de routier baroudeur, ça fait mieux...
Je profite d'avoir un spécialiste sous la main pour faire modifier le branchement de l'autoradio qui garde désormais la mémoire... ouf! Quelques billets et "molto grazie" plus tard je monte au tunnel avec CB et autoradio qui fonctionnent.

Je passe en France. Ce n'est pas une légende, personne ne cause là dedans, même sur le 19... mais pourquoi donc j'ai acheté ça?
Je mange vite fait derrière une barrière de péage et je roule jusqu'à Bourg. Je fais une livraison incroyablement rapide dans la foulée et j'échoue dans la cour du dépôt tout juste avant la fin de mon amplitide.

un Volvo, une Frappa, une photo

ensemble atypique

le spécialiste de la CB opère

F16 Grec à Carisio

Vendredi 18

Cette année le 18 février tombe un vendredi. Comme en 1994. j'ai envie de tout faire sauf de conduire un camion. D'ailleurs aujourd'hui je ne vais pas en conduire.

Je me réveille dans la cour, face au bureau, à 8h. Je passe la matinée sur un des PC à essayer de créer un papier-entête à peu près potable sur "Word"... seulement je n'ai pas ouvert "Word" depuis 7 ou 8 ans et je suis bien largué pour mettre mes idées en application... tellement largué même que je laisse tout en plan lorsqu'il s'agit d'aller manger. Et merde, je vais encore passer pour un loser...

Pierrot, Hervé, Thomas, Florent, moi et notre porte-drapeau "Crustacé" : telle est la dream team qui se dirige "chez Badou" pour le rituel repas de fin de semaine, un peu comme dans Astérix sauf que nous n'attachons pas Crustacé à un arbre car il se retient de chanter. Au début il y a de la tension dans l'air, je crains même à un moment que les discussions s'enveniment... mais nous sommes entre personnes civilisées, ces explications s'avèrent plutôt constructives et peut-être même sont-elles un mal nécessaire. Bref, le temps passe et nous partageons finalement un bon moment entre collègues, si bien que nous le prolongeons au "121" jusqu'à la fin d'après midi... J'immortalise la liesse avec mon téléphone portable mais comme je suis un poney je n'ai pas de cordon pour le relier à mon PC : je ne peux pas mettre les photos dans mon cdb... je bricole donc une solution en les re-photographiant... vive la technologie!

Aujourd'hui je n'ai rien fait d'autre qu'être présent. D'ailleurs cette semaine je n'ai pas fait grand chose... la prochaine s'annonce plus chargée.

ça y est je suis routier!

Thomas et "Crucru" fêtent leur anniversaire

comment-ça psychopathe???

Samedi 19

Dimanche 20

La nuit à été courte : il est 6h50, mon téléphone se change en réveil et me sort de la couchette avec sa mélodie électronique dont le volume progresse en intensité à mesure que je me camoufle sous l'oreiller pour qu'il s'en aille... seulement c'est toujours lui qui gagne, je finis par me lever.
Oui, je suis venu dormir dans le camion, ça me manquait... c'était aussi le seul moyen de partir à l'heure après un concert des Thirsty Selenits réduisant mon temps de sommeil à 4h petites heures.

Je ne suis donc pas très vaillant ce matin. La zone Cénord est inerte : pas un bruit, pas une voiture, pas-même des impacts de paint ball sur le camion, rien. Je lutte pour retirer la prise électrique qui alimente le frigo : je ne suis pas assez costaud. Je retournerais bien me coucher. 7h15 je décolle. Il tombe une espèce de pluie froide et triste, le jour se lève péniblement, les Burgiens aussi... Je croise quelques vieux qui vont acheter leur pain, au loin la vitrine d'une boulangerie apparait comme réconfortante dans ce climat hostile, je veux m'y arrêter pour trouver la chaleur d'un pain au chocolat bien gras, mais je ne peux pas... alors je passe en regardant une dernière fois les couleurs brunes des baguettes bien cuites, puis je reporte mes yeux sur cette route grise et froide qui conduit vers l'Italie; en cherchant à tâtons dans le tiroir de droite, je trouve un paquet de madeleines entamé, elles ont sèches et sans goût... c'est parfait.

Le dimanche matin c'est un peu comme le dimanche soir mais sans les voitures, c'est à dire qu'il n'y a plus personne du tout sur la route. Je pourrais rouler en zig-zag ou en marche arrière que personne n'en aurait rien à faire.
Je vais jusqu'au Châtelard où je remets les litres de gazoles qui m'ont amené de Bourg à Ici, afin de ne pas en payer en Italie si possible, car cette semaine je fais un grand tour : je descends à Naples.

La neige tombe à gros flocons et colore à vue d'oeil les lacets du Mont Blanc. Je monte à 10 Km/h derrière un clampin en voiture qui a chainé inutilement et qui se trainasse, sans doute pétrifié derrière son volant.
J'attends une grosse demie heure devant l'entrée, c'est prévisible en heures creuses.

Il est 11h lorsque je passe de l'autre coté en tête. Ici il ne neige quasiment pas ce qui permet paradoxalement de descendre tout shuss.
Le temps d'une demie-heure de pause à Viverone je prends mon repas dans la cabine, puis je rejoins la station pour un café sensé me réveiller un peu... mais voilà, la station est blindée de mangeurs de panini, il y a la queue jusqu'à l'entrée, je renonce direct et lève le camp vers des horizons plus tranquilles.

Je descends par Genova, Livorno. La pluie m'accompagne du début à la fin : elle est angoissante dans la descente du Turcchino ou sur l'autoroute sinueuse qui borde la méditerranée, puis elle se fait oublier lorsque le relief et les virages se font rares, entre Pisa et Livorno... il faudra attendre d'ouvrir la portière et se faire tremper le temps d'un petit besoin pressant pour s'apercevoir qu'elle est toujours là, depuis ce matin à Bourg jusqu'à ce soir à Cecina, nous avons fait route ensemble.

dimanche, 7h

en attente au tunnel

ce n'est pas la neige qui les décourage

Genova

Lundi 21

Entre deux démarrages du frigo le réveil sonne, il est 2h15. Je suis trop bien sous la couette, je m'accorde un peu de rabe; et puis, heureusement, une bulle de conscience parvient à se faire une place dans mon esprit - elle apporte avec elle sa cousine : la bulle de volonté, et cette dernière me bouscule assez pour que je me lève d'un bon. Combien de temps à duré ce rabe? 10 minutes? 1 heure? 4 heures?... non... 3 minutes seulement, il est 2h18.

Me voici donc parti pour une nouvelle journée, toujours sous cette pluie molle et irrégulière qui m'oblige à changer sans arrêt la vitesse de balayage des essuie-glaces. Certes il y a plus pénible comme métier que de "changer sans arrêt la vitesse de balayage des essuie-glaces".
Je suis plus en forme qu'hier. Je mange tout autant de madeleines sèches et sans goût; j'alterne avec des mandarines... je n'ai pas faim, je cherche simplement une activité pour étayer quelques neurones ramollis. Par exemple si j'étais fumeur, je fumerais... ou encore si j'étais inconscient je regarderais la télé... si j'étais sale j'essaierais de viser une bouteille... mais non, rien de tout ça, moi mon truc c'est les mandarines.

Je passe Rome très vite, juste avant l'invasion quotidienne du "grande raccordo anulare" (le périph). Je trace ensuite sur Naples, la pluie ne m'accompagne pas, je sors même les lunettes de soleil. La route est cependant mouillée et il faut rester prudent, manier l'accélérateur - le frein - et surtout le ralentisseur avec retenue, les revêtements des environs de Naples sont de véritables patinoires lorsqu'ils sont humides.
A 9h30 je suis chez mon client. Je m'inscris à la cabane du gardien... avec quelques difficultés car ce dernier se montre peu coopérant, ce qui ne me surprends guère, mais surtout à cause de ce fichue hublot dans lequel je dois parler, ou plutôt gueuler, pour me faire entendre : je suis déjà mauvais en Italien, alors lorsqu'il s'agit de le crier je me trouve moi-même ridicule et je me foutrais volontiers de ma gueule. Le gardien, m'enregistre et m'indique le parking pour attendre. A ma question : "combien de temps, environ, à peu-près, grosso-modo, pour savoir, non je ne dis pas ça pour insister!?!" ce dernier me répond comme tout les gardiens de toutes les usines à la con du monde : "je sais pas!". Me voici donc en partance pour le parking, avec aucune indication en minutes, en heures ou en jours quant à cette période pénible qui se profile à l'horizon. Concrètement cela veut dire qu'on hésite à sortir le PC "parce que attention le gardien il va peut-être appeler", on hésite à se lancer dans un bon livre "parce que attention le gardien il va peut-être appeler", on hésite à mettre la musique très fort "parce que attention le gardien il va peut-être appeler", on hésite à se préparer un pot-au-feu "parce que attention le gardien il va peut-être appeler"... du coup on fout rien, ou on dort.
Le temps passe et j'en tiens mon chef au courant via quelques mails de détresse. Rien ne bouge. A 11h je mange vite fait. A 12h je dis que j'aurais dû prendre mon temps. A 13h ça y est, je suis persuadé de ne plus pouvoir livrer mon troisième client ce soir à Rome. A 14h ça y est, je suis sûr de ne plus pouvoir livrer mon deuxième client cet après-midi juste avant Rome. A 14h40 mon téléphone sonne, c'est le gardien.

Sorti de l'usine une heure plus tard, je n'ai plus rien à espérer de cette journée : mon amplitude est cramée. Je reprends donc la route en direction de Rome, par la côte, les paysages sont splendides mais la circulation est chargée et je rate beaucoup de photos. Je roule jusqu'à la fin de mes heures dans l'espoir de trouver l'Endroit trop magnifique pour y poser mes dix roues, si possibles au bord de l'eau afin de tremper mes pieds de bressan... mais je ne trouve pas, pire : je fini par dépasser cette fichue amplitude d'un quart d'heure, j'atterris comme hier sur une vaste station Agip.

bienvenue dans le Sud

grumier local

plus joli qu'un série R

plus joli que la RCEA

Mardi 22

Le camion est tout jaune; devant, derrière, à coté, il y a les néons du pétrolier ainsi que les blasons à l'effigie de la bestiole avec plein de pates. Il est 3h30, je fais les vitres des rétroviseurs, je vérifie une dernière fois mes adresses, et quitte le monde tout de jaune merveilleux d'Agip pour entrer dans le monde normal, celui où l'obscurité est uniquement troublée par le reflet de la lune et de quelques étoiles. Personne sur la route, on se croirait ailleurs qu'en Italie. Je brave quelques interdictions PL car je ne les comprends pas, il s'agit de ces panneaux rouges d'interdiction avec tout un tas de mentions inscrites dessous, concernant la direction ou des portions kilométriques, et lorsque je ne comprends pas, dans le doute, je passe.
Etrange cette traversée de Latina : en plein centre (pour le coup ce n'est pas interdit), sans âme qui vive. Je poursuis ensuite sur Pomezia où se situe ma première livraison du jour. Le GPS m'amène devant une petite route qui porte le nom de la rue inscrite sur mon CMR... seulement ça ressemble à un cul de sac et les branches d'arbres pendent à environ 2 mètres du sol... hors de question de m'engager là dedans. Je tente une autre approche, en contournant par une petite ZI, je retrouve le nom de la rue sur un autre panneau... mais ce dernier trône devant une route encore plus pourrie, qui ressemble encore plus à un cul de sac. Je ne sais plus comment faire. Je vois de la lumière dans un bâtiment Kuhne et Nagel, je vais demander : personne ne connait... il faut dire aussi que je n'ai même pas le nom exact du destinataire. En essayant de décrypter les documents je tombe sur un numéro de téléphone, il est 5h15, j'appelle. Une première fois. Puis une deuxième. C'est à la troisième - il est maintenant 5h30 - que je tombe sur un mec qui parle uniquement italien et que je comprends peu. Il m'apprend néanmoins que c'est à la première rue qu'il fallait tourner, celle avec les arbres... d'ailleurs c'est ce que j'essaie de lui dire :
moi _"Je ne peux pas, le camion est trop haut, les arbres sont trop bas!?!!"
lui _"oui, oui, c'est bien cette rue, celle avec les arbres!"
moi _"mais bordel je peux pas y aller!!!"
lui _"oui, avec les arbres, c'est bien ici qu'il faut tourner à gauche"
moi _"et on peut pas arriver dans l'autre sens?
lui _"avec les arbres, à gauche, c'est bien ça..."
Dialogue inutile. Je retourne voir cette fichue route "avec les arbres" pour faire un état des lieux : il s'agit de saules pleureurs, les branches sont souples, et fines, on va y allez doucement et avec un peu de chance on n'arrachera pas la casquette. Je m'y engage. C'est grotesque : j'élague au niveau du pare-brise... heureusement les branches ne font que "caresser" la carrosserie. J'ai l'impression de passer en camion à travers ces grands rideaux moches qui remplacent la porte de la cuisine l'été. La route est aussi très étroite, mais à ce stade on s'en fout. Je fais 500 mètres et j'aperçois de la lumière au milieu de nulle-part, le type du téléphone me fait signe, je suis arrivé. Reste à faire une impossible manoeuvre, mais à ce stade, on s'en fout aussi.

Et dire que c'est ma deuxième livraison qui me tracasse le plus... en effet j'y pense depuis ce weekend : samedi matin lorsque je suis venu charger les palettes, samedi soir pendant le concert des Thirsty, dimanche pendant ma descente sous la pluie, lundi pendant la remonté au bord de la mer, et même cette nuit entre mon rêve de devenir guitariste bruitiste professionnel pour Patrick Fiori et mon cauchemar de devenir chauffeur relayeur dans une boite à la con; à chaque fois le même rappel : livrer une boucherie dans Rome-centre. Mais bon sang ça fait du bien un peu d'adrénaline! Certes ça me "tracasse" mais j'aime ce genre de mission!
Après avoir perdu pas mal de temps chez mon client avec les arbres, je fonce sur Rome, en prenant n'importe quel chemin dans n'importe quel sens : tous le monde connait le dicton... Je prends un petit bout de GRA et une grande respiration en sortant à la 26, "Roma centro - zone Eur". Il n'est pas 7h, ça roule encore. Je suis le GPS, en essayant de ne pas le suivre bêtement. Je suis sur une artère, une 4 voies, je passe la zone EUR, il y a plein de bâtiments à photographier... mais aussi plein de scooters dans les angles morts alors je fais gaffe. Je manque de peu de prendre une mauvaise direction, finalement c'est assez triste mais je ne me perds même pas. La rue de mon client est inaccessible : il faut se poser en warning au feu le plus proche et aller voir à pied.
Effectivement il s'agit bien d'une boucherie, aussi grande que la boucherie "Broyer" à Pont de Vaux qui fait d'excellent pâtés en croutes - mais là n'est pas le sujet... la porte en verre s'ouvre, il y a des types qui tranchent de la barbaque, je leur explique comme je peux l'histoire des palettes, du camion arrêté au feu, etc. - un éclair de lucidité illumine alors le visage du chef des trancheurs de barbaque : "Haaaa... AAAsotrans???!!" et on devient soudain super pote. C'est bien beau mais comment on vide? Le type m'explique qu'il n'y a personne avant 8h... je lui mets direct la pression : hors de question d'attendre 8h en warning... il me dit qu'il n'a pas d'autre solution. En regardant dehors j'aperçois des caddies, je lui propose l'idée de s'en servir pour faire les allers-et-retours du camion - à la boucherie. Il trouve que l'idée n'est pas mauvaise et me délègue un sous officier, le peu-vaillant Mohamed, mou mais à l'air sympa. Me voici donc à dépoter les cartons avec Mohamed. Au bout de trois allers-et-retours et convaincu qu'il en faudra trente, nous nous décourageons : il faut trouver une autre solution. Devant la boucherie il y a cette camionnette-frigo qui me fait de l'oeil... le chef des trancheurs de barbaque me dit que personne ne sait la conduire... et puis à nouveaux cet éclair de lucidité sur son visage : il me tend les clés, et me demande quand-même "t'es sûr?". Bien sûr que je suis sûr! Me voici quelques minutes plus tard en train de faire le tour du pâté d'immeubles au volant de l'Iveco Daily tout pourri et sans clignotants. Je n'aurais jamais imaginé conduire une camionnette de boucher dans Rome un jour, je l'inscrirai sur mon CV. Je recule l'engin, cul à cul avec la semie, puis je recrute à nouveau le fidèle Mohamed pour brasser les cartons. Nous remplissons la camionnette à ras bord puis je la ramène devant la boucherie après une seconde séance de pilotage sans clignotant. Il n'est pas 8h et l'opération est terminée, avant que je ne m'en aille et pour me remercier, le chef des trancheurs de barbaque m'offre le café, excellent café, puis je pars vite en balançant un "Ciao" pour tous les trancheurs de barbaque. Il y a des jours comme celui-ci où j'aime mon job.

La sortie de Rome est comme l'entrée : plus simple que prévue, et ce en dépit de la rumeur disant qu'il est impossible d'en sortir puisque tous les chemins y mènent... (oui, c'est vrai, deux fois la même blague...)

Je dois livrer mes deux dernières palettes à Perugia, et je me vois bien embarrassé de choisir un itinéraire... j'ai peur de revenir à Rome malgré tout (trois fois...)
Après la côte Ouest hier, je passe aujourd'hui par le centre du pays, il fait un temps magnifique, le ciel est bleu, l'herbe est verte, la route est grise, mon camion est blanc; je suis serein, j'ai fait le plus dur, j'écoute Grinderman (merci PtiDud : excellent), je roule léger... tout va bien.
C'est encore une fois le GPS qui me trouve l'adresse... on va peut-être se réconcilier finalement...

Changement de programme en ce qui concerne le rechargement : je monte, contre toute attente, à Mantova. Je ne pensais pas voir Mantova cette semaine, raté.
Entre Firenze et Bologna c'est aussi laborieux que d'habitude, je perds du temps, et finalement il me manque 15 minutes pour arriver chez le client : adieu réseau wifi, douche, place de parking et machine à café... bonjour aire d'autoroute!

J'arrive tôt sur l'aire de Mantova sud, j'ai une bonne place. Et puis la douche n'est pas si mal, et gratuite... je file 1 euro à la grosse dame noire qui balaie, elle me renvoie un gentil sourire.


bordel qu'est-ce que je fous là!

Roma

déchargement en warning...

...et avec les moyens du bord

entre Firenze et Bologna

Mercredi 23

Au temps hélas révolu où je jouais encore aux Playmobils, il y maintenant plus de 2 ans, je ne comprenais pas pourquoi le Playmobil-policier avait toujours ce truc ridicule dans la main, cette sorte de raquette de ping-pong trop longue, blanche avec un rond rouge dedans. Ce matin j'ai compris, ce truc ridicule ne sert pas à guider les avions comme on pourrait l'imaginer, mais à écarter les vaches-à-lait du reste du troupeau... et aujourd'hui j'ai comme des allures de vache à lait...

Il fait beau sur Mantova. Une matinée très agréable bien que légèrement frisquette, oui "frisquette", le mot le plus viril de la langue fransçaise. Je viens tout juste de charger un premier lot au nord de la ville et la contourne maintenant par le sud en direction de Parme. Derrière un virage j'aperçois - mais ils sont encore loin - deux gugusses avec leur habit de carnaval et cette fameuse raquette de ping-pong bizarre dans la main. Ils se mettent en travers de la route et, d'un geste précis, protocolaire, et qui distingue le policier de toute autre espèce d'imbécile, ils m'adressent le bas coté alors que je doute de pouvoir y entrer. C'est juste mais je parviens à me garer.
J'imagine dans un premier temps qu'il s'agit d'un contrôle banal, comme celui de la semaine dernière à peu près au même endroit, mais cette fois-ci c'est la Polizia locale et leur intérêt est ailleurs. S'ils m'arrêtent c'est uniquement dans le but de me verbaliser pour "transit interdit" dans Mantova. Je suis surpris, je ne m'attendais pas du tout à ça : d'une part je circule sur le contournement sud de la ville et pas "place de la mairie", d'autre part je ne me considérais pas en transit en ayant chargé dans un patelin limitrophe. Le plus instruit des deux policiers me sort, sur une feuille photocopiée, l'énoncé en Français de l'infraction ainsi que des photos de panneaux d'interdiction en transit : une procédure bien huilée... c'est qu'ils doivent en prendre au piège des chauffeurs égarés; Mantova est difficile à contourner, ça doit rapporter gros...
Je tente dans un premier temps de me justifier cordialement en appuyant sur le fait - et c'est parfaitement vrai - que je n'ai pas commis cette infraction délibérément, en d'autres termes : que j'avais la parfaite impression d'être en règle. Inutile. Le plus instruit, tellement instruit qu'il parle Français, me réclame 80 euros et n'en démord pas. Je parle, parle, parle et parle encore, de plus en plus énervé, mais il ne lâche rien. Au bout de vingt minutes, je tente un ultime coup de poker que m'a enseigné Patrick Bruel : je fais le gros dégouté de la vie et lui sort "non, je paie pas, j'en ai marre, je ne travaille pas pour payer des amendes à la con"... il me répond que je vais être immobilisé... je réponds "rien à foutre" et je retourne au camion. Un laps de temps passe encore et Playmobil me relance "si tu reste ici, on appelle la fourrière et si tu paies pas ce sera 350 euros plus tard"... toujours à l'audace, je refuse de payer. Un nouveau laps de temps s'écoule... j'appelle mon boss qui est à peu près aussi révolté que moi de payer régulièrement des amendes à la ville de Mantova, mais d'après lui il vaut mieux coopérer pour éviter la surenchère, d'autant plus que les deux flics ne lâchent rien du tout. Je retourne voir le plus instruit, l'autre n'a rien dit depuis le début, il ressemble "au copain de la star dans la cour d'école" : il est là, complètement insignifiant, ne dit rien, ne sert à rien. Je dis que je n'ai pas de quoi payer - ce n'est pas un problème, lorsqu'il s'agit de palper du pognon le flic se métamorphose volontiers en chauffeur de taxi pour trouver le bancomat le plus proche! Me voici donc dans la voiture, conduit par "le copain de la star de l'école". Aucune conversation. Je passe sur la conduite "à l'Italienne" : pas de ceinture, pas de distance de sécurité, un stop grillé... c'est scandaleux. Devant le bancomat il me dit : "c'est ici", j'ai à peine le temps de découvrir le son de sa voix que j'étais déjà en train de lui claquer la portière au nez : je vois bien que c'est ici, je ne vais pas retirer chez le coiffeur! Sur le retour, aucune conversation, je prends des photos, il ne me demande pas pourquoi. D'ailleurs, arrivé sur les lieux du drame je m'écarte pour bien cadrer ma photo, je n'en ai plus rien à foutre. Je paie mes 80 euros. Le plus instruit me dit "tout ça pour ça!" en référence à presque une heure d'immobilisation. Je conclus en appuyant sur le fait "qu'au moins ils n'auront pas arrêté d'autre camion durant cette période.
Je prends bien le temps de ranger les documents avant de partir. Tellement le temps que le plus instruit est sur le point de s'énerver. Trop tard, je m'en vais.

Qu'ils crèvent.

Je recharge dans un trou pommé au fin fond de la campagne, dans une sorte de Pont de Vaux italien mais sans la boucherie "Broyer" et ses célèbres pâtés-en-croûte. J'arrive pour la pause de midi, je mange. En début d'aprem j'apprends qu'il me faut faire une ramasse dans un autre entrepôt de l'usine, à 3 Km d'ici selon la secrétaire, c'est à dire à 10 Km. Pour y aller je suis le cariste qui m'ouvre la route en bagnole. Une route vraiment étroite. Il roule trop vite et ça m'énerve. Et puis j'ai l'essieu relevé sur la semie et je galère dans les endroits les plus tordus.
Bref je suis chargé - complet en milieu d'après-midi. Je pars pour Lyon.

Une pause au Gran Bosco, une douche.
Je passe le Fréjus sur réserve et laisse couler jusqu'à la très merdique IDS Chambéry.
Je roule 10h et échoue au milieu de la zone des Chênes, devant un portail métallique.

pas mal Régis!

petit voyage accompagné

le prédateur surveille sa proie

tout plein de tomates

sorte de Pont-de-Vaux italien

Jeudi 24

7h35, parc d'activités des Chênes, Satolas et Bonce, Isère, Rhône-Alpes, France, Communauté Européenne, planète Terre, Galaxie, Univers. Fini le doux soleil Napolitain, ce matin c'est la vieille grisaille qui rend le paysage triste en plus d'être moche. Sur ma gauche un tas d'ordures. Sur ma droite aussi. J'ai envie de pisser mais je me retiens, j'ai peur de lever un rat. D'un coté je ne comprends pas qu'une entreprise assume d'avoir un parking aussi dégueulasse sans même se motiver à y mettre une poubelle, de l'autre je ne comprends pas non-plus qu'on puisse jeter tout et n'importe quoi par la fenêtre, la conscience tranquille. Personnellement mon éducation, mon respect d'autrui ainsi que de mère-Nature m'empêchent de jeter par la fenêtre ne serait-ce qu'un enfant sur une aire d'autoroute.

Bordel il y a cinq camions devant moi lorsque je contourne le bâtiment pour me présenter à la réception ! "Les bureaux ouvrent à 8h" me répond une dame outrageusement frisée, à 7h58. Je prends un café. Les bureaux ouvrant finalement à 8h15 j'ai le temps d'en boire un autre. Nous sommes donc six chauffeurs devant le seul préposé au déchargement, ce n'est pas la foire d'empoigne mais tout le monde est bien amer. Je patiente dans le fond, résigné à attendre mon tour qui devrait arriver si tout va bien vers 14h... le cariste me demande ce que j'amène... "ha des tomates!!! ok porte 11 - on décharge de suite". Ainsi je passe devant tout le monde, un peu gêné quand-même, d'ailleurs je m'en excuse... apparemment les tomates urgent.

Je suis vide à 9h30. Je recharge à l'abattoir de Saint-Etienne. Lorsque j'arrive il y a un groupe de jeunes, collégiens ou lycéens, qui visitent cet endroit merveilleux, les yeux pleins d'étoiles. C'est un peu mon heure de gloire, Tout les regards sont vers moi quand je mets le camion à quai, le guide est sans doute en train de commenter : "comme vous pouvez le voir, la production est distribuée dans toute l'Europe par camions frigorifiques, vous avez ici un bel exemple de chauffeur qui galère pour se mettre à quai car il sait qu'on l'observe et ça le perturbe..."
Je charge mon lot de bidoche puis je rentre à Bourg pour compléter dans un autre entrepôt.

Le soir venu j'ai quartier libre, concert à Spiderland : Ntwin + Jubilé.

super

entre Rhône et Loire

un vieux 8/4

 

Vendredi 25

Je suis revenu dormir dans le camion, un peu plus sourd qu'hier - un peu moins que demain. Ca tombe mal je passe ce matin la visite médicale. "Visite" médicale est le bon terme : il s'agit véritablement de passer dire bonjour au médecin, et de repartir avec "Apte" scribouillé sur un papier carbone - il ne m'a même pas contrôlé les oreilles...

L'après midi je pars avec Thomas chez Lamberêt. Nous allons chercher une penderie neuve, ainsi que tout un tas de cadeaux qui vont avec : bousons, gants, autocollants... Pas des pinces à St-Cyr-sur-Menthon! La semie rutile au milieu de la cour, Nous faisons plusieurs fois le tour pour inspecter les moindres recoins et découvrir les nouveaux aménagements. Ensuite c'est séance photos officielles devant les bureaux...

Nous ramenons l'ensemble à Bourg.

En soirée, je m'en retourne vers Pont de Vaux me préparer une assiette de pâtes sans rien dedans, puis faire 2 ou 3 machines de linge sale pour repartir frais et fringant dimanche vers de nouveaux horizons.


nous avons un métier difficile...

une histoire qui dure

Samedi 26

Dimanche 27

Dimanche, début d'après-midi.
C'est toujours les mêmes gestes : je sors de la douche, je mets la chaussette gauche en premier, toujours, puis la chaussette droite, je bois ensuite une grande gorgée de Volvic, toujours, puis je balance tout ce qui traine dans mon sac et je pars à la hâte car je suis en retard...
J'arrive au dépôt à 15h50, avec pour objectif de partir si possible avant 15h30. Jean-Claude et Hervé boivent le café, je m'incruste. J'attelle ensuite la penderie-bi-températures, la Frappa, celle qui n'a pas un an mais qui en paraît trente. Elle est chargée pour Quimper, capitale du Sud-Finistère, dans ce pays où l'on souffle dans des panses de brebis pour courtiser la bigouden : la Bretonie.

Jean Claude roule devant, il me sert de poisson-pilote. J'essaie de capter quelque chose d'audible à la radio, en vain, alors j'écoute la cibi... et ce silence m'accompagne sur une ennuyeuse RCEA où les frigoristes de l'Ouest s'entremêlent aux touristes pour rallier l'Est, tandis que dans l'autre sens, le notre, il n'y a pas grand monde. Nous faisons étape sur l'aire de Bourges et parvenons à obtenir un café in extremis, juste avant un flot de voyageurs déversé par 2 ou 3 cars de touristes et qui s'attaquent déjà au rayon sandwich, où ils auront le bonheur de trouver, pour la modique somme de 4,50 euros, un délicieux triangle "campagnard" avec le goût authentique des vrais produits de la ferme dedans... à moins qu'ils ne se laissent tenter par le triangle "Kebab" avec le goût authentique des vrais kebab de la ferme dedans...

Je fais le reste du parcours seul, en faisant défiler les CD parce que Lille/Lyon ne m'intéresse que très moyennement... encore si c'était Sochaux/Arles-Avignon... mais ne rêvons pas...
La pluie tombe entre Tours et Nantes, signe ostentatoire que j'approche de la Bretagne.
Il est près d'une heure lorsque je quitte le périphérique nantais avec une seule idée en tête : trouver un endroit pour me poser. Je tente une Total, je perds de précieuses minutes pour me sortir du petit parking où tout le monde s'est posé en vrac. Les 4h30 de conduite continue menacent... je roule jusqu'à Savenay et son Super U. J'ai le plaisir d'y découvrir une station gazole pour camion mais aucun parking... traduction : "venez faire le plein et barrez-vous"... j'en suis à 4h28 et décide de ne pas me barrer : je recule sur un bout de bitume de manière à ne déranger personne. Je tire les rideaux. Je dors.

dimanche ensoleillé

on connaissait la Dame blanche, voici le Cheval blanc

péage d'Angers

Lundi 28

J'ai programmé le réveil un peu plus tôt pour aller acheter des nuggets. Le Super U est là, juste derrière moi, mais une clôture l'entoure. Je marche 10 minutes les cheveux dans le vent, façonnant malgré moi une sculpture capillaire dans le plus pur style "épouvantail" déjà bien aidée par les marques de l'oreiller et quelques épis naturels malencontreux. Je remplis un sac cabas et le supporte péniblement sur le chemin inverse, paré pour trois semaines en autarcie.
Je peux démarrer ma journée.

En route pour Quimper sur cette route nationale aux allures d'autoroute. J'arrive à destination en début d'après-midi, je décharge. Il était convenu que je recharge sur place pour Rennes, à vider dans la foulée, c'est d'ailleurs la raison qui m'a fait cravacher en dépit d'une croisure potentielle avec Guillaume, mais changement de programme : la marchandise n'est pas prête - le voyage est annulé. Bien. Reste à trouver autre chose. J'attends patiemment sur un bout de bitume pendant que mon chef se démène au téléphone. Une demie heure suffit, je pars en direction de Loudéac charger le premier des trois lots de viande qui devraient me remplir la semie.

Je me présente à l'abattoir vers 18h30, au cas où l'on puisse avancer ce chargement prévu demain... et effectivement on peut. A quai il y a un Polonais à qui on balance des palettes europes depuis un autre quai pour qu'il les range dans les coffres. Les types lui jettent ça par terre et lui doit les amener a une à une vers sa semie tout en veillant à ne pas s'en prendre une sur le nez. Il pleut. Cette scène est du genre pathétique. Je décide d'aider le Polonais, d'une part parce qu'à sa place j'aurais bien aimé que l'on aide, mais surtout, d'autre part, pour calmer les ardeurs des types sur le quai - complètement irrespectueux d'un chauffeur qui certes porte un jogging bleu fluo, mais qui reste un être humain, et de surcroît un collègue.

Je prends sa place à quai, charge, et m'en vais sur Rennes.

Je décide de passer la nuit à Chateaubourg, au grand resto routier, histoire de pouvoir me laver. Je cherche un endroit reculé pour y camoufler les décibels disgracieux du frigo qui tourne, mais partout je suis susceptible de déranger quelqu'un, alors je me range à la suite des autres - en sens inverse.
Je me retrouve à table avec un type énorme. Il a l'air gentil, j'essaie de causer un peu, bien que je manque tout comme lui d'inspiration. La salle est peu remplie, seulement 3 tables autour desquelles s'affairent les deux jeunes serveuses qui sont "vachement bonnes" selon l'appréciation très distinguée de mon vis à vis qui chute irrémédiablement dans mon estime. Je mange du poisson, du chou-fleur et des haricots. Effectivement les serveuses ont du charme. Je vais me coucher.

les stocks

en attente, à Quimper

une vache me fait la révérence

sur les routes bretonnes

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