Mon Carnet de bord... Suivez mes aventures, semaine après semaine!

Avril 2011

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Vendredi 1

Je n'ai même pas envie de me presser ce matin. A 8h30, heure officielle d'ouverture des bureaux, je sors à peine de la douche; je vais ensuite boire le café, tranquillement, je montre ma tronche à Irène (elle s'occupe des expéditions)... Je retrouve Ali qui lui aussi recharge ici. Malgré moi je passe devant tout le monde : c'est à moi qu'Irène confie en premier la liste de chargement, peut-être qu'elle m'aime bien finalement (j'ai toujours eu l'impression qu'elle ne pouvait pas me voir)
Je charge, il y a deux quais différents mais tout va très vite. Ali n'a toujours rien dans sa semi lorsque je signe les CMR, entre temps Gilles est lui aussi arrivé. Je pars tout seul, tous deux risquent d'en avoir pour un moment.

Je roule jusqu'à Dalmine où je prends le temps de manger une salade avec beaucoup de mozzarella, car j'ai de la mozzarella plein le frigo depuis qu'un sympathique réceptionnaire m'en a refourgué un carton.
Je roule jusqu'à Aoste où je fais mes courses de fin de semaine tel le ménager de moins de 50 ans moyen.
Ali arrive à l'autoport au moment où je m'apprétais à décoller... nous prenons le temps de boire un jus, puis nous faisons route ensemble jusqu'au tunnel.
J'ai dans la semie une livraison prévue pour ce soir près de Bourg. Mon chef voulais me faire décrocher pour y envoyer un collègue, je lui propose de la faire moi même : il me reste de l'amplitude et cela ne sert à rien de faire déplacer un collègue.
Je suis récompensé pour mon initiative : dans cet endroit tout merdique où l'attente se décompte habituellement en heures, je passe ce soir dans les premiers.

La semaine est terminée, je rentre au dépôt, je lave le camion; puis je rentre à Pont de Vaux et je vais me coucher car il n'y a rien d'autre à faire.

c'est printemps, on fait le jardin

un chauffeur éblouissant

allez, c'est notre tour...

dernière livraison avant week end

Samedi 2
Dimanche 3

Lundi 4

4h30. La première sonnerie retentit dans le couloir d'entrée. Quelques secondes plus tard celle de l'autre téléphone hurle depuis la table basse du salon; je n'ai plus le choix : il faut que je me lève, il faut que je me lave, il faut que je m'habille, il faut que je fasse mon sac, il faut que j'aille bosser... mais avant tout cela il faut que je finisse ma nuit, je m'accorde un ultime rabe, d'un quart d'heure ou de 2 heures - on verra bien.
5h00. l'heure du sursaut. Je ne suis pas encore en retard, mais comme je persiste à dormir sous la douche cela ne saurait tarder.
5h20. Parfois on a des réflexes inexplicables : J'allume la télé pour accompagner mon petit-déjeuner, la rediff' de Stade2, c'est nul mais je regarde... un reportage sur un type qui fait du vélo, je suis content pour lui et du coup je regarde, ensuite il y a quelques interview de footballeur - toujours bon à prendre... le temps passe, mon cacao refroidit, mon sac n'est toujours pas fait, Franck Ribéri apporte à lui tout seul la touche de divertissement qui manque à cette émission toute lisse : "quand je suis rentré sur l'terrain j'ai entendu des supporters qui criaient très beaucoup mon nom"... ça y est je suis en retard.

J'ai 30 kilo de bagages dont une guitare à faire passer par la portière du camion sous une pluie froide, molle, continue et agaçante - une vraie pluie de lundi matin. J'attelle une Chereau, et lorsqu'enfin je me pose bien au sec derrière le volant... la pluie cesse, comme si tout était calculé. Finalement elle reprend quelques instants plus tard à l'abattoir, car il faut bien que j'aille ouvrir les portes avant de me mettre à quai.
Je charge pour l'Italie, 20 tonnes de cochon pour trois clients. Le premier se situant à Turin, je prévois de passer par le tunnel du Fréjus... puis j'hésite un instant : Fréjus = Lyon = lundi matin = heure de pointe = bouchons = temps perdu... Il est 7h45 lorsque je quitte le quai de l'abattoir, je décide de tenter par Lyon Malgré tout...

Une heure plus tard nous sommes quelques milliers agglutinés dans l'entonnoir en pente de Rillieux, j'ai manifestement pris une excellente décision.
Je m'arrète avec 4h30 pile de l'autre coté du tunnel. Je mange mon traditionnel taboulé avec un oeuf et du pain de mie, puis je descends tout schuss sur Torino.
Sur place j'ai la bonne surprise de constater qu'un emmerdeur à garé sa Fiat Uno juste devant le portail étroit, rendant ainsi la manoeuvre "très beaucoup" difficile, voire quasi impossible. J'y arrive quand-même car je suis heureusement "très beaucoup" balèze. Le cariste qui assiste à la scène me suggère de ne pas hésiter à pousser les voitures lorsqu'elles se garent devant... j'y penserai la prochaine fois.

Je me retrouve cette semaine encore sur l'A21. Je commence à la connaitre par coeur : les sorties, les aires, les temps de parcours...tout. Je sors aujourd'hui à Stradella pour desservir une salaison au milieu des vignes. Le paysage est Magnifique, la salaison l'est un peu moins : ici le réceptionnaire balance les morceaux de porc un à un dans un grand bac; une montagne de viande froide finit par émerger en faisant des bruits peu ragoutants... vivement la belle barquette colorée pour rendre toute sa noblesse au produit!

Je roule dix heures mais je ne parviens pas à mon dernier client, j'ai perdu trop de temps ce matin. J'échoue sur le grand parking en terre de Modena Nord, et comme je n'ai pas assez de place dans le ventre pour trois rations de pâte - la spécialité du resto local - je décide de jeûner.

Aujourd'hui un type m'a proposé de l'argent pour faire passer cinq ressortissants Tunisiens du tunnel du Fréjus à Lyon. Au début je ne comprenais même pas ce qu'il voulait, je ne m'attendais pas à cela. Il a tenté de me convaincre en instant sur "l'argent-facile qui me tend les bras"... j'ai tenté de lui expliquer que j'ai ce qu'il faut pour renouveler mes barquettes de taboulé toutes les semaines, que je pourrais certes mener la grande vie avec toujours plus de taboulé, mais que "non" son trafic n'est pas prêt de m'intéresser...

Maurienne

dans une ZI, à Turin

certains n'ont pas des métiers faciles

super le pneu!

Mardi 5

Ce matin la chance est avec moi. Lorsque j'arrive dans la grande usine à jambons j'aperçois au loin le parking et je transpire déjà : il y a 7 ou huit camions sur les 5 places, je me demande d'ailleurs comment ils ont réussi à se caser les uns à coté des autres... je ne veux pas y aller mais il n'y a guère d'alternative à ce parking pourri, impossible de rester sur la route - elle est trop étroite. Donc j'avance, mais comme je ne veux vraiment pas y aller j'avance doucement, encore plus doucement lorsque je passe devant les vitres sans teint du bureau (histoire de bien me faire voir) je sors aussi mon plus beau sourire ainsi qu'une pancarte "faite moi entrer SVP!"... voici alors le coup de bol du jour : un type en blouse sors et me fait signe, je m'arrête, il me demande "Asotrans?"... (il y a écrit "A S O T R A N S" à un mètre de ses yeux sur la calandre) je le rassure : "Si! Asotrans!", alors il me fait entrer au nez et à la barbe de tous, je passe à quai et décharge de suite.

Le soleil cogne déjà derrière le pare-brise, il est 7h30, je m'endors à moitié, bercé par PJ Harvey dont le dernier opus est peut-être la plus belle chose que j'ai entendu ces 28 dernières années. Pendant ce temps-là une équipe d'ouvriers (ou d'esclaves - on se le demande) arrachent les jambons des barrettes à une cadence infernale, et, pour gagner toujours plus de temps, ils balancent tout par terre dans la semie : les tiges, les crochets, les ficelles. Je passe près d'une heure à ranger, une heure les mains dans le ju de cochon pendant qu'un collègue Polonais fait les poubelles pour récupérer des tiges et qu'un autre se douche au bidon sur le parking... un petit coin de tiers monde sur les terres de Ferrari.

Je lave à la Vela. En attendant mon tour je m'exerce à discuter allemand avec un chauffeur autrichien très gros et très sympa.
Je pars ensuite en direction de Florence dans le sillage d'un TFMO... tiens tiens, où va-t-il? je ne le saurais jamais, je sors avant lui : Firenze Scandici. Ici aussi je passe à quai sans attendre, à peine le temps de finir la barquette de taboulé entamée hier. Il est 12h45 lorsque je ferme les portes, direction la Bretagne... enfin le programme a le temps de changer d'ici là.

Je longe la Méditerranée dans un décors estival, PJ Harvey me récite son album pour la cinquième fois, je passe Gènes, je coupe 30 minutes à Casale, je prends une douche, je roule jusqu'à l'autoport d'Aoste, je me gare à contre sens, je vais acheter une barquette de mortadelle, je mange sur mon siège passager, je joue un peu de guitare, le Real gagne 4-O, l'Inter perd 5-2, Louhans-Cuiseaux ne joue pas, je tape ma journée de carnet de bord, je ne suis pas inspiré, je dors.

certains n'ont pas des métiers faciles

un carrosse parmi les carrosses

un autre

Toscane

Mercredi 6

4h, je sors de ma place en marche arrière, je quitte le parking, je descends la rampe jusqu'à la zone de régulation... et là, surprise : il y a une trentaine de camions en attente, les barrières sont fermées, le tunnel est en alternance pour travaux. Je suis pris au piège... avec pour seule satisfaction ma position qui me permettra de partir dans les premiers à 4h45 - heure de réouverture. Je patiente. 4h45 pétante, le type en fluo est du genre ponctuel, il me file la contremarque et je m'enfuie sans trainer : il y a un troupeau de collègues énervés derrière.
Une demie heure plus tard, rebelote : coincé derrière les barrières du tunnel (en haut), ce dernier n'ouvre qu'à 5h30. Maigre consolation : je ne passe pas par la case "escorte", je m'engouffre avec les bachés, puis nous dévalons le versant français tel un ras de marée de tas de ferrailles à moteurs déployés lachés dans la vallée pendant que les militants anti-camions rêvent de fret ferroviaire dans leur chalet. Il y a une certaine compréhension dans la descente : tout le monde coupe bien les virages, ceux qui ne connaissent visiblement pas les lieux s'effacent, les autres évitent de se doubler... voici une route avec uniquement des camions qui reste parfaitement fluide...

Sur la rocade de Bourg un type à moto tente un dépassement par la droite en plein virage : il a faillit se faire coincer entre les essieux de la semie et le trottoir, il m'a fait très peur... et lorsque qu'il a finalement doublé par la gauche il a encore trouvé moyen de protester. Un con, un vrai.

Je passe plus de deux heures dans la cour, je mets du gazole, je fais du fenwick, je fais des plans pour Jozsef - le dernier rentré chez Asotrans... bref je m'occupe en attendant Monsieur Pneus de chez Metifiot pour changer les deux roues avant de la semie qui sont à la limite de la ferraille.
Je garde mon voyage pour la Bretagne. Je décolle à 11h30 avec mes deux chaussettes neuves. En conducteur concienscieux (et surtout toujours inquiet), je vérifie de serrage des roues 50 Km plus loin... et je resserre effectivement un écrou.

Je traverse le Charolais sous une magnifique journée d'été, des insectes de tous genres et toutes tailles s'en écrasent à coeur-joie sur le pare-brise. Et puis il y a celui-là qui vient cogner contre le rétro et rebondir dans la cabine dont la fenêtre est légèrement entre-ouverte... je l'aperçois furtivement tomber vers mes pieds mais je me concentre sur la route. J'imagine qu'il est de toutes façons mort vu la violence du choc... mais quelques instants plus tard je sens un truc qui grimpe le long de mon molet, alors je tape, "à l'aveugle", mais je continue à sentir grimper... je continue à taper... bon sang jusqu'où va-t-il monter?! soudain une piqûre en plein sur le genou, je pose ma main gauche à plât pendant que la droite tient toujours le volant; entre la paume et la rotule quelquechose croustille : c'est bon je l'ai eu, c'était une petite guèpe.
Comment une bestiole d'un centimètre se sort vivante d'un choc à 90 Km/h avec un camion de 40t, alors que je risque ma vie uniquement en glissant sur une peau de banane?

Je roule 8h55, j'arrive à Blois. Ne sachant pas trop où aller je m'engage dans la première ZA, je trouve une sorte de trottoir juste en face d'un magasin de musique. Je vais acheter 4 médiators et je commence à en user un en grattant jusqu'à la tombée de la nuit. C'est le grand retour de la guitare dans le camion, bientôt le Stade de France avec Johnny.

un barbeuc qui tourne mal

poster franceroutes avril 2011

le printemps de Bourges

la classe...

Jeudi 7

Je me réveille à 3h. Je me lève à 3h20. Je ne suis pas en forme : fièvre, frissons, ça y est j'ai la crève. Bordel quelle idée j'ai eu de me découvrir d'un fil sous prétexte qu'on était en avril.
Je sors de Blois et ses innombrables rond-points pour découvrir que la route de Vendôme est interdite aux PL car en travaux; génial; je suis la déviation.
Il n'y a rien à signaler jusqu'à cette barrière de péage de Laval vers laquelle je me dirige pour rejoindre la route de Fougères. Une seule voie est accessible à nous, les camions dont le passage - même s'il remplit les caisses et engraisse les actionnaires - est concentré sur cette seule piste car il ne faudrait quand-même empiéter sur les 3 pistes voitures au risque de contrarier leurs occupants qui sont peut-être justement actionnaires de la société d'autoroute... bref, lorsque j'arrive il n'y a qu'une voie d'accessible et un camion Tchèque en warning dessus. J'attends. Le temps passe, je descends proposer mon aide. Le chauffeur est en panique : il n'a pas de télépéage, il veut payer en liquide, ne comprend ni l'automate qui lui fait face, ni la voix qui lui donne les instructions dans l'interphone, ni ce que je tente de dire en Tchèque...il faut dire que je parle très peu Tchèque. De l'autre coté de l'interphone, l'agent semble peu préoccupé par cette situation qui dure depuis maintenant plus de cinq minutes... chute de l'histoire : pour payer en liquide ça se passe uniquement sur l'automate du bas (pour voitures), celui du haut ne prend que les cartes... très pratique en camion de payer en bas...

Depuis quand les Tchèques paient en liquide?

7h20, je suis à destination. Je reste tout juste 45 minutes à quai.
Comme à peu près tout le temps, il y a changement de programme en ce qui concerne le rechargement. Je vais en direction de la Normandie, en direction d'Argentant.
Lorsque j'arrive dans la grande boite, les trois types de la réception me font le coup du "je dis pas bonjour, je tourne même pas la tête pour voir qui c'est". Je reste quelques minutes à les regarder fixement, complètement ébahi par autant de non-communication volontaire et débile... j'hésite entre rester polis ou balancer tout fort ce que j'ai sur le coeur, c'est à dire : "wôôôôôôô!!!! bordel vous me voyez pas là!!! je viens charger, y'a personne qui peut s'en occuper!!!" finalement j'opte pour le plus discret : "excusez-moi, pour charger, je m'adresse à qui?" et le moins aigris des trois daigne enfin tourner le cou : "pour charger il faut aller directement sur le quai..." "ok, super, mettez un panneau à l'avenir..."
Sur le quai, autre ambiance : on se sert la main, on se tape dans le dos, on se fait des blagues bien lourdes. Je confie la responsabilité du chargement au cariste le temps de prendre ma douche. Tout juste 45 minutes plus tard, je n'ai plus qu'à fermer les portes, prendre les 10 kilos de papier, et m'en aller.

Toujours sous un soleil aoutien, une grosse bestiole parvient à nouveau à entrer dans la cabine après avoir rebondi contre le rétro. Cette fois-ci je peux m'arrêter pour l'expulser avant qu'elle me pique...
J'ai effectivement beaucoup d'anecdotes passionnantes à raconter

En attendant au feu rouge, à Saint Calais, j'aperçois des jeunes sur le trottoir de gauche, avec leur portable dans la main, ils regardent vers moi... puis lorsque le feu passe au vert il dégainent leur portable et me prennent en photo... wahou! je ne m'y attendais pas!
Je traverse Saint Calais, j'arrive au deuxième feu, et, cette fois ci sur la droite, un autre groupe de jeunes se retourne et trois d'entre eux sortent leur appareil photo pour me shooter au passage... je fais les appels, je klaxonne, je fais coucou, la totale... Mais que ce passe-t-il à St Calais? hypothèse 1 : on a demandé à une classe de faire un reportage sur le transit PL dans la ville; hypothèse 2 : je suis véritablement devenu une super star.

Vendôme étant toujours inaccèssible, je prends direction Orléans, eu égard à cette incompréhensible interdiction de St Hilaire - Moré.

Je cherche un coin tranquille pour me mettre en coupure mais je ne trouve pas et Orléans se rapproche. Je tente une dernière fois de trouver l'endroit pénard que je cherche dans la zone du Pole 45, mais il y a des bordures et des cailloux partout, car maintenant même dans les ZI on ne veut plus des camions... alors plus qu'une seule solution même si je ne veux pas y manger (il est maintenant plus de 15h) : le CR d'Orléans... endroit magnifique où l'on est sûr d'entrer mais pas sûr de sortir tellement les camions y sont entassés...
Je me pose dans un coin, le frigo tourne à fond, je mange une salade et j'essaie de dormir, je suis toujours malade.
Pas facile de se reposer: on se croirait en Italie en été, j'hésite entre ouvrir et supporter le bruit ou fermer et supporter la chaleur. Je fais un mix des deux.

Je suis réveillé par un type qui gueule. Il ne parle pas, il gueule. Au début j'essaie de me rassurer en me disant que ça va passer... mais non... il est manifestement à deux pas du camion, et il gueule. Puis il se met à chanter; et à rire très fort; à chanter à nouveau; et à gueuler... j'ai beau mettre de la musique je l'entends par dessus... je suis à bout... je sors de la couchette, je tire le rideau à gauche - je ne vois rien, je tire le rideau à droite - dans mon rétro j'aperçois un groupe dont quelque uns sont visiblement émèchés, en train de chanter en buvant des grandes bières devant leur camion... ils font la teuf, j'essayais de dormir. J'hésite à y aller... ils sont 4 et bourrés - je suis 1 et à jeun.

Du coup je ne dors pas, je reste assis derrière mon volant à regarder les collègues rechercher une place improbable sur ce parking mal-foutu. Soudain quelqu'un vient se présenter à ma portière : Alain, conducteur Belge, super sympa, habitué de fierdetreroutier. Voici une rencontre qui fait plaisir, nous prenons le temps de discuter devant un verre avant d'être rejoins par mon collègue Gilles. A défaut de manger je bois des cocas, puis des cafés. Je laisse Alain en espèrant re-croiser sa route un de ces 4, j'essaie de dormir une heure quand même...

levé de soleil en Bretagne

Mayenne

le type qui boit des grandes bières et qui gueule

Alain, chauffeur Belge super sympa!

Vendredi 8

Pas facile avec autant de caféïne. Lorsque le réveil sonne, à 0h30, j'étais tout juste sur le point de m'endormir... mais non... une autre fois.
J'ai toujours un mal de tête terrible, des frissons, le nez qui coule, et tout et tout...
Avant de partir j'hésite à allez chanter sous la fenêtre du camion de mes amis de l'Est... je pense qu'à cette heure-ci ils ne sont pas en état de m'entendre. Alors je décolle et cède ma place à un gros chanceux de chez Robin-Chatelain qui n'en aurait pas trouvé d'autre.

Route de nuit, mal de tête, PJ Harvey pour la 71ème fois.
Je descends dans la vallée de l'Azergues pour un rendez-vous annoncé à 7h. Tout juste le temps de 45 minutes de guitare sur la nouvelle aire de Lapalisse au beau milieu de la nuit, puis j'arrive à destination à 7h02 très précisément. Il y a un TGC à quai. Je vais à la réception, un type consulte son calepin et me sort avec toute l'indifférence que je mérite après un tel road-trip nocturne : rendez-vous 10h, pas avant. Je lui explique brièvement qu'on m'a dit 7h et j'ai performé pour m'y tenir... il s'en tape... alors moi aussi du coup, ils n'ont qu'à vider à 14h je couperai dans la cour... marre de ces conneries.

En retournant au camion je tombe sur un chauffeur de l'entreprise qui vient lui aussi se présenter car il connait fierdetreroutier... décidément quel succès!
Je suis vide à 10h30. J'ai une deuxième livraison à faire dans les environs de Bourg, j'y parviens in extremis avant midi, au terme d'une heure de conduite dont je ne vois pas le bout tellement je suis mal en point... ça va de moins en moins bien, je ne sais pas ce que j'ai.

L'après midi je passe une Chereau au MIN.
Je termine cette semaine sur une ultime piste de "Let England Shake", PJ Harvey, je ne m'en lasse pas.

l'Arbresle

sssplatchhhh!

va falloir prendre des couleurs mon gars!

Allez, va chercher la baballe!

Samedi 9

Dimanche 10

Week end ensoleillé sur Pont de Vaux, comme partout en France. On ressent dans l'atmosphère comme une ébullition : les gens ont sorti le short, le vélo, le chien, la grand-mère, les enfants, et on part se ressourcer sur les bords de la Reyssouze pour oublier la dure semaine à la briqueterie qui s'est achevée vendredi et qui recommencera demain.
Je pense être en retard. Je ne sais pas, ne connaissant pas mon programme j'ai planifié un départ de Bourg à 16h... mais il est déjà 16h05 lorsque je ferme la porte de mon squatte insalubre de la place Legrand. J'aurais bien fait un tour de vélo moi aussi? tant pis, le week end prochain, sous la pluie.

Lorsque j'arrive au dépôt le camion est attelé, chargé, branché. Gros suspens en ouvrant mon casier... je découvre ma liste de chargement : 7 clients dont 2 connus, la mission s'annonce tendue : partir vers 14-15h eût été plus souhaitable.

Ca cogne derrière le pare-brise mais il me reste quelques frissons de cette "crève" que je traine depuis la semaine dernière - elle a résisté aux décibels du week-end - si bien que je suis partagé entre mettre la clim, ouvrir la fenêtre, ou mettre un pull... je suis mal : je transpire et j'ai froid.
La première demie-heure de route est pénible, je commence a sérieusement appréhender la journée, puis la semaine à venir. Finalement ça passe, un peu.

J'arrive au Fréjus - il est en alternance pour travaux. Je patiente 18 minutes coté Français, puis 30 coté italien pour remettre le compteur à zéro.
Il ne me reste ensuite qu'à descendre sur Torino, puis sur Cuneo. J'arrive à destination quelques minutes avant minuit, j'ai trouvé de suite grâce au GPS, c'est fermé mais il y a un bout de trottoir pour dormir devant.
Je suis naze, je dors.

Fréjus fermé

Lundi 11

Personne ne m'a réveillé, et pour cause : il n'y a toujours personne lorsque je tire les rideaux à 7h30.
Je suis toujours malade : la gorge, le nez, la tête.
Le cariste arrive à 8h, il vient chercher les palettes dans la rue - je n'ai pas besoin de bouger le camion. Il est d'excellente humeur : même lorsqu'il manque de renverser une palette en passant la bordure du portail, il prend ça à la rigolade, tandis que je fais contre poids en risquant ma vie de l'autre coté...

8h30 - début officiel de la période tachygraphique. Je contourne Cuneo en compagnie d'une horde de travailleurs blasés qui tentent de me passer par la droite, par la gauche, mais dans tous les cas en force, à chaque rond point. Je reprends l'autoroute à Mondovi pour descendre sur la côte, dans la ville la plus propre d'Italie : Savone. J'ai 8 palettes à "scaricare", je passe à quai sans attendre.
Au début je ne comprends pas les gestes bizarres du cariste... puis je vois que, de toute évidence, ce dernier souffre du syndrome "Gilles de la Tourette" qui lui inflige une sorte de chorégraphie précise et saccadée à base de toc, toujours la même, à chaque fois qu'il sort une palette du camion. C'est assez déstabilisant, on a envie de l'aider mais il n'y a rien à faire sinon se comporter le plus naturellement du monde.

Je remonte ensuite vers Milan.

Je n'ai pas pris le temps de manger pour arriver juste avant 14h chez ce troisième client. Je le redoutais et il s'agit bien d'une grande plateforme logistique avec une organisation à la con comme je les aime. J'attends. Je n'ai que 4 palettes à decharger ici, les minutes défilent, je mange une banane pour atténuer mes contorsions stomacales. Je suis en compagnie d'un chauffeur de chez AlpFroid qui est tout aussi ravis d'être ici, nous échangeons quelques histoires de vieux routiers puis nous passons à quai tous les deux. Au total mes 4 palettes me coûtent plus d'une heure et demie, je repars le couteau entre les dents, mon client suivant est une autre plateforme avec une organisation à la con comme je les aime...

J'arrive à 16h, je me fais draguer par le jeune gardien (qui trainerait le soir sur les parkings que ça ne m'étonnerait même pas...), je tente en vain de perdre le moins de temps possible à faire le tour du batiment, puis je décharge. Il y a là une femme avec une charlotte sur la tête et blouse blanche qui assiste à l'opération en prenant des notes sur un calepin. Je ne sais pas qui c'est, ni ce qu'elle veut, tous ce que je sais c'est qu'elle est perspicace car lorsqu'elle m'a vu enfiler mon blouson pour aller décharger - elle m'a dit en souriant et en désignant la semie: "il fait froid dedans!"; sans blague...

Je passe une bonne heure dans cette boite de Milan puis j'enchaine avec mon client suivant : direction Bergame. Sur la route je retrouve un terrible mal de tronche et lorsque j'arrive à destination, ayant pris une bonne dose d'embouteillage entre temps, cela doit se lire sur mon visage livide car le gardien se montre très gentil avec moi; il m'explique que la réception est fermée depuis 16h, puis, en voyant mon air désabusé - uniquement préoccupé à trouver un endroit pour me garer convenablement et dormir, il part à la recherche d'une solution. 10 minutes plus tard une ravissante réceptionnaire me signe les documents. Je reprends la route.

Direction La région de Mantova pour une livraison que j'imagine repoussée à demain, il est maintenant plus de 19h. En suivant le GPS je me retrouve à passer entre les murs étroits d'un petit village, mais j'arrive toute de même à mes fins : Une salaison dont la lumière brille toujours derrière les fenêtres. Je tente, à tout hasard... et je tombe sur le patron qui receptionne en personne ses deux palettes... Il est 19h30... haaa si toutes les boites pouvaient ressembler à celle-ci...

Contre toute attente, j'en ai donc fait 6, il me reste une seule livraison et ce sera pour demain matin car je n'ai plus les heures. Je coupe au Nord de Mantova, dans la zone industrielle où il est fort probable que je recharge demain.
Je mange du riz et je profite du réseau wifi.

dormi là

nuage de pollution sur la Méditerranée, à Genova

des clients peu accessibles

container

Mardi 12

Pour commencer cette journée, j'arpente une route tout juste large comme le camion pendant 4 ou 5 kilomètres qui en paraissent 10. Je redoute la croisure, heureusement non. Je ne sais pas si cette route était la meilleure mais l'endroit que je cherche est bien au bout : une salaison perdue dans un petit bled où je vide à même la route. Il me faut faire un demi tour à l'arrache dans le carrefour suivant, car sinon, d'après le cariste, c'est une traversée du desert sur route de merde qui m'attend. Pas le choix, je fais mon demi-tour, et je suis très heureux de retrouver la route nationale (qui est pourtant pas terrible à la base)...

Je recharge effectivement là où j'ai passé la nuit, il est midi lorsque j'arrive, il me faut attendre 14h. Je mange, je fais une sièste et je prends ma douche.

A 15h je décolle avec mon chargement surgelé, direction Lyon. Je suis toujours malade.
Je roule jusqu'à l'aire de Rivoli où j'essaie de jouer un peu de guitare pour combler la demi heure de coupure réglementaire.

Je passe le Fréjus et me laisse couler tout schuss sur Lyon. Lorsque j'arrive à destination il y a déjà Pierrot à quai, je descends faire un brin de causette mais remonte vite dans le camion : il fait froid, j'ai de la fièvre.

je dors comme une masse sans prendre le temps de manger.

je ne croise pas une voiture...

livraison dans la rue

Guidizzolo

typique italien

Mercredi 13

Ce matin c'est Pierrot qui me réveille : la place à quai est libre, l'occasion de passer avant les deux autres camions dont les rideaux sont encore tirés. Nous buvons le café, la réceptionnaire m'indique qu'il va y avoir un peu d'attente. Pierrot est vide et lève le camp. Je décharge à 9h30. Il me faut ensuite attendre Andrik qui doit me laisser une palette de congelé à remonter au dépôt.
Il est finalement 11h lorsque je quitte les lieux.

J'arrive à midi au dépôt, mon chef m'annonce la suite des évènements : une tournée de groupage à charger à l'abattoir, encore une, encore avec 7 clients. Pour l'heure, car je ne suis pas si pressé, je pars manger de la truite à "la Gougeonnette" avec Ali. Puis je fais escale à la Pharmacie pour obtenir au moins de quoi finir la semaine, je suis de moins en moins bien.

En début d'après midi je me retrouve seul avec mon tire pal, devant une vingtaine de palettes sans étiquettes, à essayer de tout remettre dans l'ordre pour charger ma tournée de groupage surgelé. Cela me prend une heure... mais j'aime charger ma semie, c'est du temps gagné pour la vider.
Il est 15h30 lorsque je quitte Bourg en Bresse avec la marchandise, les bons de livraison, mais seulement un CMR sur deux de fait... je ferai les autres plus tard.
Je recontre quelques difficultés à hauteur de Genève, sortie de bureaux oblige. J'escalade le Mt Blanc... et lorsque j'arrive en haut : surprise, contrôle des douanes. A ce moment précis j'ai une bonne monté d'adrénaline, je repense aux 4 CMR qu'il me manque... La moyennement-charmante douanière me demande les papiers de la marchandise... Je lui en tends 3, en gardant autant que possible un air impassible, sûr de moi. Et ça marche, elle me pose quelques questions, je lui réponds avec beaucoup de tchatche, genre je suis trop content de raconter mon job... puis elle me laisse filer en me souhaitant bonne route.

J'attends trente minutes sur le parking frigo, je peux descendre à Tortone sans refaire de coupure.
J'arrive à 22h30, il y a des camions plein la rue devant le poste de garde de l'énorme complexe logistique, j'essaie de négocier avec le gardien pour me garer à l'intérieur mais il se montre impassible. Alors je vais m'entasser avec les autres, en marche arrière dans la voie de sortie, le seul endroit où il reste un peu de place. Je dors.

le paradis à deux pas de l'autoroute

ce mec à tout pigé

un Belge au tunnel

hummm...

Jeudi 14

La boite dans laquelle je dois déposer deux palettes n'ouvre qu'à 8h, c'est à dire à 8h20 le temps que tout le monde boive le café et raconte ce qui c'est passé à la télé la veille. C'est de bonne augure pour la journée qui m'attend.
La suite se déroule au nord de Pavia, je brave quelques interdictions pour parvenir chez ce destinataire : un énorme entrepôt au milieu des champs. En attendant mon tour de décharger, j'écoute un collègue qui me raconte sa vie alors que je persiste à lui dire que je ne comprends pas beaucoup l'Italien...
ça avance pas vite, il est déjà 10h30 lorsque je franchis la barrière de mon troisième destinataire, à Milano. L'usine est étroite et avec un sens de circulation. Dès le premier virage pour contourner le batiment j'aperçois un camion qui bloque le passage. Je descends, je m'approche... et je constate éffaré que ce dernier est le 6ème de la liste d'attente du quai 4, le quai où je dois moi-même poser ma palette - car je n'en ai qu'une. Tous les chauffeurs sont amers, c'est compréhensible.
Je parviens à trouver un accord avec le cariste pour vider ma palette avant les autres... mais il me faut de toutes façons attendre de pouvoir passer le virage.
Au total je reste une heure chez ce client. Une heure - une palette, à ce rythme là il va me falloir trois jour.

Ma troisième livraison se trouve au nord ouest de la ville, j'arrive à midi pile, c'est la pause déjeuner, et merde...

Je mange un avocat-mayonnaise et une gamelle de riz.
la salaison rouvre à 13h30, il me faut m'engouffrer dans la cour minuscule en marche avant... pour ressortir on verra plus tard. j'approche les palettes d'une tonne au tire-pal manuel, heureusement il n'y en a que quatre.
Je sors en me faisant guider pour reculer sur la route à l'aveugle. Je pars maintenant en direction de Lecco. Je laisse dix palettes à Lecco.

Il me reste deux livraisons : une à Ferrara, l'autre à Venise. Je pars pour Ferrara mais mon chef m'appelle pour modifier le programme : il vaut mieux faire Venise en premier : ils m'attendent.
Je ne suis pas très rassuré quant à cette mission qui s'annonce périlleuse : une palette de viande à livrer à un hotel, en plein centre ville d'une cité balnéaire au Nord de Venise. Je roule jusqu'à Bergame via la nationale, puis j'attrape l'A4. Cette autoroute est particulièrement surchargée en cette fin d'après-midi, c'est insupportable. Je croise Thomas et je rate mes trois photos. J'arrive à venise par l'ancienne autoroute rebaptisée "A57". Je fonce ensuite sur Jesolo mais comme j'arrive tout près de ma destination avec 4h20 de conduite, mieux vaut-il faire 45 minutes de coupure avant, pour assurer le coup. En voyant l'endroit sur une carte, mon chef contact une société de transport équipée de porteurs pour éventuellement faire la livraison si vraiment c'est impossible en semie... pour l'heure il me faut quand-même aller voir.

Je me dirige vers le centre du centre de la ville... il y a quelques intersections difficiles mais dans l'ensemble ça passe, je suis même rassuré de rencontrer beaucoup de cars de tourisme, certains français.
D'ailleurs les quelques touristes qui me voient débarquer dans l'ultime ruelle où se trouve mon hotel se montre très surpris: on a pas idée de passer en camion ici... pourtant si.
Je me pose en warning, je vais voir un premier hotel à pied, ce n'est pas le bon, le mien est au bout de la rue, c'est à dire au bord de la mer. Je vais voir, toujours à pied, l'hotel semble fermé mais en le contournant je trouve de la lumière et même un type, il m'attendait. D'après lui, il n'y a pas de problème pour venir en camion... d'après moi, venir ne posera effectivement pas de problème, par contre repartir...
J'approche le camion jusqu'au tapis de réception. puis nous dépotons tous les cartons pour refaire une palette à terre, ici il n'y a bien-entendu aucun chariot. A 21h je suis vide : mission accomplie! Je suis content de moi... je prends quelques minutes pour aller enfoncer mes chaussures de sécurité dans le sable mou de la plage sans doute artificiel de cette ville dénuée de charme qui pue le touriste. J'ai entendu la mer, je ne l'ai pas vraiment vu car il faisait nuit... mais cette escapade était comme une bouffée d'oxygène pour achever cette journée stressante.

Je n'ai plus beaucoup d'heure de conduite. Le temps de ressortir de cette impasse en marche arrière et sans aucune visibilité dans le carrefour où je fais demi tour, j'ai encore moins d'heures de conduite. Je préfère donc ne pas repartir vers l'autoroute et ses places de parking incertaines, je squatte un dépôt de bus pour la nuit.

des palettes tour-de-pisalles...

la queue-leu-leu pour une seule palette

barrière de Milano nord

livraison devant le tapis rouge de l'hotel

Vendredi 15

Ce matin ô miracle ça va un peu mieux. Je descends sur Ferrara et je n'ai même pas trop mal à la tête, ça faisait longtemps. J'emprunte une portion d'autoroute complètement pourrie qui secoue le camion à m'en faire tomber la cibi sur le coin de la tête... heureusement je l'ai vu venir.

Je décharge mes deux dernières palettes dans une usine ultra moderne, avec un quai ultra merdique.

Je recharge sur Mantova, comme d'habitude, j'arrive vers midi, comme d'habitude, il va falloir attendre 14h, comme d'habitude, alors je prends le temps de manger, comme d'habitude, puis de prendre ma douche, comme d'habitude... on ne va pas se stresser un vendredi après-midi.
Finalement cela ne se déroule pas si mal, à 15h je décolle avec mes papiers en poche et un thé dans le ventre.

La route vers le tunnel du MOnt Blanc se déroule sans encombre, mais je calcule mal mon coup et arrive sur l'aire de Nus avec 4h32 de guidon... c'est nul, ça ne servais à rien de tirer jusqu'ici, mais bon c'est trop tard.

Je finis une casserole de riz entamée hier, je trie quelques photos à caser dans ce carnet de bord, je joue un peu de guitare, pas longtemps, je suis fatigué, je dors.

tu te prends pour un bus?

nationales italiennes

Nogara

un Romano

Samedi 16

J'ai mis le webasto hier et j'ai bien fait : ce matin le thermomètre affiche un petit degré à Aoste. Je passe la régule sans voir la polizia, c'est rare, puis je monte au tunnel où j'arrive pile en même temps que l'escorte, c'est rare aussi.

Je passe en France et descends sereinement sur Bourg en Brousse, j'arrive au dépôt à 8h45. Je me dépêche j'ai un rendez-vous chez le medecin pour éradiquer enfin cette fichue migraine qui me pourrit la vie depuis maintenant plusieurs semaines. En espèrant qu'il ne me mette pas en arrêt.

descente du Mont Blanc

retour a la casa

Dimanche 17

Lundi 18

Le médecin a été formel : il faut arrêter le pâté et les chocos. Surtout en même temps. Dorénavant il va falloir manger des fruits, des légumes, dormir et refaire du sport. Ainsi, ce week end je me suis remis en question : pour le pâté ok, pas de problème... mais faire une croix sur les chocos! ô mon dieu! c'est la fin d'une époque... le choco est l'aliment de base de tous mes repas (gratin de chocos, chocos vapeur, blanquette de chocos...etc.) Mais je dois me rendre à l'évidence, l'abus de chocos nuit gravement à la santé. Le choco c'est pire que la clope, le choco est une drogue dure qui vous transporte vers je ne sais quel paradis artificiel en quête d'un bonheur improbable à l'image des aventures glorieuses de cet enfoiré de Prince de LU...
Je pars donc ce matin avec un énorme sac de fruits et légumes : endives, tomates, salade, concombre, radis, oignons, kiwis, pommes, bananes... puisqu'il faut en manger, je vais en manger! finit le gateau tout gras qu'on attrape pour passer le temps sur une autoroute terne... dorénavant je croquerai dans une endive! parfaitement! Finies les vieilles salades piémontaises en barquette avec 78% de sauce toxique... maintenant ce sera des radis, un yaourt nature et une pomme!

A la fin de cette semaine je fais une dépression.

Me voici au dépôt à 10h10 pétante ce matin... je devais venir à 9h mais à cette heure-ci j'étais encore en train de laver les endives. Mon programme ne nécessite pas d'affolement particulier : lorsque j'arrive la semie n'est pas encore chargée et j'ai le temps de raconter mon wekend passionnant au bureau. Ce weekend j'ai joué au foot, j'ai tenté quelques papinades mais sans succès, lorsque je raconte c'est passionnant...

Je pars officiellement à 12h30 et je m'arrête 20 minutes plus tard pour commencer à manger tous ces fruits et légumes qui encombrent le frigo. Je ne suis pas pressé, j'ai le temps de manger, et puis il faut de toute façon que je le prenne ce temps...
C'est pas si mauvais une salade d'endive?...

Je pars vider une palette chez "La vache qui rit" à Lons.

Direction ensuite l'Italie avec 7 autres livraisons... je suis actuellement en pleine "période groupage", il est loin le temps des complets pour la Suède.
Je commence vers Cuneo, je peux normalement décharger ce soir... mais lorsque j'arrive la grille est fermée, on me laisse rentrer parce qu'il n'y a pas de quoi dormir dans les parages, mais le reste aura lieu demain.

Salade, guitare, carnet de bord, couchette.

joli

on est ce que l'on mange : je suis une endive et plus un bout de pâté

avec la bi-temp'

joli

Mardi 19

certaines tournées "difficiles" sur le papier se déroulent à un tel rythme qu'elles finissent par devenir plaisantes, plus plaisantes par exemple qu'un complet de jambons à livrer sur Modena. D'autres non. D'autres tournées son pénibles de bout en bout, et feraient presque regretter d'avoir choisi une fac de routiers plutôt qu'une fac de medecine.

Il est 6h50 lorsque je me réveille, toujours garé sur le parking de l'usine. Personne n'a tapé au camion, les deux seules voitures présentes attestent que le travail n'a pas encore commencé. Je cherche des toilettes, il n'y en a pas, je me retiens. Je n'arrose jamais ma roue, je ne suis pas un chien; j'arrose volontiers un buisson, une mauvaise herbe ou une affiche du FN, mais il n'y a rien de tout ça ici - uniquement du béton, donc je me retiens.
Je réveille mes doigts en les baladant sur ma guitare, puis 8h et les premiers employés arrivent, je me mets en place et décharge 5 palettes.

Je commence donc pas très en avance. A 9h je suis en place chez le second, il s'agit de celui chez qui j'ai dormi dimanche dernier. Aujourd'hui ce n'est pas le sympathique cariste de la dernière fois, c'est un vieux peu causant, limite aigris. 1 seule palette à sortir, je reste dans la rue, le vieux débarque sur son chariot. Il enfourche la palette, recule, passe le petit devers du portail... et là... c'est le drame : j'entends "Santa Maria..." et puis "chhhppaaaafffff..." La palette est versée sur le côté, il y a du poulet dans un rayon de cinq mètres. Le vieux n'en finit plus avec ses "Santa Maria..." et bizarrement on dirait qu'il m'en veut... alors que bon... je n'y suis pas pour grand chose. Comme il est tout seul et malgré que je soie préssé je l'aide à tout ramasser. 20 minutes - pas un merci, pas un café, pas un poulet éventré en retour, rien. Sympa le vieux, je m'en souviendrai.

Pour ma livraison suivante, je dois remonter en direction de Turin. Les routes sont étroites par endroits, mais dans l'ensemble ça roule bien. J'arrive à 10h, dans une usine-ville d'un géant de l'agro-alimentaire. Je méprise profondément ce genre de livraison. Je n'ai qu'une palette à poser et rien que l'enregistrement auprès du gardien me coûte 15 minutes, tout ça pour m'entendre dire "il faut attendre sur le parking 15 à 20 minutes".
Cela fait maintenant près de 3/4 que je suis arrivé et je suis toujours en attente... je retourne voir le gardien, il appelle la réception, me dit d'attendre 10 minutes. J'ai l'impression qu'on me prend pour un con? J'appelle mon chef, il me dit de partir. Je vais annoncer ça au gardien "Hé mec, jme casse, ciao!"... il saute sur son téléphone et me passe une responsable-de-je-ne-pas-quoi, qui m'explique non sans autorité que je dois attendre, 20 minutes, que de toutes façons je ne peux pas partir...etc. Et moi je triomphe intérieurement en lui répondant avec la plus grande assurance : "Non seulement je peux partir, mais je le fais, Hors de question d'attendre une heure pour une palette, je ne suis pas à votre disposition...etc."
Beaucoup de temps perdu, de gasole cramé, pour arriver dans ce genre de boite où l'on impose tout et n'importe quoi aux fournisseurs en imaginant que "de toutes façons ils n'ont pas le choix."

Je roule jusqu'à Savone, j'arrive à 12h50. Un type du bureau me dit "Al'due", je m'y attendais, je prends donc moi aussi le temps de manger, c'est pas si mal. Il est 14h15 lorsque je vois les caristes trainer la pate jusqu'au bureau, j'attends comme convenu depuis 14h. Le responsable attrape mon CMR et me dit d'attendre sur le parking... "combien de temps environ?"..."bah...environ 2h, il y a 3 autres camions à décharger avant". Au début je crois à une blague, mais non... il me faut bien attendre 2h. Coup de fil au chef... "c'est encore moi...etc" il me répond de partir. Je retourne voir le responsable-de-je-ne-sais-pas-quoi ; "Hé mec, jme casse, ciao!"... il se montre surpris, me demande "tu reviens livrer demain?" - "non" - "tu livres quand alors?" - "je ne livre pas, je me casse" - "ha bon...".
Bon sang je n'ai jamais été autant un rebelle...

16h j'ai des palettes plein la remorque et la pénible impression que tout marche de travers.
Je livre 4 de mes clients, dont les deux merdiques, chez un transporteur qui se fera une joie d'aller poireauter des heures sur les parking de réception à ma place.
Il m'en reste deux, tous deux dans la région de Milan. Je me tape un embouteillage monstrueux sur la tengenziale, j'arrive à 19h chez le premier, c'est fermé.

Tous ces dysfonctionnements amènent à un changement de programme : je fais un relai avec Ali demain matin, une nouvelle semie de groupage pour de nouvelles aventures, de nouveaux gardiens, de nouveaux réceptionnaires, de nouvelles heures d'attente.

c'est bien par là

ok, on ne fait pas le poids

mon dieu ce qu'ils sont pénibles...

Mercredi 20

A 4h20 le téléphone sonne, c'est Ali, il est bloqué chez le premier client qui refuse de décharger. Moi j'attends à l'autre bout de la ville et il faut prendre une décision rapidement. Hors de question d'appeler le chef à cette heure-ci, il est sans doute en train de rêver de camions et de bouts de viande, je rappelle Ali pour lui proposer de venir prendre sa place en solo, et lui de faire la même chose pour récupérer ma semie, je pense que c'est la meilleure chose à faire car il n'a plus d'amplitude. Ainsi je décroche et traverse Milan comme une balle, croise Ali qui ne me voit pas, et attelle une Lamberêt avec pas moins de 10 clients au menu...

Je suis en attente, j'essaie de finir ma nuit.
6h15 on tape à la porte : un type en blouse blanche me demande les papiers, les visionne furtivement, puis m'indique le quai 1. Il n'est pas facile le quai 1, il est à ras le mur, et lorsque qu'il y a un camion au 2 il est à la limite de l'impossible. Il sont 2 types à me guider pour la manoeuvre et aucun des deux ne met utile : le premier surveille le camion du quai 2 - que je vois parfaitement de mes propres yeux -, le second est sans doute en train de faire des grands gestes que je ne peux malheureusement pas voir car il persiste à rester dans mon angle mort. Bref, une manoeuvre énervante mais la seule opportunité de décharger avant 8h30 - l'heure initialement annoncée.

Je me retrouve laché sur la tangenziale à 7h, en compagnie des joyeux excités du volant qui pilotent en téléphonant, en lisant le journal, en se recoiffant, uniquement préoccupés à aller de l'avant coûte que coûte en se faufilant partout où c'est possible quitte à entraver la marche des autres, surtout si les autres sont de type poids Lourds. 1 heure de Rho à Agrate.

Je vide à Bergame, je vide à Rovato.
Le suivant se trouve près de Verona. Ici le réceptionnaire fait encore plus fort : pour me guider il me dit carrément dans quel sens tourner les roues... non mais pour qui il me prend? Il faut dire que le quai est vraiment rockn'roll, il faut baisser à fond, casser à fond, raser le mur et s'aligner à l'aveugle... tout un programme. Je décharge une quarantaine de crochets, il faut les prendre au robot et les peser un à un, je perds du temps.
Midi, je suis à Rovereto. J'ai prévenu à l'avance, on m'a attendu. Je n'ai que deux palettes à décharger mais ce qui était annoncé comme une formalité me coûte près d'une heure : il manque des documents, il faut attendre un fax, le fax n'arrive pas.

Jusqu'ici c'était tendu mais relativement facile : je connaissais tous les destinataires. Passons maintenant aux choses sérieuses, il m'en reste 5 dont 4 à découvrir. Je fais appel à Thomas alias "Thomas les bons tuyaux" qui a eu le loisir de faire cette tournée lundi et qui peut ainsi éclairer mon parcours - d'autant plus que contrairement à moi, il explique bien.
Je décharge une salaison au nord de Vicenza - Facile. Ensuite un client habituel au sud de Bassano del Grappa - facile aussi. Voici maintenant un marchand de bidoche dont l'accès relève de l'aventure de tous les dangers, nous sommes au Nord de Montebelluna. Malgré les indications, malgré le GPS, malgré le radioguidage en direct - toujours avec Thomas - je trouve moyen de louper la rue à gauche. La belle rue à gauche. La rue à l'angle pointu avec les arbres et le panneau "interdit + de 20t"... peut-être qu'inconsciemment je ne voulais pas y aller? bref, j'ai tiré tout droit, je trouve la salaison quand même mais je suis maintenant dans le mauvais sens et je ne veux pas tenter d'y entrer. Je bloque la rue quelques secondes... et quelques secondes suffisent à provoquer une belle symphonie pour Klaxon en Ré mineur. Un vieux sors il me demande ce que je viens faire... puis monte dans sa voiture pour m'escorter sur les toutes petites routes afin de me remettre dans le bon sens : très gentil le vieux!
Je vide une palette. J'ai 9h de volant, il me reste deux livraisons.

J'hésite à couper sur place et repartir demain car la suivante et annoncée comme très difficile d'accès, je ne sais pas trop où ça va me faire atterrir.
Après un coup de fil à la tour de contrôle, je remets en route, "on attend la viande" apparemment. Je ne cherche même pas l'adresse sur le GPS, je suis les indications de Thomas qui a décidément une excellente mémoire. L'endroit est magnifique : petite route qui court entre les vignes, escalade les reliefs et traverse les villages, c'est de toute beauté, ce doit être un plaisir à arpenter en vélo... mais en camion ça fait peur.
La salaison se situe en plein milieu d'un petit village, l'accès est merdique, la manoeuvre est merdique. Je vide une palette, demande si je peux rester ici pour la nuit... "oui si le frigo ne tourne pas"... bon ok je m'en vais, il ne me reste qu'un quart d'heure au tachy.

Je ne roule pas 5 minutes et voici que je tombe sur l'endroit idéal : un espèce d'arrêt de bus au milieu de la montagne et des vignes, avec vue extraordinaire sur le sublime paysage; je me case là dedans et tout bètement je suis content : ça ne sens pas la pisse, il n'y a pas de bungalow avec un gardien aigris devant moi, il n'y a pas d'autres camions, il n'y a rien sinon des vignes et quelques maisons parsemées entre les coteaux.
Je pars faire un tour armé de mon appareil photo, histoire de ramener quelques clichés pour tapisser la mémoire de mon disque dur.
Grosse journée : 9 clients, 9 mises à quai, pas mal de stress... et au final la consécration : une salade d'endives, perdu sur une route de montagne, quelquepart dans le veneto.

wouhou... c'est l'aventure

j'ai livré dans ce village

pas facile-facile...

c'est mieux que l'aire de Villabé pour dormir

Veneto

Jeudi 21

4h20, je quitte les paysages magnifiques sans les voir, il fait nuit. Je descends par la même petite route sinueuse, en deux fois moins de temps mais avec l'appréhention permanente de ne pas voir un des nombreux pièges qui me font obstacle : branche, bordure, balcon, panneau, voiture, poney...etc. Tout se passe bien, je suis de retour sur "le plât" et fonce pour arriver chez mon dernier client avant 5h... J'arrive à 5h30, pas mieux, mais de toutes façons c'est fermé : on m'avait annoncé "rdv à 5h - la boite ouvre à 6h..." Coure Régis, Coure...

Je décharge mes deux dernières palettes et tombe sur un encostardé, sûrement le patron, qui ne se prive pas de me témoigner - non sans un certain mépris pour ma personne insignifiante - sa contrariété de ne pas avoir été livré hier. Je suis content... ultime grogne sur une tournée de 10 clients qui sont tous à peu près insatisfait que je n'arrive pas plus tôt... Les mecs s'imaginent que je viens de France leur livrer une palette à eux tout seul, ne comprennent pas qu'une semie à vider ça prend du temps, n'imagine pas à quel point j'ai tout fais pour être dans les clous depuis hier matin - début de ma mission... bref, passons.

Je recharge du côté de Portogruaro, alors je vais du coté de Portogruaro. En route j'ai faim, je mange une banane, la 8ème depuis lundi, la banane a remplacé le choco.

A l'entré de Portogruaro j'aperçois une énorme vitrine remplie de maquettes de camions : il s'agit d'une boutique du fabricant Adria, j'ai le temps, j'essaie de me garer, je ne peux pas, de l'autre côté c'est possible - je m'arrêterai au retour.
7h50, j'arrive dans l'usine où je suis sensé recharger. Je me mets à quai, je sors les palettes et j'attends 8h.
8h, le responsable des expéditions me dit qu'on ne peux pas charger de suite, il faut attendre. Je demande le traditionnel "combien de temps" pour estimer sans contrarier mon vis à vis l'inconnu qui se présente à moi en minutes, heures, demi-journées, journées.... Au début il me dit "avant-midi", ensuite "après midi", et enfin l'apothéose "ce soir"... génial

Pas d'autre solution qu'attendre. Je me douche, je me fais à manger, je joue de la guitare, je joue du carnet de bord, je fais une sieste... l'endroit n'est pas désagréable, je suis près d'un carré de verdure avec des oiseaux, des insectes, une légère brise d'air et la route nationale juste derrière comme pour me rappeler d'où je viens.

Le temps passe, le camion Asotrans reste.

A 18h le chargement n'est toujours pas prêt : on commence à entrer les premières palettes mais le reste arrive au rythme de la chaine de production, c'est à dire une palette tous les quart d'heure.

Je suis chargé à 21h45, no comment...
C'est parti pour un road-trip nocturne. 22h, je sors de la cour, et je pars en direction du péage.


7h30

le bleu ou le rouge?

21h30...toujours là

Vendredi 22

Week end de Charles Pasqua oblige, l'Italien moyen met la famille dans la voiture pour aller manger un bout de capretto rance chez la belle-mère; il a donc du monde sur l'A4 ce soir, du moins jusqu'à minuit environ, ensuite je me retrouve tout seul avec mes CD sur l'interminable ligne droite qui traverse le pays d'Est en Ouest. Il y a bien Milano puis Torino qui me contraignent ôter le régulateur le temps d'une barrière de péage, mais pour le reste du parcours, je me contente de faire acte de présence.

9h30 de route, parfois je me demande à quoi penser... et je réalise que je pense à quoi penser, puis que je pense que je pense à quoi penser, puis que... etc jusqu'à la folie pure.

Je m'arrète mettre 100l au Gran Bosco, il est 5h, le vendeur de la station en écrase sévère derrière son comptoir.

Je passe Chambéry juste avant le bazard quotidien appelé "heure de pointe". Je fais ma deuxième pause réglementaire sur l'aire du Guier où je retrouve Hervé pour un gobelet de café bienvenu.
A 9h pétante je suis à destination. Il y a ici Thomas qui a apparemment briefé tout le monde sur le fait que j'aie roulé toute la nuit : je trouvais étrange cette soudaine sympathie des réceptionnaires. Il y a néanmoins beaucoup d'attente; Thomas lui a fini, il s'en va vers de nouvelles ramasses tandis que je retrouve ma couchette pour somnoler en écoutant "Comme on nous parle" sur Inter.
Je passe à quai à 11h30; avant moi il y avait un double-équipage allemand : le couple à attendu ici tout le matin et doit maintenant transferer les palettes europes de l'intérieur de la semie vers les coffres, en plein soleil, dans la poussière. Je suis à coté, je vais les aider, ils sont très reconnaissants, me propose des clopes, des bières, je ne veux rien de tout ça... juste filer un petit coup de main parce qu'il y a écrit "fierdetreroutier" sur le camion et un peu d'entre-aide c'est peut-être la seule liberté qu'il nous reste.
Parlons-en de liberté... il est 12h, je suis vide, je suis à une heure de Bourg, avec 9h30 de volant, nous sommes vendredi. Théoriquement je dois me mettre en coupure dans une demie heure, attendre 11h (car j'ai déjà fait 3 fois 9) et repartir, vers les 23h30 pour rentrer chez moi. Là je repense à la phrase préférée du contrôleur moyen : "bah il faut anticiper Monsieur...".

16 livraisons en Italie, dont 15 pas faciles... et voici tout ma fierté d'être routier mise au fond de ma poche : on vient me chercher à Lent, à 25 minutes du dépôt, parce que je n'ai plus droit de conduire. Je fais un chouette métier.

voyage au bout de la nuit

je me fais conduire

ouai

Samedi 23
Dimanche 24

Lundi 25

Nous sommes lundi de Pâques, je ne cherche pas les œufs – je cherche le truc qui sonne pour me sortir du lit : J’y vais à tâtons, je pose la main sur le réveil, je l’éteins, je me rendors. Il est 7h.

Me voici allongé sous un arbre, au milieu des pâquerettes, en train de somnoler pendant que mon troupeau de chèvres broute l’herbe tendre des alpages et que mon clébard filtre l’air, la truffe au vent. Les papillons papillonnent, les fourmis fourmillent, les bourdons bourdonnent, les crapauds crapotent, les sauterelles sautent, le ruisseau ruisselle, c’est le paradis sur terre… lorsque soudain : « ho bah il fait encore chaud ce matin ! »… tiens c’est étrange ? C’est la voix du vieux qui habite au dessus ? Qu’est ce qu’il fout avec moi dans les alpages ? Mais… au bordel quelle heure est-il ???
Oui il s’agissait bien d’un rêve et le vieux du dessus l’a brisé comme on brise un cristal parce « qu’il fait encore chaud ce matin » - ainsi s’adresse-t-il à sa vieille depuis le couloir de l’immeuble. Il est maintenant 9h20.

Je n’ai pas fait mon sac, ma toilette, ma bouffe, mon linge, le ménage, les courses… je n’ai rien fait. Je pars une fois de plus en catastrophe ; et tandis que je roule j’entends sonner le téléphone depuis le coffre de la voiture… ça y est, le chef s’inquiète. 11h10 j’arrive au dépôt, 11h20 je décolle… j’avais prévu 10h.
J’avais prévu 10h certes, mais en y recalculant de plus près je ne suis pas en retard ! Je suis même carrément dans les temps… voire en avance. En effet si cette semaine je descends dans le sud de l’Italie, ma première livraison est à Ravena demain matin, c'est-à-dire à 9h de route.

En passant le dernier lacet de la monté du Mont Blanc j’aperçois au loin un gugusse en uniforme au milieu de la route… c’est une douanière, la même que la dernière fois, elle m’arrête à nouveau. Je lui présente mes papiers de chargement, tout comme la dernière fois ils ne sont qu’à moitié complétés, tout comme la dernière fois elle ne les regarde presque pas et me les rend avec le sourire. Je m’en sors bien.
Pierre-Yves me rejoint au tunnel, nous roulons laborieusement coté italiens en creusant un sillon au milieu des touristes. Nous coupons sur un bout de parking quelconque faute de pouvoir aller à Viverone en 4h30, toujours à cause des touristes. Je passe ma demi-heure à essayer de faire des plans à Pierre-Yves pour ses livraisons, mais j’explique mal et mes plans sont nuls.

Je fais la suite du parcours en solitaire, en passant un à un les cd de la semaine, en regardant perplexe l’agglutinement des voitures dans l’autre sens avec parfois un ou plusieurs camions engoncés là dedans, pris au piège des retours de weekend.
En 4h28 très précisément j’atterris sur la dernière station avant Ravena, c’est parfait, il n’y avait pas de quoi tout retourner ce matin : j’ai plus d’une heure d’avance.

vallée d’Aoste ce lundi

Pierre-Yves a trouvé ma fuite d’air

il reste quelques places…

Mardi 26

Surprise en tirant les rideaux : il y a du brouillard. Cela rend l’atmosphère d’autant plus étrange sur cette station. Le parking est immense et vide, les toilettes sont immenses et vides, la boutique est immense et vide… et je me retrouve tout seul devant la serveuse au moment de boire mon café. Je ne sais pas quoi dire. Déjà en Français je ne sais jamais quoi dire, alors en italien… du coup je me contente de dire « ciao » au moment de partir.

Je vais chez mon client pour 7h. La boite ouvre à 8h. On me décharge la moitié de la semie en un temps record. Le reste de l’aventure se déroule vers le sud, le brouillard se lève et je descends via la nationale. Tout se passe bien, juste un quart d’heure de bouchon à Orte pour rejoindre l’autoroute. Nous sommes mardi et l’A1 est toujours sursaturée dans le sens de la monté : une sorte de bouchon continu de Rome à Naples ; mais pour moi ça roule.
J’ai 4 palettes à poser dans une grande usine au sud de Caserta et étrangement il n’y a que très peu d’attente… serait-ce la semaine de la chance ? Je continue. Me voici en pleine banlieue napolitaine, dans cette région hostile où l’on cultive les fruits, les légumes, et les poubelles. Au hasard d’une bretelle d’accès à une grande route on peut apercevoir, entre les piliers en béton, des logements de fortune sur des tas de poubelles avec des gens qui trainent au milieu sans doute parce qu’ils n’ont rien d’autre à faire.

Le temps est assez variable mais dans l’ensemble bien pourri : à peine 11° lorsque je m’engage sur les hauteurs d’Avellino, en direction de Bari. Je suis déjà passé à plusieurs reprises dans les parages mais aujourd’hui je ne reconnais rien : je paysage est incroyablement vert, du vert à perte de vu sur les reliefs et dans les vallées, on se croirait ailleurs que dans cette Italie du sud au paysage typiquement aride. On se croirait en Irlande…

Ma dernière livraison est à Melfi. J’y arrive avec 9h30 de volant. Ici encore le paysage est surprenant : Il s’agit d’un immense plateau désertique, vert, mais désertique. Il n’y a rien sur des kilomètres et puis soudain, une immense zone industrielle, une zone avec des routes et des ronds points tous pourris et surdimensionnés : la route principale de la zone doit faire quelque chose comme 20 mètres de large et pourtant il faut zigzaguer entre les cratères, les détritus en tous genres et les animaux errants. On croise beaucoup de chiens errants, ils sont généralement tous maigres, tous moches et au milieu des routes à la recherche de je ne sais quelle ordure improbable à rogner.
Je me pose devant l’entrée de l’entrepôt que je cherchais, Il y a poste de garde, c’est rassurant pour y passer la nuit. Le gardien me dit de revenir demain à partir de 5h30, en sachant « qu’à 5h30 il y a des camions prioritaires »… ok je règle le réveil à 7h. Pour le moment je m’affaire à préparer un poulet flageolet des familles, comme il pleut je ne peux que difficilement aérer la cabine… quelle idée aussi de ne pas aller au resto…

bel Eurostar

entre Orte et Terni

petit coin d’Irlande entre Naples et Bari

drôle de ZI

bienvenue dans le sud

Mercredi 27

7h je m’étire dans la moiteur de cette cabine nimbée d’effluves de flageolets et de poulet. Je mange une pomme et je tire les rideaux. Plusieurs camions sont arrivés dans la nuit mais pas trop, je m’attendais à être le 50ème – je dois être 5 ou 6ème sur la liste d’attente du gardien. Ce dernier note mon nom et mon prénom puis me dit retourner attendre au camion : il m’appellera. En effet il y a un haut-parleur qui retenti tous les quart d’heure environ pour faire entrer un camion.

Je joue de la guitare pendant une heure et puis soudain : « WREGUIS WRIBOLETTE ! WREGUIS WRIBOLETTE ! » résonne dans toute la zone industrielle avec la voix saturée du haut-parleur. C’est bien moi qu’on appelle, oui, moi Wréguis Wribolette. Je démarre, j’avance juste au poste de garde, on m’indique le quai 66, je m’y rends tranquillement. Au quai 66 je tombe sur un type qui me dit « c’est pour le 29 ! », je lui réponds « le 29 ? Mais le gardien m’a dit quai 66 ? »… « Non, c’est pour le 29, le 29 mai, t’as deux jours d’avance, reviens porte 66 mais le 29 mai… » Je tombe des nues selon l’expression bizarre « tomber des nues ».
Et moi qui ait débuté officiellement ma période de travail en bougeant le camion jusqu’à cette fichue porte 66 pour entendre cette sentence. La journée commence très mal. Je reste planté plus d’une heure en attendant des nouvelles de mon chef… puis le haut-parleur saturé me rappelle pour me dire de sortir de retourner attendre à l’extérieur du site… génial, tout va pour le mieux. J’attends encore un long moment dehors, puis enfin j’ai pour consigne d’aller vider ailleurs.

Je redescends sur Salernes, à la recherche d’un transporteur dont l’adresse n’existe ni sur le GPS, ni sur la carte, ni sur internet… nulle part. Alors je me dirige vers le bled, paré pour l’aventure.
Je me paie effectivement une bonne dose d’aventure avec mon trop gros camion dans ces trop petites rues… je cherche juste à m’arrêter demander des renseignements mais simplement pouvoir s’arrêter quelque part s’avère difficile. Je tourne un bon quart d’heure puis je finis par trouver, complètement par hasard.
Me voici chez un transporteur typique - sud de l’Italie : des gros topline tout bariolés dans la cour, des cabines baissées et des types qui trifouillent dans les moteurs, peu de place – beaucoup de camions, un vieux turbostar qui rutile sous un hangar, des frigos qui braillent, qui types qui gueulent, des chiens qui passent… bref tout l’inverse de ce que je peux voir en Suède. Je décharge. Sur le quai les caristes sont en admiration devant ma penderie et ses systèmes d’aiguillages : eux ne connaissent que leurs vieilles penderies de type « européennes ».
Pour repartir et rejoindre l’autoroute : même galère. Je passe dans des ruelles effrayantes d’étroitesse… mais je parviens à l’autoroute quand même, peut-être était-ce la bonne route…

Je recharge des tomates au pied du Vésuve, dans un endroit difficile d’accès (pléonasme), mais un endroit où j’avais tellement galéré pour y venir la première fois que j’en garde quelques souvenirs et je trouve aujourd’hui très facilement.
Il est 15h30, je viens de me cogner une vingtaine de tonnes au tire pal manuel + les palettes à sortir des coffres, j’ai bien transpiré, je quitte Salerne, Naples, le Sud.

Il y a toujours cette interminable transhumance sur l’A1, je décide de remonter par la côte, quitte à braver quelques perturbations sur le raccordo de Rome. Pari payant : Rome se passe pas si mal, et je gagne un semblant de couché de soleil sur la Méditerranée.

Je suis à la recherche d’un tarif de gazole pas trop scandaleux, je ne trouve pas. 1,49 / 1,48 / 1,50 / 1,47… etc. Et puis soudain cette station Esso qui affiche 1,39. Je m’arrête. Les pompes PL sont HS, il me faut reculer à contre main pour entrer en marche arrière sur la seule piste voiture, il est 22h, je peux me le permettre. Me voici alors en train de ravitailler avec la pompe la moins rapide du monde… une horreur… 27 minutes pour mettre 300 litres. Du coup je n’ai quasiment plus d’amplitude et je décide de dormir sur place.

pour les fans

les rues de Salernes en camion…

Régis prend des photos

un supermarché à Rome

sur la côte

Jeudi 28

L’avantage c’est que j’ai le café au réveil.

Mon Chef m’a dit d’appeler à 8h, j’appelle à 8h. Il me dit d’attendre, avec le jour férié cette semaine est assez difficile à organiser et je risque de faire un relais. Donc j’attends. Je joue de la guitare. Le temps passe, des dizaines de minutes à claquer du La, du Ré et du Sol en imaginant que c’est trop tripant… je me contente de peu.
Au bout d’un moment je m’inquiète : et s’il m’avait oublié ? J’envoie un message juste avant 10h… effectivement il m’a oublié. Je dois faire un relais avec Andrik, je ne sais où, je ne sais quand… je me contente de remonter le long de la côte sur une route pas trop désagréable.Je passe Genova sous un temps qui change toutes les 5 minutes, je remonte jusqu’à la station Tamoil d’Alessandria sud où je reviens aux nouvelles. J’ai apparemment le temps, Andrik est toujours en train de charger.
La douche, la bouffe, la sieste, la guitare… et puis « Là-bas si j’y suis » sur France Inter avec comme sujet du jour, et c’est une coïncidence, « les travailleurs sans papiers de la région entre Salerne et Naples ». J’écoute attentivement.

Le relais a lieu à Suse, à 21h, tout juste dans les temps pour que je ne dépasse pas l’amplitude. J’attelle une semie de pendu, je bois un café rapidos avec Andrik et je fonce sur Lyon. J’arrive au milieu de la nuit, je me mets à quai, je dors.

superbe

toujours sur la côte

Genova

Vendredi 29

Pour dormir ici il faut s’agripper à la couchette : le quai est en pente, et puis il faut lever la suspension à fond pour que les crochets roulent plus facilement lors du déchargement…

A 6h je sens bouger dans la semie, ils attaquent, ils n’ont pas besoin de moi, je continue ma nuit. Je rouvre un œil vers 9h. Ma coupure est bientôt terminée. Cela fait un moment que plus rien ne bouge et j’imagine que la semie est maintenant vide. Grosse désillusion : il en reste la moitié.
Au téléphone mon chef me dit de dételer et de revenir à Bourg en solo.

Fin de la semaine, en rangeant mes affaires j’entends ma voix dans l’autoradio : j’avais laissé un message sur le répondeur de « Là-bas si j’y suis », il est passé à l’antenne, ça fait drôle. ( http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=2170 )

Pour la semaine prochaine, il s’agirait d’un périple suédois…

une nuit à quai

Samedi 30

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