Mon Carnet de bord... Suivez mes aventures, semaine après semaine!

Novembre 2011

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Mardi 1

Lons le Saunier - Bourg en Bresse c'est une heure de 4L. Aujourd'hui j'arrive au dépôt à 17h, je passe par la case café, histoire de me réveiller un peu, puis je cours jusqu'au camion sous une pluie dense et froide. Il est 17h15 et il fait presque nuit... bon sang ça y est, ça sent l'hiver, les feux de bois, la soupe poireau-pomme de terre, la neige, les routes glissantes, Noël, le Jour de l'an, 2012-la fin du monde, 2014-la fin des routiers français...

Je pars avec un bel ensemble : j'ai attelé la semi d'Hervé, une Lamberêt toute récente et toute rutilante.

En ce week-end à rallonge on ramasse les grumeaux à la pelle sur les routes de France. On a été faire une bise à l'arrière-grand-tante au cimetière et on se traine à 70 sur l'autoroute parce qu'il pleut, il fait nuit, les gosses braillent, le téléphone sonne et le chien fait de la buée dans le coffre... autant de raisons légitimes de ralentir tout le monde.
Jusqu'à Genève ce voyage est tout simplement insupportable. Ensuite c'est mieux. Certes je passe une bonne demi-heure à attendre au tunnel et je me contente de calmer ma faim avec un maigre sandwich au jambon, mais l'heure tourne et la route est redevenue notre - pour moi et les 4 types de l'Est qui poireautent sur le parking d'escorte.

Je fais une descente "classique" avec pause café à Viverone, traversée de Milan à la régul', et échouage sur le parking de la grande usine à jambons au milieu de la nuit. Ca ressemble à un dimanche mais il s'agit bien d'un mardi.

toujours de belles bétaillères à Bourg

bricolage polonais

tout en lumières

j'ai dormi à coté d'un bel Actros...

Mercredi 2

Je n'ai pas grand chose à manger dans le cabine, en guise de petit déjeuner je finis un vieux paquet de "petit bruns" entamé il y a plusieurs semaines. Les "petits bruns" sont des "petits bruns tout mous", ça fait de la pate dans la bouche, j'ai l'impression de manger de la terre et je n'ai rien pour faire descendre, pas de café.
Hormis mes galères culinaires j'ai un autre souci qui me préoccupe : depuis hier je ressens une douleur au poignet droit, une sorte de tendinite je pense. Et ce matin cette douleur est décuplée au point que je ne peux quasiment plus utiliser mon pouce. C'est ennuyeux. Notament pour faire "OK!". Ou alors pour faire "bouuu, c'est nul". Ou encore pour faire du stop. Ou encore pour jouer du piano. Je joue rarement du piano. Je ne connais l'origine de mon handicap... sans doute la scie sauteuse de ce week end, ça m'apprendra à tuner mes meubles Ikea.

Ma première livraison est terminée en fin de matinée et j'ai toutes les peines du monde à déblayer le bordel laissé à l'intérieur: chaque crochet pèse 10 kilo pour mon poignet engourdi, je souffre. cela dit je m'en occuppe avant de faire mon second client de Modena, histoire de ne pas rajouter du bordel au bordel.
Lorsque j'arrive à midi devant ce deuxième point de chute, c'est la vision d'horreur que j'appréhendais : il y a des camions de partout, sur le parking, devant les quai, en vrac, le long de la route, dans tous les sens. Un jour férié et c'est le ras de marée de viande pour la fin de semaine. Je rechigne à m'entasser avec les autres, je laisse mes CMR ainsi que mon numéro de portable et je vais attendre ailleurs.

Je trouve une place sur le parking de La Vela, il y a un "Morand" du 44. Le chauffeur qui partait manger semble attendre que je finisse de me garer, j'interprète ça comme une invitation à l'accompagner, je le rejoins. Il s'appelle Alain, il est très sympa et c'est l'occasion de manger une bonne pizza, presque aussi bonne que celles de la "Vieille Auberge".
Ensuite je tape une sieste parce que d'une part ma nuit à été courte, et d'autre part l'incertitude plane toujours concernant l'heure et/ou le jour où l'on va m'appeler pour vider.
15h45 : voici la réponse.

A 16h je suis à quai, une demi-heure plus tard je re-souffre à brasser les crochets. Et puis comme je n'ai plus de bidon pour me laver les mains il me faut partir à la recherche d'un truc qui ressemble à un vestiaire, parce que l'espèce de local-chauffeur avec lavabo dégeulasse et sans savon est indigne de mon chien.
Je parviens à me laver les mains et je retourne à la Vela pour faire l'intérieur de la semi.

Il est déjà 18h, aujourd'hui je n'ai quasiment pas roulé, mais comme il est trop tard pour recharger je pars tranquillement me mettre en place à Mantova pour être le premier demain.

J'ai toujours mal au poignet.

...il s'est cloné pendant la nuit (?)

le carrelage de Sassuolo

la spéciale "Vela"

avec Alain de chez Morand

un chargement de pendu... sans penderie

Jeudi 3

Ce matin je retrouve Michel dans le bureau d'expéditions, nous buvons le café. Mon chargement est très rapide, tellement rapide que, comme la dernière fois ou l'avant dernière, les caristes font une erreur dans la préparation : alors que j'étais sur le point de partir je dois me remettre à quai pour trouver la palette mystèrieuse. Avec de la chance elle est vers l'arrière, sinon il faut tout ressortir. Finalement elle est au milieu. A 9h30 c'est bon, je peux partir, tandis que cela se passe moins bien pour Michel qui n'a toujours pas commencé à charger.

Direction Lyon. Pour traverser Mantova j'hésite à prendre la route nationale qui contourne par le sud interdite aux PL, puis dans un élan de servilité je passe finalement par Goito et ses routes hyper-étroites - qui elles sont autorisées... va comprendre. Je roule jusqu'à Cremona à la vitesse ahurissante de 65 km'h derrière deux camions italiens - un turbostar et un scania - que je ne peux pas doubler, à aucun moment. Je prends l'autoroute à Cremona.

Aujourd'hui j'ai le choix : soit je fonce comme un mort de faim pour essayer de vider ce soir, en foulée, soit je prends le temps de manger, de me doucher, de faire la sièste, auquel cas je vide demain matin. Là-encore j'hésite. Allez, au risque de me prendre un gros vent et de ne pas livrer ce soir, je fonce. On ne sait jamais, si ça peut arranger derrière.

30 minutes tout juste à Villanova d'Asti (j'avais fait 17 minutes à quai), puis je file à Lyon d'une traite, en 4H.
Personne à quai, je prends la place direct. Je peux effectivement décharger à condition que JE décharge car il n'y a apparemment personne pour le faire malgré les deux caristes aux bras balans devant moi... Double peine : t'as courru et tu décharges. Peu importe, l'essentiel est d'être vide et disponible pour autre chose.

La petite poignée du tire-pal électrique, celle qu'il faut actionner avec le pouce, me fait beaucoup souffrir. Bon sang mais quelle fillette ce Ray...
Avant de partir je prends ma douche, dans le vestiaire-fillettes.

Direction Valence pour charger de la viande. Je n'ai pas les heures pour y aller, je suis libre de couper où je veux entre Lyon et Valence... je choisis l'aire de Roussillon et son gigantesque parking histoire d'être tranquille.
Au menu ce soir : maïs en entrée et riz sans rien dedans en plat principal... moitié poulet - moitié clébard.

toujours la bavette à l'horizontale chez Rocco

péage de St Julien de Maurienne

un gros scania

Vendredi 4

Cette nuit la pluie m'a réveillé. Pas longtemps. Je me suis dit "wouah, ce qu'il tombe!" puis je me suis rendormi profondément. On dort mieux avec la pluie, ça berce, et ça masque les autres bruits.
Mon réveille sonne à 5h30, je le reprogramme pour 6h30. Non mais qui l'avait mis aussi tôt!? toi Ray... tu voulais faire ton carnet de bord...
Mon réveille re-sonne à 6h30, cette fois-ci je me lève. Il pleut toujours, j'hésite même à sortir pisser... mais de toutes façon je dois sortir coûte que coûte, ne serait-ce que pour vérifier si on ne m'a pas ouvert les portes ou les réservoirs. Je ne peux pas partir sans vérifier.

Quelle expérience incroyable que celle des WC high-tech de l'aire de Roussilon!!! Pour se laver les mains il y a trois trous dans le mur : savon - eau - air; ça fait un peu flipper comme ça, on se demande ce qu'il y a derrière, on hésite à y entrer les mains, mais ça fonctionne pas trop mal.

J'arrive à l'abattoir pour 8h, je me mets sur la piste du lavage - ici ce n'est pas automatique -, j'enfile les bottes et je karchérise tout ce qui bouge, pour rendre l'intérieur aussi propre qu'une cité sous l'aire Sarkozy. J'en ressors trempé, dehors il pleut toujours, je ne prends même plus soin de m'abritter.
Autant dire que le thé et la "maxi-galette bretonne" passent bien, au milieu de ce réfectoire des années 50 avec tous ces gens en blouses maculées de sang qui bouffent leur casse-dalle les yeux dans le vide.
La viande n'est pas encore toute découpée, mon chargement s'éternise.

12h30 c'est terminé et surprise : le chargeur n'a pas fermé un taquet. Conséquense : j'ai 10 tonnes de cochon qui peuvent bouger d'un seul bloc... génial!
Je pars avec ça, on va rouler molo...
13h, je m'arrête "aux chassis" parce que j'ai faim. Je me retrouve à table avec 3 types qui commentent le journal de Jean-Piere Pernaud, c'est passionnant, notament lorsqu'il y a ce reportage sur la gagnante de masterchef... non mais c'est de l'info ça?

Je rentre à Bourg sous le déluge, ça roule mal. Lorsque j'arrive à l'abattoir et que j'ouvre les portes pour me mettre à quai, re-surprise : il y a des dizaines de jambons par-terre. Non seulement on a pas fermé les taquets mais en plus on a pas tassé les jambons, du coup ça a fait le yoyo durant tout le voyage. Les chargeurs de l'abattoir remettent tout ça en place en pestant contre leurs collègues de Valence. Moi je bois un thé au citron avec un bout de cake aux fruits... la dernière fois que je suis venu aidé ont m'a viré donc maintenant...

Je ramène le camion au dépôt, décroche la semi, fin de la semaine.

ambiance

pas un taquet de fermé...

avec une belle Lamberêt

Samedi 5
Dimanche 6

Lundi 7

Non mais comment peut-on encore croire en l'Homme? comment? Après autant de désillusions? Depuis un moment on ne cesse de me demander : "qu'est ce qui y'a? tu fais la gueule? ça va pa?"... Non ça ne va pas du tout! ça ne peut pas aller! ça ne peut plus aller! ça ne sera plus jamais comme avant : Depuis que Lou Reed chante avec Metallica je ne crois plus en l'Humanité.

Cette semaine il y a deux voyages en Suède et je suis chargé de "coacher" notre dernière recrue française : Samy, alias "Coyote" sur le forum. Problème : il y en a un qui part à Clermont (moi) et l'autre à Moulins (Samy); ça commence mal.
J'ai "choisi" le Clermont car d'une part je choisis mon boulot - ça c'est acquis -, et d'autre part : quite à rouler en décalé, autant que je soie derrière en cas de galère.

Pour l'heure je pars direction une base logistique, pas loin de Bourg. Je dois vider et recharger dans la foulée.
11h, je me présente à la réception, je suis pile à l'heure. Une dame très sympatique me répond : "aie... le gardien ne vous a pas prévenu... on ne va pas pouvoir vider aujourd'hui, il n'y a plus personne". Le lui annonce que je suis sensé recharger ici et miraculeusement un cariste ressort de son chapeau. Pas mal le tour de magie : si tu recharges ailleurs tu attends demain, si tu recharges ici on trouve une solution. Non non, les transporteurs ne sont pas pris pour des cons.
Du coup je suis vide avant midi, je contourne le batiment et je me mets au quai 2 pour charger, pile à l'heure là encore. C'est parfait. Sauf que la commande n'est pas prête. Il faut attendre. Pour une durée indéterminée.

Devant le poste de gardiennage il y a un snack, je me motive à y aller. "Chez la Chtiote" peut-on lire sur le devant du bungalow. A l'intérieur, la "chtiote", plutôt imposante pour une "chtiote", retourne les frites avec la grâce d'une nymphe. J'ai peur. Et lorsqu'elle me demande "ce sera quoi?!" je réponds n'importe quoi sous la pression: "heu... un "americain frikadelle". Alors la "chtiote" m'emballe un bout de pain, des frites et une espèce de saucisse dans un papier, je m'en sors pour 6 euros et je vais manger dans le camion.
ça ne bouge toujours pas dans la semi. Je pars à la recherche d'informations : on m'annonce "départ 13h30", ce sera finalement 14h10; pour Riom. Dès lors il va être très difficile de recharger dans la foulée à Moulins. Mais sait-on jamais... je fonce.

Il y a un carton sur la RCEA, tout le monde sort à la sortie "Vichy", pas d'incidence pour mon itinéraire.
J'arrive à Vichy pile derrière trois gros convois-exceptionnels. Il est 17h et leur parcours n'est pas des plus facile entre les ronds points, les trottoirs, les sorties de bureau, l'ambulance qui se faufile entre tout le monde, les gens qui font demi-tour parce que ça n'avance pas...etc. C'est quand même dingue de voir des mastodontes pareils ici, à cette heure-ci. Dans la plupart des pays où je passe on rencontre les gros convois sur l'autoroute, la nuit... en France non. Je perds une demi-heure derrière les trois cylindres, pour passer le temps je les espionne sur le canal 10, ça me permet aussi de voir comment les mecs travaillent : par exemple celui de la voiture pilote qui annonce les panneaux, les arbres, les trottoirs, et les jolies meufs.

Encore moins en avance suite à cette aventure, je me mets à quai au supermarché de destination. "Tu sais comment ça marche ici?" me demande le gardien; "heu non..." je lui réponds; "et bien tu sors les palettes jusque là, et puis mon gars les récupère pour les mettre au stock, mais je te préviens c'est son premier jour alors bon..."
Que veut dire ce "alors bon..."? pourquoi un tel effet angoissant?... et bien parce que tu vas mettre plus d'une heure pour vider naïf Ray...

Cette fois c'est sûr je ne peux plus charger pour la Suède ce soir, je prends le temps de faire mes courses là où je me trouve, puis je vais me faire une salade d'endives à Moulins, à 22h.
Samy qui a passé son après-midi dans le bouchon de la RCEA va finalement m'attendre pour monter.

un tapis de feuilles mortes

Vichy, ce lundi, 17h

30 minutes de perdues

promos sur les pompes pour siphonner

Mardi 8

Note pour plus tard : ne plus jamais dormir à côté de la benne à verre. Ce matin, vers 6h, j'ai cru qu'on me jetait des pierres sur les fenêtres, mais non : c'est juste Josette qui balance ses vieux litrons.

Du coup je suis réveillé, je ne comprends pas pourquoi le "tuner" de l'autoradio est sur Skyrock et l'émission de Difool m'afflige : ton portable sonne, tu réponds que ta radio préférée c'est Skyrock, tu gagnes 1500 euros. Si tu réponds FranceInter tu perds. Existe-t-il un jeu plus con que celui-ci? La valise RTL peut-être...

J'attends de bien avoir mes 11h de coupure, c'est préférable pour la semaine à venir, il faut voir à long terme. Il est prêt de 9h lorsque je manoeuvre à contre-main dans la toute petite cour de l'entreprise où je charge. Un cariste me paie le café, je tombe des nues : voici un an et demi que je viens quasiment toutes les semaines et on me dit qu'il y a du café...
Une demi-heure plus tard je préviens Samy qui se languit depuis hier soir: attention j'arrive. RDV sur l'aire de Beaune.

On déblaie encore les restes d'un accident sur la RCEA, apparemment ça a a tapé très fort, comme d'habitude. Je roule jusqu'à Châlon, puis jusqu'à Beaune. Ici commence ma semaine de chauffeur-formateur-bénévole-pour-les-voyages-en-Suède. Je découvre Samy, "Coyote", jeune chauffeur motivé pour manger de la route - ça fait plaisir à voir. Nous commençons cette semaine d'apprentissage par un café, car il est important de bien savoir boire son café et de ne pas en foutre partout. Dommage Ray, Samy ne boit pas de café : il fait parti des 1% de chauffeurs qui n'en boivent pas, ce fameux club fermé dont je me suis retiré le jour où j'ai découvert le café italien.
Je case 45 minutes pour que nous repartions tous deux à 0 de Beaune.

Direction le Luxembourg. Il règne une drôle d'atmosphère sur l'A31 : il n'y a pas grand-monde. C'est étrange. Nous prenons la vignette à Toul, le temps d'un quart d'heure de coupure, puis nous faisons la demie heure suivante à la Maxe. Ici je fais ma B-A du jour ; je change la roue d'un type en bagnole qui n'avait pas d'outils. Bon ok... j'avoue... c'était juste pour épater Samy.

Un peu de Gazole à Wasserbillig, et puis, comme il reste de la place sur le parking (c'est vraiment bizarre), je décide qu'il est préférable de stopper ici malgré à peine plus de 7h de volant. En effet cela nous laisse le temps de profiter du Burger King, des douches, des bornes tolls collect, tout en restant à moins de 9h de Lübeck.
Les douches sont ouvertes, j'en déduis naïvement qu'elles sont gratuites et nous prenons chacun la notre plutôt enchanté de ne pas débourser un rond... "Heu Samy? ça marche chez toi?"..."non, et toi?"..."bah non"... Un bon gros moment de solitude lorsque nous découvrons qu'il n'y a pas d'eau : il fallait en fait mettre un jeton dans une boite située à l'extérieur pour actionner l'eau. Note pour plus tard...

Repas diététique à base de Burger, dans une salle où les télés diffusent des images de Koala éclopés raffistolés par des secouristes... on mange bordel!
Et puis chacun retourne dans sa tannière, c'est la fin d'une petite journée pas très éprouvante.

j'ai rendez-vous sur l'aire de Beaune

Samy fait la gueule, il part en Suède

pfff... il ne dit même plus bonjour!

Thionville, heure de pointe

Mercredi 9

Je me dois de montrer l'exemple : le réveil sonne à 6h15 - je me lève à 6h15. Ok, cela parait complètement normal, mais je me serais à coup sûr réveillé vers 9h s'il n'y avait pas eu Samy.
Il fait 7 degrés, le brouillard accentue la sensation de froid, il est temps d'aller boire un café (ou un cacao).
Avant de partir il faut s'enregistrer à la borne Toll Collect, et pour s'enregistrer à la borne Toll Collect il faut attendre son tour. On se retrouve là, dans le froid - parce que les bornes sont dehors-, à attendre que les deux types qui les occupent y comprennent quelquechose. Lorsque c'est enfin notre tour je joue mon rôle de pseudo-instructeur puis je vérifie que "mon poulain" ait bien compris la leçon en le laissant faire seul. Samy capte vite, aucun souci, c'est un bon poulain!

Nous décollons à 7h30. Durant les deux premières heures de volant, Samy ne verra de l'Allemagne que du bitûme et des bandes blanches. Le brouillard à effacé tout paysage. C'est peut-être mieux : ça évite une éventuelle déception... par contre ça empêche aussi de prendre des repères. Dans les alentours de Blankenheim le mercure tombe à 1°C, de la condensation se forme sur la vitre, il ne manque plus que la neige et nous sommes en hivers.
Et puis en redescendant sur Cologne le soleil jaillit d'on ne sait où, le décors retrouve du contraste, on a l'impression que la journée commence alors qu'il est déjà près de 10h. Temps superbe sur l'Allemagne.

Nous roulons 4h25 et atterrisons sur une station Aral, il reste tout juste deux "vraies places"... à dix minutes près il nous aurait fallu continuer tellement les camions affluent à l'approche de midi. C'est que le chauffeur allemand mange à l'heure! La würst-kartofell n'attend pas!

Une seule coupure suffira s'il n'y a pas d'imprévu, nous repartons à 13h.
Elle est longue cette autoroute numéro 2... avec ses montés, ses descentes, puis ses montés, et ses descentes. Samy reste paisiblement derrière, avec une bonne distance de sécurité, c'est décidément un très bon poulain! Pendant ce temps là je cherche à agayer mon esprit qui patoge dans le néant. Ma main droite gratte dans la boite à chaussure reconvertie en boite à CD, elle en attrappe un au hasard... Le hasard, le destin, Dieu, Zidane ou je ne sais quoi me fait choisir cet opus incroyable que je n'imaginais même pas avoir à bord de ce camion, ce CD au titre rare qui repousse les limites du génie humain : "Moins que parfait parce que presqu'écoutable" enregistré sous le prestigieux label "Gogol records". J'écoute ça à fond! mais à fond! non, encore plus fort que ça! à fond! Et le pire c'est que je trouve ça génial... pour ceux qui ne comprennent pas de quoi il s'agit - c'est à dire quasiment tout le monde -, je dirai juste qu'il s'agit d'un chef d'oeuvre auquel j'ai eu la chance de participer, un monument sonore à base de guitares, de batterie, d'harmonica, de synthé, et d'autres bruits de trucs indéterminés bizarrement entre-mêlés pour aboutir à ce résultat "moins que parfait parce que presqu'écoutable". Je suis ému.

Revenons sur terre. Samy est toujours dans le rétro, nous arrivons au port de Lübeck. La nuit est réapparue. Le brouillard aussi. Et le froid. Nous éprouvons tous les deux une drôle d'impression au milieu du parking du port. Ce décors voilé, ce froid, cette lumière... étrange.
Je montre la procédure à suivre pour l'enregistrement, puis je laisse à nouveau faire Samy tout seul : je suis un prof autoritaire! Nous allons nous mettre en place dans les travées. Le bateau est un peu en retard, nous embarquons à 20h30.

Tout s'est bien passé, nous décompressons devant un plateau bien garni au restaurant. Dans le même repas je parviens à manger : saumon, piment, feta, pâtes, pommes de terre, olives, poivron, hareng... mais là où je deviens définitivement un demi-Dieu devant Samy, c'est lorsque j'ai le courage de me servir des choux de Bruxelles. Pourquoi des choux de Bruxelles? Parce qu'il y a des choux de Bruxelles sur la pochette de "moins que parfait parce que presqu'écoutable", c'est le destin, Dieu, Zidane ou je ne sais quoi...

Hummm... sexy Greta avec sa brosse...

une forêt

dans le brouillard de Travemünde

baptême d'embarquement pour Samy!

Jeudi 10

Oui bon, ok, j'ai failli me louper ce matin : nous avions rendez-vous à 6h30 à la réception et je me suis levé à 6h28. Qu'à cela ne tienne, le bateau n'est pas plus en avance qu'hier, nous avons largement le temps de boire un ju (pour moi), ou rien du tout (pour Samy). Je réalise cette semaine que j'ai bel et et bien adopté mes petites habutitudes, mon petit confort... le café ici, les toilettes là-bas... non mais où est passé le Régis sauvage des débuts?! Le Régis qui déjeunait une gorgée d'eau tiède et qui dépensait moins d'un euro par semaine! Le Régis qui mettait son panta-court au mois de novembre et qui tombait toujours sur des douches insalubres, exprès pour avoir des anecdotes à raconter dans son carnet de bord!

Bizarrement il fait chaud lorsque nous pointons le bout du museau dehors. Du moins, plus chaud qu'hier, on doit avoisinner les 10 degrés. Samy tente les photos à l'arrivée sur Malmö, mais il fait encore nuit, on ne voit pas grand chose.
Nous sortons du bateau, à la queue-leu-leu, et c'est parti pour une heure et demi de route pour aller livrer.
La journée s'annonce magnifique. Pas un nuage. L'horizon est vaste, les couleurs sont vives, je suis content pour Samy qui la chance d'être tombé sur un très bon jour.
Des types de l'Est nous ont devancés, ils étaient sûrement sur le même bateau mais comme j'étais garé tout à l'arrière ils sont arrivés les premiers. Nous attendons. Cela permet à Samy de voir dans quelles conditions travaillent les Suèdois : c'est tout propre, il y a de la place, il y a des tricycles motorisés pour se déplacer... bref, lui qui connaissait l'Italie voit aujourd'hui l'inverse, la Suède.

Une fois nos deux camions vides j'appelle pour avoir des nouvelles concernant le rechargement. Et surprise : pas de ramasse, ni pour l'un - ni pour l'autre, nos routes ne se séparent pas, nous rechargeons tous deux complets pour redescendre : moi pour le Luxembourg - Samy pour Bourg en Bresse.
Cool? Oui et non. Oui parce que pour une fois on peut voir à long terme, le bateau étant déjà réservé pour 16h; non parce que le voyage de Samy en Suède ne pouvait pas être plus court, c'est un peu dommage, d'autant plus que quelques ramasses auraient apporté un peu plus d'expérience pour les futurs voyages seul. Tant pis.

Nous nous retrouvons donc en début d'après midi à la case départ, à Malmö, au port, toujours par un temps incroyablement magnifique.

Embarquement sur le "Finneagle", le plus grand et le plus confortable de la bande des "Finn-quelquechose". Nous mangeons à 16h, un repas à peu près aussi bizarre que celui d'hier en ce qui me concerne. Résultat peu de temps après je suis complètement brassé... bien fait..

J'essaie de dormir un peu car "je reprends le travail" à 0h30, mais je ne n'y parviens pas, où tout au plus une pauvre demi-heure. Et puis j'ai maintenant des brûlures d'estomac.

fait gaffe Coyote, t'es traqué!

surperbe journée!

photo dans la flaque

rassemblement de camions? non... port de Malmö

Samy immortalise son voyage en Suède

Vendredi 11

Comme je n'arrivais pas à dormir j'ai allumé la télé. J'ai zappé, de chaine en chaine. "Dr House" sur la 4, "Koh Lanta" sur SVT, Julia Roberts sur canal+action... que de la merde en somme. Et puis lorsque je suis arrivé vers les chaines 20, 21, 22, je suis tombé sur "Ultimate survival" de la chaine Discovery, un programme tout à fait intéressant : un mec est laché dans le désert, il vire les serpents pour dormir à l'ombre de leur tannière, il attrape les scorpions pour s'amuser, et il pisse sur son foulard pour s'idrater le crâne lors des longs raids sous le soleil... c'est fabuleux. Vers 23h30 mon réveil à sonné et j'ai réalisé que je n'avais pas dormi plus d'une heure.

Rendez-vous avec Samy à minuit, à la réception. Nous buvons un ju de pomme au bar, puis je me ressers deux fois du café, ça peut être utile. Le bateau accoste à 0h30, à la sortie les mecs sont excités comme s'il était 7h00 du mat, je me gare en vrac pour aller prendre ma taxe, Samy lui trouve une place plus confortable car il ne repart qu'à 6h. Ici nos routes se séparent donc, après 3 jours passés ensemble. Samy est un chauffeur vraiment cool, qui aime son job, je ne manquerai pas d'en dire tout le bien que j'en pense à mon chef, si on se reparle un jour, ce dont je commence à douter.

La nuit l'Allemagne est belle, et ça roule. Je pousse au maximum pour caser ma coupure le plus tard possible afin de n'en faire qu'une... résultat, 4h32 au tachygraphe lorsque je m'arrête au milieu de nulle part entre Munster et Dortmund.
Jusqu'ici c'était facile, il suffisait d'écouter de la musique à fond en pensant à des trucs plus ou moins importants comme mon avenir professionnel, par exemple. Mais voici que l'Allemand remonte dans sa bagnole pour réinvestir l'autoroute après ce trop court répis. Plus j'approche de Cologne, plus ça sent mauvais, jusqu'à ce bouchon à l'entrée de la portion de travaux au nord de la ville : un quart d'heure de perdu.
Du coup je me demande s'il ne va pas falloir refaire 45 minutes. Je continue, on verra bien.

4h27, pas plus, pas moins, je suis à destination, il est 10h30 et j'ai tout fait d'une traite. Pour rien. Oui pour rien, mais voilà - à force je ne pouvais que m'y attendre et c'est bien fait pour ma gueule de latin lover : lorsque j'arrive il y a des camions plein la cour, pas le temps de s'occuper du mien de suite, et de toutes façons mon chargement n'est pas là avant ce soir... bref la totale.
Cours imbécile de Ray, cours...

Et puis comme pour m'achever je suis prié d'aller stationner dans la rue car je gène.

Vers 14h je me dis qu'il serait plutôt intelligent d'essayer de dormir un peu... vers 16h je suis déjà réveillé. Je ne peux pas dormir. Je suis stressé. Tu veux qu'on en parle Bob?

la nuit je me roule des pains au lait avec des barrettes de chocolat

les pieds dans les feuilles au Luxembourg

ravitaillement

Samedi 12

Et du coup je ne repars qu'à 0h10. Content. N'ayant pas plus dormi : J'ai aidé les caristes à décharger, puis à recharger, pour gagner du temps.
Me voici sur l'aire de Berchem à remplir mes réservoirs afin d'avoir l'indispensable ticket café gratuit, café que je déguste en tête à tête avec Simone, la serveuse qui enchaine les expresso derrière son bar. Quel lieu étrange qu'une aire d'autoroute au beau milieu de la nuit, sur le parking des gens dorment dans les voitures, d'autres se balladent devant les camions, un vigile tue son ennuie en faisant à l'infini sa ronde entre la porte d'entrée et la poubelle... et Régis termine son café alors il s'en va.

Me revoici en France, l'autoroute est déserte, seul le brouillard me contraint parfois à lever un peu le pied.
Sur le contournement de Nancy les véhicules que je croise n'en finissent pas de m'avertir de quelquechose à grand coups d'appels de phares. Et soudain derrière un virage ça clignote en bleu et orange; il y a eu un accident impliquant des voitures, manifestement très grave.

Je trace. Je descends par la nationale, toujours par souci de bien faire, malgré tout. En arrivant sur Vesoul je rattrape un camion particulièrement pénible qui me ralentit et m'énerve. Je décide de faire ma pause. Une courte nuit de même pas une heure et c'est reparti. Je découvre une nouvelle portion pour contourner Luxeuil les Bain, je traverse Besançon pied au plancher, et le jour réapparait enfin pour un samedi 12 novembre qui s'annonce radieux par dessus la brume qui s'estompe à mesure que je me rapproche du dépôt.
A Villomotier je craque complètement : je m'arrête prendre un café et un pain au chocolat, attablé avec des chasseurs qui m'expliquent leur passe-temps autant qu'ils me font peur.

Je rentre au dépôt.
Baste.

gros carton à Nancy

route de nuit

Jura

café à Villemotier

Dimanche 13

Lundi 14

Je me les pèle dans la 4L, il est 7h30, j'arrive au dépôt.

Le camion est attelé à la Frappa penderie - bitempérature, le prototype, la semi à éviter : à la base le concept est novateur - d'ailleurs Frappa n'a pas manqué de caser un autocollant "innovation awards" (le NRJ music awards de la semi-remorque) sur la porte gauche, mais comme cette semi n'est pas attitrée et que sa manipulation nécessite un minimum de patience, elle est aujourd'hui dans un sale état. C'est dommage.

La vallée de la saône est perdue dans le brouillard, Je pars en direction de l'ouest Lyonnais pour livrer dans une grande salaison industrielle, 20 tonnes de viande pas française pour faire "le bon saucisson comme on l'aime chez nous".
L'itnéraire n'est pas des plus faciles. Je ne savais pas trop par où passer entre les routes de chèvres et les routes de chèvres. J'ai choisi les routes routes de chèvres.
Pas facile certes, mais magnifique! Je grimpe les collines, traverse les forêts, perse le brouillard, contourne les champs. Et puis quelques villages pittoresques et étroits se succèdent tels des étapes à valider sur ce parcours que je garde en tête depuis que je l'ai étudié sur la carte. Car ici pas de GPS! Surtout pas! Il serait capable de m'indiquer les chemins de terre.
Entre deux nappes de brouillard le soleil éblouit, puis comme je ne cesse de grimper je finis par surpasser définitivement le tapis blanc et il fait très beau.

Arrivé dans le village de destination je me plante, comme un poney. Devant la l'abscence de panneau et les lacunes de ma mémoire je prends à gauche au rond point... il fallait prendre à droite. Dès lors j'ai peur : Est-ce que les routes de chèvres ne vont pas me contraindre à redescendre jusqu'à Lyon? Ca ferait un peu tâche... Mais heureusement, Hallelujah, Allez l'OM, je trouve un parking pour faire demi-tour, même pas "à l'arrache" - il y a de la place. J'ai perdu une dizaine de minutes, me voici maintenant à destination.
Pas le droit d'entrer sur le quai, même avec les chaussures de sécurité, même avec le scaphambre. Ha bon? Et bien débrouillez-vous, et bonne chance avec la paroie rabattable difficile à manoeuvrer. Je décide de profiter de ce temps libre pour manger, du taboulet, avec des oeufs, parce que j'aime bien ça.

Le déchargement s'éternise mais je ne peux rien faire. J'attends. Tout le monde attend, notament la boite où je suis sensé recharger. Soudain un type en blouse blanche réapparait, je suis libre. Alors je redescends la colline pour me rapprocher de Lyon avec une grande plateforme logistique en ligne de mire.

A 14h30 je suis à nouveau complet. Direction Clermont Ferrand, livraison foulée.
Sur ce parcours il ne se passe pas grand chose. Je croise "Sumo" et c'est assez incroyable, pour une fois je le reconnais!
A clermont tout se passe pour le mieux, comme d'habitude, c'est d'ailleurs assez surprenant comme cette agence (d'un grand prestataire national) va bien : je n'y ai jamais attendu plus de 10 minutes... alors d'autres du même groupe sont cauchemardesques. Ici c'est cool.

Pour terminer cette journée je monte sur Montluçon, et avant de profiter de ma salade d'endive je tente de mettre en place les crochets dans la penderie... opératon casse tête avec cette semie bizarroïde. Demain s'annonce une journée difficile...

virage à droite

virage à gauche

St Symphorien sur Coize

Frappa penderie/bi-température

Mardi 15

Bon sang personne ne m'a réveillé, c'est mauvais signe. La dernière fois ils avaient tapé à 5h50, là il est déjà 8h00 et pas un chat...
Oui, il est déjà 8h car j'étais convaincu qu'un viandard allait fracasser ma portière, du coup je n'ai pas mis de réveil, du coup j'ai continuer ma nuit tranquillement jusqu'à épuisement du sommeil, jusqu'à 8h.
Je vais voir les chargeurs dans la forêt de bouts de viande, j'en trouve un, il me dit que les bêtes ne sont pas découpées, qu'il faut attendre, que je n'ai qu'à me mettre au quai 1 si je veux.

Avant cela je dois laver l'intérieur de la semi... vingt minutes dans les vapeurs du jet haute-pression et j'en ressors trempé. Je me mets au quai 1 et j'attends.

11h30 je ressors du quai. La journée commence en retard. Et puis une journée qui commence à cette heure-ci, c'est l'assurance de ne pas manger à midi. D'autres bouts de viande m'attendent à Roanne, je fonce.

Comme d'habitude j'y retrouve Bernard de chez Vivarais, et puis Sylvain, avec qui je bois une demi-dizaine de thé à la menthe, c'est à dire cinq. Pendant ce temps là, un chargeur de l'abattoir pousse les bêtes sur les trois rails du milieu pour combler le trou - les arrières de Montluçons étant chargés en paroie.
15h30, direction Saint Etienne, pour continuer à combler le trou. Je charge des veaux et ce n'est pas chose facile avec cette fichue Frappa beaucoup trop haute : et pour le robot, et pour le chargeur, et pour moi. Nous perdons un temps pas possible uniquement pour passer les aiguillages, un autre chargeur vient à la rescousse, nous sommes désormais trois, trois à nous énerver.

Le pendu fini à peu près droit, je suis assez fier de mon chargement, il ne me reste plus qu'à complèter à Corbas, toujours de la viande mais sur palettes.
Je m'attendais à 3 ou 4 palettes, comme d'habitude, mais ô surprise Thomas m'en annonce 10. 10 ça va être sportif vu la place qu'il me reste et compte tenu que certaines ne sont pas de format "europe". Une fois arrivé chez le transporteur où elles se trouvent, de 10 elles sont passées à 11. Là ça devient compliqué : 3 sont des 100/120 et il me reste à peine 4 mètres. Je me creuse les ménunges. Je gerbe. Non pas que je soie hyper-content mais parce qu'il faut en empiler pour tout prendre.
Une fois de plus je suis assez fier du résultat : ça à pris un peu de temps à cause du quai pourri et du chariot qui se coinçait sans arrêt sur la plaque, mais c'est tout dedans!
Au moment de faire les papiers j'apprends que trois des palettes ne sont pas pour moi... je n'ai plus qu'à tout ressortir.

Une demi-heure passe et je peux enfin partir, chargé, complet, pour l'Italie.

Le soleil du jour laisse place au brouillard de la nuit, on y voit pas à 50 mètres en arrivant sur Turin, c'est fatigant.
Un des clients est à vider ce soir mais je n'ai pas les heures; ainsi un relais avec Michel est prévu à Carisio, point de chute de ma journée.

il y a même des chaines à la place des taquets...

les nouveaux Vivarais

beau temps sur l'Alliers

les routiers Italiens ont la Foi

Mercredi 16

Je suis arrivé tard hier, je me suis casé au fond du parking, tout seul avec mon frigo bruyant. Ce matin je suis encore plus seul, tout le monde à levé le camp, même les TDF, même les Nabucet. Il me faut marcher un bout pour atteindre la doccia, le café, et le croissant-marmelade. Ensuite je retraverse le parking, il est bientôt 9h, ma coupure est terminée, ma journée peut commencer.

Au programme 8 livraisons, aux 8 coins de Milan. De quoi occuper une journée... ou deux... ou trois... car sur ses 8 livraisons il y a 3 mega-plateformes de supermarché, le genre d'endroit qui occupe une journée à lui-seul.
La première en est une, justement. Un gigantesque batiment avec des centaines de portes de quais. Ici c'est tellement démesuré que "la sécurité" est sous-traitée à une société privée dont les opérateurs, déguisés comme des militaires et armés, sont chargés de l'accueil de gens comme moi, tout penaud, avec leur CMR, se demandant sur quel théatre de guerre ils débarquent. Et c'est qu'ils en jouent ces gardes-rapprochés des rouleaux de PQ et des paquets de gateaux! C'est qu'ils se la pètent grave déguisés comme ça avec leur gueule pas franchement rigolote et leur pétoire sous bras... Non mais où sommes-nous là? Pour rentrer il faut montrer la carte d'identité... ensuite il faut attendre... attendre... et attendre encore... ensuite, lorsque les palettes sont déchargées il faut montrer pate blanche pour ressortir : un des militaire ira jusqu'à me faire ouvrir le coffre à palette avant de me redonner mes papiers hostilement et de me dire de dégager. On appelle ça "faire du zèle".

Ma première livraison me prend donc à peu près deux heure.

La deuxième se trouve à l'ouest de Milan, dans une autre base du même prestataire avec le même mode de fonctionnement. Ce n'est pas gagné.
La tangenziale qui traverse la ville est bloquée, d'après les panneaux lumineux, je décide de contourner par le sud. Je suis à destination vers 13h. Ici on me remet un "bip", un truc qui est sensé sonner pour me prévenir lorsque c'est mon tour. Je peux donc attendre paisiblement sur le parking surchargé à l'entrée de la base, et me faire des sandwich. Une heure passe. Soudain le truc-machin-chose sonne. Je démarre, avance jusqu'à la barrière avec le camion... à ce moment un des guignols déguisé et armé sort de sa cabanne en me faisant de grand gestes, comme pour me dire "non! non!", ou plutôt "NON! NON!". Je continue à avancer, jusqu'à la barrière, il vient sous ma fenètre me hurler de passer par le parking avant de venir ici... je lui tend le truc-machin-chose qui continue à sonner... et plus rien... le militaire se calme net, il avait oublié que j'étais déjà passé par l'accueil à pied, il va voir son écran et m'indique la porte 67 sans même montrer un signe de repentance, droit dans ses bottes... quel imbécile...

Sur le quai cela ne se passe pas forcément mieux, il y a des caristes qui suivent machinalement leur chariot et des supérieurs qui leur gueulent dessus. Drôle d'ambiance. Et puis bien entendu il faut récupérer les palettes ailleurs, faire la queue, suivre le sens de circulation. Je laisse 3h d'attente et plus de vingt minutes de conduite ici. Il est 16h, il me reste 6 livraisons à faire.

Heureusement sur les huit il n'y a pas que des galères de supermarché, il y a aussi des boucheries bien compliquées à trouver. Franchement je préfère. Vraiment. Par exemple mon client suivant se situe dans la région de Busto Arsizio, j'arrive en heure de pointe, ça roule mal, il y a brouillard pas possible, je dois manoeuvrer au milieu de la route... mais je ne suis pas accueilli par une pseudo-armée, je suis accueilli par un boucher très sympa qui me guide et n'hésite pas à m'aider pour bouger les palettes. Un autre monde.
Il est maintenant 18h, ça avance très doucement, je passe à la livraison suivante : en plein centre de Busto Arsizio. Je dois prendre des interdictions, j'essaie de choisir les "bonnes"... mais j'ai une bonne monté d'adrénaline au milieu du basard ambiant. Je trouve la boucherie. Merci le GPS. Deux gars bloquent la rue dans les deux sens pour que je manoeuvre, je dois reculer à contre main dans une allée, ce n'est pas très facile mais sous la pression j'y parviens du premier coup ce qui me vaut une ovation générale... petite minute de fièreté au passage. Ici pas de tire-pal, rien du tout, on décharge à la main. En guise de remerciement la gérante me propose un panino, ou bien un café... j'ai envie des deux mais je n'ai pas vraiment le temps, du moins je décide de ne pas le prendre car on m'attend pour la suite.

Vu l'heure, et vu ce qu'il reste à décharger, je dois passer en poser une partie chez un dégroupeur avant de rejoindre Michel, encore lui, pour lui laisser trois palettes.

Il me reste deux livraisons à faire, pour demain.

à Carisio

l'armée du PQ et des paquets de gâteaux

je roule en FH XXL

je livre une boucherie en bas de l'immeuble

dans le brouillard milanais

Jeudi 17

J'ai dormi devant la base, la troisième et dernière base dans laquelle je n'ai qu'une seule palette à décharger. Une palette. Une pauvre petite palette...

2 heures de perdues!
Oui deux heures... au début j'étais optimiste : lorsque le gardien m'a demandé "combien?" et que j'ai répondu "une seule" avec un regard canin, une petite moue, et une légère inclinaison de la tête sur le coté, j'ai bien cru qu'il était attendri. Même pas! Comme hier j'ai reçu un truc-bidule qui bipe, et on m'a renvoyé sur le parking à attendre religieusement mon tour. Et puis lorsqu'au bout d'une heure d'attente j'ai tenté le coup d'éclat en disant "vous faites chier je me casse..." j'ai bien vu que tout le monde s'en tapait... bref, 1h30 sur le parking, 30 minutes à quai, pour une palette en moins dans la semi.

Dernière livraison près de Rovereto, il est temps que cela cesse. J'arrive à 12h30, je suis vide à 13h30.

Je recharge à Mantova, comme d'habitude; ça se passe pas trop mal, comme d'habitude. Alors je n'ai plus qu'à rentrer en France.

Je roule jusqu'à l'aire d'Agrate où je case la demi-heure de repos qui me permet de repartir à zéro. Je traverse Milan, difficilement, puis je roule dans le brouillard jusqu'à Santhia, et je bifurque direction le Mont Blanc. A Aoste je manque de peu de passer sur la bascule : les flics sont bien là et ils en ont juste fini avec un Italien, je passe en rasant les murs sans faire le détour par l'autoport parce que je n'ai pas envie de perdre mon temps.

Je bois le café avec un collègue de chez Cotto au tunnel, puis je descends jusqu'à Cluses. Je me pose sur le parking de "l'Etape", en face de la douane.

Fin de la journée.

un troupeau d'ItalTrans

dans les environs de Rovereto

!!!

Et bîîîme...

tangenziale de Milan

Vendredi 18

Je rentre à Bourg.
Je décide de prendre des "vacances".
Mon chef me les souhaite bonnes.
J'en suis ravis.

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