Mon Carnet de bord... Suivez mes aventures, semaine après semaine!

Février 2012

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Mercredi 1

-1°C à 7h30, c'est nul, je m'attendais à un chiffre incroyable.

J'hésite entre "expresso crème" et "café au lait", le choix est Cornélien... cela veut dire que Corneille hésiterait lui-même devant cette machine, puis il irait faire un tube avec La Fouine pour Fun Radio. Je choisis "expresso crème". Une anecdote de tout premier ordre.
7h45, l'heure de démarrer, je nettoie les vitres histoire de voir au moins à travers et je décolle sur l'A31 tandis qu'il commence doucement à faire jour. Et quelle journée! Le soleil peut s'étirer de tout son long - il n'y a pas un nuage pour lui barrer la route. Avec le froid glacial qui s'intensifie à mesure que je progresse vers le nord et se matérialise de par cette petite brume rasante, le paysage est de toute beauté. On se croirait en Sibérie, en Alaska, au Groënland, enfin je ne sais pas trop où mais pas à Maubeuge. Il fait -8 à Langres, ensuite ça se réchauffe un peu, pour se stabiliser autour de -5 en France, au Luxembourg, en Belgique et en Allemagne. Oui, aujourd'hui je suis un véritable chauffeur international, je passe des frontières.

Tout d'abord le Luxembourg. Je m'y arrète pour manger un Xtra-long-chili-cheese au Burger King de Vasserbillig, non pas par excès de raffinement gastronomique, mais parce que je n'ai que 30 minutes pour me nourrir et prendre mes taxes. Pas le temps donc. "Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard" disait Aragon, je le paierai sans doute un jour. Oui je site Aragon. Non Aragon n'est pas un défenseur du PSG.

Ensuite la Belgique. J'ai une première livraison à coté de Verviers. Je traverse les Ardennes en regardant où je mets les roues car par endroits ça glisse; je prends quelques photos - souvenir de cette traversée du Canada; j'arrive à destination à 15h. Il s'agit de ce genre de zone sans même un bout de trottoir pour se poser dessus, uniquement des rues étroites parsemées de portails d'entreprises. La chaussée est dégagée, les cours d'entreprises moins... et celle dans laquelle j'arrive, pas du tout. Voyant un léger faux-plat je ne me risque même pas à y entrer. Je reste sur la route. Le cariste comprends et ne rechigne pas à venir vider ici, par contre il me faut faire vite et bien pour enlever et ranger la bâche, les sangles et les équerres. Pas évident avec le vent polaire qui me fige les visage et les mains. Heureusement j'ai eu un bonnet à Noël. Avec un pompon dessus.

Enfin l'Allemagne. Je m'acquitte de la toll collect en m'arrêtant au poste frontière d'Aachen. J'essaie de faire au mieux en évaluant mon point de chute dans les environs de Dortmund. Ce n'est pas évident de jongler avec tous les paramètres pour viser juste. Ce système est véritablement une lourde contrainte pour le chauffeur, un souci en plus.
Je roule en direction de Köln et comme prévu ça coince : pour le moment j'ai tout juste. Je perds du temps et remonte l'A1 en direction de Dortmund. 9h de volant approche et j'arrive pile là où ma taxe s'arrète : j'arrive sur l'aire de Lichtendorf. Il faut que je coupe ici... mais je vais devoir jouer des coudes pour trouver une place : l'aire est saturée. Je me dirige instinctivement vers le coté voiture, tel le routier en détresse soumis à son triste sort et à son tachygraphe... miracle! je parviens à ne géner personne en me calant le long d'une allée, contre un grillage, près de la sortie, à côté des poubelles, le bonheur quoi! Voici vers quoi tend le routier moderne : trouver une place de merde pour passer la nuit.

Pendant que je programme la journée de demain dans ma cabine, c'est le grand balai des autres routiers en détresses, certains même tentent parfois des places improbables, au péril de leur carrosserie. Le spectacle fait peine à voir. Qu'en pensent nos représentants? nos énarques? Arnaud Montebourg? Monsieur le Préfet? Monsieur le contrôleur? Monsieur le jeune gendarme plongé dans son manuel de réglementation routière? Rien, il ne savent même pas que cela existe.

Les mecs font tourner les camions toute la nuit. Sans doute pour avoir du chauffage.
En ce qui me concerne je suis malade. Pas le froid, non, le Xtra-long-machin-chose qui me retourne le bide. Bien fait, il y avait des carottes rapées dans le frigo.

Salt lake city

pas tout jeune...

... je ne sais même pas de quelle marque il s'agit?

entre Trier et Liège

allez Ray, plie la bache en plein blizzard

Jeudi 2

-14°C, ça y est nous y sommes; au Pôle Nord. Le Magnum marque une légère hésitation au démarrage, manifestement il a froid.

Direction Kassel. Je dois livrer l'espèce de machine bizarre dont l'arrimage me préoccupe depuis Aix les Bains. Je décolle à 6h10.
Le froid étant sec, la route n'est pas particulièrement dangereuse et je ne vois pas de trace de verglas. J'arrive à destination à 8h00 précises. Très à l'aise avec la langue autochtone que je maitrise pourtant affreusement mal, je franchis l'étape du gardien sans perdre de temps et en comprenant la procédure à suivre. Lorsque j'arrive dans le secteur où l'on doit me décharger, personne ne sait ce que cette machine vient faire ici... mais ils se décident, après réflexion, à monter sur le fenwick pour l'enlever du plateau. Une opération assez délicate : le centre de gravité étant jugé approximativement, la cariste improvise un petit numéro d'équilibrisme sur fourches avec la peur au ventre de tout renverser. Pendant ce temps là j'essaie d'enrouler les sangles, en vain : elles sont gelées, elles sont raides, l'une d'entre elle est même collée au plancher : il me faut la dégommer à grands coups de pieds.

je recharge à Usingen, près de Frankfurt, une machine juste assez large pour être transporté en convoi exceptionnel. Entre Kassel et Francfort l'autoroute ressemble à des montagnes russes, avec de nombreuses portions où les dépassement sont réglementés... ainsi je gravis quelques côtes à 30 Km'h, à vide derrière des ensembles de l'est bien fatigués. Difficile de rester patient, mais vu le nombre de camionnette de BAG postées sur les aires de service, à l'affût, mieux vaut ronger son frein...

J'arrive juste avant midi à Usingen. L'entreprise se situe dans un parc d'activité étroit et je me mets difficilement en place en manoeuvrant dans la rue avec mon essieu directionnel qui ne se bloque pas : lors des marche arrière il se braque sans arrêt d'un coté ou de l'autre. C'est rageant. Je dois m'y prendre à une dizaine de reprises pour reculer droit.
Les types du chargement sont particulièrement sympathiques, et une fois de plus la communication y est pour beaucoup. Je tente de parler allemand et j'ai parfois même des sortes de fulgurance qui me permettent de lacher une phrase parfaitement compréhensible au milieu de piètres tentatives. Souvent je mélange un peu d'anglais avec l'Allemand, du Français aussi, au final les gens sont content que je fasse l'effort de communiquer. J'ai même l'impression que le contact passe beaucoup mieux ici qu'en France. Pour preuve : on m'aide et on m'amène le café à plusieurs reprise. Car je reste plus de deux heures ici : le chargement à pris 10 minutes mais il faut arrimer et bacher la machine, un travail de longue haleine par les -8°c ambiants. Mais au moins il fait beau!

Vers 14h15 je prends du recul, j'analyse le résultat... et bon sang je suis fier de moi! J'ai fait un joli paquet cadeau avec ma bache, ça à l'aire costaud et ça a de l'allure. Content.

Je repars avec ça, après un énième café offert par la maison.
J'entre sur l'autoroute à Francfort et paie ma taxe sur la première station qui vient. Ensuite je roule jusqu'à Karlsruhe, je m'arrête prendre une douche incroyablement chère - 3,50 euros - mais incroyablement propre, spacieuse et confortable. Une douche de plus qui me conforte à l'idée que nous sommes à côté de la plaque en France, où plutôt que personne n'en a rien à foutre en France.

Je passe la frontière à Baden Baden et je roule jusqu'au Centre routier de Mulhouse. Fin de la journée.

-14°C

en Allemagne

je charge encore dehors...

fier de moi!

les building de Frankfurt

campagne de sensibilisation

Vendredi 3

Mulhouse, quelques heures plus tard, quelques degrés en moins. Le vent accentue la sensation de froid, ça pique le visage et les doigts, je traverse le parking du centre routier à la hâte pour aller boire quelque chose de chaud.
Autour du bar ça parle plus que jamais météo et la gérante distribue les cafés à la chaine. Trop de monde là dedans, je retourne au camion.

J'ai pour consigne d'attendre un moment au centre routier en vue d'un éventuel changement de programme. Je peaufine mon carnet de bord. Et puis vers 9h30 un sms retentit : je peux continuer ma route - pas de changement, tant pis, tant mieux... je ne sais pas. Pour l'heure je mets en route et je descends livrer ma machine à Ambérieu en Bugey.

Le ciel est bleu, les prés sont blancs, les forêts sont vertes : la Franche Comté est resplendissante. Je rêverais d'habiter dans cette région. D'ailleurs j'habite dans cette région; entre deux pélerinages à Maubeuge.

En tout début d'après midi je me présente à destination. Excellente nouvelle : nous déchargeons à l'intérieur de l'usine... Moins bonne nouvelle : je dois reculer dans une entrée étroite avec mon auto-vireur capricieux. Pas facile. Difficile même. Je m'y prends en 5 ou 6 fois.
Lorsque je suis en place tout va très vite : le réceptionnaire n'a pas l'air d'être un pro de la manipulation du pont, mais il s'en sort sans m'arracher la cabine. Je plie la bache, j'enroule les sangles et je range le tout dans les coffres.

Fin de la journée et de la semaine, je rentre chez moi à vide. La 4L pète du premier coup malgré les -6°C; ça c'est de la caisse!

un Rouillon Goldorak !!!!

"elle vous sourit : elle vient d'augmenter les tarifs"

heu... redresse Michel!

mission accomplie!

Samedi 4
Dimanche 5

Lundi 6

Réveil brutal pour la 4L : je flippe en tournant la clé mais elle répond bien présent au bout d'un râle poussif à deux doigts de s'étouffer...

-16°C. C'est la température au tableau de bord du Magnum ce matin à 6h. Le démarrage n'est pas des plus vaillant, mais au moins ça démarre! L'intérieur de la cabine est gelé, les sièges sont durs, ma bouteille d'eau est un glaçon, l'écran digital montre des signes de faiblesse : nous approchons des conditions extrèmes. Et puis sur la route on rencontre moult véhicules échoués avec les warning, victimes du froid au bouts de quelques kilomètres.

Ce matin je m'en vais braver le blizzard : je suis à disposition d'un client pour faire des navettes inter-dépôts. Boulot de rêve? assurément non... Mais l'heure n'est pas au pinaillage : allons-y vaillamment, c'est une mission comme une autre.
Je me présente à 9h, pile au rendez-vous. Je me languissais de boire un thé bien chaud... grosse désillusion : machine en panne, plus d'eau. merde. Alors je remets un pull par dessus le premier pour ne pas rester figé sur place, et j'attaque avec mon cariste attitré. Au programme : des aller-et-retour avec des barres et des tourets. Les barres étant gelées et glissantes, les tourets étant ronds par nature, je dois sangler chaque voyage. Pour faire quelques centaines de mètres jusqu'au lieu de stockage. Bon... ça se passe...

Dans la cour de l'entreprise je rencontre successivement Jean-Bernard, Dridri, Alain... et je leur raconte ma misère. Cet enfoiré d'Adrien ne trouve pas mieux que me jeter une boule de neige dans la cabine; ma vengeance sera terrible.

A 11h30 le cariste prend sa pause, et du coup moi aussi. J'ouvre le frigo et je découvre avec joie que l'intégralité du contenu est congelé : fromage, charcuterie, compote, taboulé... tous durs comme des pierres. Génial. Comme j'ai très faim je parviens à gratter un peu de taboulé presque pas congelé dans une assiette. C'est la misère totale.

Je fais des navettes jusqu'à 16h, puis je rentre à Jarcieu. J'attelle la semi GN et je pars me mettre en place chez mon premier client. A deux pas de ma destination il y a un grand restaurant routier, je m'y arrête, une fois n'est pas coutûme mais j'ai vraiment envie de manger chaud.
Ici non plus il n'y a plus d'eau : impossible de prendre la douche, de se laver les mains, ou même d'aller aux toilettes...

Mine de rien la journée à été éprouvante, je l'ai passée dehors, j'ai sanglé 72 fois, j'ai mal aux ongles, je suis crevé.

des tubes à l'aller...

...des tourets au retour

ma bouteille d'huile d'olive!

Régis au resto routier

Mardi 7

-12°C. J'ai trainé sous la couette, Il me reste tout juste le temps d'aller boire un café pour me réchauffer le ventre avant d'aller affronter à nouveau le blizzard. Je livre à 3 km d'ici, dans une entreprise de mécanique perdue au milieu des champs. 7h55, j'y suis. Sur la devanture on peut lire : réception 7h - 18h... les boules : je suis volontairement venu pour 8h pour ne pas me manger le portail. Le réceptionnaire enfonce le clou : "Chez nous c'est ouvert toute la nuit, tu peux venir livrer à n'importe quelle heure!". Si j'avais su...
Le débachage est une épreuve physique : j'ai les doigts gelés, la bâche est raide, ça glisse mal, il y a du sel partout... la totale. Mais le pire reste à venir...

Car mon second client est au Pontet, et plus je descends vers le sud - plus le vent s'intensifie. Pas le mistral habituel avec ses 30°c, agaçant mais supportable; non aujourd'hui ça souffle fort sur Avignon, mais ça souffle aussi à -6°C. J'ai des fardeaux de ferraille à décharger : une fois de plus je ne vais pas échapper au débachage.
Avant toute chose il faut que je trouve l'entreprise. Naïvement je suis le GPS, un peu trop naïvement. Me voici sur une toute petite route, mon point de chute est près... mais de l'autre côté de la voie ferrée... et manifestement je ne suis pas prêt de passer de l'autre côté : les ponts ne dépassent pas 3m50. Alors je roule. Et plus je roule, plus c'est pourri... jusqu'à ne pus pouvoir croiser une voiture. Je suis à deux doigts de remplir mon froc, avec la hantise de devoir tout refaire en marche arrière, mais j'entrevois une lueur d'espoir derrière un ultime virage : un pont enjambe enfin les rails. fin de l'adrénaline.
Début de la sueur. Sueur froide. Glaciale même. J'arrive chez mon second client, le temps est toujours à la tempête nordique. Il me faut débacher plus de la moitié du côté.
A peine détendue, la bâche claque de toutes parts, s'envole, retombe, s'envole à nouveau, retombe sur mon épaule, s'envole à nouveau, retombe sur mon dos... j'essaie de la retenir mais les bourrasques son violentes. Le tout avec les doigts gelés. Je n'ai qu'une crainte : que cette fichue bâche se craque, s'abîme, ou passe par dessus le toit de la semi.

Nous déchargeons la ferraille. Je ressemble à un skieur de fond qui passe la ligne d'arrivée : le bonnet, le nez rouge, la morve qui dégouline parce qu'il fait tellement froid que je ne la sens même plus dégouliner.
Je parviens à rebacher, je ne sais pas trop par quel miracle.

Je roule maintenant direction Bouc-bel-Air, l'équivalent caprin du Prince de Bel Air. Le mercure se reprends et flirte avec le nul aux abords de la cité Phocéenne. La canicule avant l'heure.
A 14h, la semie est vide, et j'ai rangé tout l'attirail d'arrimage au prix d'une séance de musculation improvisée. (les poutres en acier sont aussi lourdes que moi)

Pas le temps de manger : je fonce direction Toulon pour recharger. Six Fours exactement. De quoi réchauffer l'atmosphère. Blague.
La rue que je cherche n'éxiste pas dans le gps, lorsque j'arrive je tourne en rond dans la première zone que je trouve. Pas de résultat. Je continue, consulte le panneau d'information, demande à un chauffeur-livreur... le temps passe et toujours aucun résultat. J'appelle les renseignements, puis les numéros que l'on m'a renseigné... négatif : pas de réponse. La zone est tellement bien faite qu'il n'y a rien pour se garer, du coup je choisis une rue peu fréquentée et je m'y arrête avec les warning pour sortir mon PC et internet en ultime recours. Je parviens à avoir une personne au téléphone. S'en suit la conversation suivante :
"Bonjour, Transport Duarig pour un renseignement..."
"ha, vous nous cherchez c'est bien ça?"
"heuu, oui..."
"Oui, ne vous inquiètez pas : tous le monde nous cherche en général, la rue n'éxiste pas, la zone est nouvelle, il faut passer par le chemin derrière le portail de la rue intel, vous suivez sur 200m au milieu des travaux et lorsque vous voyez des gens du voyages c'est là, juste à gauche."
Cool. Je n'avais techniquement aucun moyen de trouver.

Je charge un lot et je remonte vers Les Baux de Provence : rendez-vous demain matin. J'ai beau tourner ma carte dans tous les sens, je me tâte quand à l'itinéraire à employer. On verra demain.
Je m'arrête prendre une douche et manger un bout à Lançon, je roule ensuite pour me rapprocher du destinataire sans toutefois m'y aventurer : d'après ce que j'ai vu sur google le périple s'annonce tumultueux.

Le vent souffle en rafale et me berce toute la soirée.

new Actros

enfin un quai!

Papalino version suédoise

un brin d'air marin

Mercredi 8

Mal dormi : cabine de magnum et vent ne font pas bon ménage, ça tangue comme sur un chalutier, ça donne le mal de mer. J'ai rendez-vous au domaine à 8h30, il me reste tout juste le temps de boire un café. J'en profite pour obtenir d'éventuels renseignements avec des gens du coins...
"Bah non, passe pas par St Rémy, tu vas te faire chier"
"oui, mais de l'autre côté il y a le pont à 4m, et je dois faire 4m10"
"Bah oui mais par St Rémy c'est chiant, moi je prendrais le pont..."
"Ha bon..."
Bref, plein de conseils avisés autour d'un grand-crème et son pain au chocolat.

Je passe par St Rémy. Il y a les platanes, l'interdiction PL, le marché, mais ça passe quand même mieux que sous un pont à 4m.

Les Baux de Provences se profilent à l'horizons, paysages superbes peints par Van Gogh... genre je connais les toiles de Van Gogh. Van Gogh n'a pas peint Maubeuge. Dommage.

Aucun problème pour trouver la propriété, c'est indiqué un kilomètre en amont. Par contre je me crispe un peu plus en découvrant le chemin d'accès. En terre, à ras les Oliviers, à ras les batiments... à un moment je suis obligé de m'y prendre en deux fois pour tourner le plus large possible. Le genre d'endroit où l'on vient plus souvent en quad qu'en semi-remorque. Mais c'est bien convenu comme cela. Heureusement la semi semble aguerrie aux frottages de branches, de toutes façons il n'y a pas le choix, avec un frigo j'aurais pleuré.
Un froid de flamand rose les pates coincées dans la glace, mais des gens très sympas... à part qu'ils ne paient pas le café et ne fileraient même pas une petite bouteille de piquette pour la route. Les bonnes manières se perdent.

Mon deuxième enlèvement se situe vers orange, avec une nouvelle fois un pont à contourner. Il s'agit d'une grande PME avec des employés accueillants qui semblent fascinés à l'idée que je parte en Suède avec leur marchandise, alors que bon...

Je remonte à Jarcieu, c'est déjà pas mal. Les pleins, la douche, les papiers, la bise à Dridri, et je repars direction Commentry. Comme j'ai le temps, le frigo toujours vide, et la dalle, je projette un arrêt au restaurant routier, mais je ne sais pas encore lequel. Lapalisse? Périgny? Moulins? Les deux Chaises? plouf plouf... allez, va pour les deux chaises. Je suis en train de devenir un conducteur routier normal. Pour preuve, il y a de la tête de veau au menu, et j'en prends. C'est différent des knaki. A table je me retrouve avec un vieux de la vieille pas hyper intéressant mais sympathique, on discute météo, c'était inévitable.

Il y a aussi le mec bien sympa qui est chargé de faire garer les camions sur le parking. Le pauvre : il fait -11°C lorsque je repars à 22h.
Je roule jusqu'à Commentry mais je me cogne devant le portail de l'entreprise... et pas moyen de me garer dans les environs. Alors je redescends dans un chemin où quelques autres camions sont venus s'échouer, sans doute après s'être eux-aussi cognés contre la grille.

Les Baux de Provence

la route d'accès au vignoble

un peu d'élagage...

Rochegude

Dridri au gasoil

Jeudi 9

-15°C. Un soleil tout orange apparait à l'horizon, entre les arbres. Commentry semble figée dans la glace, seule la fumée blanche d'une usine chimique témoigne d'un peu de vie. Je démarre cette journée à 9h10, j'ai rendez-vous à 9h30 au portail d'hier.

Je charge de la ferraille. Dans la cour de l'usine il y a un autre GN, je fais connaissance avec le chauffeur, il est sympa. Avec mon casque sur la tête (obligatoire), je me retrouve les oreilles à l'air... et je souffre. C'est bonnet OU casque, j'ai beau tenter je ne puis mettre les deux. Donc j'ai froid aux oreilles.
Je tape la discute avec un anglais qui attends lui aussi pour charger, malgré moi je passe avant lui car un cariste m'appelle. Mauvaise nouvelle, ou bien bonne nouvelle, le chargement n'est pas complet : une moitié de semi tout au plus. Il s'agit de ferraille en barre et en lingot, sanglage obligatoire.
Arrivé à 9h15 je repars plus de 2h après avec la consigne d'attendre quelquepart, que l'on me trouve un complément.

Sur les conseils du cariste je vais me poser au Carrefour market, il y a un parking poids-lourds. Je fais mes courses, en 5-5, puis, comme midi approche, je dégaine une boite de taboulé avec un oeuf dur, toujours en 5-5 car le téléphone peux sonner à tout moment.
Et je fais bien : j'en suis au fromage lorsqu'un SMS m'indique une nouvelle mission. Chargement à Thiers.

Je ne sais par où sortir de Commentry, il y a des interdictions sur chaque itinéraire, je choisis de revenir sur mes pas malgré que ce ne soit pas logique.

C'est parti pour Thiers, ville qui se meurt petit à petit, perchée sur sa falaise, avec comme emblème et comme savoir faire : le couteau. Ville décrite par George Sand dans "la ville noire"... genre je lis George Sand. Ville de Claire Chazal - quelqu'un en a-t-il quelque chose à foutre? Ville qui jouxte Saint Rémy sur Durolle dont la spécialité est le tire-bouchon... bref, je recharge à Thiers.
Ici aussi c'est de la ferraille, mais sur palette. Ici aussi je sangle tout : la semi va transiter via l'Allemagne, donc une sangle par palette. En s'y prenant bien, c'est à dire en étant organisé, ce n'est pas si pénible. J'ai tout juste le temps de caser 45 minutes de pause-sanglage, et je m'en vais direction le Luxembourg, l'amplitude menace.

Vichy, Lapalisse, Digoin, Châlon et je rattrape l'autoroute pour ne plus la quitter. Je remange un peu de taboulé à Dijon, parce que j'aime bien ça, puis je continue via l'A31.

J'ai le choix : 9h de volant ou 10h? Les environs de Nancy ou les environs de Thionville? Peu importe, aucun ne me fait envie... de toute façon j'ai fait une croix sur les stations d'autoroute : il est plus de 15h... donc c'est plein.
Je tente un parking pourri après l'aire de Loisy, j'ai 8h56, il reste un bout de bitume pour me poser en vrac... ça fera l'affaire. Fin de la journée.

le jour se lève sur le Bourbonnais

joli Combronde SSC

la toundra, la plaine de la Limagne...

Thiers

Vendredi 10

Cette nuit j'ai rêvé de sangles, de cliquets, d'équerres, de cales, de planches et de bâches.

-11°C, ça se réchauffe. En tout cas cela ne rebute les candidats d'origine mâle et de type gay qui s'interpellent, et m'interpellent, au langage de la pédale de frein dans leur voiture, juste devant moi, à 7h30 du matin. Déroutant.
Je démarre, je frôle volontairement le pare-choc d'un de ces casse-burnes pour lui faire peur et je roule jusqu'à la Maxe; j'y retrouve MA place : celle le long de la pelouse, devant la station, que j'occupais chaque dimanche soir vers 22h30. Le temps d'un quart d'heure je bois un café et je prends l'eurovignette, ensuite je monte chez GN.

"Déjà! T'es vachement en avance!" Voici les premiers mots de l'affrèteur. Je comprends donc qu'il n'y a rien de prévu pour moi dans l'immédiat. Il me propose une livraison à 15km d'ici en attendant mieux; je ne rechigne pas.
C'est donc parti pour Leudelange avec une autre taut'. J'ai beau ne pas me presser, à midi je suis de retour chez GN. Mon rechargement n'arrive qu'avec le train de ce soir, je me mets donc en coupure, en sachant qu'il me faut faire 11h. Les traditionnelles 11h du vendredi qui font chier!

Je prête mes bras aux caristes pour faire un peu de manutention, histoire de passer le temps.
Vers 16h, je prends mon repas de midi sans grande conviction. Je rattrape un peu de carnet de bord, puis je retourne au charbon. J'accompagne Luis, un chauffeur Portugais, au complexe multimodal de Bettembourg, l'occasion de voir un peu comment ça fonctionne. Nous y allons en Stralis, avec Radio Latino à fond, Luis est un vieux routier bien cool.
Nous y voici. La plateforme est ceinturée par un grillage et toute une colonie de tracteurs en solo s'est agglutinée dans la ruelle, contre ce grillage. Des Carrion, des Ewals Cargo Care, des Vos Logistics... tous jonchés là où ils ont pu, à se faire des gamelles au réchaud par -10°C. Symbole très représentatif que ce triste tableau, nous sommes dans un endroit qui se veut être l'avenir du transport, une solution à développer, et voici là place accordée aux conducteurs : dans la rue, agglutinés, entassés, sans rien. Si! j'exagère, il y a un chiotte-bungalow-en plastique, comme sur les chantiers. Un bidon-ville.

Je veux payer un jus à Luis mais il n'y en a pas. Nous échangeons de semi et nous retournons au dépôt.

il a gelé à l'intérieur

j'aime ce panneau!

une journée dans les semis

plateforme multimodale de Bettembourg

Samedi 11

Nous sommes maintenant samedi, nous refaisons une parti du chargement, toujours par -10°C. J'ai les doigts de pieds gelés et vers 1h je mets en route pour rentrer.
Je traverse le Luxembourg en compagnie de dizaines et dizaines de cars de tourismes qui charrient des pelletés de Bénéluxiens vers les stations de skis.

Une fois dans les Vosges il n'y a plus personne. Je redescends par la nationale et j'arrive à 7h. Fin de la semaine.

jusqu'au bout de la nuit

Dimanche 12

Lundi 13

-13°C sur la campagne jurassienne, cette fois-ci j'ai eu l'intelligence de programmer le webasto pour retrouver une cabine un peu moins congelée que la semaine dernière. Le camion démarre, bonne nouvelle, je m'en vais livrer mes bouts de ferraille.

On s'ennuie sur l'A39, il n'y a rien à regarder. Je serais bien descendu par la nationale mais je ne sais pas si le programme du jour est chargé, alors dans le doute je vais au plus rapide. Ma bouteille d'eau est gelée; rien à boire. Je sors le paquet de madeleine, mais à la cinquième ça devient un peu trop sec, ça devient étouffe-chrétien selon la célèbre expression auvergnate anticléricale.

Premier client : un dégroupeur à Corbas. Au petit matin il n'y a jamais grand monde devant les quais dans ce genre d'entreprise : j'ai l'embarras du choix. Il me faut vider une partie par les portes, et une autre par le côté pour cause de répartition du poids. Tout va très vite, je ne case même pas un quart d'heure, je file sur Heyrieux.
Pour ce deuxième client il s'agit d'une pièce métallique de 5 tonnes, grande comme une palette et placée à l'avant. Pour décharger il faut impérativement dégrafer le toit, par l'avant aussi. Je n'ai jamais fait cela mais je me lance, pas le choix. Je fais l'homme-araignée entre le tablier et l'arrière de la cabine, je pourris mon jean au passage, et je tourne les clips qui retiennent la bâche. C'est finalement facile.
Second problème : le grutier d'annonce que le pont ne lève pas assez haut, qu'il faut reposer la pièce - pousser le toit devant - et reprendre la pièce... or j'ai des tubes derrière et cette opération me semble impossible, en plus de très chiante. Donc je lui dit "on peut essayer quand même de la lever?", il essaie. Et ça passe sans problème. J'aurais dû être grutier.

Je fonce à Saint Etienne. Midi approche et l'ami Phil26 est dans le coin. Je doute de pouvoir décharger, ne sachant si mon dernier client est ouvert à l'heure du repas, mais je tente, pour faire au mieux. Ca bosse. Donc pas de tête à tête avec mon webmaster, houf!
Je vide des tubes dans la même boite que la dernière fois, c'est tout aussi long. J'ai beau m'occuper à ranger la quinzaine de sangles, les poutres hyper-lourdes, les chevrons et les planches, il reste encore plus de la moitié à vider alors que j'ai déjà fini. Je demande au type s'il n'y a pas une boulangerie ou autre chose pour trouver de quoi manger; il m'indique le "Norma" au bout de la rue.

C'est parti pour "Norma", la supérette discount à 500m de là. J'achète des trucs peu ragoutants... et puis un pack d'eau, 6 fois 2 litres. En passant à la caisse, l'hôtesse m'annonce : "un pack acheté - un pack offert!". Donc 12 fois 2 litres = 24 kilos + mon sac de courses. Quel imbécile je fais... Les 500 mètres du retour relèvent de la torture, j'hésite à abandonner lâchement un des packs d'eau mais non, je suis une pince, alors je souffre. Les anses me cisaillent les mains, je fais une dizaine de pauses, et j'arrive exténué à l'usine de ferraille devant les ouvriers surpris.

"Rechargement complet à Andrézieux". Cool! je fonce à Andrézieux. Au moment de me mettre à quai, un type vient en courant "attends! attends! t'es prévu que pour demain!"
Voilà... et c'est non-négociable, la marchandise n'étant même pas sortie de production.
Bon, le suspens d'un éventuel changement de programme plane sur la fin de soirée mais rien ne se passe, hormis que je vais mettre du gazole chez Leclerc. J'aurais pu y faire mes courses, ou plutôt y refaire mes courses... je préfère me poser devant la boite où je recharge demain, ça ira pour aujourd'hui.

Je change une ampoule, je change un fusible, je fais le ménage, je fais à manger... une parfaite ménagère.

Vers 22h il commence à neiger.

joli

des tubes, encore des tubes...

pas inquiet avec sa benne!

Régis change un fusible

Mardi 14

Et oui c'est tout blanc.

Mon voisin de parking polonais tourne autour de son camion, l'air préoccupé, limite bizarre... je fais mine de ne pas m'intéresser à lui, il se dirige vers l'arrière de sa semi, regarde une dernière fois dans les alentours, puis dépose son jogging pour sur ses chevilles pour se soulager dans la neige. Très classe... Je pense que ce chauffeur squatte ici depuis un moment, il était là avant moi et le camion semble installé pour un long séjour. Un naufragé.

9h30, je démarre, j'entre dans l'usine. Il y a des camions à quai, j'attends. J'ai rendez-vous à 10h - je passe à quai à 10h. Manoeuvre à contre main, dans la neige, pas facile. Je tombe sur le même gars qu'hier, il est surpris de me revoir :
"mais c'est encore vous? vous avez attendu jusqu'à ce matin?"
"oui, j'ai passé la nuit devant l'usine"
"quoi? ici? dans votre camion?!!"
Oui, dans mon camion... j'ai souvent ce sentiment décevant que les gens ne captent rien à mon métier.

Je ne charge pas complet, mais il s'agit d'un transport "express", donc pas de ramasse supplémentaire, je fonce sur le Luxembourg.
Pour éviter Lyon je passe par Roanne, avec la petite appréhension de rouler dans la neige : j'ai à peine 3 tonnes dans la semi... Comme d'habitude très léger lorsque j'aimerais être bien lourds (la dernière fois que j'ai roulé dans la neige c'était en solo).
Dans l'ensemble le réseau est dégagé. Hormis un camion de poubelle qui me pourri la vie pendant une dizaine de minutes, je suis à la régul'.

Il y a Ludo42 qui mange à Vitry en Charollais, le veinard; je serais bien passé à table avec lui mais pas le temps. Jamais le temps. Sauf pour faire des coupures de 18h le lundi.

Phil26 quant à lui est pleine ascension nordique, et à peine 10 minutes nous séparent lorsque je me lance sur l'A6, à Châlon. Nous avons tous deux une 45 minutes à faire, nous choisissons l'aire de Dijon parce que "tu verras elle est trop bien" dixit mon webmaster. Effectivement elle est trop bien. Pour les toilettes on se laisse guider à l'odeur...
Je fais donc connaissance avec Phil26... un gars sympa, simple, chevelu, drôle, ardèchois et parfois même généreux : en atteste la photo ci-contre. Nous reprenons la route ensemble et je me dis qu'à partir de ce moment précis nous devrions écrire le même carnet de bord, vu qu'il se passe grosso modo la même chose à 100 mètres près... c'est à dire pas grand chose : une traversée de Nancy-Metz bien merdiques, quelques flocons éparses mais une température étonnement positive lorsque nous arrivons au Luxembourg.

Nos routes se séparent. Je m'arrête chez GN. Petite séance de manutention nocturne puis saucisse-lentilles au coin du feu.

tout blanc!

J'ai aperçu Ludo42

J'ai bien vu Phil 26

merci mec, t'es un pote!

j'aime!

Mercredi 15

Réveil à 7h. Temps pourri sur le Luxembourg. Je me motive malgré tout à traverser la cours pour aller prendre ma douche.
Une fois bien propre j'attelle une Ekeri et je fais le singe pour aider à finir de la charger et la sangler : je redeviens tout sale, c'est magique. Je décolle à 9h. Au programme : 6 livraisons de ferraille entre Saint Dizier et Lyon. Si ça ne fait pas rêver ça fait au moins bosser.

Comment fait-on pour aller à Saint-Dizier depuis le Luxembourg? Le GPS m'indique de passer par Toul... le crochet me semble énorme, mais c'est peut-être plus court niveau timing. Je déteste ces coins-là. Je décide de suivre le GPS, d'autant plus que je suis lourd et haut (4m25), je suis sûr de ne pas avoir de surprise.

Comme tout est très bien calculé j'arrive à midi chez mon premier client : une énorme usine en plein centre d'un petit bled. L'accès est un peu bizarre, il n'y a pas trop de place.
Une petite dame sur un gros chariot m'autorise à me mettre en place pendant la pause : une très bonne nouvelle vu le nombre de camion qui arrivent derrière, je n'aurai pas à me battre pour défendre ma place.
J'ouvre les portes, j'enlève les sangles, je les enroule, j'enlève les poteaux... c'est prêt! Je peux prendre moi aussi ma pause salade strasbourgeoise.

Nous déchargeons à 13h30. Il faut trouver des solutions pour tirer les fardeaux de tubes d'1t5 coté gauche (la semi n'ouvre qu'à gauche)... je m'improvise "mec-dégourdi" avec des sangles et des idées.

Cap sur la côte d'Or. J'ai un petit fardeau à décharger. Après 16h la réception ne réceptionne plus, mais comme il s'agit d'un petit fardeau, de 7 mètres certes - mais pas lourd, je parviens à négocier avec un tourneur-fraiseur : plus habilité à tourner et fraiser qu'à faire du chariot... mais volontaire.

Ma journée est terminée, du moins en ce qui concerne les livraisons : il m'en reste quatre sur la région lyonnaise, les quatre pour demain.
Bron, Corbas, Sérézin et Mornant... je ne sais où aller dormir. Je choisirais bien mornant mais leur fardeau est sous les autres : c'est un coup à galérer pour décharger. Même chose pour Sérézin. Alors ce sera Bron ou Corbas... la peste ou le choléra.

Pour l'heure - car je ne suis qu'à Châlon -, je sors de l'autoroute pour aller faire mes courses à Auchan Sennecey le Grand. Puis je descends tranquillement par la nationale jusqu'à Bron. Impossible de squatter devant mon client, le centre routier n'est pas loin mais fermé parait-il, et pourri de toutes façons... donc je vais à Corbas. Sans trop y croire je tente le parking de l'AS24... que reste surpris de trouver au trois-quarts vide. Mon client est à côté, c'est parfait.

vielle usine

attention....

...ouvert!

pont à bascule

Jeudi 16

D'abord je vais voir à pied, il est 7h30, je trouve un mec qui se propose pour décharger. J'entre dans la cour en marche arrière, il n'y a pas beaucoup de place, je me serre dans un coin afin de permettre au chariot de manoeuvrer avec les longueurs de 6m. Mon cariste n'est pas des plus doué, mais il est très gentil... alors le temps qui passe parait un peu moins pénible. Je peine à refermer l'Ekeri, je m'énerve : ça force et ce n'est pas normal... et puis au bout de quelques minutes je remarque que je n'ai pas remis le poteau central... Toujours remettre le poteau central en premier! sinon le toit est incurvé, et les portes sont décalées... imbécile que je suis. Erreur de débutant.

Deuxième client dans un parc technologique, à Bron. Mais qu'est-ce que je viens foutre ici avec mes tubes? On aime pas trop les camions dans ce genre d'endroit, en atteste les bordures, les rond point minuscules et le manque je place général...
Je suis néanmoins à destination. Je me case comme je peux au milieu des voitures et nous sortons des fardeaux d'1t5 avec un chariot homologué à 1t2... frisson garanti!

troisième client à Sérézin. Pour y accèder, il y a soit le pont à 3m10 - soit le pont à 4m20. Je mesure 4m25. Allons-y pour le 4m20... Je m'approche tout doucement, je mets les warning, je baisse la suspension et je me tords par la fenêtre. Je pense qu'un pont signalé à 4m20 ne devrait pas poser de problème, mais sait-on jamais! Devant moi, les automobilistes me font signe : "C'est bon, avance, y'a de la marge!". Alors j'avance, et effectivement il y a de la marge. Je viens de passer pour Monsieur-trop-prudent. J'assume.
Je vide un fardeau et j'enchaine, en repassant doucement sous le pont, parce que je suis parano.

Dernière livraison à Mornais, il est 11h.
Je reste sur place pour faire un relais avec un chauffeur GN. Je récupère une taut' chargée pour le Sud.

Passage éclair à Jarcieu pour laisser mes papiers et faire l'appoint en carburant. Je fonce sur Nîmes avec le vent dans le dos, je roule à presque 90 Km'h. La boite ferme à 17h15, c'est écrit sur le bon de livraison. Lorsque j'arrive à 16h3O, le mec m'annonce que je suis chanceux parce qu'il est déjà 16h30... puis il refuse de sortir les fardeaux par les portes, bien qu'il s'agisse de tubes que l'on peut porter à la mains si l'on est capable de lever 40 Kg... alors me voici à débacher en plein vent. Enfoiré.
Il sort les tubes avec son chariot, puis les emmène dans l'atelier. Quelques minutes plus tard, il revient, l'air pas content : un tube est tordu. Je demande à voir, embèté de devoir justifier ce litige auprès des Suédois. Un chef arrive et demande à son cariste comment a-t-il procédé pour décharger... puis il l'engueule parce que "ça se décharge à la main des tubes comme ça, tu sais combien ça coûte!?!". Je suis sauvé, pas de litige, alors que bon... je ne pense pas qu'il les ait tordu en les levant...

Je roule direction Perpignan, puis finalement - changement de programme, je m'arrête à Narbonne Sud. J'ai une palette à charger demain matin.

j'aime les parcs technologiques

près de Mornant

trop maigre

une ombre traverse le Gard

Vendredi 17

Aujourd'hui je charge à Narbonne; je Vide à Perpignan; je refourgue une palette à Sweden à la Jonquera, puis je descends recharger à Barcelone. J'y reste trois plombes, je ne repars qu'en soirée pour rouler jusqu'à l'aire de Narbonne : retour à la case départ.

ça colle des prunes au péage

je patiente...

il a les marques du maillot!

faut pas se louper ici!

Samedi 18

9h plus tard, je décolle, direction Jarcieu. Je récupère la palette de Sweden, ainsi que le camion de Sweden, et je remonte chez Sweden lui amener tout ça et récupérer une voiture pour les trois jours de formation à venir.

18 février 2012

Dimanche 19
Lundi 20
Mardi 21 ADR
Mercredi 22

Jeudi 23

lundi 2... non, jeudi 23 février, 4h15 du matin, une nouvelle semaine commence. Je saute dans la voiture sans même prendre le temps d'un petit déjeuner, je roule direction Jarcieu les Bains.

Non je ne me suis pas octroyé un week end à rallonge, je viens de suivre la formation de base pour transporter des matières dangereuses. 3 jours loin d'être inutiles, mais tellement soporifiques et ennuyeux sur la forme, qu'il m'ont rappelé la FIMO. Un formateur ringard, qui case des jeux de mots pourris entres ses péroraisons politiques qui n'ont pas lieu d'être et sa vision négative de notre métier qu'il n'a jamais pratiqué, une assemblée conquise, des rires benêts, des bâillements audibles, des ventres qui grognes... bref, trois jours fantastiques. Si je généralisais - comme ils le font au sujets de ces "imbéciles de conducteurs" - je dirais que les formateurs sont figés dans les clichés et le démontrent sans vergogne. Mais il n'y a rien de plus stupide que de mettre tout le monde dans le même moule, n'en déplaise à Monsieur matière dangereuse.

Ces 2h30 de voitures me paraissent longues... très longues. Je m'ennuie tellement que j'écoute "rire et chansons", les mêmes sketches since 1992. Finalement je reviens sur Inter, faute de mieux.

Arrivé à Jarcieu je retrouve mon fidèle Magnum... non pas un type avec une moustache et une chemise hawaïenne, mais un cube tout blanc avec 4 roues dessous.
Je pars faire un livraison vers Annonay, puis je recharge à Salaise pour revenir dépôt.
Mon "vrai" programme présente plutôt bien : du Nice et de l'Italie. Cool. Je suis content de refaire un tour de l'autre côté des Alpes.

Mais avant cela je roule en double avec Philippe, non pas 26 mais Philippe mon Chef - que je dois déposer à Brignole en passant. Nous partons en fin de matinée. J'essaie de conduire appliqué, il s'agirait de faire bonne impression quand-même.
A 13h l'appel de nos ventres respectifs nous fait stopper à Pierrelatte, au restaurant "Chez Alain". Bien mangé. Calé même. Mais il faut remonter dans le Magnum... non pas la grosse bouteille de champagne mais le gros truc blanc avec un logo Renault dessus.

Je laisse Philippe à Brignole et je poursuis direction Nice. Je ne vide que demain matin, à Villeneuve Loubet précisément, et je ne sais pas trop où échouer. je m'arrête sur l'aire de l'Esterel, j'y trouve une très bonne place mais je suis à une demi-heure de ma destination, et une demie heure cela peut être utile demain... alors, à contre coeur je remonte dans le magnum... non pas le gros pistolet, mais le véhicule industriel.

Je roule jusqu'à la station suivante. Il y a un nouveau parking PL. Pour y accèder l'entrée est tellement tordue que je suis obligé de sortir baisser l'essieux relevable... encore un endroit neuf bien étudié. Je gare le Magnum - non pas le dessert glacé mais le camion -, sur l'une des dernières places. La journée s'achève au milieu d'un banc de conducteur de l'Est échoués sur une nappe de bitume.

quai en fosse avec bordures non-parallèles

Serrières

camion Mad Max

enfin les beaux-jours

Vendredi 24

De Hugues Capet à Louis XVI, toi aussi découvre l'Histoire des rois de France en sirotant ton café à la station Total, dans la collection "sujets divers et variés pour calmer les gosses en bagnole". Passionnant. Il y a aussi un bouquin sur les cochons d'Inde mais je n'ai plus le temps, je file.

A 8h pile poil je suis devant le portail de l'usine, à Villeneuve Loubet. Pour arriver ici j'ai été très bien inspiré de laisser l'essieux baissé : les alentours sont du genre étroits. La barrière est baissée, il y a une grande pancarte sur laquelle on peut lire :"Chauffeurs, avant d'entrer, sonnez, annoncez-vous à l'accueil - horaire 8h-12h". Je sonne... une boite vocale me répète les horaires d'ouverture, personne de vivant là dedans... alors j'attends, puis je re-sonne; toujours personne. J'aperçois des caristes au loin, il est maintenant 8h15, je décide de passer sous la barrière et d'aller voir à pied. Malheur... pour commencer je me fais remballer par un des caristes, puis la secrétaire arrive avec son sac, son bronzage pas naturel, son maquillage et son chewing gum :
_"qu'est-ce que vous faites là? c'est écrit de sonner au portail!?"
_"oui, c'est écrit aussi 8h-12h (il est 8h20 connasse), je ne savais pas comment faire "
_"Faut pas rentrer comme ça, il y a des caméras ici..."
Fin de l'échange, je ne m'énerve même pas, pas d'issue possible, je feints le mec sympa.

Je vide de l'autre côté de l'usine : il y a des virages à l'équerre, une bascule avec un gros dévers, et un demi tour de la mort au fond... j'aime cet endroit! Heureusement pour décharger le cariste est dégourdi.
A 9h je ressors, c'est parti pour l'Italie.

Cela faisait un petit moment que je n'avais pas pris "l'autostrada dei fiori". La semaine dernière je voyais la Méditerranée depuis l'Espagne, cette semaine je la vois depuis l'Italie... et qui sait, la semaine prochaine je la verrai peut-être depuis l'Allemagne...

Je vais à Milan. Il fait beau, il fait 20°C, on trouve quelques tas de neige à l'ombre mais la vague hivernal semble déjà bien loin. Je tombe le pull, j'arbore fièrement mon t-shirt "Dinosaur Jr", je suis content.
Je suis à l'aise surtout : je décharge dans un coin de banlieu que je connais très bien pour y être maintes fois venu avec des bouts de viande, puis je recharge complet à 10 km.
Grosse montée d'adrénaline devant le quai de rechargement : il y a une pente de saut à ski pour y accéder, j'ai peur de tout caser. Alors j'y vais à tâtons, je joue de la suspension sur la semi et sur le tracteur... les roues décollent, le chassis du magnum touche celui de la Chéreau, mais les portes à faux ne frottent pas : ça passe.

Complet et à peine 3 tonnes de charge : la conso va être bonne!

Je pars direction le Mont Blanc.
BMW, Audi, Mercedes.... break, 4x4... c'est à celui qui aura la plus grosse sur la route du ski.

Je m'arrête à l'autoport pour éviter la bascule - c'est un comble. Sur le parking je retrouve Alex39, un compatriote Jurassien.
Au tunnel j'attends plus d'une demi heure. Je suis en pole-position dans la descente, je roule jusqu'à Cluses.

dans le bordel de Villeneuve-Loubet

Côte d'Azur

2 essieux dans le vide

Forza Inter

ça rutile...

Samedi 25

6h10, pas de répit, il paraît qu'aujourd'hui c'est interdit de circuler aux PL dans les Alpes, alors mieux-vaut ne pas trainer. En effet il y a mon banquier, mon notaire et mon dentiste qui sont de sortis avec des milliers d'autres boursicoteurs, et tout ce beau monde est bien entendu prioritaire. Théoriquement je devrais m'arrêter pour repartir ce soir, à 18h. Oui-oui, du gendarme au formateur AFT en passant par le contrôleur de la DREAL : tous sont unanimes.

Autre souci : les barrières de dégel. Vais-je pouvoir arriver à destination?
Contre toute attente : oui. 9h, ce matin, la semaine est terminée.

le Daf d'Alex39

back home

Dimanche 26

Lundi 27

3h00 : Réveil.
3h30 : Renault 4L.
4h00 : Renault Magnum.

Une nouvelle semaine commence, un peu moins froide que les précédentes. Je m'élance d'une roue légère dans la campagne jurassienne avec mon chargement de moins de 3t. Aucun souci, si ce n'est de savoir si oui ou non Jean Fromthegarden va l'avoir sa statuette.
5h15 : Chouchou, ou bien Loulou (je ne sais pas duquel des deux il s'agit) émeut tout un parterre de stars hollywoodiennes avec un style qui restera à jamais dans l'histoire des belles lettres Française... je cite : "Ho putain c'est génial!". Bravo.

C'est vrai, putain de bordel de merde, c'est génial.

Je vais à Louhans échanger mon frigo contre une taut' avec Fabrice. Je récupère au passage 22t de plus et ma balade matinale guillerette dans la bresse endormie s'en voit quelque peu entravée. Je récupère l'A39. Un premier quart d'heure de pause sur l'aire de Bourg Jasseron pour boire un gobelet de jus chaussette qui se voulait café macchiato, puis je déroule jusqu'aux premiers embouteillages Lyonnais aux vertus hautement soporifiques.
Je suis chargé pour Vitrolles, je ne m'arrête pas au dépôt, je fais ma demi heure de pause complémentaire sur l'aire de Valence sud. Il n'y a personne sur le parking, personne au café, personne nulle part. C'est étrange.

11h30 je suis à destination : une boite de matériel TP. Je suis entré dans la cour en marche avant, il y a des palettes de moellons, de planches et de tuyaux partout. A première vu on est pas trop content de me voir : "Ils le savent qu'il faut prendre rendez-vous! C'est toujours pareil! De toutes façons on part en pause, on revient à 13h30"... Il est grincheux mais pas trop con, je tente d'être courtois et l'échange retombe un peu. Je me mets en place en attendant 13h30.
Je commence par une salade d'endive, je vais ensuite débacher et ranger les sangles : une bonne demi heure de travail.
13h30 tout le monde revient. Je fais le pied de grue devant mes paquets de bois, mais personnes ne daigne commencer à décharger. On s'agite de toutes parts sauf dans ma semi. 14h15, miracle, premier paquet enlevé!... au bout de presque 3h d'espoirs déchus.

Je suis vide avant 15h et je fonce sur Martigues pour recharger dans un immense complexe pétrochimique. Une ville usine, avec ses rues, sa circulation, ses habitants. Je passe l'étape "gardien" sans difficulté et j'avance muni du plan du site sans quoi je serais perdu à jamais dans pareil labyrinthe.
Je rejoins la zone de chargement, il y a une armada de camions de l'Est et tous leurs chauffeurs entassés dans le bureau réception. J'appréhende ce moment. Je fais bien. Après m'être enregistré je suis appelé par un des types de l'autre côté du hublot.
_"cartes grises camion + remorque, équipement de sécurité, bleu de travail"
_"Ok... par contre pour le bleu... au mieux j'ai une blouse (blouse à viande), voire un blouson."
_"pas de bleu de travail - pas de chargement"
_"J'ai tout le reste, je ne peux pas vous en emprunter un?"
_"on a pas ça à disposition ici... donc pas de chargement aujourd'hui, revenez demain à 11h"

Il est 15h40, j'ai rendez-vous à 16h, on me demande de revenir le lendemain à 11h parce que je n'ai pas de bleu de travail... Quel est ce délire?
Le mec derrière son hublot est un beau specimen de connard sauvage aigris et méprisant : pour preuve, il va jusqu'à siffler pour s'adresser à moi, oui comme pour le chien... ce que je lui fais remarquer mais il reste figé dans son mépris.
Il y a bien une solution : Jean-Bernard (un collègue) est quelque-part dans cette usine-ville, il peut me passer son bleu de travail. Vers 16h15 nous parvenons à nous capter. Je me représente devant le type du bureau réception muni de la précieuse tunique et sa réponse est éloquente :
_"vous n'avez pas compris? il y a 3/4 d'heure j'ai dit demain-11h... c'est demain 11h" Pour aujourd'hui c'est trop tard.

Pourquoi? Comment? Qui? Quoi? Où? Je suis perdu devant autant de connerie pure et dure. Et dire que des types comme celui-ci vont susciter l'attention générale lorsque leur boite à la con qui éxige aux conducteur de porter des bleus plutôt que des blouses de travail va se retrouver délocalisée au bout du monde. Mais qu'ils crèvent bordel!

Par chance, j'hérite d'une nouveau chargement et je n'ai pas à attendre "demain 11h" dans l'air vicié de vapeurs d'hydrocarbure et de mépris.
Je vais à Marignane me consoler avec les gaz de l'aéroport.

Complètement las de cette journée je me pose devant chez mon client, dans la zone industrielle, pour passer la nuit. Alors que je semble retrouver une once de paix de sérénité de l'esprit, un retour à la tranquillité de l'âme aidée par une fatigue croissante, alors que je range mon diner pour enfin retrouver mon lit... voici qu'une alarme se déclenche et hurle à la mort dans le silence. Une alarme aigüe, pénible, qui tourne, tourne, tourne... puis s'arrête quelques seconde... pour se déclencher à nouveau de peur que l'on l'oublie. Qu'ai-je donc fait pour mériter cela? Il est 23h14 lorsque j'écrit cette ligne... la sirène retentit depuis 19h30 environ, je vais devenir fou.

du bois pour Vitrolles

le long de l'étang de Berre

usine à gaz

au pays de l'ADR

viaduc de Martigues

Mardi 28

Ca y est je suis fou. L'alarme a percé le silence jusqu'au petit matin. j'ai voulu appeler les flics, puis je me suis ravisé : il y a des panneaux "interdit de stationner" un peu partout dans cette zone, ils pourraient trouver le moyen de me virer en pleine coupure. J'ai donc subit la sirène toute la nuit, et ce matin, même si le silence est revenu, le bruit hante encore mon esprit.

J'ai pour consigne de me présenter entre 8h et 9h chez le chargeur. Hier lorsque je suis venu "en repérage", un mec du bureau m'a dit "plutôt vers 9h"... J'en déduis que je vais à coup sûr charger vers 10h ou 11h - voilà pourquoi j'ai dormi ici : pour ne pas démarrer l'amplitude avant d'y voir plus clair dans ces approximations temporelles du genre marseillaises...
Comme prévu je passe à quai vers 10h30. Chargement complet pour le nord de l'Angleterre; apparemment c'est pour moi de bout en bout : je suis gâté!

Il fait un temps magnifique, une quinzaine de degrés; je décolle à 11h pétantes.
Impératif de livraison : jeudi 10h30. C'est faisable, largement même, mais encore faut-il ne pas perdre bêtement du temps. Ainsi je fais un premier quart d'heure de coupure directement dans la cour du chargeur, le temps de faire les papiers; puis la demi heure complémentaire en mettant du gazole à Jarcieu; ensuite j'avance juste un peu le camion pour refaire un quart d'heure le temps de prendre une douche - toujours à Jarcieu... et enfin une dernière demi heure près de Langres le temps d'une assiette de spaghetti. Tout est optimisé au maximum : pour rouler 10h je suis obligé de caser 2 coupures.

Il n'y a aucune embuche sur mon parcours, je roule 9h59 précises, 799 Km, j'atterris avec beaucoup de chance sur l'ultime place d'une petite aire au nord de Reims, c'est parfait. D'autant plus parfait lorsque je sors mon CD de Van Morrisson dont les compos s'avèrent être nettement plus agréables qu'une alarme de bagnole dans la ZI de Marignane.

ne passe pas inaperçu...

sur l'A31

ne passe pas inaperçu non plus...

aurores langroises

Mercredi 29

Il n'y a plus personne sur l'aire. Je démarre et je sors inspecter ma bâche, mes réservoirs ainsi que mes portes. Tout est là. Le ciel est gris et une atmosphère d'urine vient me rappeler que beaucoup de mes confrères sont des porcs - il y a pourtant une belle butte champêtre qui ne demande qu'à se faire arroser juste en face... mais non, on pisse sur le goudron et on marche dedans, c'est mieux.

Direction Calais : c'est parti pour trois heures de champs de betteraves. En réfléchissant un peu je me dis qu'il serait de bon ton de faire un quart d'heure de coupure d'ici le terminal ferroviaire - étant sûr de faire la demi heure complémentaire sur le train. Ainsi je m'arrête sur une station Shell, et je sirote mon expresso à 1,5 euros en lorgnant sur les pains au chocolat à 1,70. Trop cher.

Calais. Me voici sur la plateforme multimodale. Je passe par le contrôle CO2, pour me rassurer, puis je m'emquille dans la longue file d'attente. Enregistrement, premier contrôle douanier, second contrôle douanier... 30 minutes de volant viennent de disparaître depuis mon arrivée sur le site. Je monte sur le train à 11h30. la navette me ramasse pour m'emmener dans le wagon chauffeur où un serveur essaie à maintes reprises de nous refourguer ses trucs pas frais alors que l'on est quelques uns à tenter de fermer l'oeil le temps de la traversée.
De Calais à Folkestone la navette remonte le temps : parti à 11h40 nous arrivons en Angleterre à 11h20, heure locale.

Il paraît que François Hollande est à Londres aujourd'hui. Peut-être est-il en train de dire : "IL paraît que Régis Riboulet est à Londres aujourd'hui"?

Je ne fais que contourner la capitale par l'est, et je m'en fuis vers le nord via la M11 puis l'A1. Gros trafic : ça roule plein pot sur les 2x2 voies, c'est stressant. Et puis je ne connais pas les environs : il n'y a aucune aire d'autoroute et je me demande bien où m'arrêter faire la seconde pause.
Je trouve une aire de service au nord de Cambridge : les places y sont bien merdiques, apparemment on ne connait pas les parking en épis de ce côté de la Manche - gare à ne pas se faire arracher la cabine lorsque le voisin quitte sa place.
Sur cette aire il y a un complexe gastronomique de premier choix : Mc DO, KFC, M&S, Costa et d'autre marques de fast food que je ne connais pas. Pour moi aussi goûter aux joies d'avoir les mains grasses je déguste mon Big Mac dans l'espèce de Hall de gare avec tables et chaises qui réuni le chauffeur routier et le jeune cadre dynamique. Drôle de tableau. Qui sont ces gens? Qu'est-ce que je fous là? Pourquoi un Big Mac? Pourquoi pas une endive dans mon camion?

Le ventre plein je remonte derrière le volant et je roule, toujours plus au nord. En 8h58 précises j'atterris sur le même genre d'aire de service, cette fois-ci à Wetherby. Les places coûtent chères dans tous les sens du terme : elles sont rares et à 19,50£... 19,50£!!! Il faut vraiment que je vienne en Angleterre pour débourser cette somme!
On pourrait imaginer un service équivalent à ce prix ahurissant... mais non, nous sommes entassés - moi et mes copains routiers - sur des places bien merdiques et bien serrées. Le rêve. Il y a les mêmes genre de fast food mais cette fois je ne succombe pas à l'appelle des lipides. Je visite une supérette pour réapprovisionner mon frigo, mais je fais vite demi tour : les prix sont une fois de plus incroyablement élevés.
Du coup je la mange mon endive, et c'est beaucoup mieux ainsi.

plateforme de Calais

empilage de Volvo

direction "the North"

gros jouet

Jeudi 1

Toute la soirée d'hier je suis resté attentif, le rideau de droite ouvert, surveillant la manoeuvre d'un hypothétique voisin de parking - la place de droite étant à la fois vacante et difficile d'accès. Mais personne n'a daigné s'y mettre. Peu être trop difficile. Et puis comme je jouais de la guitare, j'imagine l'effet répulsif...

J'ai fait un drôle de cauchemar cette nuit : je roulais pénard sur une nationale anglaise, les cheveux dans le vent... lorsque soudain je me rendai compte que j'étais à droite. Et toute l'angoisse de ce cauchemar était de savoir depuis combien de temps. Rêve non-prémonitoire, mais assez significatif quand à l'état d'inquiètude latente qui me caractérise. Je devrais me détendre. Mais au lieu de cela je vais prendre un café, et rien que le prix me stresse un peu plus : 2,35£ le tout petit café de rien du tout chez Costa. Même en euro cette somme serait exorbitante! Bienvenue au pays où la vie est plus chère.
Comme l'Anglais cultive le paradoxe, la douche est gratuite... sale, mais gratuite.

Lorsque je reviens sur le parking, des flics sont en train d'installer une plateforme de contrôle pour PL. Il est temps de partir. Je démarre au terme de 14h30 de coupure... bien reposé, lavé et à jour de carnet de bord - ce qui relève de l'exploit.
Je poursuis mon ascension : le client est à une heure vers le nord, j'ai rendez-vous à 10h30 et je fais en sorte d'y être une heure avant... histoire de (pourquoi pas) vider plus tôt, et de (au cas où) ne pas cramer l'amplitude.
Sage décision que celle de ne pas venir avant : Je ne décharge qu'à 11h, parce qu'à 10h30 c'est la pause casse croûte m'explique-t-on.... et accessoirement mon heure de rendez-vous leur retourne-je.

Je me débrouille pas trop mal en anglais, j'arrive à faire des blagues.

Une fois vide j'écope d'un rechargement à Burnley, à environ 1h30 de route, prêt demain matin à 10h... c'est à dire dans 22h. Comme je n'ai pas grand chose à perdre je décide de m'y rendre aujourd'hui quand-même, pour voir s'il n'y a pas possibilité de négocier.
Alors c'est parti : je coupe d'est en ouest par des routes nationales de toute beauté. Comme prévu il y a les moutons, les pierres, les collines et l'herbe... comme la dernière fois j'ai la chance d'avoir un temps pas trop mauvais. J'aime cette région.

Sur les petits parking qui jouxtent la nationale, on trouve parfois une cabane à frite bien typique. Je tente à trois reprises de m'y arrêter mais à chaque fois il y a trop peu de place. Jusqu'à celle-ci, toute seule au milieu de nulle part. J'ai parfaitement conscience que manger un hamburger ici peu me faire perdre quelques années d'espèrance de vie, mais j'ai faim... et puis j'ai déjà survécu à Mc Do et Quick, alors bon...
Il s'agit d'une remorque-baraque-à-frite attelée à un 4x4. A l'intérieur il y a ce type aux cheveux blancs et au strabisme divergeant. "Bonjoureu Mossieu me dit-il" avec son accent autochtone... il sait que je suis Français : soit j'ai la gueule du Français type, soit il a eu le temps voir l'immatriculation - ce dont je doute car je suis passé vite et je me suis garé loin-, soit il y a une pancarte "français" qui clignote au dessus de ma tête, soit ce mec est devin, soit on se connait... bref il sait que je suis Français. Pas de frite sur sa carte, que des trucs avec de la viande... je choisis un "Cheeseburger". J'assiste à la préparation raffinée du produit, j'aurais aimé éviter...
si seulement je n'avais pas vu que le steak était beige avant cuisson! Si seulement je ne l'avais pas vu tripoter le fromage avec ses grosses papates!
_"Butter on your bread?" me demande-t-il
_"heu... yes?" (je suis parfaitement bilingue)
_"oignons?"
_"yes?"
_"mustard?"
_"yes"... Vas-y fais-toi plaiz Michel, mets tout ce qui traine.
Au final et pour 3£ j'écope d'un truc pas franchement bon, pas franchement mauvais non-plus... juste bizarre.

Burnley, 16h. Je me demande bien où m'amène le GPS : apparemment en plein centre ville. Des maisons en pierre et des vestiges témoignant d'un passé industriel, voici le tableau. J'arrive dans une toute petite zone, sans place pour me garer. Le client est bien là : une usine bien étroite, où je me demande tout simplement si je peux rentrer avec le camion. Je vais voir à pied. Il y a déjà un camion à l'intérieur... le cariste me dit "tomorrow", en discutant et en mimant avec une incroyable justesse le mec triste j'arrive à obtenir "may be this evening". Bon... je retourne patienter à même la route. En regardant dans les alentours je commence à vraiment espérer charger ce soir : cette zone craint au possible, et le chauffeur anglais de me confirmer en m'avertissant : "surtout ne dors pas là, c'est dangereux!".
Fin du suspens à 18h : je charge bien aujourd'hui, juste avant la fermeture.

Ainsi je commence à redescendre direction Londres. J'atterris sur une aire bien glauque, bien pourrie, et bien chère, à hauteur de Northampton. Je discute quelques instant avec des Français de chez Deroo, puis je retourne à mes occupations guitaristiques.

Toute la nuit des types vont s'arrêter et laisser tourner le moteur à ras ma cabine...

apparition de balles de golf géantes

V-rally en Angleterre

j'aime

la population locale

les rues de Burnley

les toits de Burnley

Vendredi 2

Il y a Ernest-Antoine Seillière qui parle dans le poste. Le "Baron" Ernest-Antoine Seillière, qui défend la veuve, l'orphelin, et le riche potentiellement imposable à 75% au delà d'un million d'euro. Quel avenir pour le chauffeur routier? Est-ce avec une telle réforme que l'on va obtenir un championnat de France des routiers fort et capable de faire bonne figure au niveau Européen? Déjà que plus personne ne veut venir à Paris pour le mercato, nous voici mal barrés! Certes ces dernières années les rémunérations se sont envolées mais que voulez-vous : des stars ça se paie! Pour encore plus de belles manouevres, de conduites souples et de calcul d'itinéraires précis il faut attirer des chauffeurs de tous horizons. Mais il faut aussi savoir conserver les jeunes espoirs issus de nos centres de formation! Si le Qatar investit sans compter dans la profession c'est pour nous faire réver! Qui n'a pas eu un poster de Jojo le routier dans sa chambre quant-il était gamin? Qui n'a pas joué au routier dans la pelouse en cassant tous les arbres lors des manoeuvres acrobatiques? Et pourquoi autant des footballeurs écoutent les multiplexes de routiers à la radio? C'est parce que le routier galvanise les foules! Rémunérons-le à sa juste valeur, sachons le garder à l'intérieur de nos frontières! amen.

Le café est 2£10 et je m'autorise un "Belgian chocolate Brownie" parce qu'il me fait vachement envie avec sa frimousse marron et ses pépites de chocolat blanc. Les toilettes sont dégueulasses, comme tous ceux que j'ai trouvé depuis deux jours. Je décolle à 7h30.

Je passe Londres avec tout plein d'autres gens qui passent Londres, puis c'est nettement plus calme sur le M20 en direction du tunnel. Je ne perds pas énormément de temps dans les procédures douanières et je me retrouve vite fait sur le train, puis dans le wagon-chauffeur où c'est une hôtesse cette fois-ci qui s'évertue à essayer de me ventre des trucs que je ne veux pas... bien que j'aie le ventre vide depuis mon brownie.

Arrivé à Calais je retrouve Cyril, nous prenons un café et j'écoute assidument ses conseils pour mes prochains voyages.
Je n'ai plus qu'à redescendre jusqu'à Lons, alors je roule 4h20 et je me mets en coupure : la suite demain.

J'atterris au relais routier de Luxemont, j'y mange très bien.

voisins de parking

brouillard sur le Dartford Bridge

go back home

café avec Cyril

Samedi 3

Je repars au petit matin pour clore cette semaine en compagnie de la horde de skieurs qui viennent polluer les autoroutes. Retour pénible donc, mais grand beau temps sur le Jura, on y passerait presque le week end!

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