Vive la France

par Phil26

 

Depuis la fin des années 90, notre corporation s'enfonce lentement mais surement dans le marasme. Par petites touches, puis par morceaux entiers, le transport français subit les assauts toujours plus violents des pavillons etrangers. Rien jusqu'à present n'a pû freiner cette logique. Le transport routier français, l'industrie française est touchée, litteralement écrasés par le rouleau compresseur de la globalisation. Depuis le temps que dure cette chute aux enfers, nous commençons toutefois à clairement identifier les causes. Le plus simple consiste à accuser le salarié français des pires maux : trop cher et pas assez travailleur. Il faut à tout prix s'adapter pour ne pas disparaitre en tirant vers le bas les conditions de travail. C'est ce discours que nous servent quotidiennement les médias, comme un constat, de cette pseudo info naitra une rumeur qui court, un virus qui s'etend, la certitude de notre nullité finira relatée dans les familles, au bistrot comme à la machine à café, jusqu'à nous en convaincre. Nous ne nous identifions pourtant pas à ces gens là qu'on nous montre, donc on les appelle "les autres", c'est de leur faute à eux, s'ils étaient pas aussi fainéants on n'en serait pas là, voilà ce qu'on entend, voilà ce qu'on finit par croire, voilà parfois ce qu'on finit par être mais le plus souvent on s'accroche, on résiste, on sent comme un décalage et on se sent pas bien parce qu'on se reconnait pas là dedans, c'est juste le résultat d'un discours pervers qui finit par tous nous lobotomiser et nous empeche de voir clair. Gardez l'esprit en eveil ! C'est la finance qui mène le monde et donc l'emploi et nous ne sommes en rien des incapables. Si la sagesse et la pensée juste était le leitmotiv des médias, nous n'aurions pas les programmes télévisés tous plus tordus les uns que les autres qu'on nous sert aujourd'hui.

Le discours le plus généralement admis est d'accuser le travailleur français de rester coincé dans ses petites habitudes, ses petites certitudes d'assisté. Un pet de travers, on reste à la maison, une machine à café en panne, on se met en grève ! L'ensemble des institutions, economiques et politiques, nous designent tous comme étant de veritables sangsues, fossoyeurs de notre profession. Dont acte.

Les ouvriers eux-mêmes déclarent qu'en France on est nuls, en France on est foutus, il est vrai, que nous ne sommes pas au mieux de notre forme. Mais sommes nous aussi nuls que ça ? On nous le rabache tout le temps, mais en fait qu'en est-il vraiment ? Si nous sommes si mal dans l'hexagone, ou devrions nous aller nous expatrier afin de mieux vivre ?

Si on se cantonne à l'Europe proche, qu'en est-il ? Où se trouve ce véritable eldorado puisque c'est si pourri chez nous ? C'est pas moi qui le dit, mais tous les démagogues qui lisent un peu trop Zemmour tout en buvant les paroles de Dominique Prudent qui tire la sonnette d'alarme au JT sur un problème de drogue dans notre profession qui n'existe que dans sa tête... participant ainsi un peu plus au dénigrement de notre corporation, on nage en plein délire...

Revenons à nos moutons, donc où qu'il est cet eldorado ??? En Belgique ? Vous en connaissez encore beaucoup des routiers Belges qui font de la longue ? En Hollande ??? Den Hartogh a menacé le gouvernement Hollandais de tout délocaliser en Pologne y compris ses services administratifs si on l'embettait un peu trop. On pourrait peut être esperer rejoindre la Grande Bretagne ou L'Irlande, mais voilà, avec 300 jours de pluie par an, pas de contrat de travail et pas de salaire minimum ça fait pas forcement envie... Alors où aller puisque c'est soi-disant si pourri la France ?? En Espagne, au Portugal ? C'est vrai que c'est joli, cependant il faudra se contenter de 1500€/mois et de devoir passer de longs week-end dehors jusqu'à 67 ans... Bon, allez, on se retrousse les manches, et on va rejoindre les pays nordiques là-bas, ils ont un système social tellement bien foutu qu'il va falloir se contenter de tourner en regional autour de Trondheim pour percevoir un salaire potable. Encore faudra-t-il convaincre votre petit famille de se mettre à apprendre les belles langues nordiques et affronter les 5 mois d'hiver. Je n'ai pas parlé de l'Allemagne, car contrairement aux idées reçues, c'est pas le meilleur endroit pour se greffer des testicules en or ! J'aurai aussi pû ajouter dans ma liste, en dehors de l'Europe, la Suisse, oui c'est pas mal la Suisse, et puis c'est propre la Suisse, bien payé, mais sans contrat de travail et retraite à 65 ans. Il nous reste encore le Canada, ses grandes plaines, ses caribous et ses hivers qui durent 16 mois par an, ça se merite au prix de 13h de route mini par jour, il faudra suivre la méthode "D.Prudent" pour tenir le choc !! On pourrait faire le tour du monde à décortiquer les avantages et les inconvénients à être chauffeur dans chaque pays mais on va arretez là la démonstration, car le résultat est toujours le même.

Et voilà, je vous ai plombé le moral !!! Alors rêvons d'un pays où le dimanche est un jour de repos, un pays où on a le droit à 5 semaines par an à profiter de nos familles, de nos jardins, un pays où on ne peut pas se faire lourder comme un malpropre pour un oui ou pour un non, un pays où on a le droit d'avoir un pet de travers un matin, où on peut se faire soigner les dents sans endetter jusqu'à ses petits petits enfants, un pays où on bouffe pas la même chose à même pas 50km d'écart !!!

Et ce pays, c'est le notre, et oui !!!

Le problème qu'on a, c'est que c'est tellement plus facile d'aller s'imaginer que c'est mieux ailleurs, tellement plus simple de s'en convaincre en imaginant... Et pourtant si on veut bien s'attarder là-dessus sérieusement, on se rend vite compte que malgré tout ce qui nous fait râler, nos arguments de ronchonneurs notoires ne souffre toujours pas la comparaison dans la réalité.

Malgré les problèmes engendrés par la crise, malgré le déséquilibre, malgré le mal être ambiant, il ne faut jamais perdre de vue que ce n'est pas si mal ici et surtout que c'est souvent pire ailleurs. Car ailleurs un chauffeur n'aura jamais la totalité des avantages qu'il a chez nous en France. Un pays qui n'a pas perdu ses valeurs, même si la peur fait avoir aux gens des idées extrêmes, un pays qui reste encore debout avec un système social et medical pour tous, malgré les coups, un pays qui reste encore debout. Parlez un peu de notre système social à vos collègues étrangers et vous verrez leurs regards s'illuminer, la plupart d'entre eux nous envie.

Non, nous ne sommes pas si malheureux et il fait encore bon vivre et travailler chez nous, ce que beaucoup ont l'air d'oublier, tenant un discours digne d'un miséreux du Bangladesh comme si nos situations avaient un quelconque point commun avec la misère la vraie !! On n'est pas si mal chez nous alors haut les coeurs, soyons positifs merde !

 

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