par Chouchen13

 

Depuis que j'ai quitté précipitamment mon poste d'exploitant pour revenir à mon premier amour celui de rouler, je vois la vie chaque jour de plus en plus de façon positive. Toutefois certains détails de ma vie courante de chauffeur me chagrinent de plus en plus. Or ces détails sont les fondements même de notre métier.

Je mange de plus en plus souvent dans les routiers et autres centres routiers. Alors je ne viens pas me répandre ni sur la diversité du buffet d'entrée des un ou des autres encore moins sur la longueur de la jupe ou la profondeur du décolleté des serveuses de tel ou autre lieu. Je ne viens pas non plus comparer le prix de l'un ou l'autre que ce soit en France ou à l'étranger. Non tout cela n'est que détail et forme.

Ce qui m'inquiète le plus c'est le fond et les principes de base de ces établissements. Ils ont été créés pour tous ceux qui travaillaient directement ou indirectement sur la route.

A une époque où je n'étais qu'un gosse je ne passais pas un vendredi soir sans écouter le grand Max à la radio. Mon père roulait avec son bus et je rêvais secrètement d'entendre un petit coucou de sa part. En attendent cet hypothétique message, j'en ai entendu des « A Gaston de Lille, les papiers du camion ont été déposé chez la Lucette, Bonne route ».

Aujourd'hui Cela ne s'appelle peut être plus chez Lucette mais la magie a disparue également. Et ceci entièrement de notre faute à tous. Fini les grandes discutions. Fini ou presque le café offert. Et je ne parlerais même pas du gars qui rentre les mains pleine de cambouis et de gras en disant « j'ai une roue crevée je n'arrive pas à la changer ». Les autres autour du zinc vont tourner la tête au mieux la plus généreuse des âmes sortira de façon hypocrite une carte avec un numéro de téléphone d'une assistance quelconque qui sans un numéro de client valide ne pourra intervenir.

C'est cette indifférence qui aujourd'hui fait que le métier en est où il en est. Certes les grands patrons ont semés eux les premiers la zizanie en supprimant par exemple la TRO. Mais ce manque d'intérêt envers nos compagnons de route nous le devons au fait que de plus en plus autour des tables, très peu voir aucune discutions ne se créent entre le journal de Laurence Ferrari ou l'envoi de sms à nos proches. Le pauvre type en face de nous on s'en fout royalement.


Je vous l'accorde on n'a pas tous envie de faire la causette le soir après une dure journée. Si il n'y a plus de table pour un seul couvert à ce moment là le gars qui demande s'il peut s'asseoir en face de nous il suffit de lui dire : « la place n'est pas libre ». Si c'est un instant de solitude que l'on recherche.

Mais si on l'accepte à notre table le minimum de respect envers lui c'est de dialoguer avec lui.

Parce que lui aussi il a eu une journée de merde. Et que ce soir au lieu de broyer du noir au fond de sa cabine il a peu être envie de se changer les idées en mangeant un bon repas. Un repas cela peut être une simple conversation avec un collègue qui fait le même boulot que lui. Cela veut souvent dire les même emmerdes professionnelles voir les mêmes problèmes à la maison .

Peut être que de toutes leurs vies se sera le seul soir où ils vont discuter de la météo ou que c'est le début d'une longue amitié. Mais en attendant quand les deux vont remonter dans leurs cabines et tirés les rideaux ils auront surement passé une bonne soirée. Ce moment de détente fait que la journée n'aura pas été que 24h d'emmerdes et de solitude.

Hormis l'attrait de la route, notre boulot à souvent été reconnu comme un métier d'entraide et de solidarité. Ce dernier mot commence parfois autour d'une roue mais surtout autour d'une table. Alors, collègues je vous souhaite un bon appétit.

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