Bon cette fois, je vais vous conter l'histoire vraie de la vie de Job, ces dernières années.

   Comme bon nombre de vous, le savez déjà, Job est routier depuis près de 33 ans maintenant, il a vécu des galères, et aussi des bons moments. Que ce soit l'un et l'autre, vous en avez déjà eu des extraits dans mes chroniques. Donc pour vous remettre dans le bain, sachez que vers 1999, Job possédait une société d'import export, au Luxembourg. De plus Job avait un beau Daf et il transportait de la ferraille dans les aciéries du Pays Basque.

   Bon je ne vais pas refaire le livre " la légende ", qui est sur le site déjà. Mais lors de l'été 1999, le ciel tomba sur la tête de Job et de sa famille. Il y avait un contrôle fiscal pour sa société française. Le contrôle ayant duré près de trois mois, nous voici à la mi septembre.

   Job revient d'un tour d'Espagne, avec des ardoises dans sa benne ( palletisable). Il reçoit un coup de fil d'un soi-disant inspecteur des finances, lui demandant quand il sera rentré. Le rendez vous est prévu donc pour le lendemain en début d'après midi.

   Job vide donc ses ardoises le lendemain matin à Messac dans le 35 et rentre pour la douche et ce fameux rendez-vous; Quelques minutes après être à l'intérieur de la maison, un coup de sonnette retenti. Quatre lascars à la mine patibulaire, pour deux d'entre eux sont là. " Police nationale, nous avons un mandat de perquisition du Procureur". Ouille!!!! là ça ne va plus.

   Donc après explications, Job prend sa douche sous l'oeil d'un flic, car il est officiellement mis en examen. Les fonctionnaires fouillent la maison, les voitures etc, et le camion. Notre ami appelle son client pour annuler son chargement qui était prévu l'après midi. Il est alors contraint de suivre ces messieurs dans une des deux voitures, l'autre étant remplie des documents comptables, jusqu'au commissariat de police, où il passera la nuit. Puis c'est une visite au Procureur qui lui ordonne sa mise en détention à la maison d'arrêt de Vannes, pour les motifs suivants: Fausses factures, escroqueries à la TVA et tentatives, et plein de petites choses dans le genre financement d'un réseau terroriste. Et oui ce sacré Job, c'est une tête, il avait monté une Sté au Luxembourg, qui achetait de la ferraille à sa Sté Française, pour revendre tout ça en Espagne. Évidemment dans cette histoire, Job faisait vendre la marchandise bretonne au Luxembourg avec un minimum de bénéfices pour la Sté Française et inversement la Sté luxembourgeoise vendait en Espagne au prix normal. Donc suite au contrôle, le fisc a annulé trois années de comptabilité de la Sté française, et ce qui est logique, toutes les factures devenaient fausses et les crédits de TVA encaissés l'étaient à tords. Ils demandaient alors à Job, un montant de 9 millions de Francs, en comptant les intérêts et les pénalités. De plus le camion faisait juste la route Bretagne / Espagne. pas con hein, le Job? Mais des gens " bienveillants" de sa famille ayant de très bonnes relations avec les services fiscaux , ont vendus la mèche.

   Donc voici notre cow boy dans la niche pour deux mois, à l'issue de cette période, le camion, la voiture et les deux remorques, dont une savoyarde Schmitz toute neuve du mois de juillet sont sous scellés et revendus par le fisc.

   Notre homme est sur le trottoir et la seule chose qu'il sait c'est qu'il passera au tribunal, mais quand? Mystère.

   Donc Job ayant par le plus grand des hasard vendu son trike quelques mois avant ses problèmes, profita de cet argent pour acheter un petit Daily de chez Iveco pour bosser. Je vous passe les détails sur le fait que pendant plus de deux ans, il devait pointer à la gendarmerie toutes les semaines, que son passeport était supprimé et qu'il n'avait pas le droit de sortir du territoire français. Sur aussi les petits soucis financiers avec la banque car pratique courante dans ce milieu: Moyennant quelques " avantages ", le banquier, dès qu'il voit de l'argent sur le compte avant l'ouverture de sa banque téléphone à l'huissier qui vient le saisir aussitôt. Tu as beau arriver à l'ouverture c'est trop tard, tu croises l'huissier qui s'en va avec ton argent.

   Bref plus de deux ans après, notre collègue ayant quand même bien travaillé et honnêtement cette fois, se retrouve avec un Daily de 300 000 km, qui a eu un turbo neuf et un pont neuf aussi. Il faut dire qu'il avait une grande remorque derrière et  que sur la bascule, il fallait fermer les yeux. Cette période donc coïncidait avec le passage au tribunal. Pour faire bref, le déroulement du jugement aurait pu être comique, puisque l'avocate générale, s'étonnait qu'un camion consommait plus de 15 000 FRF de gas oil par mois. Hélas c'était pourtant vrai.

   Le verdict est tombé peut après : cinq ans de prison dont 36 mois avec sursit. Le coup de bambou là.

   Seulement deux mois de fait sur les 24. Puis il fallait attendre que l'on puisse s'occuper de lui . Donc quand pourra t'il rentrer de nouveau au gnouf, pour que toute cette histoire se finisse?

   Après discussion avec son épouse, ils ont décidés de vendre le Daily et que Job redevienne un chauffeur tout simplement. Ses deux enfants ayant quittés la maison, Madame Job était seule, donc faisant contre mauvaise fortune, bon coeur, il accepta et trouva une place en régional dans une entreprise de Vannes. Quelques mois plus tard, il a enfin des nouvelles de sa punition. Ayant obtenu différentes remises de peines, c'est en fait une période de neuf mois que fera Job. Mais comme son travail le fait " officiellement", partir du lundi au samedi, il sera donc en régime de semi-liberté. il rentrera  le samedi matin à 7h et sortira le dimanche soir à 18h30. Bref pendant neuf mois, il passera ses week-end en " pension", tous frais payés.

   Je vous laisse comprendre l'état d'esprit de Job à ce moment, d'autant plus que sa maison, elle aussi avait été vendue aux enchères, et que comme par hasard, c'est une vieille fille amie d'enfance et ancienne voisine de sa belle-mère qui a achetée la maison. Chez le notaire, il y avait elle, qui connaissait bien sûr notre situation et la fille et la femme de Job, qui avait remuées les amis , la famille de Job et la banque, mais personne de sa belle-famille, pour essayer de racheter leur maison. Mais l'autre vieille faisait monter les enchères, et évidemment Job et sa famille  se sont retrouvé pratiquement à la rue. Enfin pas tout à fait, car son épouse en avait une deuxième, qui était en dehors du système.

   C'est long d'expliquer, mais j'en viens enfin au sujet de ma chronique.

   L'état d'esprit de Job n'était déjà pas au mieux, à son embauche, lui qui voyageait au long court, qui avait des responsabilités, qui côtoyait de hauts personnages dans l'industrie, et à l'étranger. Bref comme il avait en toute modestie, un peu d'intelligence et de culture, il nageait avec bonheur dans ce milieu des affaires. Se retrouver du jour au lendemain, rabaissé à la place de chauffeur, et en zone courte en plus, cela ne l'a pas arrangé.

   C'était à son tour de se faire commander, de fermer sa gueule, de voir des aberrations sur la manière de diriger ou commander une entreprise, d'organiser un transport etc............ Et toujours fermer sa gueule. Son patron sachant évidemment tous les travers de son histoire, avait bien conscience que son chauffeur avait plus d'expérience que lui, mais un patron, ça à un égo, plus ou moins démesuré, mais ça en a un quand même.

   Durant ces week end de détention, Job passait le temps en faisant un livre retraçant l'histoire de sa vie. Ce livre est d'ailleurs sur le site. N'ayant pas beaucoup d'amis, des vrais amis, je veux dire. Il passait ses moments de détente à chercher des sites interdit aux moins de 18 ans sur Internet. Il cherchait aussi des sites relatant des grands voyages, ceux qu'il avait déjà fait, et qui lui manquait beaucoup. Sans doute ne les refera t'il jamais. Dans son nouveau boulot, Job roule avec un vieux Scania, qui a un million deux cent mille kilomètres; il ne tombe pas en panne mais c'est vieux, ça n'avance pas, ça fume noir, bref c'est vraiment la galère à tous points de vue. Même la paie, qui tout en étant normale, est quand même plus faible qu'avant. Et sans parler du temps où il faisait la ferraille. A cette époque Monsieur Job roulait avec la dernière BMW 730 D, et dormait dans des Novotel.

   Bref après quelques grandes envolées d'humeur dans le bureau d'exploitation et des mots doux avec son patron, Job était obligé de s'abaisser et faire son boulot, sans rien dire, le moral à plat. Il rentrait le soir chez lui fatigué, physiquement, à cause des horaires, mais aussi moralement avec tous ses emmerdes. Il n'avait plus le goût de la télé, et souvent même plus le goût de regarder des sites pornos, c'est dire les dégâts que son aventure à occasionné. Évidemment la vie de famille en prends un coup aussi. mais là au moins, même s'il y a eu des déceptions le lien est solide et incassable.

   Donc histoire de tuer le temps Job ouvre un blog. Non pas pour se mettre en avant, ou se montrer, mais pour voir comment ça marche. D'ailleurs à ce jour, on ne retrouve même plus le lien de ce blog, il est parti vivre sa vie dans les tuyaux de l'Internet mondial. Bon mais que mettre dans ce blog? Il a mis son bouquin " la légende", et avec une moue particulière quand il a vu que le texte etait bien passé mais qu'aucunephotos ne paraissaient. Tant pis, c'était trop tard, et c'était un essai.

   Pendant quelques semaines, des visiteurs ont regardé le livre, puis un anonyme a envoyé un mail pour signaler que sur son site Internet, à savoir " oldfrenchtruck", il pourrait être intéressé par les photos anciennes qui étaient sur le livre.

   Job contacte donc le webmaster directement, or il s'avère que ce n'était pas le bon site, ou alors l'anonyme en question s'était trompé. Par contre ce webmaster lui donne le lien d'un autre site Internet consacré aux camions. Il lui a annoncé que ce site en était à ses débuts et qu'il était à la recherche de photos documents et autres afin de l'étoffer.

   Donc ni une ni deux, l'ami Job envoie un message sur ce fameux site, qui était déjà très diversifié. Après quelques contacts, il leur envoie un cd rom avec gravé dessus, le fameux bouquin et pratiquement toutes les photos de ses camions. Le courrier ayant été expédié à un correspondant du site qui s'occupait alors des mises en pages.

   Puis plus de nouvelles, Job voyait quand même des nouveautés pratiquement tous les jours sur le site, il aimait bien. Mais jamais un message pour lui, jamais une de ses photos, le néant total, le courrier aurait il disparu en route? Bref la lassitude reprends, le moral tombe, job est toujours seul.

   Un jour, Job reçoit un coup de fil du Webmaster fondateur du site. Enfin une petite lueur dans ses yeux. Au moins à défaut de voir Job, on lui parle. Son nouveau copain lui annonce, qu'il a mis en ligne son livre, il y avait du boulot, car évidemment, il y a beaucoup de lignes. Mais entre eux le courant passe, et même très bien. les visites de Job sur le site se font plus fréquentes, le moral remonte. A peine rentré à la maison, le soir, Job allume aussitôt l'ordinateur. Un message perso? oui, super. Non, merde, déception. Job devient alors un accroc de ce site. Puis encore un nouveau coup de téléphone. Un deal est fixé entre les deux hommes. Je t'ai publié ton livre, mais comme tu aimes bien écrire, ce serait sympa de faire une petite chronique disons tous les mois ou deux mois. Top là mon gars, ça marche. le marché est lancé. Enfin quelqu'un de sympa, qui s'intéresse à Job. il n'est plus transparent pour tout le monde. Maintenant quand Job va dans le bourg chercher son pain, et qu'il voit des personnes du village baisser la tête et changer de trottoir pour ne pas être en face, il rigole. Sacré Job enfin tu as des copains. Enfin tu les vois autrement les routiers. Enfin tu revis mon vieux. Évidemment il y a toujours des blaireaux, des cons, des abrutis, mais quand viens le soir devant l'ordinateur, tout cela s'estompe; C'est une nouvelle vie pour Job.

   Petit à petit Job se prend au jeu, il écrit sa première chronique; puis cherche le sujet de la deuxième. la première étant en ligne, elle avait été bien accueillie par les visiteurs du site. Il a reçu même des mails d'encouragements de gros patrons transporteurs. Bref c'est franchement l'euphorie.

   La confiance aidant, Job se lache un peu sur le forum, et il n'est pas le seul, il commence à bien connaitre quelques habitués. Avec certains il peut se permettre, d'autres non, disons, qu'il y a des mecs un peu " coincés " comme partout.

   Les bons contacts, son ouverture d'esprit, son expérience des êtres humains, et la confiance du webmaster aidant, Job commence à comprendre beaucoup de choses sur le site et sur ses adhérents. Il tolère de moins en moins certaines attaques personnelles.

   Nous arrivons donc à la fin de l'année 2005. Il y a du changement sur le site. Le monsieur qui s'occupait des mises en page manque de temps pour se consacrer à ce site Internet. La seule solution que le " chef " a trouvé étant donné que lui même passe ses journées sur la route, c'est de confier le bébé, à sa femme.

   Alors depuis ce temps là Job devient fou. Il commence à connaitre beaucoup mieux les habitués du site. Ils sont devenus de vrais copains, ça blague, ça chahute, de vrais gosses.  Job retrouve une seconde jeunesse, les tracas quotidiens du boulot, il s'en fout. une nouvelle vie s'ouvre devant lui. La webmistress est en plus d'une beauté inimaginable. Beauté physique, bien sûr, mais surtout une beauté mentale hors du commun, et très intelligente. A force de communiquer avec elle et son mari, une vraie complicité est née virtuellement. Une chose très dure à expliquer. C'est comme s'ils avaient passé toute leur vie ensemble tous les trois. Job connait toute leur histoire, les petits tracas, les gros. Mais dans ce trio, il n'y a que deux personnes qui se connaissent vraiment et de visu. Job a alors le sentiment d'avoir pour la première fois de sa vie au moins deux vrais amis. Deux amis qui pensent comme lui, qui ont la même appréciation du transport et du monde de la route. Ce ne sont plus ses " potes", ce sont presque son frère qu'il n'a jamais eu et sa soeur. Leur complicité est telle que incidemment, Job s'est mis à courtiser la femme de son pote. Bon ce n'est que virtuellement, et bien sûr pour rigoler. Son pote lui le prends bien et a compris que le lien qui unit sa femme et son ami n'est qu'amical, et ludique. Bientôt Job aura l'occasion de mettre enfin un vrai visage sur la voix des ses amis, et çà Job n'en dors plus de la nuit. Les jours qui égrènent jusqu'à cette rencontre sont longs, très longs. Ensuite, après cette journée de folie, ce sera certainement un coup de blues encore. Job s'y attend et il s'y prépare. Quand se reverra t'on? peut-être jamais. Mais enfin Job le sait, il a des vrais amis. Job est heureux.

   Job m'a chargé de vous dire , à vous tous qui avez eu le courage de lire mon texte jusqu'au bout.

    " Si je suis encore de ce monde aujourd'hui, c'est grâce à vous tous. On ne se connait pas encore, mais sachez que dans votre vie, vous avez fait, qui que vous êtes au moins une chose de bien, vous m'avez sauvé la vie. Je ne vous remercierais jamais assez pour les nuits blanches passées devant l'ordinateur à vous lire, pour ces moments de stress, quand j'ouvre la boite aux lettres, pour les courriers du bout du monde, pour vos photos, vos histoires, merci à tous, et surtout au webmaster et à son épouse ".

   Sympa ce Job de vous avoir dit ça, quand même. Et le connaissant bien je peux vous dire aussi merci de la part de sa famille, car le moral de tout le monde est nettement mieux que l'année dernière.

   Voila donc l'histoire de Job. Si vous avez eu le courage de lire toute cette chronique, et si vous voulez en savoir plus sur la vie de Job, chercher sur le site, son livre " la légende", ce n'est que du vrai. Au fait je ne vous ai pas dit de quel site il s'agissait, ni qui était le webmaster et sa femme? Bien sûr le site c'est " fierdetreroutier", et ce sont Bibi, et Phil, qui sont susnommés. Quant à Job, certains savent déjà qui il est, pour les autres réfléchissez bien vous comprendrez.

   Bonne lecture à tous, et.................merci à tous aussi.

   A bientôt pour une nouvelle chronique.   "

Pat56

 

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