Hommage a Max Meynier

 

Depuis longtemps, je voulais rendre hommage à Max Meynier. Mais Phil m'avait pris de vitesse, en ouvrant une rubrique entière de son site, rien que pour lui. Il le méritait, sans problèmes, mais ma petite chronique, du coup, je l'avais jetée. Il me faut quand même lui rendre hommage. D'autant plus que beaucoup parmi vous ne l'ont jamais entendu sur les ondes, et ne l'ont sans doute jamais connu non plus. Donc plutôt que vous réécrire ce qu'il y a déjà sur le site, ou alors, lancer des fleurs sur une page, ce qui serait quand même grotesque, je me suis dit, que la seule solution pour que vous puissiez apprécier un type de cette envergure, ce serait de savoir ce qu'il a fait. Je vous donne ici un petit résumé des histoires qui m'ont le plus marquées. Il y en d'autres, toutes aussi intéressantes, et beaucoup d'autres toutes simples, mais qui ont de la valeur pour ceux et celles qui ont été concernés.

Le sapin qui vient de Québec


Pour le Noël de l'année 1974, la ville de Québec avait offert un sapin de 35 mètres de haut. C'est arbre était bien évidemment arrivé par avion cargo à l'aéroport de Roissy. Mais il fallait le convoyer en  convoi exceptionnel jusqu'au centre de la capitale. L'ensemble de l'opération durera près de six semaines entre le moment de abattage et la mise en place sur son lieu d'exposition. Cet arbre venait du grand nord. il avait été convoyé jusqu'à Montréal par un collègue canadien et son Kenworth. Les dimensions du fameux convoi étaient donc de 35 mètres de long et d'environ 2m50 de large. En effet, notre cadeau était dans son coffret, une grande caisse en bois. Durant tout son trajet notre beau sapin était surveillé par un ingénieur des eaux et forêts du Canada.

Le trajet de l'aéroport de Roissy à Paris, Porte maillot, où devait être exposé le sapin,  était prévu pour une durée de 4 heures, et l'émission de Max "les routiers sont sympas", a durée le même temps. Il avait donc convié les routiers de le rejoindre afin d'escorter le convoi. Comptant sur une vingtaine de camions, il a eu le droit d'en avoir plus de cent, avec en prime des automobilistes, des motards. Bref pour un convoi initial de 35 mètres, c'était un autre convoi de cinq kilomètres qui suivait derrière. Le véhicule affecté au convoi était un camion de chez Calberson, conduit par un petit jeune de 21 ans. 21 ans, mais déjà spécialisé dans l'exceptionnel.

L'affaire Gérard Trois

 

Cinq ans après le début de l'émission, un soir d'Août 1975, une femme de routier appelle Max sur l'antenne. Son mari, Gérard est en prison à Tabriz en Iran depuis deux mois, suite à un accident de la route en camion.
Le 10 juin 75, Gérard est au volant de son 38 tonnes, sur la route de Mianeh, à 150 kilomètres de Tabriz. Il fait très chaud, Gérard revient de Téhéran. Il a à son bord une autostoppeuse, fille d'un transporteur du Var. Soudain le pneu avant gauche du tracteur, éclate, et le camion viens percuter deux voitures iraniennes qui viennent en face. Bilan de l'accident, les deux automobilistes sont morts, Sylvia l'autostoppeuse française a des fractures aux jambes, un traumatisme crânien, une clavicule cassée. Elle sera rapatriée en France par Europ Assistance. Gérard est le moins touché, mais bien abîmé lui aussi. la camion est bon pour la casse.

Après son hospitalisation, Gérard est incarcéré à la prison de Tabriz. Il risque jusqu'à six ans de prison ferme. Selon le procès verbal iranien, ce serait par un manque de vigilance, que le chauffeur se serait déporté sur la gauche et ce serait suite au choc, que le pneu serait éclaté. Il est bon de noter, qu'à cette époque, il y a eu beaucoup de versions qui ont circulées dans le milieu des routiers en France, entre autre celle où c'est la fille qui conduisait, d'autres où c'est bien Gérard qui conduisait, mais l'autostoppeuse s'occupait de lui , si vous voyez ce que je veux dire. Enfin , bref je ne retiens que les deux versions officielles, mais si vous en entendez d'autres, ne soyez pas étonné.

Donc l'avocat iranien de Gérard Trois négocie avec les autorités iraniennes, une mise en liberté surveillée pour un montant de 70 000 FF de l'époque. Cette caution versée, le procès pourrait avoir lieu, mais à une date indéterminée. L'employeur de Gérard, Yvon Pageaud, un breton d'Hennebont, étant dans une situation financière difficile, ne peut réunir cette somme. Le gérant actuel de "transprim express" à Perpignan, roulait alors pour Mahé à Quimperlé. Il avait écrit au Président de le République de l'époque, mais n'avait jamais eu de réponse. Seul le groupement professionnel des routiers du Morbihan avait versé un chèque de 7 000 FF, qui avait permis de régler une partie des honoraires de l'avocat iranien.

Le lendemain, de l'appel de de Simone Trois, Max lance à son tour un appel lors de son émission, afin de récolter des dons pour réunir le montant de la caution. Beaucoup de personnes ont versées de l'argent, des petites sommes, des grosses sommes; des chauffeurs, des enfants, des mamies, des entreprises de transports. En 48 heures, les 70 000 FF sont réunis, et cinq jours plus tard, c'est un montant de 320 000FF, qu'il y avait sur le compte CCP ouvert pour l'occasion.

Une fois payé la caution, et un équivalent salaire à Mme Trois, il restait une grosse somme. Après plusieurs réunions de syndicats de transporteurs et de chauffeurs, qui s'entredéchiraient pour récupérer la mise, Max a donc récupéré l'argent à d'autres fins. Max et Mme Trois sont partis à Téhéran le 10 août 75 et sont revenus le 15. Durant cette semaine, l'animateur de l'antenne a été remplacé par un de ses collègues. A noter que le voyage a été payé au frais de RTL, et n'a pas été pris sur le montant de la somme donnée par les auditeurs.

A l'arrivée le soir à l'aéroport de Téhéran, un correspondant était là, et a envoyé nos amis à l'hôtel. Le lendemain, première déconvenue. le transfert de l'argent pour la caution devait être fait entre le Quai d'Orsay à Paris et le consulat de France à Téhéran. Or le consul, n'était au courant de rien.deux jours plus tard, toujours pas de chèque. Donc ils entreprennent une visite de la douane TIR de Téhéran, pour rencontrer des routiers français.

Après maintes péripéties pour trouver la nouvelle douane, Max et sa compagne, arrivent seulement à trouver un camion immatriculé 75. Ce chauffeur français décide donc de conduire Max à la " villa Stouff ". Cette " villa Stouff ", est une grande propriété louée exprès pour les chauffeurs de la Stouff et qui servait aussi de succursale à cette société d'Annemasse en haute Savoie.

Pour la suite de l'histoire, Max devait contacter une représentante de la SCAC, société française qui était alors très impliquée dans les voyages sur le Moyen-Orient. Un réseau à partir de cette personne s'est mis en place pour faciliter les formalités.

Enfin l'argent arrive au consulat. Mais pas question de l'avoir aussitôt. Le chèque doit aller au Ministère de la justice à Téhéran, puis au tribunal de Tabriz. Mais comme le consul n'a pas le dossier, il ne peut faire partir la somme. Tout est bloqué. Par l'intermédiaire de ce réseau, Max appelle un homme très influent, correspondant du Washington Post. Après lui avoir exposé ses soucis, et l'élan de solidarité des auditeurs français, une demi-heures plus tard Mr Davalou, le rappelait. " Vous pouvez prendre l'avion demain pour Tabriz tout est arrangé". De suite Max a eu le chèque entre les mains.
                 

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Pour la sortie de prison de Gérard, je vais carrément copier une page que Max a écrit dans un de ses bouquins. Ce sera tellement plus réaliste et j'espère qu'il me pardonnera d'avoir piraté son travail, mais comme toute cette chronique lui est dédiée, je ne peux que vous encourager à les lire.


"........ Je me disais, ce garçon qui est là, perdu, se sentant tellement seul, sans aucune aide. On va lui annoncer qu'il va sortir. Comment lui annoncer la chose? Je ne l'avais pas vu encore. Je l'apercevais à travers le guichet. Mais, Simone, sa femme, m'avait fait voir des photos et je l'avais reconnu immédiatement. J'ai été rassuré tout de suite, il avait bonne mine. Il avait une chemise propre, un pantalon propre. Il n'avait pas l'air du tout malade. J'avais poussé Simone, je lui avais dit: "Ne reste pas devant le guichet", j'avais peur du choc qu'il aurait eu en sortant. Je lui dis: " Mets toi sur le coté". Alors Tante Agathe, elle, est venue à travers le guichet. Il lui a dit;
-- Vous êtes Française?
-- Oui, oui, je suis Française.
-- C'est vous qui vous occupez de moi?
-- Oui, oui, je viens m'occuper de vous."
Alors à ce moment là, je n'est pas résisté. Je suis revenu au guichet et je lui ai dit.
--" Relax".
Simone m'avait dit qu'il écoutait l'émission tout le temps. il me connaissait bien. Alors j'avais pensé: si je dis relax, il comprendrait que c'est comme un mot de passe. Il m'a regardé, il n'a pas réagi du tout.
Alors Tante Agathe lui dit:
-- Vous ne connaissez pas ce monsieur?
-- Non je ne connais pas.
-- Mais c'est max Meynier.
--  Ah! Ah bon!
-- Oui on est là, je suis venu. On vient te chercher. C'a y est tu vas sortir.
-- Ah bon!."
Là, c'était atroce, parce que je sentais qu'il en avait vraiment un coup, quoi! Tante Agathe repris
-- Oui, on vient vous chercher? Et vous savez que Max, eh bien, il va faire venir votre femme?"
Sa femme était toujours dissimulée derrière le mur. Il ne l'avait pas vue encore.
-- Max va faire venir votre femme. Ça vous ferait plaisir que votre femme vienne?
-- Ben, oui...ça me ferait plaisir".
La porte s'est ouverte, il est sorti de prison. Sa femme s'est avancée. Il l'a regardé. Il n'a rien fait, rien dit.
-- Tu ne connais pas cette dame?
-- si.
-- C'est ta femme.
Et à ce moment là, il a réalisé."""
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Le soir, Max, voulait inviter l'avocat au restaurant pour fêter ça. Mais c'est l'avocat qui les a invités. Et ils ont été surpris de se retrouver à table avec les juges qui devront juger Gérard. Une possibilité de grâce pouvait s'offrir à Gérard, c'est que les familles des morts retirent leur plaintes. Aussitôt Tante Agathe repris l'avion pour Téhéran, voir les familles et négocier. Quand Max la rejoint, il apprend que c'était le frère et le beau frère qui ont été tués, et qu'ils laissent 10 orphelins. La négociation avait portée pour la somme de 25 000 FF, d'indemnités pour le renoncement. Mais il restait de l'argent sur le compte en France.

Enfin pour clore cette histoire, Max est parti voir ces familles, et leur à donné tout l'argent que les auditeurs de RTL, avait versé pour la libération de Gérard trois. Quelques jours plus tard, Gérard était de nouveau en France parmi nous.

 

 

Pour les jeunes qui n'ont pas connus Max Meynier, et qui viennent de lire, cette épisode, vous pouvez vous rendre compte de quel genre d'homme que cela pouvait être. Lui a sauvé des vies dans le monde du transport. Nous pouvons même dire que c'est grâce à lui, qu'il y a de la solidarité entre nous.

Il a eu bien d'autres aventures, et si vous êtes sages je pourrais m'en faire un plaisir, de vous en raconter d'autres. Lui, c'est mon idole, et il n'y a pas que moi, soyez en sûr.

 

 

Les grandes dates des "Routiers sont sympas":
08 mai 1972    Première émission des routiers.
09 mai 1973 .  En direct du festival de Cannes.
13 septembre 1973 : Paris/ Lille.
22 novembre 1973: En direct de Bruxelles.
20 mars 1974 : En direct de l'Eurostop de Strasbourg.
09 mai 1974 : En direct du festival de Cannes.
30 juin 1974 En direct de Metz.
11 juillet 1974 : En direct de Rungis.
14 octobre 1974 : En direct de la Maison Carrée à Lyon.
26 novembre 1974: Transfert du sapin canadien.
24 décembre 1974 : Messe de minuit, Calberson.
24 février 1975 : En direct de Bordeaux.
05 mai 1975 : En direct de Clermont-Ferrand.
02 juin 1975 : En direct du centre AFT de Poitiers.
12 juin 1975 : En direct des 24 Heures du Mans.
11 août 1975 : Voyage en Iran, affaire Gérard Trois.
19 septembre 1975 : En direct du Bol d'Or au Mans.
12 mai 1976 : En direct de Glasgow pour la finale de la   coupe d'Europe.
14 septembre 1976 : Transfert des cendres, inauguration du studio sur la terrasse Calberson.
02 décembre 1976 : En direct du Mont-Blanc.
02 septembre 1977. Paris - DJedda en Arabie Saoudite, en camion.
10 octobre 1977 : Exposition des plus beaux camions du monde sur la terrasse Calberson."""

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