Petit bilan d'une future multinationale ;-)

 

Comme beaucoup le savent, dans ma longue carrière j'ai déjà été à mon compte. J'ai fait de la ferraille sur l'Espagne jusqu'en 1999. Pour des raisons indépendantes de ma volonté, déjà expliquées sur ce site, j'ai dû arrêter ce trafic.

Depuis mon jeune âge et l'époque des bureaux de fret, j'avais déjà remarqué que les petits lots restaient souvent sur le carreau, ceux-ci payaient bien au niveau coût de transport.

C'est donc pour cela que suite à mes petits problèmes précédents, en décembre 1999, je me suis acheté un Iveco Daily en 3T5 pour faire des petits lots. J'étais alors équipé, comble de la modernité, d'un téléphone portable relié par câble à un ordinateur portable. Avec ceci, et un abonnement France Télécom, je pouvais avoir sans problème les bourses de fret qui fleurissaient sur le minitel. Évidemment le coût était à la hauteur de la technologie. De l'ordre de 2 000 Frf par mois de facture de téléphone.

Après une période d'adaptation et de découverte du marché, qui m'a amenée au quatre coins du pays, je me suis limité à un trafic Bretagne / Pays de Loire. Au bout de quelques semaines, j'ai pu alors récupérer des lignes régulières et des affréteurs réguliers, ce qui faisait baisser la facture de téléphone, entre autre.

N'ayant pas trop de soucis pour trouver des petits lots, dans un sens ou dans l'autre, j'ai donc ajouté une remorque à mon Daily. La puissance et la tenue de route ont évidement pris une claque, mais le jeu valait la chandelle comme on dit. Par contre, revers de la médaille, le PTAC dépassant les 3T5, il me fallait un mouchard. Comme dans beaucoup de domaines, je fus un des premiers à en faire mettre un dans un 3T5. Le montage n'était pas prévu d'origine et le plus compliqué fut que le véhicule était en 12 volts. Bref j'ai quand même eu mon mouchard électronique, à disque.

Afin de vous faire comprendre que le boulot marchait bien et que le fret ne manquait pas, la moyenne de mon salaire net en 2000 était d'environ  14 000 Frf mensuel, et sans les frais de route.

Puis de guerre lasse et au vu des soucis personnels précédemment évoqués, le hasard, car c'est vraiment le hasard, m'a fait tout arrêter pour redevenir chauffeur salarié et en régional.

Là, pas besoin de vous décrire la situation, la majorité d'entre vous étant salarié, le principe est donc le même. Dans une première période, je faisais des transports de conserves pour une usine de Vannes. Puis mon patron ayant perdu une bonne partie de ce marché je me suis retrouvé en frigo mais toujours en régional. Parallèlement à ça, la boite ayant été vendue à un grand groupe de la région, l'ambiance déclinait de plus en plus. Exactement comme celle, générale au monde du transport. De guerre lasse et sur insistance de mon fils vu que c'est moi qui a l'attestation de capacité, nous nous sommes remis à notre compte.

C'est pour cela qu'un jour du mois de septembre 2006, la société SLBS est née, après moult difficultés dues à mes antécédents de l'année 99.

Comme toute entreprise qui démarre, il est inutile de demander un crédit pour acheter des camions, c'est niet d'office. la seule solution étant la location financière. Cela requiert un fond de roulement d'argent phénoménal, car il faut tout avancer avant de recevoir le moindre kopek. Mais la volonté de réussir était là, et grâce aux nouvelles lois portant les délais de paiement à 30 jours maxi date de facture, l'affaire était jouable.

Nous avons alors trouvés un contrat de traction de frigos, chez Le Roy à Rennes pour mon fils. C'est d'ailleurs comme çà et avec eux que j'avais pu commencer en 1984. La boite fournissait les cartes de gas-oil et d'autoroutes. En fin de mois le décompte était fait et il y avait donc moins d'argent à avancer.

Pour moi ce fût un porteur Mercedes. j'avais toujours en tête les petits lots qui payaient bien. Le Minitel étant devenu désuet, j'ai pris alors un abonnement pour les bourses de fret sur Internet, suivant le même principe, téléphone portable et ordinateur portable.

Mais en l'espace de quelques années, la couleur du transport routier français à bien changée. Les petits lots n'existent pratiquement plus, les prix ont chutés et le peu de lots intéressants qui se présente, sont pris dans les secondes qui suivent leur dépôt. Grosse déception. Très grosse déception, car le pire dans l'histoire, c'est moi qui fait perdre du chiffre d'affaire et du fond de roulement à la société. Je me suis aperçu de ce fait, un jour où je suis passé voir un transporteur de St Malo. Je suis entré par la salle des transports et j'ai ainsi pu voir quatre gars avec les yeux rivés en permanence aux bourses de fret. Il est évident qu'il n'était pas le seul transporteur en France à le faire. Dès qu'un lot sort, ils se jettent tous dessus. Alors, moi, le pauvre chauffeur qui roule et qui doit trouver un parking, arrêter son camion et allumer l'ordinateur, j'arrive bien après tout le monde. Avec un peu de chance un lot tombe au moment où je regarde, mais combien de voyages mon ainsi passés sous le nez?

Il était donc temps de remettre les pendules à l'heure, donc de laisser tomber le porteur et de prendre un tracteur pas trop cher. Parallèlement à cela, mon fils roulait bien, très bien même, car tous les dimanches après-midi il partait. Bon chiffre, mais beaucoup de frais d'autoroute, et de gas oil, qui était plus cher qu'en station, sans compter quelques dépassements d'heures dus aux contraintes des rendez-vous. Manifestement il y avait un bénéfice, mais aussi un malaise quelque part.

Une fois le tracteur arrivé, le Baby Stralis, je me suis à rouler aussi chez Le Roy, afin de me faire une opinion de la situation, et de me laisser le temps de me retourner. La situation n'était sans doute pas si catastrophique que çà, mais franchement, il y avait beaucoup d'heures de travail, pour un piètre résultat. A coté de cela, d'autres tractionnaires avaient la vie belle (copinage?), quant aux chauffeurs maison, c'était je crois le paradis pour eux.

Une autre opportunité c'est alors présentée, celle de faire du container. Aussitôt dit, aussitôt fait. Nous nous sommes rendus chez Aubin près de Rennes.

Là pas de problème pour le travail, il y en avait, ce n'était que navettes de la Bretagne au Havre. Rien à redire. Au niveau règlement, nous avons toujours été payés en temps et en heure. Les traites étaient escomptées par la banque, ce qui nous pour ainsi dire sauvé la mise.

Notre politique étant de ne pas mettre tous les oeufs dans le même panier, j'ai donc laissé mon gars sur place, et je me suis fendu d'une location de tautliner pour faire des lots normaux sur la France.

Il me fallait là aussi découvrir le nouveau paysage du transport routier. Au départ de la Bretagne, il y a du boulot qui en cherchant bien paye très bien. Surtout pour descendre sur le sud. Par contre, les remontées de là bas sont nulles ou alors improductives, ce qui fait que tout le bénéfice de la descente part dans la remontée.

Il est alors facile d'avoir des clients ou des affréteurs réguliers sur notre région. Il y a des régions franchement sinistrées au niveau fret, d'autres au niveau camions. Dernièrement je me suis aperçu que le Macif Central est en manque de camions. Il y a du boulot, pour de bons prix, mais le problème et c'est là, je pense la cause de cet état de fait, sont les conditions de circulation qui rebutent les transporteurs. Moi le premier d'ailleurs.

Au vu des six mois passés avec ma tautliner, je me suis aperçu que les prix pratiqués en lots industriels ne dépassent querarement les 1€ du kilomètre, ce qui est le minimum pour un ensemble complet. Autant les prix de transport en direct sont légèrement supérieur, autant en affrètement, on voit de tout. La palme étant une remontée de 25 T de briques de la région de Carcassonne à Quimper pour 500 ?, il ne faut vraiment pas avoir honte pour proposer des prix comme ça, et le pire, c'est qu'il y a du monde pour prendre les voyages.

Bref afin d'améliorer la recette, il n'existe qu'une solution faire des petits lots. Sur la région de Lyon, il y en a et j'en ai pris pas mal. Mais là aussi, indépendamment du prix, il y a du travail en plus. Beaucoup plus de téléphone, de kilomètres en plus et le samedi, de factures en plus. Au point de vue administratif, c'est donc une perte de temps, car il faut faire une douzaine de factures par semaine, avec autant de papiers, de timbres postes.

En admettant, que les clients ne posent pas de problèmes pour payer en règle générale, il faut de temps en temps les rappeler à l'ordre. Certains règlent par virements bancaires, d'autres par chèques, mais aussi par traites. Sur les traites, notre banque comme toutes les banques se fait un plaisir de prendre ses fameuses commissions. Dans notre cas, c'est systématiquement 11 €, par traite.
Qu'il y en ai une ou dix, ne change rien, pas plus si elles sont de 2 000 € ou de 100 €. Ce qui dans ce dernier cas est dur à avaler quand même, plus de 10% en frais financiers.

Bref, tout cela n'est pas rose, et c'est bien sûr le cas de tout chef d'entreprise, qu'il soit artisan ou super P-dg comme vos patrons.

Voulant quand même savoir où l'on va, je me suis fais mon petit programme informatique qui dispache les recettes et les dépenses en fonction du chauffeur. Il se trouve alors que mon fils qui fait toujours du container, mais qui a changé d'affréteur, rapporte bien plus d'argent que son vieux con de père (moi). Il faut dur qu'il ne fait que rouler. Le samedi, il passe à la maison, pose tous ses papiers, et demmerde toi, papa.

L'activité du papa (moi, encore), tout en étant cette fois-ci bénéficiaire ne laisse qu'une moindre marge. D'où le fait de profiter de cette semaine du 1° mai, où il y a un jour férié, pour venir me promener au Havre, et sur quelques ports qui font du container.

Tout en ne révélant pas mes sources, ni mes trouvailles ( je ne suis pas trop con pour le faire), j'ai eu de bons contacts avec les compagnies maritimes. Malgré cela il nous faudrait un minimum de 5 ou 6 camions pour travailler en direct avec elles. Ce qui entraîne alors, tout une organisation administrative et informatique. Donc pour aujourd'hui, ce n'est pas d'actualité. Quoiqu'il y a des projets qui sont à l'étude avec une compagnie, mais au niveau bancaire, j'ai un doute pour que cela suivra à temps. Les signatures et les garanties seront extrêmement bonnes, mais connaissant les banquiers qui ne prêtent que l'argent que nous avons en banque, j'ai un doute sur leur collaboration. Enfin, on verra à ce moment là.

Il nous reste donc affrètement classique, j'ai donc du travail en prévision pour deux autres éventuels ensembles. Maintenant, nous n'avons pas d'autres licences, ni d'autres matériels. Quant au fond de roulement indispensable, on n'en a pas encore assez. Après l'été on envisagera, si la DRE Bretagne le veux bien une extension de la flotte. Mais cette fois-ci, il sera hors de question de se laisser faire par notre loueur de camions. L'expérience nous a démontrée, qu'il y a d'autres systèmes de financements parallèles aux banques et à toute cette mafia, tout en restant dans la légalité, bien sûr.

Afin de finir les six mois de mon contrat de location de la taut, j'ai eu la possibilité de l'échanger contre un châssis portecontainer. Ce qui est fait. Le seul disponible sur parc ne nous convenant pas, nous sommes dans l'attente d'un autre.

Voila donc en résumé les premiers mois de notre activité. Le moral est bon, je vous rassure, mais d'année en année, les conditions des entreprises de transports sont de plus en plus dures. Je ne me plains pas, mais je ne sais vraiment pas de quoi l'avenir sera fait dans dix ans. Maintenant, et j'écris ce texte sans savoir si nous allons avoir une ou un président, l'avenir est vraiment incertain dans le transport. Les français vont de moins en moins à l'étranger, ce sont les pays de l'est qui font le boulot. Ceux qui faisaient de l'inter se sont repliés sur du national, causant de la concurrence à ceux déjà présents. Ces derniers, eux, se sont repliés sur du régional, et sur les quelques niches encore rentables (surtout ne le répéter pas), le container en fait partie, mais pour combien de temps?

C'est là le mystère. Rendez-vous dans dix ans pour la suite de cette chronique.


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