Le client est roi? Ben voyons...

par Power600

 

Il y a peu j'ai été amené à faire ce qui devait être une livraison classique à un supermarché. La livraison proprement dite s'est faite sans soucis particulier. Le réceptionnaire me demande alors si je reprends les emballages. Des palettes et rolls vide devant retourner à l'entrepôt. Je lui dis que non, les instructions pour son magasin étant de les reprendre "le mardi et le jeudi". Il me répond "je suis tenu de vous les faire reprendre". Je lui montre la feuille de tournée qui indique clairement que la reprise est à faire le mardi et le jeudi seulement. Ce samedi là je ne devais donc rien reprendre en principe.

C'est alors que le patron du magasin arrive et se met à brailler sans autre forme de procès.
"Ouais vous prenez les emballages et vous ne discutez pas! Tous les samedi c'est le même cirque!"
Le réceptionnaire bat immédiatement en retraite.

L'autre continue à beugler, je ne cède pas. Je lui dis il n'a pas à se substituer à l'entrepôt qui gère les enlèvements d'emballages et  que s'il veut que ses emballages soient repris le samedi il doit voir ça avec directement l'entrepôt. Il se met à hurler plus fort encore et me menace de ne pas signer le bon de livraison et de dire que je ne suis jamais venu. Je lui réponds aussitôt qu'un refus de signature non motivé entrainera la responsabilité juridique du magasin et qu'en outre ce camion est équipé d'un GPS avec un système de tracking appartenant au donneur d'ordre. A l'entrepôt ils savent donc où est passé le camion, à quelle heure il est arrivé au magasin et ils sauront exactement à quelle heure il repartira et que donc ce n'est pas la peine de vouloir faire croire que ce camion n'est jamais venu.

Il me dit alors qu'il ordonnera de fermer à clé le portail pour m'interdire de partir. Je lui réponds que séquestrer ce véhicule ne lui apportera que des ennuis aussi. De plus s'il le fait alors je ferme à clé la cabine et je vais directement porter plainte à la gendarmerie qui n'est pas très loin. J'ajoute que le camion sera alors  sous sa responsabilité. Il s'énerve encore plus et me demande mon nom et disant "Je vais m'occuper de votre cas" Je lui dis qu'au lieu de vouloir s'occuper de moi il ferait mieux d'arrêter de brailler, que ce n'est pas une façon d'agir. Que les chauffeurs ne sont pas des chiens. Qu'il n'a pas à hurler comme ça, que c'est une honte un tel comportement. Que c'est lamentable. En clair, je me retrouve pour ainsi à lui faire la morale à coups de reproches acerbes. Il vire au rouge de colère et ça ne m'arrête pas. Il s'est cru tout permis, je veux qu'il sache qu'être le dirigeant d'un magasin même aussi grand que celui-ci ne lui donne pas tous les droits sur les ouvriers. Et je le lui dis.

Dans la réserve les quelques employés qui se trouvaient se sont arrêtés. Alors je vois qu'ils sont médusés. Sans doute habitués au comportement autoritaire de leur patron ils ne s'attendaient pas à ce que le premier chauffeur venu le remette aussi sèchement à sa place. Il me demande pourquoi je refuse d'appeler l'entrepôt. Je lui dis que je l'aurais fait s'ils m'avaient donné un numéro à appeler pour ce genre de problème mais c'est pas le cas et la feuille de route ne donne aucun numéro non plus. Je lui dis que si lui le connait alors je les appelle. Il ne veut pas me le donner mais il appelle lui-même sur son portable. Il jette un sale regard vers les employés qui s'étaient arrêtés. Ils se remettent au travail, presqu'en courant.

Il s'en va puis cinq minutes après il revient et il me donne son téléphone sans dire un mot. Je le prends, c'est le responsable des transports qui veut savoir pourquoi "vous refusez de prendre les emballages". Je lui dis que que  j'ai suivi les instructions sur les feuilles de tournée. Non, qu'il n est pas question sur cette feuille de reprise d'emballages le samedi. Oui, si c'est à reprendre alors je le fais, et je lui lis les instruction sur la feuille de tournée. Il me dit qu'effectivement il y a un problème "avec les données informatiques  pour ce magasin" et qu'il va y remédier. Je lui parle alors du comportement inadmissible du patron du magasin et il me répond qu'il va s'occuper du problème. Je lui demande quel est le numéro à appeler pour ce genre de problème d'emballages ou de livraison et il semble surpris que mon patron ne l'ait pas mis dans le camion. Il me dit qu'il est le client de mon patron ce n'est pas à lui de me donner le numéro en question mais à mon patron de nous le donner. Comme si un automobiliste qui est allé au garage refusait de donner son numéro au chef d'atelier et lui disait "c'est à votre patron de vous donner mon numéro" ... On voit là, entre ce dirigeant de supermarché et ce responsable des transports à quel point le "libéralisme à la française" peut dériver tant qu'on ne lui met pas des limites, même si le deuxième s'est ici montré plus intelligent que le premier.


Ces gens là ne pensent toujours qu'à la même chose: le pognon d'abord. Pour l'avoir ils sont toujours prêts à tout, à en exiger encore et toujours plus de leurs fournisseurs et prestataires. Jusqu'à en être ridicules s'il le faut, leur seule dignité c'est le bénéfice net. Ecraser leurs employés ne leur pose pas de problème, surtout dans la grande distribution, grande tueuse d'emplois s'il en est. Ils réclament d'être respectés mais se permettent à leur guise de ne pas respecter les autres. Ils se croient au-dessus de tout et osent se poser en créateurs d'emplois, ce qu'ils ne sont justement pas. Les dizaines de  milliers d'emplois dont un certain nombre de précaires de la grande distribution ont avant tout été créés sur les décombres de centaines de milliers d'autres emplois dans le commerce. Ces gens là ne pensent qu'à pressurer le personnel et à en exiger encore et toujours plus et se moquent éperdument de leurs propres clients. Il suffit de voir ces files d'attentes aux caisses dans le magasins. Il y a 20 ou 30 caisses mais seulement 4 sont ouvertes. C'est qu'il faudrait payer les caissières supplémentaires. Seulement ce serait contraire au mot d'ordre: "Pognon d'abord, pognon encore, pognon jusqu'à la mort". L'argent doit entrer, pas sortir. Alors il y a 4 caissières qui tournent à fond pour un salaire ridicules et avec des horaires uniquement calculés au seul profit de la boite sans tenir compte que les caissières ont une vie comme les autres. Puis il y a des clients qui poireautent et dont les dirigeants n'ont que faire du moment qu'ils payent cher les produits de qualité moyenne voire médiocre qu'il ont pris dans les rayons.

Les magasins d'une de ces chaînes d'hypermarchés se vantent fièrement de ne pas hésiter un ouvrir une ou plusieurs caisses si les files d'attente dépassent une certaines longueur. Ils n'ouvrent des caisses supplémentaires que s'il y a des longues files d'attente et ils présentent ça comme une grande avancée majeure. On croit rêver.

Et bien sûr, hors de question d'arriver en retard le matin pour livrer sinon le transporteur se fait taper sur les doigts.
La réserve du magasin est souvent très nettement insuffisante pour l'activité du magasin et c'est volontaire. La surface de vente avant tout. Pour ranger le stock c'est au personnel de se démerder et surtout qu'il n'y ait pas de casse. Les camions sont là pour alimenter les magasins jour et nuit alors pas la peine de prévoir de la place, ça nuirait aux marges. S'il arrive que les chefs de rayons ne commandent qu'une toute petite quantité de marchandises il exigent que ça leur soit livré quand même et peu importe qu'un camion se déplace presque à vide sur 150 kilomètres ou plus, ce n'est pas leur problème. Ils sont à leur niveau et en partie responsables des aberrations délirantes qu'on voit dans les transports. Bien sûr ils s'en fichent. Le chiffre d'affaire passe avant les problème de pollution et de gaspillage. Ces gens là possèdent de grandes voitures qu'ils ne méritent pas et on les retrouve sur la route,  conduisant comme des manches. Ils pensent être au-dessus des lois et du code de la route sans doute.

Bien sûr il ne faut pas mettre tous les magasins dans le même sac. Pour beaucoup les choses se passent sans soucis, le patron parle au personnel et aux chauffeur au lieu de gueuler comme des guenons en rut, l'arrière avec la réserve est disposé de façon à limiter autant que possible les difficultés pour les manoeuvres des camions, et si un problème se pose alors il en discute calmement. Ceux-là, je fais évidemment mon possible pour les servir du mieux possible.

Avec les autres vautours qui ont du fric dans les veines à la place du sang, pas de cadeau. On fait ce qui doit être fait mais pas plus. C'est un peu à nous les chauffeurs de leur montrer quelles sont les limites à ne pas dépasser même s'ils sont les clients.
Ils doivent comprendre qu'ils ne sont pas les maîtres du monde.
Le client est roi?  Ouais, ben vive la révolution!...

http://www.fierdetreroutier.com - reproduction interdite