La petite histoire de Dédé

par Ptitepomme71


J'ai vu le jour un matin de 2008, quelque part dont je ne me souviens plus du nom.
L'accouchement a été un peu brutal, du ventre tout chaud de la grande usine. La grande porte s'est soudain ouverte pour me précipiter dehors. Avec tous mes frère jumeaux nous avons été entassé sur un grand parc, dans l'attente.

Pendant des jours et des jours, sous le grand soleil brulant comme sous les averses glaciales, j'ai fixé l'horizon à travers le grand grillage de la cour. Avec les autres je regardais nos ainés passer et repasser sur la grande avenue, ha qu'on rêvait tous de grands voyages! Les uns espéraient partir loin à l'est, d'autres plus au sud au soleil, certains se seraient contentés d'une vie tranquille, d'autres se voyaient déjà les plus forts, les plus beaux, harnachés de rampes rutilantes ou des plus belles peintures.

Puis un jour ce fut mon tour, avec 4 autres, d'être désigné du doigt. Obéissant je suis monté sur le grand plateau d'un porte char, vers une destination inconnue. Des heures et des heures de routes inconfortables, je n'attendais qu'une chose: me dégourdir enfin les roues. Mais avant il a encore fallu passer quelques journées dans un atelier en préparation comme ils disaient. Parce que je comprenais tout, faut pas croire.

Et enfin est venu le grand jour, on l'on m'a enfin conduit sur une vrai route. Ce ne fut pas si facile, s'y retrouver dans toutes ces signalisations, faire gaffe aux voitures, etc. Au bout de quelques dizaines de kms, on m'a installé au fond d'un tout petit garage riquiqui, et un gentil mécano m'a installé quelques bricoles supplémentaires. Mais il fallait encore et toujours attendre pour enfin travailler.
Je ne savais toujours pas trop à quoi j'allais servir, à priori j'avais vu quelques remorques rouges type bâchées. Faute de mieux on s'en contenterait. Et quels voyages allais je faire? Grand mystère. Et surtout avec qui? Parce que pendant quelques jours on est venu me regarder de plus près, un peu comme une bête de foire, alors que je suis tout timide. J'ai vu des gros tout moches, des petits costauds, des en habits crades, des en basquets High tech…
A la fin j'ai fini par tous les ignorer, de toute façon je ne serais dans leurs mains qu'un vulgaire outil de travail, un tas de ferraille, sans grande illusion.

Et puis, alors que je dormais sans plus rêver à rien, j'ai senti la porte s'ouvrir doucement et un petit rire amusé, pas méchant du tout, bien au contraire, un rire de joie on aurait dit! J'ai pas bougé d'un poil, laissant faire. Doucement on est grimpé sur le siège et on a caressé mes plastiques, quelle douce sensation que je découvrais là. Et un gros sac est arrivé, et un second. «On» part?
La clef dans le démarreur, quelques recommandations du mécano à cause de la boite à vitesse automatique, et les premiers tours de roues dans la petite cour. Pour les vitesses je me dépêche de montrer qu'on m'a tout bien appris, c'est simple regarde… y'a qu'à me laisser faire!

L'accrochage de la remorque est un peu raide, je maitrise un peu mal encore la vitesse en marche arrière. J'enfile mon petit cul sous la semi, n'y voyez rien de vulgaire! Jusqu'au grand clac de la sellette qui se referme. Les câbles et flexibles sont soigneusement mis en place.

Sortie de cour, ça fait bizarre de trainer cette grosse mémère derrière mais je m'y fais très bien. Mon chauffeur s'en sort pas trop mal et me laisse faire pour les vitesses, tout en restant attentif au cas ou je me tromperais, c'est plutôt cool. Sorti des petites routes je trouve enfin la grande autoroute. Là, je monte tous les rapports sans attendre et atteinds rapidement le 90 réglementaire, un air de liberté me chatouille les déflecteurs, à moi la belle vie.

Je me décide enfin à faire connaissance avec mon chauffeur, car je crois qu'on va passer pas mal de temps ensemble, autant que cela se passe bien. Enfin je me décide à le regarder et là c'est la surprise… je crois que j'ai rêvé… le chauffeur…. c'est pas possible! C'est une fille!!!!!!!!!!!
J'avais bien tout imaginer, mais pas ça! Si les copains savaient ça, ils se moqueraient de moi, pour sur. J'imagine déjà les sobriquets à venir, «camion de gonzesse», « u dois sentir la cocotte» etc etc… pauvre de moi!


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