LE JOUR OU LE REVE S'EST ARRETE...

par Doudou76

 

Dans ce récit, je vais relater une triste expérience qui m'est arrivée le 08 novembre 2011.

Il faut savoir que je bosse dans une entreprise où le mot passion et mis en première position… La passion du camion mais essentiellement celle du Scania v8 .. Pour cela, nous sommes une équipe de 3 chauffeurs à travailler dur pour assouvir cette passion. Nous passons des heures à modifier, laver nos ensembles etc... pour qu'ils correspondent à nos attentes ainsi que celles de nos clients qui désirent voir un joli camion dans leur cour.

En ce jour, le 08 novembre 2011, je pars tranquillement de chez moi.. Je dois récupérer mon griffon au garage Scania d'Arcy... Et oui ce weekend, il a eu droit à un gros nettoyage coté moteur =). Tout au long de la route, la motivation n'est pas présente, pourquoi? Sans doute du fait du mauvais temps. la route est trempée et il y a énormément de terre présente du fait de la campagne de betteraves, bref va encore falloir laver, enfin c'est l'automne quoi...

Me voilà arrivé chez Scania, je récupère mon bolide tout propre et tout révisé coté moteur, je tourne la clé et vroum le v8 en échappement libre ronronne bien dans le garage Scania... J'entends encore le chef mécano me dire, il est vraiment propre ton camion cela fait plaisir de travailler dessus. C'est souvent ce genre de petites phrases qui nous pousse à continuer notre passion.

Me voilà parti, je vais vider mon tour de blé chargé du vendredi puis ti coup de tél à mon boss qui me renvoie en région parisienne charger pour le secteur Gournay en Bray… Youpi un bon ti tour de 6h00 j'aime ! Camion chargé, je reviens en direction de mon client. Arrivé à la sortie de la RN31 au niveau de Beauvais, je prépare mon télépéage pour prendre la direction de l'A16 (déviation de Beauvais) et bizarrement, parti dans mes pensées, je prends la direction de Troissereux, bon ce n'est pas grave, je vais passer par là du coup … On gagnera 5 minutes malgré que je déteste cette route très étroite, beaucoup de virages et pas larges du tout.

Allez c'est parti, on va faire ronronner les pistons du 580 cv ! Me voici roulant tranquille un petit 80 sur cette départementale … Personne ! Étonnant, tout le monde doit manger, je ne sais pas pourtant il est 13h40. À quelques kilomètres de mon client, 3 pour être précis, je regarde disons vers l'horizon mon regard balaye à droite et gauche en face de moi à 1 km un véhicule arrive, tiens un copain, d'ailleurs au volant de son r580 noir, belle bête aussi. Je sers bien ma droite et là mon regard est interpellé par une bande de sangliers remontant le talus derrière une petite haie...

Et là, c'est le drame pour ne pas les taper de plein fouet, je donne un petit coup de volant, seulement chargé à 44 tonnes, la semi descend la marche d'enrobé (l'enrobé a été fait l'année dernière mais les bas cotés n'ont pas été rehaussés donc marche de 10cm.). Le bas coté s'enfonce sous les essieux de la semi, je tire tant bien que mal pour faire remonter la semi, mais rien n'y fait, elle me fait mettre l'ensemble à 90° perpendiculaire à la route et mon camion dans un bruit insoutenable de crissement de pneus se couche sur le coté droit, parcourant quelques dizaine de mètres sur ce coté, arrachant 2 poteaux téléphoniques puis il se met sur le toit quelques mètres pour revenir sur sa position couchée du début puis la cabine se stoppe à 3 mètres d'un gros poteau EDF  en ciment... Tout s'arrête... Un bruit insoutenable persévère dans la cabine. Un bruit de fuite d'air, toutes les alarmes retentissent…

Ma première parole a été "putain j'ai fait quoi?"… et à ce moment je craque en pleurs… Le visage couvert de sang, je me détache et je viens me claquer le bras sur tous les débris du véhicule et oui avec la précipitation, j'ai oublié que j'étais couché. Je sors par le toit ouvrant les gens courent vers moi et crient« c'est bon il sort ». Je vois mal, dans l'accident j'ai perdu mes lunettes … Une vision de carnage s'offre à moi, mon ensemble couché de la terre partout, une vague de blé a recouvert la route sur plusieurs dizaines de mètres… En pleurs, je prends le téléphone d'une personne et demande le numéro de tél du boss à mon pote présent qui arrivait en face de moi. Ca a été à ce jour sans doute les mots les plus durs à dire... « David, je viens de me coucher ». Une grande sensation de honte s'enpare de moi, je prononce difficilement ces mots … Il me demande si je vais bien et me dit "j'arrive.."

Ensuite, les minutes sont longues, je commence à trembler et ma vision devient très flou … Je m'assoie, mon pote me met une couverture sur moi car je tremble de partout, les pompiers arrivent, me voilà dans un camion rouge dis donc ! Je demande que l'on attende mon boss avant de partir, je veux lui parler pour m'excuser car j'ai une impression de honte, de déception etc... On commence à partir et ouf le voilà, la porte du camion de pompier s'ouvre, je commence à prononcer un mot et le reste impossible à dire, j'éclate une nouvelle fois en pleurs, David m'encourage et me rassure. Des images et des paroles gravées en moi…

Par la suite, petit tour à l'hôpital, on me fait 4 point de suture à la lèvre, 4 autres au nez, les infirmières sont très gentilles, elles me font rigoler et malgré mes rires, les larmes coulent toujours sur mon visage ensanglanté. Après 5 heures à l'hôpital, je ressors, on va dire miraculé (parole de la gendarmerie)… au vu de l'énorme choc…

Les minutes sont longues, je n'ai qu'une envie : appeler David pour savoir si ça va, pour lui présenter mes excuses… Je l'ai au tél, il me raconte un petit peu la suite des événements etc... Il me dit « tu as eu énormément de chance, tu es en vie c'est l'essentiel tant pis pour ton camion ».

Par la suite, 2 Jours après, je suis remonté en camion avec lui pour m'enlever cette peur. Les jours sont longs, je suis seul chez moi, je pleure beaucoup, je n'arrive pas à dormir plus d'une heure sans que les bruits de l'accident reviennent, en ce moment il n'y a pas une nuit où je ne repense pas à tout ça. J'ai toujours cette sensation de honte et d'être redevable à mon boss. Je m'en veux et ceci encore pour longtemps. J'ai repris le volant 2 semaines après car la passion et revenue..

Je tiens à remercier les personne présentes lors de l'accident, un grand remerciement à David, bien plus qu'un boss, un ami !

Un grand remercîement à toutes les personnes, même extérieures à mon métier qui m'ont envoyé des messages de soutien.

Un grand merci à Phil et Bibi et à toutes les personnes du site fierdetreroutier.com qui ont su me faire remonter cette pente…

Sans vous tous je ne sais pas quelle aurait était la suite des événements.

Merci soyez prudent...

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(reproduction des photos interdites)

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