Ce n'est pas ma biographie, je vous rassure, je ne suis pas comme lui (si un peu quand même).... Mais je relate ce qu'un ami de très longue date m'a dit un soir.
A ma petite famille
A deux pas de quitter le monde de la route et de rentrer dans une retraite bien méritée (pour certain), car pour moi après plus de 30 ans de route et d'une vie de solitaire et de liberté où j'ai vécu et croqué la vie à pleines dents sans me soucier de ma proche famille, je doute de l'avoir mérité cette retraite pour la passer avec ce qui me reste comme famille, car je n'ai rien fait pour la garder dans une harmonie d'amour, de fidélité, de tendresse et de protection.
Je viens vous demander pardon de cette vie que je vous ai contraint de subir comme des orphelins de père et de mari, sans avoir eu le courage de faire des concessions pour que mon couple et mes gosses puissent dire le jour de ma mort : ah ! Nous le regrettons notre père, il nous a tellement aimé. Et pour ma femme qui pleurera son homme à qui elle a donné tant d'années d'amour, de bonheur, de tendresse et moi, si peu de temps quant je rentrais chez moi en fin de semaine.
Toute ma vie, j'ai fait en sorte de garder le maximum de liberté, de temps pour assouvir mon égoïsme primaire.
J'ai eu une enfance dite : normale, des parents avec un statut de bourgeois. Comme on le dit, je suis né avec une fourchette en argent dans la bouche, j'ai donc vécu dans l'égoïsme et le pouvoir de l'argent , du "moi je" et ça dans toute ma jeunesse, mon adolescence, ils m'ont tout donné jusqu'à ma première voiture neuve à 18 ans, sauf de l'amour , du temps.
J'ai pu faire le métier qui me permettait d'être encore plus libre : chauffeur routier et de voyager, de faire toute l'Europe, d'être libre comme le vent, être libre, cela était mon but et de faire ce que je voulais.
Je me suis marié avec une femme que je pensais aimer. Oui, je voyais l'amour dans un couple d'une autre façon que dans la vraie vie. J'étais plutôt du genre "c'est moi l'homme et toi l'esclave"... Elle était là pour moi quand je rentrais ou plutôt quand je décidais de rentrer chez moi.
Mes gosses ou plutôt ces boulets que je trainais pendant les jours où je rentrais et les peu de congés que je m'efforçais à prendre, me rendaient la vie insupportable, il me fallait du repos, de l'air, du silence, de quoi souffler un peu.
Je vivais égoïstement ma vie de famille sans me soucier de l'amour qu'ils me demandaient, je refusais d'entendre à demis-mots ce que ma femme par amour voulait me faire comprendre, qu'elle avait besoin tout comme nos enfants, d'amour, de tendresse, que je leur consacre du temps plutôt que d'être là seulement pour travailler, subvenir aux besoins matériels de la maison. Oui, mes gosses, ma femme, avaient tout ce qu'ils voulaient, ils vivaient dans un paradis matériel, mais artificiel de par ce manque d'amour que je refusais de leur donner.
J'ai appris bien des années plus tard que mon premier fils pleurait chaque fois qu'il entendait un camion passer prés de la maison, il courait à la fenêtre pour me voir et revenait en pleurant, se blottissant contre sa mère qui était là pour le consoler et 'il s'endormait souvent devant le téléphone dans l'espoir que je téléphone chez moi. Mes gosses ont souffert de ce manque de père, même à l'école quand on leur demandait ce que je faisais, par pudeur ils disaient tout bas en baissant la tète, je n'ai pas de père, c'est ma mère qui nous élève seul, on ne voyait jamais ma signature dans les bulletins de note et encore moins ma présence dans les réunions de parents d'élèves.
ils se sont vite adaptés à mon absence, j'étais devenu pour eux le géniteur, la personne qui était là pour qu'ils puissent vivre correctement. De toutes façons, j'étais devenu pour eux l'étranger qui passait par là certains jours du mois.
Durant toutes ces années, ma femme, par amour a endosser les deux rôles, d'être mère et père à la fois. Par amour, elle a supporté toutes les taches que je lui demandais de faire. Par amour et pour sauvegarder notre couple, elle a joué son rôle de femme soumise.
A l'aube de quitter cette terre, cette vie, quand je refais le point, je vois que j'ai enfin grandi dans ma tète, je vois et je réalise les mots, les gestes de ma femme, le comportement de mes gosses.
J'ai ouvert les yeux, chassé mon orgueil de mâle primitif, le courage m'est venu de faire des concessions, de discuter, de prendre mon temps, d'être plus présent chez moi. Je suis devenu un homme qui se pose toujours la question "si un jour je dis à voix haute à ma famille : je vous aime et si en retour j'ai la réponse : oui père on t'aime. Ma femme les yeux se dira : enfin j'ai trouvé l'homme que je rêvais d'avoir un jour, je sais qu'il m'aime car il aime ses enfants.
A tous les jeunes, moins jeunes, ne faite pas comme moi ! Aimez votre travail, mais ne devenez pas esclave de ce boulot qui détruira votre vie. Aimez votre conjoint, prenez le temps de discuter, laissez le travail de coté durant le peu de temps que vous passez chez vous.
Vos enfants sont les fruit de votre amour, ils sont là pour vos vieux jours, restez à leurécoute, soyez attentif à leur demande, ils ont besoin d'un tuteur pour affronter la vie plus tard.
Le peu de temps que je vais prendre dans ma retraite, je ne pourrais jamais remonter le temps de ces années perdues, mais je serais là pour mes gosses qui ont grandi, pour cette merveilleuse femme qui a vécu dans l'ombre, je serais près d'elle, je serai là aussi pour mes petits enfants qui ont besoin de leur grand-père, oui je suis un homme nouveau qui reprend sa vie à pleines mains.