DU JASMIN DANS LE GAZOIL...

par Rafale

 

C'était fin Janvier 2009 et j'avais passé ma journée avec le net ouvert sur le site de Météo France.

Une boule énorme s'était installée dans mon ventre : tout le Sud Ouest était en vigilance rouge pour cause de vents extrêmement violents. Ceux qui ont vécu la tempête de 1999 comprendront ce que l'on peut vivre et ressentir dans ces moments là. Cette nuit là mon département a été relativement peu touché mais les Landes et la Gironde ont été une nouvelle fois atomisés par les foudres de la nature. Personnes Décédées, toitures et maisons éventrées, bâtiments publics et écoles hors d'usages, entreprises à terre, plus d'eau potable, plus d'électricité, plus de téléphone et la plus vaste forêt de France fauchée par endroit à 95%.

A la télévision régionale, les reportages nous faisaient vivre en direct le désarroi des populations et des élus. Les forces vives étaient en première ligne pour essayer de rétablir un semblant de vie dans cette apocalypse. Alors et comme toujours la solidarité s'est installée sur le terrain comme à chaque fois que de tels évènements se produisent. Et comme à chaque fois encore, ce sont les routes qui sont devenues la priorité car sans voies de communication on ne peut être efficace dans toute action de secours.

De chez moi, je voyais descendre les colonnes de secours institutionnels (EDF, Pompiers, DDE, Armée) avec toutes sortes de matériels roulants. Mais cela ne suffisait pas. Très vite ce fut le tour des forestiers, des transporteurs avec leurs semie chargées d'engins, de groupes électrogènes lourds, de câbles téléphonique et électrique, de poteaux, d'eau potable, de matériel très lourd des services publics ect ect . Des personnes sont parfois restées des semaines sans électricité et sans eaux mais je pense que globalement, une nouvelle fois la solidarité, la responsabilité, la générosité dans l'effort de tous ont fait que le plus urgent a été accompli.

Presque un an après, on ne peut pas dire qu'il ne reste plus rien à faire.

Le principal problème reste la forêt et l'évacuation des millions de mètres cubes de bois pour que le massif reprenne sont rôle économique et écologique. Pour cela et aux vues du défit, les camions et les engins lourds restent le seul moyen efficace pour venir à bout de la tâche. Comment emmener vers les centres de stockages, les papeteries, les scieries de France et de Navarre, les ports, les gares de trains le bois de tempête. Des milliers d'emplois et l'avenir écologique encore une fois de toute une région (l'Aquitaine et une partie de l'Espagne) est en jeu.

Alors me direz vous, qu'est ce qui te chagrine dans tout ça ?

La vie sociale est passionnante et quelque peut déstabilisante voir décourageante. Comment peut on clouer au pilori, dénigrer bêtement, désigner du doigt ceux qui quelques mois auparavant vous ont apporté réconfort et secours.

N'en déplaise à certains, une grande partie du salut du peuple des Landes et de Gironde est une nouvelle fois venu de la route, des camions et de leurs chauffeurs. Aujourd'hui cette situation est un fait avéré et personne ne peut contester.

Il aura fallu 10 petits mois, une augmentation du nombre de tués sur les routes des Landes, quelques accidents spectaculaires (comme toujours) sur la RN10, plus de camions temporairement dans les villages (et pour cause), pour que le bon peuple soit effrayé par les monstres de 58 tonnes et leurs chauffeurs « irresponsables ».

Qu'en est il réellement ?

Mon avis ne vaut que ce qu'il vaut et n'étant pas sur le terrain, il se peut que je n'ai pas raison sur toute la ligne.

Ceci étant dit, il y a quelques semaines et par deux fois, le préfet des Landes a dit que la forte augmentation du nombre des tués sur les routes n'était aucunement imputable aux poids lourd. Cette affirmation venait en réponse à des allégations (aux vues de l'énoncé des questions) de journalistes de la télé régionale. Quelques jours après, c'est encore un reportage sur la surchage des camions de bois avec un routier Espagnol qui se fait verbaliser en pleine clairière parce qu'il a chargé et sanglé une roue de débardeur sur son lot de bois qui ne dépassait pas lui-même la hauteur autorisée. Le chauffeur est complètement éberlué devant l'amende qu'il venait de prendre. Dans le même reportage on voit une commerçante qui trouve qu'il y a trop de camion dans les rues de son village.

Enfin dernier reportage qui date de la semaine dernière, là c'est sur des contrôle de pesée de camions de bois à quatre heure du matin (avec toujours avec en introduction la hausse du nombre d'accidents mortels dans les Landes) . Les chauffeurs sont soit résignés, soit dépités :

« si je ne fais pas selon la règle, ça ne va pas, si je fais selon la règle, ça ne va pas encore. En fait ça va jamais, alors…. »

Le gendarme humain et gêné : "on ne leur met pas de PV à chaque fois, on fait surtout de la prévention ».

Alors moi quand je vois cela de mon canapé, je dis qu'il faudrait que l'on m'explique en quoi consiste d'une part, la lutte contre la mortalité sur les routes Landaises et d'autre part si certains journalistes font leur travail en toute connaissance de l'impact qu'ils peuvent avoir sur la population. Tous les reportages sur l'insécurité routière mettent en scène les chauffeurs de poids lourd.

Quand Phil m'a demandé si cela m'intéressait de faire ce BDH, je n'étais pas chaud car tout n'est pas noir ou blanc nul part. Mon propos de citoyen n'est pas de stigmatiser les journalistes, les forces de l'ordre, les procureurs, les préfets, les élus. Si la tâche était aisée, ça se saurait. Mon propos est d'attirer peut être (et je l'espère) leur attention sur des manières de présenter ou de faire des choses qui ont des conséquences néfastes en terme de ressenti sur toute une population.

Les chauffeurs en ont marre et plus que marre de se voir aussi souvent dévalorisés dans leurs prises de responsabilités et dans leur rôle social. Ce ne sont pas des citoyens de seconde zone corvéables à merci, ce ne sont pas des éponges qui absorbent tout les maux que le bon peuple bien pensant leur impute sans jamais ne rien éprouver.

Ils en ont assez de servir de bouc émissaires permanents aux grands sujets du moment tel que le dérèglement climatique, l'insécurité routière, les embouteillages sur les routes des vacances, les fermetures d'autoroutes quand il neige 3 cm et autres calamités que notre belle France subit.

En fait je pense qu'ils veulent bien assumer leur part du fardeau et corriger le cap quand cela est nécessaire en citoyens responsables là encore. Ce qu'ils ne veulent plus, c'est d'être systématiquement désignés à la vindicte publique parce que là est le sens du vent.

Alors pensons à la prochaine tempête, le moment où l'on se sentira seul au monde sur un bout de planète ravagé. Mettrons nous des bascules sous les roues des poids lourds qui nous apportent le secours. Râlerons nous de voir des camions chargés de groupes et de déblais traverser nos villages. Les regarderons nous gagner nos villes et nos campagnes avec des affirmations ou des comportements peu dignes envers ces gens qui travaillent dans un monde où tout est plus compliqué et où il faut être plus funambule que notaire.

Il est dés fois ou l'odeur du gazoil ressemble à celle du jasmin, ne l'oublions jamais.

 

Laisser un commentaire

 

http://www.fierdetreroutier.com - reproduction interdite

al