Cette nuit là, au volant de mon camion, mon regard est figé sur l’asphalte. Je viens de quitter la station où j’ai fait ma petite coupure. Un, deux, trois cafés et quelques échanges avec d’autres gars que je connais. Il est 03h00 du matin, je viens à peine de quitter ce relais routier, qu’il se met à pleuvoir des cordes à n’en plus voir les marquages sur le bitume.
Les phares des camions que je croise m’éblouissent. Ma Cibie crépite mais personne pour me tenir compagnie. Je viens de quitter ma route habituelle pour un autre itinéraire et je me trouve un peu seul. Pour oublier la monotonie de cette route déserte la nuit, j’allume le poste radio. La fréquence passe quelques airs de country que je fredonne pour faire passer le temps.
Ma vue faiblie, mes yeux me piquent. Les fourmis dans mes santiags, les cernes cachées sous mon stetson, accusent une grosse fatigue. Les kilomètres s’accumulent et les heures passent. Je ne crois pas arriver au bout. Mon paquet de cigarettes se vide, les mégots encore brûlants que je jette par la fenêtre, font des étincelles en tombant sur la chaussée.
A l’horizon, comme un soleil couchant, je vois cette lumière blanche. Je devine un reflet sage, tel un doux visage. On croirait celui d’une femme avec un sourire rempli de charme. Je tente bien d’accélérer, pour la voir se rapprocher, mais la vitesse est limitée.
Sa lumière est omniprésente, dans les montées et les descentes. Elle me guide comme sur une carte, pour virer à gauche ou bien a droite.
La nuit, nous les routiers, on a le temps de rêver, de penser pour occuper notre temps mais cette lumière est différente. Elle veille sur moi. La pluie tombe encore plus fort et je veille à mon transport. Les goûttes d’eau sur le pare-brise sont comme des larmes sur son visage. Je commande les essuies glace comme pour sécher ses grandes larmes. Mais pourquoi je ne m’arrête pas ? Hé oui, le client n’attend pas. Encore quatre heures et j’y suis.
Derrière moi, je laisse une poussière d’eau, masquant la vue dans mes rétros. Elle est toujours là toute la nuit, cette belle dame aux cheveux gris. J’approche de Paris, le jour se lève et je me dis.
Vivement ce soir, que je repasse ici, revoir cette lune, ma belle amie.
Le poetic-cowboy
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