AMIS TOURISTES !

par Hervé Hamon

Amis touristes, bienvenue. Nous vous attendons avec effusion, nous avons fleuri nos villages, goudronné les routes, échafaudé maintes expositions et graissé nos binious. Vous êtes chez vous, et notre seule crainte, c'est que le ciel vous tombe sur la tête.

Oui, amis touristes, nous vous chérissons et nous savons fort bien que chacun d'entre nous est le touriste de l'autre. Mais une catégorie d'entre vous me paraît singulière. Je veux parler des occupants de ces machins montés sur roues, généralement peints en blanc ou en jaune pâle, dotés, à l'arrière, d'une plateforme chargée de vélocipèdes, et qui encombrent, l'un derrière l'autre, nos abondants ronds-points. La vitesse de leur déplacement s'amenuise d'année en année, au fur et à mesure que s'allonge la «cellule» de l'engin, et leur prolifération donne à penser que bientôt, la place de Louannec (Côtes-d'Armor) ressemblera au grand carrefour de New Delhi où se paralysent mutuellement bicyclettes, vélomoteurs, voitures, camionnettes, et éléphants - les machins susdits tenant, bien sûr, le rôle de ces derniers.

En bon franglais, on appelle ça un camping-car. Moi, je croyais que les camping-cars, c'était fait pour traverser les déserts, explorer les steppes, franchir en toute autonomie des distances inouïes, bref s'enfoncer dans l'inconnu, bravant la nuit, les rôdeurs et les hyènes. Eh bien non. Le camping car est destiné à embouteiller les ronds-points, et c'est tout. Le camping-car a l'ambition modeste, quoique magique, d'opérer une translation parfaite entre la maison et l'extérieur de la maison. Idéalement, vous oubliez que vous n'êtes plus chez vous puisque vous êtes encore chez vous. La cuisine, la chambre, la douche, tout vous rappelle la douceur originelle. À un détail près: il faut déployer l'antenne parabolique pour continuer de recevoir «Plus belle la vie», ce qui constitue, vous en conviendrez, un désagrément réel mais mineur.

Les camping-cars, non contents d'éviter les déserts et leurs hyènes, affichent un tempérament grégaire prononcé. Ils s'alignent docilement les uns à côté des autres, et, une fois l'antenne déployée, jouissent de la satisfaction d'être ailleurs ici, et indépendants en groupe. Ce en quoi, hormis l'antenne, ils ressemblent un peu plus aux pachydermes indiens, lesquels, comme chacun sait, vivent en bande et n'aiment point dormir seuls.

Bienvenue, donc, touristes pachydermiques, bienvenue autour de nos ronds-points, et que le son de nos cornemuses vous soit aussi doux que la voix de Laurence Ferrari.

 

Laisser un commentaire

 

http://www.fierdetreroutier.com -

al