VIABILITE HIVERNALE

Pourquoi ça ne marche plus?

par Steeve

Pourquoi cela ne marche plus ? Voila une question que je pose régulièrement depuis ces dernières années.
Je me présente, je m'appelle Steeve et je travaille comme ouvrier autoroutier dans un district de moyenne montagne.
Le déneigement, je le connais depuis plus de quinze ans donc je peux dire que je sais de quoi je parle sans avoir non plus la science infuse.
Je réagis au billet d'humeur de Phil26 et essayant d'y apporter des réponses précises sur la viabilité hivernale.

Pourquoi le blocage de poids lourds?


Auparavant: Jamais il ne neigeait à Paris, en Bretagne, ou dans le Nord. La neige tombait essentiellement sur Rhône-Alpes, Auvergne, Alsace, Franche-Comté et région Pyrénées. Les autoroutes appartenaient au gouvernement. Les touristes parisiens ne connaissaient les bouchons qu'aux entrées des stations de ski, je me rappelle de bouchons colossaux à l'entrée d'Albertville. Les consignes en cas de chutes de neige étaient de déverser un maximum de sel sur la chaussée afin que la quantité de sel fasse fondre la neige présente et celle qui tombait en un temps ou l'on pouvait se dire que la circulation fera le reste. En effet, une fois le sel déposé sur le sol, le brassage s'effectuait aux passages des voitures et surtout des camions. La nuit étant donnée que la circulation s'affaiblissait, nous devions redoubler notre travail et nous attendions le petit matin pour revoir la circulation s'intensifier et ainsi, retrouver le noir de nos chères routes. Les quantités de sel n'étaient pas limitées, on tournait le bouton à fond (50 grammes au M2). En cas de neige sèche, nous mélangions le sel avec une saumure (eau salée). Les camions, des 4X2 ou 6X4 équipés de lame caoutchouc et de saleuses qui embarquent environ 6 tonnes de sel.

Sur le district de ma région, nous possédons une dizaine de camions et une douzaine d'entreprises sous-traitantes pour un parcours d'environ une cinquantaine de kilomètres. Le tracé est découpé en plusieurs circuits et deux camions sont disposés par circuit. Quand il neige, les camions tournent seul, quand l'un part, l'autre rentre, cela permet d'avoir toujours un véhicule sur le circuit. Et contrairement aux idées reçues, nous tournons sans cesse mais les gens nous appellent "la dde" et ne comprennent pas que quand il neige dru, les routes sont blanches vingt secondes après notre passage. On double les camions (on appelle ça un train) pour les périodes de nettoyage en fin de précipitations.

Il arrivait quelques fois de fermer l'autoroute pendant quelques heures notamment sur les grandes montées ou les camions avaient du mal à grimper le temps de nettoyer les voies et tout rentrait dans l'ordre une fois le travail effectué. Le réseau secondaire était assez bien déneigé, la DDE posait des jalons rouges au bord des routes qui servaient de guide aux déneigeurs en cas de fortes précipitations. Les nationales étaient toujours bien nettoyées, les départementales et cantonales demandaient un peu plus d'attention mais en général mais elles étaient praticables. Pour mon cas personnel, jamais de toute ma vie je n'ai fait équipé ma voiture de pneus neige. Juste à l'entrée de l'hiver, je la rechaussais en pneus été neufs. Le touriste parisien lui, laissait la neige sur son toit de voiture afin de l'emmener jusqu'à Auxerre afin d'en foutre plein la vue aux pauvres prolétaires usagers des autoroutes qui eux, ne connaissaient la neige qu'à l'entrée du tunnel du Fréjus.


Aujourd'hui: Il neige partout, il neige à Paris, à Cherbourg, à Lille ou encore à Brest ou à Biarritz. Les autoroutes ont été privatisées, elles appartiennent à des grands groupes français de BTP avides de bénéfices. La rentabilité est leur seul leitmotiv. Tout est calculé, le moindre achat, la moindre signature, le moindre appel d'offres. Les conditions de travail ont changé avec ces nouvelles directions. Les ordres sont clairs, Nous sommes surveillés sur nos consommations de sel, les ordinateurs enregistrent tous nos gestes, tous nos salages en temps et en heures, et surtout, le grammage utilisé. De 50 grammes au M2 il y a dix ans, nous sommes passés à 10-15.

On nous explique que saler pollue. Le sel part dans les ruisseaux, qui partent dans les rivières, etc etc... Niveau matériel sur les secteurs montagneux, je peux dire qu'il y a encore plus de véhicules qu'avant. Les méthodes de travail elles, sont toujours les mêmes. Le réseau secondaire lui est complètement délaissé. La DDE a disparu et ce sont les conseils généraux qui gèrent l'entretien des routes. Les jalons rouges ont disparu, les agents sont moins nombreux et la qualité de déneigement fond comme neige au soleil. Pour revenir à mon cas personnel, pour la première fois de ma vie, j'ai acheté quatre pneus neige pour ma voiture. Le touriste parisien, lui, est furieux parce que son TGV est bloqué en gare et que sa location a démarré, c'est son compteur bancaire qui s'égraine d'heure en heure.

Alors pourquoi bloquer tous ces poids-lourds?
Mais surtout, pourquoi bloquer un camion à Montpellier alors qu'il neige à Paris?


De nos jours, dès qu'il neige, Météo France instaure une alerte orange pour le département concerné. Ceci n'entraîne pas automatiquement une restriction de circuler. C'est le préfet qui décide d'interdire les poids lourds.
Avec le blocage de tout Paris que l'on a connu, cela deviendra de pire en pire. Quand la province est bloquée, on en parle deux minutes aux journal télévisé et c'est tout. Mais à Paris, on a des ministres, des parlementaires, des sénateurs...
Question climat, on ne pourra jamais mettre les mêmes moyens à Paris qu'en Maurienne.


Alors comment réagir face à la neige sans avoir les moyens de la traiter?
Les préfets eux, ont très bien compris en voyant Hortefeux demander un rapport européen, qu'ils étaient sur un siège éjectable. Comment ne pas prendre de risques sans mettre en colère la population française et ses notables !
Au cours de ces dernières années, la tendance est de stopper la circulation des camions. Une autoroute sans camion est une autoroute qui ne s'arrête jamais, et ça, ils l'ont très bien compris.
Alors pourquoi arrêter un poids-lourd à Béziers alors qu'il neige à Paris ou alors pourquoi neige-t'il plus en Picardie qu'en région Rhone-Alpes. Je serais incapable de répondre à ces questions.
Je n'ai fait qu'une analyse de mon métier en parallèle avec celui de conducteur routier usager principal des autoroutes françaises.

Mais alors pourquoi cela ne marche plus?

 

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