De grosses hontes...

 

Ouhhh la gadoue....

 

Cette photo n'a rien à voir si ce n'est que c'est la seule que j'ai prise à cet endroit ce jour là…

En Russie, passées les montagnes de l'Oural (limite Asie - Europe), on voit presque plus de plaques européennes désormais. Au retour d'un voyage spectaculaire à Vladivostok (tout à l'est), je pense avoir tout survécu: 1 mois en douane, traversées de rivières à gué, mafia, embarqué des évadés d'un goulag, pannes, températures extrêmes. Il fallait donc une bricole pour faire dégonfler la grosse tête.


Du côté de Omsk je repère un petit relais routier et un gaillard me fait signe le pouce vers le bas qu'il a du diesel à vendre ("bon marché"). J'ai déjà bieeeen assez d'heures de volant et le camion a soif. Je tourne à droite et me faufile entre 3-4 convois exceptionnels qui ont un petit air européen. Au bout du petit chemin une cour vide en terre brun foncé un peu en dévers. « ‘peccable pour tourner » me dis-je et m'avance en grand seigneur pour me planter le plus lamentablement du monde dans une immense flaque de boue. Un môme de 5 ans ne s'y serait pas engagé avec son tracteur à pédale. Il a fallu que je décroche la remorque. Sortir le porteur. Tirer une chaîne jusqu'au timon et me décorer de boue de la tête au pied pour sortir l'ensemble 20 min plus tard.
Mon ego légèrement entamé aurait pu se remettre de l'exercice, si je n'avais pas remarqué durant une grande partie de la manoeuvre 3 spectateurs goguenards sur le bord du chemin. Arrivé à leur hauteur ils me demandent « do you speak English? ». Il a fallu que pour ma démonstration la plus lamentable, j'ai pour témoin les seuls routiers européens disponibles à quelques milliers de km à la ronde alors que je n'en avais pas vu depuis près de 3 mois...


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Le lendemain premier jour de soleil depuis 2 mois. J'ai réalisé plus tard que le fils de la babouchka qui a pris la photo pour moi était allé faire le singe en arrière sur l'objectif…


Une autre petite honte en images cette-fois – le nomade il est fier sur sa monture (Mongolie 2003)

 

Le chauffeur il est moins fier sur la monture du nomade… chacun son boulot et le siège du Foden fait moins mal à la descendance…


La cabine bien basculée...

 

En fouillant dans mes photos, je tombe sur une autre grosse honte : regardez la visière abîmée du camion.

Je suis en apprentissage de mécanicien en 1992. Mon chef m'a donné un gros boulot dont je suis fier : démonter complètement le long châssis de ce porteur Kenworth pour le refaire à neuf. Ces châssis sont en aluminium, mais tous les agrégats fixés dessus sont en métal.

Après quelques années la corrosion (électrolyse) ronge tout et il y a des trous. Donc j'enlève tout, essieu compris, sauf la cabine et le moteur. J'enlève aussi la boite de vitesse pour profiter de refaire l'embrayage. Et avant d'envoyer le camion en carrosserie, je prends l'initiative de faire une réparation au moteur.

Pour ce faire je commence à basculer la cabine. On a tous ce petit serrement au cœur quand la cabine passe le point de basculement, mais je suis habitué ; en 4eme année d'apprentissage, j'en ai déjà basculé des centaines. Au même moment, le grand patron, que tout le monde respecte beaucoup, choisi de passer par là. Je le salue avec respect pendant que la cabine continue de basculer. Et continue. Et ne s'arrête pas. Et bascule encore…

Et là un grand moment de solitude : je réalise bêtement qu'il n'y a plus assez de poids derrière sur les longerons tout nus et la cabine entraîne le châssis entier à 6 mètres du sol pendant qu'elle-même va s'écraser gentiment le nez au sol… Félicitations du jury.

Par chance les poids étant assez équilibrés, pas trop de casse (la visière et un pare-brise) et c'est mon amour propre qui souffre le plus…