Il y a quelques temps, j'ai repensé à l'idée que m'avait donné José (Turbo) lors de notre rencontre : vous faire partager une journée et quelques moments au volant...d'un petit train touristique !

 

Et oui, cette nouvelle page de ma vie a commencé lorsque faute de boulot dans le transport et à la recherche d'un volant à tourner, j'ai postulé au petit train d'Argelès sur mer… et me suis retrouvé à conduire celui de Collioure !! En effet, parlant plusieurs langues, j'étais plus utile ici.

Je ne regrette d'ailleurs pas ce changement !

Depuis je bosse dans une petite maison familiale. Max, mon boss, est devenu un ami… et je travaille ici vraiment en famille avec ma petite femme qui elle, y est caissière !

En plus, à Collioure c'est un train purement touristique, pas un service de navette.

Si aujourd'hui, je pense que question tourisme j'assure, il n'en a pas été de même au début… C'était plutôt panique à bord !! Il fallait que je conduise ce satané train dans les collines tout en assurant une visite guidée, avec toutes les questions qui pouvaient en découler. Et oui, à nos palettes, on a rien à leur raconter !!

Il m'a donc fallu assister à toutes sortes de conférences sur le patrimoine local, m'informer sur la faune, la flore et la géologie des lieux, en fait me faire un sacré bagage de connaissance pour ne plus me faire piéger par les questions de mes clients !!

 

Voilà pour mes débuts, mais voyons voir comment se passe la journée d'un chauffeur de petit train : enfin la mienne :

Donc, ma journée de conducteur de TGV (train à grandes vibrations !) commence à 7h30… une petite douche, un bon petit-déj et je file à Collioure sur notre parc où m'attende « Tschu-tschu et Dotto » nos deux petits trains.

En fait, en fonction des groupes et du travail prévu pour la journée, je prends l'un ou l'autre.

 

Là, tous les matins c'est pareil, un bon nettoyage de tout le train…extérieur mais aussi intérieur …et là, y'en a du boulot !

Maintenant, un petit coup d'œil sur tous les niveaux, courroies et la mécanique (il faut que tout soit ok pour les 11 tours de la journée), puis réglage de l'audio, micro et Datavox. C'est un système qui nous envoie les commentaires dans 8 langues différentes, même le russe !

 

Il est déjà temps que je parte rejoindre ma « gare », que d'ailleurs j'emmène accroché derrière mon train, et là, même pas le temps d'arriver et de se mettre en place que déjà les premiers clients « les énervés du 10h » comme on les a surnommés entre nous assaillent ! « J'veux deux tickets, à quelle heure il part vot'truc, on peut monter…etc.… » Et moi : « bonjour, attendez, je me gare, je me met en place et je suis à vous » Et voilà une journée normale qui commence !

Après avoir mis la billetterie en place et le temps que mes collègues remplissent le train et vendent les billets, je teste les casques pour les étrangers.

A 10 heures, après le contrôle des tickets, c'est parti pour le premier tour de la journée, une balade à travers tout le vignoble jusqu'à un fort, le Saint-Elme sur les hauteurs de Collioure.

Pendant tout le trajet, micro en main, je vais expliquer à mes passagers tout l'historique et le patrimoine du coin, essayer aussi de les faire rire et les amuser mais en fait surtout de leur faire passer un super moment… tout en slalomant avec mon train sur les petites routes pentues, très étroites et à double sens au milieu des vignes ; ça me change complètement de la monotonie tranquille des autoroutes.

 

Apres vingt minutes de ce cheminement, j'arrive au fort Saint-Elme où je vais faire un arrêt pour que mes touristes puissent profiter du panorama et faire quelques photos… Et là, vient l'autre aspect de mon boulot, guide touristique ! Car c'est à ce moment là que l'on vient me poser des tas de questions sur tout ce que j'ai commenté plus tôt… de l'histoire en générale à la flore…et dès fois j'ai des questions vraiment galère, mais c'est aussi l'occasion de discuter un peu avec les clients.

Apres cette pause, on redescend sur Port-vendres par les petits chemins qui dominent la route nationale (sur laquelle je regarde nostalgiquement passer les collègues qui ont chargé au port) où nous avons un autre point de départ pour la balade. Là je suis attendu par d'autres clients et il va me falloir les placer et gérer leur retour… ce qui ne va pas dès fois sans grincement de dents. En effet, je n'ai pas toujours beaucoup de place dans mon train et les gens qui attendent ici depuis un bon moment n'apprécient pas forcement de se voir refuser l'accès aux wagons…il me faut alors être très diplomate !!

Une fois les nouveaux passagers à bord, c'est le retour à Collioure en longeant les quais et en passant par la corniche. C'est plutôt relax, hormis quelques dépassements intempestifs… et oui, à 30 à l'heure, je vais encore moins vite qu'un camion et les voitures ont tendances à s'impatienter rapidement derrière moi.

Au bout de 45 minutes me voici donc de retour à Collioure, et j'ai donc parcouru mes dix bons kilomètres de balade! Et oui 10 kilomètres en 45 minutes, vous avez bien lu et encore souvent j'ai même du mal à respecter ce minutage avec tous les contretemps qu'il peut y avoir sur le circuit, c'est un challenge assez stressant à chaque tour !

Et là, arrive donc un moment assez tendu du parcours : l'arrivée en « gare » avec une soixantaine de personnes déjà prêtent à bondir dans le train avant même que je ne me sois arrêté et que les autres ne soient descendus. Il faut alors être très vigilant parce qu'au milieu de cette foule il y a aussi des enfants, il ne faudrait pas que quelqu'un tombe entre ou sous les wagons. Le pire, c'est les mercredis et dimanches, jours de marché, qui rajoutent encore une autre foule au milieu de tout ce petit monde !

Souvent, à la fin du tour, les clients viennent me remercier pour le bon moment qu'ils ont passé ce qui fait très plaisir et beaucoup me laissent un petit pourboire.

Et dans la foulée, recontrole des tickets…et c'est reparti pour un nouveau tour, une nouvelle représentation …En fait je suis un peu comme un acteur de théâtre!!

Il en va ainsi de suite, scène après scène, acte après acte jusqu'au soir où je termine ma journée en rentrant mon petit train et sa « gare » au dépôt pour lui faire le plein de gasoil ; il aura quand même avalé ses 45 à 50 litres au 100 !

S'il est vrai que mes journées sont souvent répétitives (heureusement que je n'écris pas de CDB !!), ils nous arrivent aussi de devoir assurer des promenades pour de riches croisiéristes américains accostant en paquebot à Port-Vendres. Là aussi, ce n'est pas toujours très évident de « gérer » leur retour parce que bien souvent ce sont des personnes qui n'aiment pas qu'on leur impose des règles. En plus, c'est journées là, on tourne alors avec deux trains et il faut alors en plus gérer les problèmes « d'aiguillages » (pas deux trains au même endroit, aux mêmes arrêts et au même moment), ce qui génère pas mal de stress…et de coup de téléphone entre les chauffeurs !

Voilà, j'espère avoir pu vous faire partager un peu de mes journées et vous avoir fait découvrir un peu le boulot de chauffeur… de petit train !

S'il faut que je reconnaisse que pour quelqu'un qui n'aime pas faire toujours les mêmes choses, j'ai quand même un boulot très routinier mais j'avoue qu'au bout de 18000 tours, il m'arrive encore des surprises. Chaque mois de la saison amène ses complications différentes, l'été avec ses embouteillages, l'automne, c'est les vendanges, mais c'est ce qui fait qu'on ne s'ennuie pas. Sur le parcours, chaque tour est pareil que le précèdent mais aussi différent. On ne voit jamais les mêmes personnes mais beaucoup reviennent me voir et demandent aux caissières si c'est bien moi qui roule avant de prendre leurs billets !

En fait, c'est un boulot qui tout en permettant de tourner le volant autrement chaque jour, apporte aussi beaucoup sur le plan relationnel. Et si j'ai souvent la nostalgie du camion, le temps libre qu'il me laisse en dehors des 8 mois de saison me permet de combler ce vide !

Séquence lavage