Paroles d'ailleurs

 

Vladimir, un travailleur immigré..... Dans son pays!

 

Vladimir, Yougoslave avant tout!

 

C'est par une chaude soirée d'été que j'ai fait la connaisance de Vladimir, un Serbe au volant d'un camion Slovène, au fin fond du nord de la Catalogne, à Campdevanol. En passant près de son camion, il m'a fait un salut amical, je me levais de la sièste, je l'ai donc invité à boire un coup au café d'en face au milieu d'un joyeux brouhaha typiquement hispanique.

C'est à la suite d'un licenciement que Vladimir est devenu routier, à 41 ans. De nationalité Serbe, il s'est retrouvé sur le carreau lorsqu'il a subi la restructuration de la loterie Serbe, il était responsable pas trop mal placé. Il a du faire un choix, et comme il aimait bien voyager, il s'est dit pourquoi pas routier!? C'est exactement la même chose pour beaucoup d'entre nous, se remettre en question professionelement à la suite d'un licenciement passé un certain age, n'est pas évident. Nous avons pu nous comprendre dans un mélange d'Allemand et d'Espagnol, un papier et un stylo aident bien aussi. C'est un peu bouche bée que j'ai écouté ses histoires. C'est un peu Germinal version 2011.

Après avoir eu quelques experiences plutôt pas heureuses, il bosse aujourd'hui pour une maison Slovène qui compte une vingtaine d'attelages. Les chaffeurs sont de nationalité Croates, ou comme lui Serbes. Les Slovènes restent en régional, tous les soirs à la maison. Le travail de Vladimir se déroule de manière régulière entre l'Italie du nord et la Catalogne. Parfois il descend un peu plus bas en Italie mais c'est rare. Une fois pas mois il rentre en Slovenie pour être en règle avec le cabotage et tous les 3 mois, il peut rejoindre son domicile en Serbie. A la vue de son passeport, Vladimir est devenu un étranger dans on pays, la guerre a avant tout profité aux politiciens et à quelques nationalistes. Victime du système il doit montrer patte blanche et chacun des ses passages sont tamponnés sur son passeport. Tous les 3 mois, il laisse l'attelage au dépot en Slovénie pour 5 ou 7 jours. Le camion repart aussitôt avec un autre chauffeur, lui en revenant en recupèrera un autre. L'entretien et l'état du matériel s'en ressent bien évidement. Les camions doivent rouler coute que coute, et toujours au maxi du potentiel permis par la loi...

Chaque mois, il empoche 2000€, frais inclus bien entendu. Mais 2000€ quand on passe des mois entiers en Europe de l'Ouest, ça fait pas lobe, il faut faire attention aux frais, le paquet de clopes coute 1€ chez lui, ici, avec 1€ on a à peine un café. La boite ou bosse Vladimir est entièrement affrétée par un gros groupe Slovène qui a tout le boulot, chacun se sert au passage, restent les miettes pour le chauffeur. Avec un salaire de base de 470€ (!) mieux vaut que rien ne lui arrive. En effet sa couverture sociale est loin d'être la même que sous nos latitudes. Ainsi, il m'a expliqué avoir eu un grave accident du travail il y a quelques années. En dechargeant un lot de paquet de ferailles gerbé en hauteur et qui lui a glissé dessus. De cet accident lui reste des broches en ferailles en dessous du cou, j'ignore le nom de cet os. Mais surtout il lui reste un douloureux souvenir financier étant donné qu'un grosse partie de son opération a été à sa charge, son employeur n'ayant rien voulu reconnaitre! Pour Vladimir, c'est marche ou crève, ainsi, que ce soit pour une grippe, un mal de dents ou autre chose, il ne s'arrête pas se soigne comme il peut sur la route, c'est ça ou il perd sa place.

Bien entendu on se pose la question de pourquoi ne pas travailler au pays!? Mais c'est encore plus mal payé, et comme beaucoup, Vladimir cherche à améliorer son ordinaire et continuer à vivre au pays, et y rester car il est attaché à sa région. Malgré tout, Vladimir garde le sourire, et surtout l'espoir. Il salue chaleuresement les routiers français, et d'une manière générale tous les routiers du monde, car, comme il dit, on est tous dans la même galère!