Petit retour en arrière, sur une action qui m'a amené à mettre le transport routier à contribution. Au début de l'année 2011, dans nos régions de l'ouest de la France, le déficit de pluviométrie nous inquiète fortement. L'hiver a été particulièrement sec et il n'y a pas de réserves d'eau dans les sols. Le printemps sans précipitations suffisantes nous conduit directement vers une pénurie de fourrages.
En juin la situation en Mayenne devient préoccupante dans notre secteur et nous contactons la chambre d'agriculture départementale pour qu'elle organise l'acheminement de paille des zones céréalières pour palier au manque de fourrage que nos élevages vont devoir gérer lorsque les stocks seront épuisés. La chambre d'agriculture refuse de s'occuper de ce dossier en prétextant que c'est du ressort des syndicats. Je suis membre de la confédération paysanne, syndicat minoritaire et sans véritables moyens financiers et humains. Je me retrouve donc chargé de ce dossier, ayant moi-même besoin de paille et étant motivé par le projet de rencontrer des transporteurs et des routiers. Après multiples démarches vers les céréaliers des zones les plus proches de notre département, il s'avère qu'ils ont tous été approchés par le syndicat majoritaire et qu'ils se sont engagés près de celui ci.
Nous devons donc chercher plus loin et par l'intermédiaire de notre syndicat, nous avons contact avec un céréalier des Yvelines, Xavier, qui s'engage à nous donner sa paille. Mais en fait il n'a que 60 hectares de céréales, il faut donc trouver d'autres surfaces, et c'est lui qui va convaincre des paysans de son département pour réserver leur paille à notre organisation. Fin juin je me rends donc dans les Yvelines et Xavier me fait rencontrer des céréaliers qui accepteraient de nous vendre leur paille sur la base de 15 € la tonne. Le prix et les délais de paiement ne les préoccupent pas du tout, mais leur angoisse est surtout le délai de pressage et d'enlèvement de la paille après les battages. Je dois donc me faire violence pour les convaincre et leur garantir que nous allons organiser le pressage avec un entrepreneur du département, que nous ferons des meules à l'endroit qu'ils nous indiqueront pour ne pas occasionner de dérangement et que nous les enlèverons dès le mois d'août. En réalité, à ce moment précis, je ne sais vraiment pas comment les choses vont s'organiser mais cette visite leur a permis de mettre un visage concrètement pour représenter un groupe de paysans en demande de paille. Dans le même temps il y a environ 25 paysans qui s'inscrivent sur la liste des demandeurs de paille. D'autre part nos collègues de la Sarthe sont confrontés aux même difficultés, nous décidons de réunir nos forces. Notre ami Xavier arpente son département et m'annonce chaque jour les surfaces de paille qu'il a réussi à réserver car au final nous avons besoin d'environ 450 ha. Fin juin, ce challenge là est relevé, ouf et merci Xavier ! De mon côté, après plusieurs pistes infructueuses, je trouve un entrepreneur agricole avec lequel le courant passe bien, qui connaît les exigences des céréaliers et qui accepte de faire le pressage, la mise en meule et même le chargement des camions. Seulement il est à l'extrémité nord ouest du département des Yvelines, alors que les champs sont près de la N12 vers La Queue des Yvelines pour une part et près de Saint Nom La Bretèche d'autre part et enfin des surfaces dans le secteur de l'entrepreneur de pressage.
Fin juin et début juillet arrive le temps de moissons et du pressage de la paille. Mais le temps n'étant pas très coopérant, alors que nous souffrons de la sécheresse, l'été est humide. Il est compliqué de battre les blés, et encore davantage de presser la paille, faire les chargements ou entasser les bottes en meules. Parfois l'accès à celles ci est glissant, et s'en suivent quelques galères. Les transporteurs spécialisés étant tous « réquisitionnés » par le syndicat majoritaire, nous travaillons avec les transports Gillois de Craon à destination du sud Mayenne, Gorron Fret pour le nord Mayenne et nos collègues sarthois font intervenir des grumiers qui manquent de travail à cette saison.
Fin août l'ensemble de la paille réservée est finie d'acheminée dans nos fermes, les transporteurs sont satisfaits de notre opération. Lorsque nous retournerons en octobre pour payer la paille aux céréaliers, plusieurs d'entre eux choisissent finalement de ne pas nous la faire payer, eux aussi ont été satisfaits de notre façon de procéder et marquent ainsi leur solidarité envers le monde de l'élevage en difficulté.