Ce fut donc, le moment choisi pour rentrer chez Le Gal à Vannes, pour faire de la grande route. A cette époque, cette boite se trouvait, à la sortie de Vannes, sur la route de Locminé. Il y avait une quinzaine de camions. Christian Le Gal et son acolyte, Le Blévec ainsi que la mère Le Gal, géraient tous çà. Très vite, j'ai su que je ne resterais pas longtemps là. L'ambiance ne me plaisait pas du tout. Le travail se faisait au petit bonheur la chance, avec un mécano quasiment absent et très bordélique. Les camions n'avaient de camions que le nom, car la majorité étaient des poubelles, tout comme aujourd'hui d'ailleurs. Certains chauffeurs eux roulaient un peu trop des mécaniques, alors, qu'il n'y avait vraiment pas de quoi.

Au niveau véhicule, j'avais droit à un Scania 141, une occasion qui venait de chez Tradimar, avec une cabine cubique d'un bleu clair. Déjà là, le principe Le Gal était de rouler en véhicules d'occasion de toutes les couleurs. Pour le premier tour, j'ai vraiment été gâté. J'étais parti de bonne heure avec ce tracteur et une vieille benne deux essieux, chargée de kaolin pour Grenoble. En début d'après midi, entre Tours et Vierzon, un pneu de la remorque éclate. Evidemment, pas de cric, ni de clé pour démonter la roue. Je roule doucement jusqu'à Blois afin de trouver un marchand de pneus. Une fois la réparation effectuée, nous étions dans la soirée déjà. N'ayant toujours pas de clé pour vérifier le serrage sur la route, j'en achète une à mes frais, et je reprends la route. Pour ne pas perdre de temps, de Blois je rattrape l'autoroute du sud. A Auxerre, panne, le moteur ratatouille. Je sors de l'autoroute, il devait être 23 ou 24 heures, mon rendez-vous à Grenoble étant à 8 heures le matin, je téléphone à Le Gal. Je me suis fais incendié, car je le réveillais, il n'avait pas apprécié. Le lendemain, je trouve un garage. Résultat, c'était le réservoir de gas-oil qui était plein de dépôts. Ces dépôts encrassaient toutes les tuyauteries et empêchaient le carburant de passer. Ce qui était compréhensible puisque j'ai su plus tard, que le tracteur était resté près d'une année sans tourner avant d'être vendu. J'avais donc pus vider dans l'après-midi. Par la suite, il fallait aller au BRF, soit le Bureau Régional de Fret de Grenoble. Je devais retrouver un autre chauffeur Le Gal, surnommé « la Rose ». Lui avait un Scania 110. Comme avant, les téléphones dans les camions n'existaient pas, il fallait soit se munir d'un stock de pièces de monnaie pour téléphoner d'une cabine soit avoir une carte entreprise et passer par un standard. Dans le cas présent, il fallait passer par une opératrice, à qui l'on donnait le numéro de la carte d'un autre chauffeur, afin d'appeler les affréteurs. Laborieux, mais comme il n'y avait pas d'autres solutions, il fallait s'y faire. Comparer à aujourd'hui, c'était vraiment la galère. Pour ce premier tour, j'étais descendu à vide près de Toulouse, afin de recharger pour le Morbihan. C'est dire l'organisation Le Gal.

Tout était comme ça. En règle générale, les trois premiers jours de la semaine, il fallait vider ou charger les remorques des autres, et le jeudi, je partais faire un tour de Mulhouse, Saint Etienne ou autre. Une fois vide c'était toujours au chauffeur de rechercher son fret, bien, surtout le vendredi.

Un vendredi tard dans la nuit, où je roulais en double avec un nouveau chauffeur, nous revenions de la région de Strasbourg. Au niveau de Ligny en Barrois, sur la Nationale 4, dans les Vosges, nous avions été bloqués à cause de la neige ou du verglas. Des véhicules bouchonnaient devant et nous sommes restés sans bouger pendant deux ou trois heures. Le couple qui était dans la voiture juste devant, ne s'était pas ennuyé durant cette immobilisation forcée. Nous qui étions aux premières loges, nous n'avions que nos yeux pour voir, le petit spectacle à la lueur de nos phares. C'était la seule rubrique un peu érotique du livre.

Auparavant, nous avions galérés dans la journée, avec une centrale de frein sous la remorque, qui gelait. La seule solution était de trouver un petit chalumeau Camping Gaz, et s'allonger dans la neige pour se glisser sous la remorque, afin de chauffer la centrale, le tout sans se faire écraser, au moment où les freins se débloquaient, et que j'étais dessous. Ensuite, il suffisait de verser de l'alcool à brûler dans les flexibles de frein et le tour était joué. C'était des choses connues à l'époque, mais qui n'ont plus court maintenant avec du matériel moderne.

Cela commençait à me gonfler sérieusement. Entre-temps, j'avais posé ma candidature chez Le Roy à Rennes. Le jour où Averty m'avait appelé pour faire un essai, je suis vite monté à Rennes, et je me suis appliqué un maximum. Je suis donc parti de chez Le Gal, environ deux mois après mon embauche.

 

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