La formidable culture du camion de Yves, passionné par les poids lourds, il n'a pas pu rouler à cause d'une vue trop basse. Il a passé sa vie aux contact des routiers depuis sa plus tendre enfance et au cours de sa carrière professionnelle. Témoignages, photos, anecdotes, tout y est ! Chapeau Yves!

Les Fabuleuses histoires

de Tonton Yves

 

Je suis donc né en 46 d'un père dont la guerre s'était terminée comme beaucoup, sur une superbe marche arrière avec relais en position GRANDE ! Embauché dans une entreprise qui s'appelait encore les Chemins de fer économiques, son rôle a été de participer au remplacement des trains par des camions et cars.

Il a commencé dans un petit pays de l'allier, à Trezelles, avec deux ou trois P 45 équipés en GAZO. Ces camions avaient des moteurs qui selon leur humeur partaient dans le sens des aiguilles d'une montre ou bien à l'envers.Quand on embrayait sur la 1°, des fois ça reculait. Le tout était de ne pas s'arrêter contre un mur, sinon gare au choc ! Le simple fait que ces camions fonctionnent au gazogène avait refroidi l'envie de réquisitionner des Allemands.  Après 7 ans dans l'Allier, la Société le nomme à Saint Satur près de Sancerre dans le Cher. Là, même mission, continuer la mise en place des services routiers après suppression du petit train. Fabriqué après guerre, un GDR,  5 t de CU, moteur 4 cyl 85 CV ( photo ) La puissance et le tonnage augmentent avec l'arrivée d'un GDM 10 W l'ancêtre du GLR avec moteur Ricardo 6 cyl 130 CV.A l'arrière, une remorque de 6 T de CU. Le tout doit peser dans les 28 /29 T en charge et il n'y a devant que 125 malheureux chevaux.  Imaginez que la moindre petite cote voit descendre toute la boite ( 4 vitesses, relais en option)  jusqu'à la première. On a le temps d'admirer le paysage !

A la même époque sont arrivés les Panhard et Delahaye. Ils se ressemblaient beaucoup. 4/ 5 T de CU, Cabine avancée avec un levier de vitesse qui passait à travers le plancher pour tomber direct sur la boîte. Imaginez la longueur de la tige et le débattement.Entre la gauche et la droite il y avait au moins 50 cm. Fallait viser juste pour accrocher la vitesse désirée. Les caisses en bois de l'époque étaient tellement lourdes qu'un chauffeur qui avait perdu la roue avant droite ( desserrée et partie dans un champ ) avait réussi à faire 4 km  sur 3 roues après avoir transféré une partie du chargement à l'arrière gauche ! Fallait tout faire à cette époque, même remplacer le TACOT ( chemin de fer) qui transportait le courrier. Alors tous les après midi, tournée des bureaux de poste pour ramasser les sacs dans une Juvaquatre qu'avait à peu près autant de frein qu'un vélo qui vient de rouler dans l'eau. Plus que jamais, la consigne était : regarder loin et prévoir !La Juvaquatre, c'est l'ancêtre de la camionnette Renault Express ou du Kangoo. 

1951 voit mon père nommé jusqu'en 1956 à Saint Amand dans le Cher. J'ai 5 ans et mes premiers souvenirs de camions et moteur démarrent à cette époque.  Là , non seulement il y a des camions mais aussi des cars pour remplacer les trains de voyageurs.  Les camions se modernisent, je découvre les premiers semi-remorques avec un Berliet TLC, un vieux Saurer, et puis les premiers  « 6 roues » Le Saurer datait d'avant guerre, conduite à droite et possédait un accélérateur sur le volant. Il tirait une semi des surplus américains et comme personne ne savait au juste de combien était sa CU, on y mettait tout ce qui pouvait y rentrer.Cette semi à 1 essieu devait pouvoir charger 10/12 T mais comme elle devait peser pas loin de 9 T à vide, on n'hésitait pas à lui coller 17/18 t de sacs de 100 kg de blé. Le moteur Saurer était increvable mais faisait un tel raffut qu'on savait quand il quittait le silo à 5 km du dépôt ! 

Pour info et avant d'aller plus loin dans les détails, il faut savoir que Berliet n'a sorti le moteur qui existe encore aujourd'hui que vers 1957, c'est le fameux moteur M, M comme MAN. Ce moteur Diesel était capable de fonctionner à la brillantine, au pétrole presque brut, à l'essence etc, avec tout ce qui était gras, de l'huile de table par exemple, mais ça n'aurait pas été très économique. Auparavant, tous les Berliet étaient équipés du moteur Licence RICARDO.  Le TLC devait avoir le moteur Ricardo  100 CV du GLR de l'époque et une boîte 5. Un manque d'eau, une cote pas montée sur le bon rapport, le moteur chauffait et c'était aussitôt le joint de culasse.Pareil pour le bas du moteur, un peu trop haut dans les tours avec un niveau d'huile un peu bas et ça se mettait à cogner dur. A cette époque, entre les bielles et le vilebrequin, on trouvait ce fameux métal qu'est le régul et qui, faute d'une mauvaise lubrification, chauffait et fondait, d'où l'origine de l'expression « couler une bielle ». Quand les mécanos refaisaient un moteur il fallait former ces fameux coussinets et ensuite roder le moteur en le faisant tourner au relenti pendant 20 ou 30 heures avant de lui demander un minimum d'effort, sinon, il montait en température et tout était à refaire.En fait ce métal de friction prenait sa dureté dans cette période de rodage.  Les « 6 roues »,des Berliet GPM 10 W, 135 CV à 1800 t/mn, étaient déjà équipés d'un mouchard à la demande du client. C'était si je me souviens bien le même type de mouchard que sur les locomotives avec une bande qui se déroulait devant une aiguille qui montait ou descendait suivant la vitesse. Fallait remonter l'horloge et changer la bande une fois par semaine. Je pense que le but était sûrement de voir si le camion ne s'arrêtait pas trop longtemps pendant les heures où il était censé rouler. 

Il y avait aussi un Willème qui devait être un prototype car c'est le seul que j'aie jamais vu. Cabine semi avancée moteur  dans la cabine mais qui dépassait de 50 cm à l'avant.  Moteur 8  cyl en ligne, accouplé à une boîte avec relais et prise de force pour alimenter deux demi bennes dont la première versait à gauche et à droite et la seconde versait en plus à l'arrière. Une véritable usine. Il y aura peut-être un ancien qui pourra donner des tuyaux sur cet engin ?  Et puis les 2 T 5 Renault , ancêtres des Galion avec le moteur essence de la Frégate.  Après, vers 1953/54 est arrivé un GBM, 3 essieux, qui faisait du Marseille/Moulins/St Amand. En petits lots ( Savon, Sardines, huile, de l'alimentaire qui se conserve )  Photo Avec les camions, on transportait un peu de tout, du blé pour la Hongrie (Budapest en 1956) du ciment en sacs à partir des cimenteries de Beffes et c'était également le début de la messagerie avec les premiers groupeurs dont le plus célèbre était Calberson. C'est dans ces années que sont apparus les premiers Rail-route. On avait un tracteur FAR qui était équipé pour atteler les wagons rail/route et on allait livrer direct chez le client.  Enfin il y avait les cars. Là aussi, il y avait un peu de tout. Du car Renault , 215 D, pas un foudre de guerre, loin de là. Direction non assistée mais freins assistés par un « SERVO » à dépression qu'assistait pas grand chose. 

Au car Chausson, ( Nez de cochon) moteur Somua, 45 places, direction assistée à air comprimé, freins Westinghouse et porte avant à commande pneumatique,  THE LUXE ! Il y a eu un peu plus tard son descendant, l'AN, 45 places + 10 strapontins.(photo) Moteur Somua toujours, avec une particularité sous le capot moteur : une espèce de grenade qui explosait si la température du moteur dépassait un certain niveau !Comme le capot était à 10 cm de la cuisse du chauffeur fallait qu'il soit complètement sourd pour ne pas entendre quand ça pétait ! Et ça pétait de temps en temps, quand une excursion les amenait à grimper au Puy de Sancy en plein été, ça chauffait dur la dessous et de temps en temps la grenade explosait. Fallait laisser refroidir, on repartait en y allant plus doucement et on changeait le pétard en rentrant au dépôt.  Il y avait également des cars  ISOBLOC, précurseurs dans leur conception puisque le moteur était à l'arrière. Très doux, confortables, ils n'ont pas eu le succès mérité du fait de leur prix, peut-être ? L'entreprise d'Annonay 07 a été rachetée par Floirat je crois qui lui même s'est retrouvé plus tard dans le giron de SAVIEM.  Tous ces cars assuraient des lignes régulières plus des services de ramassage de personnel pour les grosses usines du coin, et des services spéciaux pour les marchés des grosses bourgades. Le ramassage scolaire n'était pas encore mis en place et beaucoup d'enfants arrêtaient l'école au certificat d'étude qui se préparait dans toutes les écoles communales. Ceux qui voulaient poursuivre passaient par la case pensionnaire au chef lieu de canton doté d'un collège ou d'un lycée.  En écrivant ces mots, j'ai l'impression de donner un cours d'histoire aux gens qui auront la bonté de lire ces quelques lignes. Je ne suis pas sur que les 25 ans d'aujourd'hui imaginent ce qu'était la vie dans les années 50. Pour la foire de Bourges, par exemple, tous les cars étaient réquisitionnés et au retour de la foire, quand il n'y avait plus de place  DANS le car, c'est à dire qu'il y avait déjà une bonne centaine de personnes assises et debout, les volontaires montaient sur le toit avec consigne de bien cramponner les montants de la galerie ; Véridique !  Arrivé au mois de mai, c'étaient les excursions scolaires et non scolaires. Une fois, un chauffeur appelle des Sables d'Olonnes avec le pont arrière HS, les mômes ont campé 24 heures dans le car en attendant que le pont soit changé sur place.Pas de contrôle de disque, ni livret individuel, l'excursion rentrait à 23 heures, le chauffeur allait manger et peut-être faire un câlin à maman pendant qu'un gars lavait et faisait le plein de son car et à  5 h ça repartait des fois pour exactement le même endroit.Faut se rappeler qu'en 1951, la France ne comptait que 1.700.000 voitures particulières.  Pour info, le parc doit être de 35 millions environ aujourd'hui. Si les gens voulaient se déplacer, fallait prendre le train ou le car.

En 1956, nous sommes allés habités à Moulins, mais comme nous n'étions plus logés au dépôt, j'ai beaucoup moins de souvenirs.  En 1959, déménagement pour Amiens.  Pas de car, pas de charge complète mais de la messagerie. Un parc hétéroclite au possible, allant du Dodge des Américains à l'omniprésent GDM 10 à benne, idéal pour faire de la messagerie !  Au départ d'Amiens deux lignes régulières sur Paris et Rouen avec des GLC, un tôlé et un ridelles bois bâché fixe, moteur 4 cyl. 90 CV et boite 5. Amiens / Porte de la Chapelle par Creil et Chantilly, fallait compter 3 heures pour les 130 km. La marchandise était surtout composée de matériel métallique fabriqué dans le Vimeu, (autour d'Abbeville). Ca allait du coffre fort à la poignée de cercueil en passant par les serrures et les robinets. Fallait faire attention car avec un mètre de haut dans le camion, on était à la limite de la surcharge. Et comme les Ponts avaient déjà trouvé le truc de totaliser les bordereaux pour voir combien il y avait dans le camion, on avait intérêt à se méfier. Pas besoin de passer en bascule, on se faisait épingler des fois 3 ou 4 mois après un voyage un peu chargé, puisqu'on était obligé de leur remettre tous les bordereaux établis à la fin du mois. On ramassait un PV pour dépassement de poids total en charge et un autre pour dépassement de classe de la licence de transport. 

Les GLC ont été rapidement saturés et remplacés par un GLR et un GCK. ( avec moteur M ,voir plus haut) Charge utile 10 t et moteur 5 cyl 150 CV. C'était déjà mieux.   Les chauffeurs faisaient 3 tours Paris ou Rouen par semaine, les lundi, mercredi et vendredi. Les mardi, jeudi et samedi, l'un montait sur Arras porter la marchandise du Pas de Calais chez un groupeur et l'autre allait faire des ramasses dans le Vimeu. Un tour Paris, c'était 4 ou 5 groupeurs à vider et presque autant à charger et pas les mêmes bien sur !Quand on compte un peu, les tours Paris mesuraient 16/17 h chacun (départ 3h, retour 20h) et les trois tours Arras plus la manutention en faisaient à peu près 12 h chacun bien sur.Soit un total hebdomadaire de plus de 80 heures. Pas beaucoup de kilomètres, environ 1500, mais pas loin de 120 tonnes de marchandise remuée.Vers 1960, sont arrivés des camions neufs, un GLR, deux Galion moteur Perkins et peu après des GCK, un GBK et un GAK. Tout ça Berliet bien sur parce que les SAVIEM de l'époque en petit tonnage n'étaient pas au top. Le Tancarville à moteur feignant ne valait vraiment pas grand chose.

C'est à cette époque que je suis devenu assez grand pour toucher à la fois les pédales et le volant, si bien que les chauffeurs me laissaient faire les mises à quai. Il restait encore un vieux 7 tonnes Renault  Type 208 D dont le Servofrein était inefficace en manœuvre puisque le moteur tournait au ralenti. Alors fallait demander de l'assistance pour mettre une cale sous la roue au bon moment et l'empêcher d'avancer après la mise à quai. (ou bien alors si on était seul, il fallait caler le moteur en insistant contre le quai !) Les Galion faisaient des tournées de livraison messagerie dans les campagnes et assuraient les ramasses au retour, Tout ça était mis sur un quai, trié par destination de groupeur puis rechargé après 20h dans les camions qui partaient à Paris et Rouen vers 3 h.Quand j'ai commencé à travailler à Noisy le Sec 93, je partais le lundi matin avec un des camions qui montaient à Paris et souvent j'aidais à vider le premier groupeur rue d'Aubervilliers avant de prendre le métro et le bus pour Noisy. On buvait le café au routier d'Argenlieu situé à moitié chemin entre Paris et Amiens.

Un matin d'hiver, le temps de boire le café, était tombé une espèce de saloperie qui avait transformé la route en patinoire. On a du mettre pas loin de 3 heures pour arriver à la porte de la Chapelle (60 km)  Le chauffeur du GAK, était un costaud qui avait fait l'Indochine et n'avait pas peur de grand chose. Un jour qu'arrivait face à lui un tracteur et une voiture qui peinait à le doubler, il n'a pas hésité à traverser la route et s'encastrer dans un arbre pour ne pas prendre la voiture de face. Un brin coincé mais rien de cassé, le Préfet de la Somme l'a quand même décoré de la médaille du mérite.  Un autre jour, du coté de Piquigny, il voit passer une roue à coté de lui à gauche, la roue s'emmanche un renfort en biais de bout de clôture, décolle et passe par dessus une bicoque. C'était la tombée de la nuit, il a mis une demi heure pour la retrouver. Il a piqué deux écrous à chacune des 3 autres roues et est rentré doucement au dépôt. Heureusement que personne ne s'est trouvé sur la trajectoire !  Le GLR n'avait pas 6 mois quand sa caisse a brûlé sur la route d'Arras. Le verre du plafonnier étant cassé, un feuillard d'une caisse a fait un faux contact, des étincelles et ça s'est mis à brûler. C'est un camion venant en face qui a fait des signes. Dès qu'il a été arrêté, le chauffeur est monté sur la bâche pour essayer d'éteindre avec son extincteur, mais ça s'est embrasé sous ses pieds et il a du sauté. La première déclaration qu'il a faite aux gendarmes a été qu'à l'armée, il n'avait jamais pu sauter de plus de 1.50 m de haut et que là, il venait de sauter de 3,50 parce qu'il avait le feu au C.   Il y avait de tout dans ce camion, des balles de chiffon, de la brillantine, des robinets, du pinard Le tout avait été noyé par les pompiers et une fois vidés du camion brûlé, il a fallu recharger dans un autre. Les gendarmes assuraient la circulation et quand les voitures passaient sur les tubes de pommade pour cheveux qui jonchaient la route, elles les faisaient éclater. Malheur à celui qui se trouvait sur la trajectoire. Les gendarmes avec leurs grands impers noirs étaient les cibles toutes désignées. Qu'est ce qu'on a pu rigoler de les voir se faire décorer de la sorte.  

C'est un peu plus tard que j'ai passé mon permis et comme j'avais l'habitude de faire le double débrayage sur les camions, quand j'en ai fait autant pour passer de 2° en 1° sur la Dauphine, l'inspecteur m'a dit de revenir une autre fois. Je suis revenu 6 mois après, j'ai fait 900 m, un créneau et il m'a donné mon permis sans commentaire. 

Pour finir la période Amiens, une petite anecdote avec le GDM. Il avait eu un coup de chaleur en rentrant du Vimeu un samedi soir à 30 km d'Amiens. (joint de culasse) Comme on était  quatre ou cinq à l'attendre sur le quai, on est tous partis avec un autre 10 T pour transbahuter la marchandise, quitte à laisser le GDM où il était. Transfert effectué, le 10 t repart et moi je reste avec un chauffeur qui essaie de rapatrier le malade. Il est pas loin de minuit quand, le moteur daigne redémarrer et nous voilà reparti tout doucement. Le chauffeur qui n'avait pas l'habitude de ce camion pose la main sur un levier à sa droite, pensant que c'était un relais, débraye et miracle, le levier après un bref grognement change de position. Manque de pot, c'était la prise de force et voilà que la benne, vide depuis peu, commence à se lever. C'est en voyant passer le feu de position dans le rétro qu'il a eu un doute ! Finalement, il a fallu laisser le moribond à l'entrée d'Amiens, le radiateur faisait cocotte minute. 

Je travaillais donc à Noisy le Sec aux Messageries Nationales Walbaum, j'y faisais un stage pour apprendre le métier. J'aurais préféré de loin passer mon permis poids lourds, mais mes parents visaient un peu plus haut.  Je suis passé par un peu tous les services de cette grande boutique. Comptabilité, services départ, arrivage, camionnage, douane, import et pour finir, comme ce n'était pas trop ma tasse de thé, j'ai filé mon compte pour me faire embaucher comme magasinier chez un importateur de produits made in Taiwan et Cie qu'il redistribuait ensuite sur la France. Cet importateur louait 250 m² dans un entrepôt de Walbaum, ce qui me permettait de rester au contact des camions et de leurs chauffeurs.  C'est là que j'ai fait connaissance de Marcel et Maurice qui tiraient des semis pour la ligne Paris Lyon des Messageries Nationales Walbaum. Départ de chaque extrémité vers 19 H  avec rencontre au Restoroute de la Roche en Bresnil ( sur la 6 ) ou chez Roger à Rouvray.   3 tours par semaine Lyon/Paris avec changement de jour chaque semaine pour avoir au moins un dimanche complet à la maison. Les deux semis étaient à Lyon en même temps le Dimanche, celui qui était arrivé le samedi matin ne repartait que le lundi soir.  Comme je n'étais pas trop fatigué par mon travail de magasinier, j'embarquais trois ou quatre nuits par semaine pour aller jusqu'à Rouvray,  à la rencontre de celui qui montait de Lyon. Là, pendant une heure environ, c'était toute la vie de la nationale 6 qui y passait et quand on avait un peu faim, Roger nous envoyait nous servir dans la cuisine ! Des fois, on était bien une quinzaine et comme les départs étaient échelonnés, ça faisait du barouf à longueur de nuit. Les gendarmes en patrouille sur la 6, venaient aussi se ravitailler et nous demandaient de partir ensemble pour ne pas  réveiller la population locale sans arrêt.  Et je repartais avec le « montant », Joigny, Sens, des fois Fontainebleau, des fois Melun et l'arrivée pour 7 h à Noisy. Je dormais un peu en chien de fusil sur la banquette.  Cette ambiance de Routier fait partie de mes meilleurs souvenirs. Les chauffeurs des années 66/67 n'étaient pas encore soumis aux contraintes qu'ont ceux d'aujourd'hui. Si on s'arrêtait un peu trop longtemps, on avait la possibilité de se rattraper après.


Aujourd'hui avec ce P..... de mouchard, le métier a perdu tout son attrait.
Il n'y a pas plus de liberté de manœuvre chez un conducteur routier que chez un conducteur de métro, mais avec d'innombrables risques en plus par contre.  Donc, en fonction du temps mis pour sortir de Paris et regagner Maisons Alfort, on soupait avant Montereau, à Pont sur Yonne, à l'entrée de Sens ou enfin à Rosoy après Sens.

 

 

 

Une petite histoire presque pour chacun de ces routiers :

  • A Montereau, je me suis fait voler mon transistor dans la cabine. Pas de radio bien sur et pas de clé pour fermer. Alors……….
  • A Villeneuve sur Yonne, on a piqué un soir d'hiver, la toile cirée de la table pour l'attacher avec du fil de fer devant la calandre du bel Unic qu'avait plus de 800 000 km.
  • A Sens, on s'est fait piquer du gas-oil pendant qu'on mangeait et il a fallu aller porter plainte à la gendarmerie qu'avait mis la main sur les siphonneurs.
  • A Rosoy, Jeannot qui remplaçait Marcel pendant les CP a emballé la serveuse et elle aussi a commencé à faire du Rosoy / Rouvray la nuit, comme moi, sauf qu'à Rouvray, pendant que je discutais avec les routiers, elle donnait un peu plus de 2 mn 35 de bonheur à son Jeannot.Au retour sur Paris, on était trois dans la cabine et en passant à Sens vers 5 heures du mat, on la laissait devant son HLM. 
  • Ce Jeannot, c'était une vedette. Grec d'origine, il aimait bien les femmes, ça je peux le jurer. Il faisait des remplacements sur toutes les Messageries Nationales autour de Lyon. Grenoble, Valence, Romans, LYON. Dès qu'un gars était en CP, on voyait débarquer l'avion, c'est comme ça qu'il était surnommé. Il ne connaissait que ARRET ou A FOND. Avec les P  200 Unic, il allait vite mais avec les deux « trapadelles «  de Marcel et Maurice, c'était autre chose. Chaque tracteur n'avait pas loin du million de km, n'avait plus de chauffage et n'avait jamais eu de couchette. Pour info, un des deux était immatriculé 47 GU 38.  Le mécano de l'époque avait résolu un problème d'assistance de direction avec un robinet. Pour manœuvrer, on alimentait le vérin d'assistance et pour la route, on fermait le robinet, sinon, avec les zigzag, on n'aurait jamais eu assez de gasoil pour faire un tour Paris Lyon. C'était un véritable hôtel des courants d'air. Les joints de porte étaient bouffés et quand on passait dans les trous, il y en avait pas mal après les barrières de dégel, la porte du conducteur s'ouvrait toute seule et le plafonnier, oui il y en avait un, et le plafonnier s'allumait. On pouvait regarder l'heure à sa montre et on refermait la porte !  Dans ces années là, les Messageries Nationales de la vallée du Rhône et de la Savoie étaient renommées sur la liaison Paris / Lyon : Marseille / Grenoble. De Valence, les Transports DOREE, M. Dorée lui même au volant, son fils Michel un des ses chauffeurs surnommé Pinder, multipliaient les allers retours sur Paris. 3 tours par semaine avec seulement Paris / Fontainebleau et Auxerre / Avallon  en autoroute.Charger 2/3 clients directs + la messagerie pour Noisy, vider la messagerie, vider les 3 directs et en recharger un ou deux, compléter en messagerie à Noisy et être le lendemain à 7 heures aux Messageries de Valence, il n'y avait pas beaucoup de temps pour traîner dans la couchette.
  • De Romans, M. Ballaz et son GLM  faisaient régulièrement deux tours semaine dans les mêmes conditions. M. Ballaz, Francis de son prénom, m'a appris à passer les vitesse sans débrayer. Quand il m'emmenait le soir à Rouvray à la rencontre de celui qui montait  de Lyon, il était capable de faire Maison Alfort / Rouvray sans débrayer une seule fois ( à part pour l'arrêt et le redémarrage bien sur) C'était vraiment un spécialiste de la machine à tricoter. J'ai trouvé dans le magazine charge utile, une photo de M. Ballaz et son camion. Je pense qu'il n'y aura pas de problème à ce que je la montre ici.En 1966, les deux vieux Unic ont été remplacés par des 200 cv avec couchette. C' était vraiment bien par rapport aux ancêtres. Et puis en 67, l'armée ne m'a pas oublié. 16 mois en RFA et comme j'étais trop miro, je n'ai eu droit qu'à conduire une machine à écrire. Des copains m'ont bien de temps en temps laissé le manche d'un AMX ou d'un bon vieux Berliet mais j'ai aussi un bon souvenir du seul jour ou officiellement j'ai conduit un char Patton M 45..  C'était le matin d'un complément de visite médicale où ils m'ont trouvé bigleux.  Fini les chars et ce qui roule.  Il y a un truc sur ce Patton que je n'ai jamais compris. En marche avant, pour aller à gauche, on inclinait le  « joystick » vers la gauche et pareil pour la droite. En marche arrière, pour reculer à gauche, il fallait incliner le « joystick » vers la droite. Pourquoi ? Sur cet engin, il y avait un petit moteur qui fabriquait du courant pour alimenter le démarreur du gros. Consommation en tout terrain 100 litres d'essence à l'heure. 3 photos de cette superbe époque.
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Quand l'armée m'a renvoyé en août 68, je suis rentré dans les bureaux de la CFTA à Caen. Je m'occupais de faire tourner une quinzaine de semi en régional et national.

Des photos de cette époque: une partie du parc messagerie et un JM 200 qui faisait du national. 35 tonnes et des ridelles qui se maniaient moins facilement que les rideaux de maintenant !

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On travaillait beaucoup pour les hauts fourneaux, la SMN, qui ont fermé en 1993. Voilà une photo de la fabrication des barres d'acier et du “ fil bobine “ Photo prise par moi-même lors de portes ouvertes avant la fermeture. Ce sont des chinois qui ont racheté une grosse partie du matériel qui avait été modernisé à coup de “milliards” une quinzaine d'années plus tôt.

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Après quelques années dans le transport, je me suis dirigé vers les cailloux. J'ai travaillé dans une grosse carrière de la région de Falaise 14 et j'étais toujours au contact des camions qui venaient charger. Toujours des moteurs et pas que des petits !

Photos : C'est ce qui arrive quand deux blocs font une clé en haut de la benne et que pour les décoincer, le chauffeur donne des à coups. Sur que le chef n'était pas content ce jour là.   Photo suivante, c'est carrément la trompette de pont qui n'a pas voulu aller plus loin.   Dommage car on lui avait changé les lames cassées. Pourquoi s'embêter à travailler à quatre pattes quand on peut le faire debout, n'est-ce pas ?   Faut dire que quand on a un pareil cric que le godet qui est sur la gauche, il ne faut pas longtemps pour soulever le cul du dumper et mettre deux chandelles. Après ça roule tout seul.

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