Lagaffe : La bio

Prénom : Pascal
Surnom : Le Gonflant
Date de naissance : Janvier 1961
Chauffeur depuis : Mars 1982
Différents métiers dans le transport : Bâché, fret aérien, citerne chimique, pulvé
Types de camion : Semi, camion remorque
Marques préférées : Renault Volvo
Marques détestées : Mercedes Scania
Citation personnelle : C’est pas plus mal que si c’était pire.

Mes plus lointaines livraisons.

Edimbourg (GB) : Du poly butène pour la raffinerie de Grangemouth
Huelva (E) : du Chlorate de Sodium pour une papeterie
Crotone (I) : Du catalyseur
Rzeszow (PL) : De l’acide chloro acétique
Aerhus (DK) : De la Base d’assouplissant textile.

Je suis né en 1961 pas loin de Caen en Normandie, cette année là un homme allait faire une promenade en orbite et un mur s’érigeait à Berlin moi je me contentais de dormir entre deux tétées.
Mes premiers souvenirs sont certainement ceux des autres enfants, mes parents quelques fugacité d’un logement inconfortable mais j’allais connaître cette révolution du logement, les HLM. On ne se rend pas bien compte de ce que c’était pour nous, des salles de bain avec baignoire dans tous les foyers quand mes grands parents allaient encore chercher l’eau potable à la fontaine du village, l’eau courante ils l’ont eu en 1976. Enfance banale, vacances avec les cousins paysans comme presque toute ma famille, avec mon tracteur miniature j’ai du passer des heures à parcourir le tapis du salon qui devenait un champs de blé et j’ai parcouru des milliers de kilomètre imaginaires d’une chambre à l’autre avec mes petits camions. Sous la fenêtre de l’appartement il y avait le camion de mon père et ce camion devenait parfois mon carrosse le temps d’un voyage. Caen Le Havre le temps d’une journée me semblait le bout du monde et puis mon père est parti chez les transports Legendre (qui ont fini dans le groupe Gringore) du Caen Côte d’Azur en régulier. Ah oui ça c’est l’autre partie de mes vacances les tours en camion j’ai fait quelques voyages dans les Saviem de l’époque, (les transports Legendre on du avoir un des tout premier SM en circulation).Pour moi c’était le rêve je dormait quand le camion roulait j’était chouchouté dans les restos et à une époque où les voyages étaient rares (en était dans les années 60 hein) moi je connaissais Lyon j’attendais avec impatience le moment où on longeait le Rhône ça me changeait de la petite rivière qui traverse Caen. La RN7 Montélimar, Marseille Nice…… Le relais de Donzère est certainement un de mes plus vieux souvenirs de voyage avec la Rivière Tibouville sur la RN13. Bien sur il faut penser à son avenir et je me suis orienté vers des études techniques avec en vue un BTS de construction navale. Une certaine facilité pour les études et une vraie passion pour les maths m’ont permis d’avancer sans me fouler beaucoup et l’avenir semblait tout tracé.

1980 je venais passer mon permis de conduire (voiture hein) et je suis parti une semaine avec mon père qui tournait pour les transports Godfroy. Descente en frigo à deux attelages, en chemin un de leur copain les avait rejoint avec son F10 simple porteur, il allait chercher des fleurs à Nice histoire de me changer du Berliet GR 350 (un monstre à l’époque) il m’avait pris dans son camion un F 10. Au niveau de Valence il me demande poser mes pieds sur le pont moteur, je n’ai pas trop bien compris sur le coup et une fois au milieu ce con se lève et me dit simplement « maintenant tu prends ma place » Il faut quand même être un peu fou pour passer le volant d’un camion a un novice et aussi fou pour se poser à la place du conducteur sans poser de question…
Inutile de dire que je n’en menait pas large ce bazar semblait impossible à tenir en ligne droite mais je me souviens de ce pied d’enfer et des encouragements des deux autres à la CB qui faisait ses début sur les routes européennes. Si l’on rajoute la sortie du film Convoy vers la même époque on peut affirmer que le virus de la route semblait en pleine forme. J’ai passé mon bac mais j’ai oublié d’apprendre à construire des bateau je suis parti à l’armée et je suis revenu avec un joli permis C1. Première place je faisais des convoyages pour le garage RVI de Carpiquet à côté de Caen j’ai ainsi pu conduire des camions de tous types dont certains ont fait leur dernier voyage avec moi, j’ai même eu la chance de conduire un MAN chantier avec boite verticale et bien sur les Dodge de l’époque avec la boite Fuller. Petits contrats, remplacements j’ai acquis un peu d’expérience dont mes premiers voyages en Italie chez Moncassin j’ai même touché un peu à la citerne alimentaire.

Un jour le mec de ma mère m’a fait entrer chez Petitbon une filiale Bourgey Montreuil basée à Chelles dans la banlieue parisienne. J’ai commencé en faisant un remplacement sur la ligne Caen Paris et comme j’avais l’air de me débrouiller (en fait j’arrivais à l’heure) Monsieur Pipart le chef d’exploitation de l’époque m’a proposé de me garder à condition de trouver un logement pas trop loin dans le mois, je peux le remercier ici de m’avoir donné ma chance. J’ai commencé en dormant dans le camion et puis j’ai trouvé un meublé et j’ai pu faire mes premières vraies armes d’abord sur des lignes régulières, Bordeaux Toulouse ou Nancy de la savoyarde et de la taut bien sur et puis j’ai touché au fret aérien en commençant les voyages à l’étranger, le matériel était au moins cher G260 la cabine sans rideau pour être encore moins cher, Mercedes 1928 cabine pigeonnier… Les premier chauffages autonomes commençaient à arriver sur le marché mais on les faisait démonter pour ne pas qu’on consomme trop de gaz oil les nuits froides mais on dormait peu à l’époque. Se faire insulter à la CB en montant le Fréjus parce que votre poubelle n’avance rien je peux remercier Bourgey Montreuil de m’avoir offert se plaisir. Ma foi je roulais c’était le principal j’ai tenu pas loin de 5 ans j’ai même fini en R 310 (le must du confort avant l’arrivée du Magnum) et j’ai acquis une certaine valeur sur le marché du travail.

J’ai fini par trouver un boulot à Lyon comme détaché parisien chez Road Flight Systems avec enfin un salaire décent et du matériel potable je me suis même cru riche à un moment. Un lundi 26 décembre j’ai été victime d’un coup de foudre au siège social. 30 ans plus tard je vis toujours avec ce coup de foudre qui répond au nom de Anne Catherine.
N’étant pas parisien (et détestant cette ville) il ne me fut pas bien difficile de déménager, j’ai entassé mes affaire et mes piles de bouquins dans la voiture et je suis devenu lyonnais aux transports Barbier avant d’aller faire un tour en Chimie chez Begey qui cherchait des chauffeurs basés à Lyon, l’entretien du matériel était au top et j’ai eu droit à la dernière génération des F10 ce fut même mon premier camion neuf. La citerne c’était les voyages internationaux Allemagne, Espagne Anvers et Rotterdam et même un tour en Tchécoslovaquie pas longtemps après la chute du mur je peux dire que je me suis bien régalé sur le plan professionnel. Mais la mauvaise gestion a entraîné la boite vers le gouffre je suis vite parti quand les salaires ont commencé a être versé en retard, un an plus tard la boite posait le bilan avant d’être reprise par BM. Je n’ai pas de photo de Begey alors j’ai trouvé une maquette sur le net.

Norbert Dentressangle commençait a se développer en citerne je n’ai pas eu de mal à me faire embaucher en profitant de mes deux ans d’expérience chez Begey et je me suis retrouvé au volant d’un attelage tout neuf R340 que j’ai gardé jusqu’à sa revente il a été remplacé par un des premiers Premium (et toujours la même citerne). J’ai adoré ces camions malgré tout leurs défauts pour la première fois de ma vie je me tenais debout dans la cabine et ils m’ont emmené partout en Europe, Danemark Irlande Angleterre, Ecosse et bien sur et les pays habituels de la CEE plus quelques voyages en Pologne Hongrie… Les pays de l’Est faisaient leur entrée en Europe et nous n’étions pas beaucoup de français à aller là bas. Je me suis régalé pendant 7 ans et puis je me suis fait muter en pulvé, j’ai découvert un boulot bien à part mais plaisant avec une seul grain de sable un chef d’exploitation caractériel qui trouvait normal d’insulter les chauffeurs je n’aurais pas du lui répondre on m’a mis à pied je ne suis jamais revenu. On a beaucoup bavé sur le groupe Dentressangle mais les salaires étaient corrects et j’ai même acheté des actions quand le groupe est rentré en bourse, ça m’a fait un petit pécule que j’ai laissé dormir dans un coin sans trop y penser. Malheureusement s’ils n’ont pas été les premiers les dirigeants ont vite pris le train du travail sous payé avec des polonais et on a vu les chauffeurs français disparaître petit à petit. Depuis le groupe n’existe plus, des roumains encore moins chers remplacent les polonais et les derniers français sont poussé vers la sortie parfois avec de jolis chèques moi j’ai vendu mes actions le jour où j’ai appris la reprise par XPO qui est en train de faire ce que font les fonds de pension américains, on démonte la boite petit à petit. Maintenant je vois ces même boites chercher désespérément des chauffeur et je me marre doucement.

Intermède chez Lurit, je ne suis pas resté longtemps les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent je n’aurais pas du y croire le salaire était au raz des pâquerettes. Dommage je faisais pas mal d’Italie pour Leroy Merlin j’ai même été jusqu’à Bari. Au passage j’ai aussi touché mon quatrième camion neuf un FH 12 le premier que j’ai eu avec la clim mais je n’en n’ai pas eu le temps d’en profiter au mois de mars j’était parti.

Coup de chance Goubet cherchait à développer son agence de Marseille et le fait d’être lyonnais les intéressait, c’est vrai qu’habiter le couloir de la chimie ça aide en citerne. Le directeur d’agence était un certain Jean Claude Digrazzia, les anciens Onatra ou Debaux Chimie le connaissent bien , le genre de personne pour qui j’aurai été au bout du monde, j’ai découvert une ambiance du tonnerre une boite où j’étais vraiment respecté. Le matériel n’était certainement pas celui des « king of the road » mais mon Prémium me suffisait il était bien équipé et j’avais un grand coffre sur le châssis ça me permettait de ne pas encombrer ma cabine. C’est vers cette époque que j’ai acheté mon premier ordinateur en me demandant bien ce que je pourrais faire de ce bazar à part des parties de solitaire. Le déclic est venu de petits autocollants posés sur les cabines de péage sur l’A7 « fierdetreroutier.com » j’ai fini par aller faire un tour et je suis tombé sur une des premières moutures du site qui en était à ses balbutiements. J’ai contacté Phil et je me suis aperçu que nous étions sur la même longueur d’onde, quand j’ai proposé l’idée d’une charte il a tout de suie manifesté son accord de la manière la plus simple du monde « vas-y écris la » C’est comme ça que je me suis vu embarqué dans cette aventure. Le procès de l’incendie du Mont Blanc nous a valu un joli coup de pouce de la part du journal « Les Routiers » mais il faut croire que ça ne suffisait pas à notre Phil puisqu’il a réussi à me convaincre d’écrire mon carnet de bord, je notais la semaine pour écrire tout ça le week end puis j’ai fini par acheter un portable pour écrire au jour le jour, l’aventure Goubet rejoignait celle de Fdr et je peux me vanter d’avoir passé de super moments dans cette boite les voyages sur l’Europe étaient ma routine j’ai vu le sud de la Calabre, la côte croate avant qu’elle ne devienne une banlieue allemande les pays de l’est bien sur mais tout a basculé à partir de 2007 les pays de l’est devenaient ultra compétitifs la boite se réorganisait et de transporteur différent nous sommes devenus l’égal des grosses boites de chimie, camions au moins cher, sans régulateur (60 € d’économie) ambiance qui se dégradait l’exploitation est devenue centralisée et le dispatch de Grenoble donnait les bons voyages à ses préférés, ceux qui ramenaient des cigarettes ou des bouteilles d’Italie ou d’Espagne, un mois après avoir touché un camion neuf j’ai fini par me barrer la rage au cœur. Au passage j’ai apprécié le grand courage du directeur de l’époque celui qui me demandait de débaucher des chauffeurs de chez ND chimie quelques années plus tôt, il a tourné la tête pour ne pas avoir à me saluer quand je suis parti.

Il me fallait rebondir et j’ai opté pour un changement radical, je suis parti chez Jacquemmoz avec le pari de maîtriser le camion remorque traditionnel. Bon d’accord la marche arrière c’est pas évident au début mais la tenue de route et le confort c’est le top. J’ai (re) découvert les horaires serrés, les rendez vous à la con dans les centrales de super marché, les clients coincés dans des endroits improbables, le débâchage et les passages de sangles… Le boulot de bâché dans toute sa splendeur quoi. Un mois après mon arrivée la crise de 2008 s’installait durablement et je me suis demandé si je n’allait pas faire partie de la première charrette mais non la boutique a réussi à traverser la crise et du vieux DAF avec ses 960 000kms je suis passé à un plus récent pour finir avec le FH 480 qui n’avait pas tout à fait 100 000, vu mon peu d’ancienneté c’était plutôt inespéré et c’était la revanche sur tous ceux qui avaient bien bavé sur mon dos quand je suis parti de Goubet. En fait Stéphane Jacquemmoz avait voulu me faire plaisir en m’attitrant ce camion qui venait de se libérer. Putain de FH c’est certainement le camion que j’ai le plus kiffé, porteur avec remorque tradi en 3 essieux la plus belle configuration pour moi. Avec Tarja et Jimmy mon carnet de bord continuait de plus belle je participais aussi au site de tests des restos routiers ce qui m’a valu un passage dans « Reportages sur TF1 avec en tête l’idée de donner une bonne image des routiers au lieu du cliché à la M6. Le pari m’a semblé réussi et puis ma maman a pu voir son fiston à la télé. Je me suis bien plus chez Jacquemmoz malgré tout le mal que j’ai pu entendre mais à plus de 50 ans que j’en avais un peu marre et je voulais me poser un peu alors j’ai cherché un boulot plus tranquille, je suis parti en très bons termes avec la famille Jacquemmoz que je remercie ici pour son aide lors de certains « coups dur ». Pour ma semaine de préavis je suis parti avec deux journaliste de TF1 pour une nouvelle cession de « Reportages » Le sujet et passé 6 mois plus tard mais ma maman n’était plus de ce monde. Je pense avoir encore réussi à donner une bonne image de notre métier et ça m’a valu d’être reconnu par mon boucher le jour même.

Passage à la télé :

 

Grâce à l’entremise d’un copain (qui a touché 200€ de prime au passage) j’ai pu m’inscrire chez Rhônatrans la filiale lyonnaise de Charles André, je repiquais à la citerne mais cette fois en gaz. Le boulot était simple, distribuer du GPL dans les stations service ou du propane chez les gros clients avec découchés à la clef. Salaire à la convention la réputation de GCA en matière d’entretien du matériel aidant j’ai dit oui tout de suite et un mois de formation plus tard j’étais sur les routes de la région à livrer mon gaz. Sympa comme boulot sauf que les promesses n’étaient pas là, j’étais plus souvent en petit régional ou en congé parce que le boulot était calme, on m’a passé en bitume pour l’été ça me convenait bien mais là aussi j’ai beaucoup plus tourné autour de l’église de Feyzin qu’autre chose. Si l’on rajoute les problèmes inhérents aux grosses boutiques que j’avais oublié comme les camions sans régulateur et la barre de cric coincée entre le boîtier du levier de vitesse pour appuyer sur l’accélérateur à la place, les économies sur l’entretien, les pannes qui traînent et les primes impossible à toucher puisque les objectifs sont toujours revus à la baisse, je me suis aperçu que la réputation de GCA ne correspondait pas vraiment à l’image que je me faisais de la boite. En fait depuis mes années Bourgey Montreuil je n’avais pas connu un tel mépris affiché pour les chauffeurs, Au bout d’un an j’ai eu la chance d’avoir une opportunité je suis parti sans dire au revoir. A ce jour on n’en est pas encore à placarder des offres d’emplois comme XPO mais la prime pour faire embaucher un chauffeur est passée à 650€. Bizarrement personne ne se bouscule.

Coup de chance, une connaissance me propose de travailler chez SATM en hydrocarbure, je réponds simplement qu’il n’en est pas question mais que si un de ses tractionnaire tient la route je suis prêt à venir en pulvé j’ai reçu un coup de téléphone le premier jour de mes vacances, rendez vous le lendemain. Je tombe sur les associés, une dame et son fils au bout d’une heure l’affaire était conclue de toute façon ça ne pouvait pas être pire que Rhônatrans. Deux jours en régional et en double pour me remettre dans le bain et je suis parti. Les débuts ont été un peu fébriles surtout que je n’avais jamais travaillé pour un petit patron. Je me souviens de mon premier voyage en Allemagne et en République Tchèque j’étais passé par Titisee pour économiser sur la taxe autoroutière et quand j’en ai parlé à Vincent mon patron la réponse a été laconique. « Vous faites au mieux je vous fais confiance ».
Voila le résumé de mon ambiance de travail, je gère mes itinéraires, mon gaz oil, j’ai appris à regarder les prix avant de faire le plein je ne rends pratiquement pas de compte mais il faut que je sois rentable. Du Premium je suis passé au MAN 440, je ne connaissais absolument pas cette marque la cabine est un peu austère mais le sommier à lattes de la grande couchette m’a surpris en bien. Pour la boite de vitesse par contre, j’en suis venu à haïr ZF qui semble aussi doué pour faire des boites de vitesse que moi pour la danse classique. Grosse frayeur en 2016 une série noire de pannes mécaniques sur une remorque ont mis les finances à mal mais un texto reçu quelques jours avant Noël m’a remis du baume au cœur : « Votre MAN 500 est commandé » Finalement il est arrivé fin avril et comme Vincent voulait me faire plaisir il y a quelques petites options sympas clim de nuit, siège confort, une casquette et des trompes pour faire comme les vrais parce que le klaxon d’origine du MAN… Si j’ai bien compté c’est mon septième camion neuf et certainement le dernier alors je l’aime et tant pis si mes collègues tracos aux camions suédois décorés me snobent superbement mon camion me suffit quand je vois ce que j’ai conduit depuis mes débuts. Le boulot je commence à bien le connaître et je me régale même si je ne vais plus aussi loin qu’avant, beaucoup de vallée du Rhône et quelques voyage dans l’ouest de la France un peu de Belgique et d’Italie. En fait je suis devenu casanier je ne roule que rarement le samedi mais ça me va bien et puis je peux aller à ma leçon de roller du vendredi soir parce qu’en plus du cheval je me suis mis en tête de me promener en roller pour faire jeune (et puis c’est un rêve de gosse).
Merde je m’aperçois que j’arrive au bout de ma vie professionnelle (enfin pour l’instant) et je regarde comment le métier a évolué, des camions avec peu de confort on est arrivés au matériel actuel, le fan de musique que je suis a remplacé la valises de cassettes par des clefs USB qui prend quand même nettement moins de place et le pire des Mercedes Axxor m’aurai paru une bête de concours il y a 30 ans. Finis les disques noirs et les nuit à lutter contre le sommeil en s’autorisant des courtes poses la tête sur le volant en contrepartie la législation est devenue tatillonne à l’excès. J’ai des souvenirs plein la tête, des bons et des moins bons bien sur, des galères infernales et des paysages à couper le souffle, des gens formidables rencontrés dans tous les pays (et pas mal de cons aussi) ma vie professionnelle n’est peut être pas la plus palpitante mais c’est ma vie à moi et je m’en accorde.
La pénurie de chauffeur actuelle me fait franchement rire les boites ont méprisé les chauffeurs et viré les français pour mettre des PECO sous payés à la place et on les entends crier misère parce qu’ils ne trouvent plus de personnel mais si on commence à parler salaire ou conditions de travail pas question pour eux de se remettre en question c’est à nous de nous adapter. Les jeunes ne veulent plus faire ce métier ? Ils ne veulent pas plus faire des métiers manuels tant on a dévalorisé les boulots artisanaux, le must c’est de passer son bac dévalorisé qui ne suffit même pas à décrocher un boulot d’hôte(sse) de caisse au LIDL du coin quand un CAP ouvre plein de portes. Tant pi ou tant mieux si mon métier se revalorise mais je n’ai pas choisi de faire routier pour être aimé des gens.
Bon il me reste encore quelques kilomètres à parcourir.

 

Bon ben j’ouvre la boite à souvenirs

Un jour de décembre 1991 mon chef m’annonce que je dois récupérer la semi d’un collègue pour vider à…
Pardubice en Tchécoslovaquie…
Jusqu’à présent mon plus lointain voyage avait été Hambourg mais depuis un an que le mur était officiellement tombé on commençait à aller un peu plus loin que les frontières de la CEE, on m’avait donc demandé de faire mon passeport et puis voilà, c’était tombé sur moi. La remorque avait été chargée à Lacq par un collègue et je ne sais plus trop bien où avait été fait l’échange mais je me souviens des quelques recommandation de l’exploitation avant de me lancer et puis je suis parti avec l’excitation et l’angoisse que peut prodiguer ce genre de nouveauté. La traversée de l’Allemagne ne m’a pas laissé de souvenir probant il faut dire que je connaissais déjà bien mais la petite boule d’angoisse à commencer à se mettre en place à partir de Nuremberg elle a commencé à prendre de l’importance sur la nationale (il n’y avait pas encore d’autoroute) mais une fois sur le parking (après une légère queue sur la route d’accès) j’étais dans le bain et plus moyen de faire demi tour. Je ne sais pas combien de guichet j’ai fait côté allemand mais je sais que j’ai passé pas mal de temps à faire la queue au milieu de chauffeurs de toutes les nationalités, je me souviens aussi que j’étais le seul français, pas facile d’engager une conversation dans ce cas. Au bout d’un certain nombre d’heures je me retrouve dans l’espèce de No Man’s land entre les deux postes frontière, la nuit tombe sur cette journée brouillardeuse et la vision des miradors en bois et des barbelés me file un grand coup de spleen et je me suis demandé ce que je fichais dans ce bazar à un mois d’être papa.
Il faisait complètement nuit quand je suis enfin entré sur le parking de la douane Tchécoslovaque on m’a pris mon passeport et on m’a garé juste devant la barrière de sortie en clair, tant que je n’était pas sorti personne ne pouvait bouger, inutile de préciser que j’ai fait le plus vite possible pour faire les papiers, peine perdue d’ailleurs parce que s’il y a un truc qui ne marche pas à la même vitesse dans une douane, c’est bien la pendule. Ignorant de la théorie d’Einstein sur la dilatation temporelle je file dans le bâtiment en cherchant frénétiquement le bureau du transitaire qui bien sur ne se trouve pas dans le bâtiment central. Je trouve finalement ce bureau dans un cabanon et là, grand moment de solitude on me demande mon passeport. Comment expliquer qu’il est entre les mains d’un douanier dont je n’ai plus de nouvelle d’ailleurs. Retour au bureau central où une queue s’est formée avec tout les collègues qui sont arrivés sur le parking et j’arrive à comprendre que les passeports ne vont pas tarder à être distribués après le contrôle par les autorité compétentes je me colle donc dans l’attroupement et un mec ouvre enfin le guichet et commence l’appel. Quand il a gueulé « Francia » j’ai compris que c’était pour moi (facile j’étais le seul), je récupère le précieux document enrichi d’un tampon posé au hasard dans les pages du milieu et je file au bureau pour enfin faire mon transit. Retour au bureau central avec mon transit, je refais la queue pour faire tamponner le bazar et là le douanier me demande le nombre de plombs. Quand je lui en ai demandé 6 il a pas tout bien compris puis quand il a réalisé que j’étais en citerne il m’a tamponné le papier et m’a laissé filer et c’est tant mieux parce que je ne me voyais pas monter sur la citerne plomber tous les couvercles en plein hiver. Je me suis donc retrouvé dans le camion tout content de ne pas avoir fait attendre les autres prêt à partir sauf qu’il y a avait juste un détail que j’ignorais, personne ne part tant que le dernier n’a pas fini, j’avais paniqué pour rien et j’ai fais comme les autres, je suis parti au bout de deux heures.
Voilà j’étais de l’autre côté du mur qui étais tombé depuis plus d’un an, je découvrais les pays socialistes, route de nuit jusqu’à un restos ou j’ai dormi et je me souviens vaguement de ce voyage sauf que je me suis paumé dans le centre de Prague parce que j’avais foiré dans l’échangeur à l’entrée de la ville et les premières surprises des ces pays, les lignes de tramway au milieu des boulevards, les miradors aux carrefours et ces grosses conduites de chauffage collectif qui longeaient les routes je me souviens aussi avoir pas mal galéré à Pardubice pour trouver le bureau de douane tout ça parce que sur le plan on avait inscrit « Zoll » et que j’étais passé 3 ou 4 fois devant un bâtiment marqué « celnice », je me souviens aussi de la douche dans l’usine qui m’avait coûté un paquet de Marlboro, du café des pays de l’est qu’il ne fallait pas boire trop vite sous peine de manger le marc avant qu’il ne se pose au fond du verre, de l’odeur de charbon dans les villes, de la galère pour trouver un téléphone qui puisse contacter l’étranger, heureusement que j’avais tous les éléments pour le voyage de retour.
En parlant de voyage de retour, j’ai rechargé un truc à base d’ammoniaque à Ostrava mais n’allons pas trop vite. L’avantage du produit que je venais de vider c’est que c’est très volatil, on m’avait filé un tuyau de vapeur dans l’usine je l’avais coincé dans la vanne de dépotage et une demi heure plus tard on pouvait considérer qu’il ne restait plus de produit dans la citerne et j’ai eu la soirée pour me rendre à Ostrava pour finir ma semaine sur le parking de l’usine le samedi après midi (j’avais pris mon temps pour y aller) un peu de neige en route quand même parce que les pays de l’est sans neige ça compte pas un peu comme une soupe à l’oignon sans oignon quoi donc j’en ai pris un peu (et la carrosserie aussi surtout le sel) . Un week end comme beaucoup d’autres, farniente, décrassage au lavabo de l’usine un peu de promenade dans la ville avec le tracteur parce qu’à cette époque on ne nous emmerdait pas avec la coupure de 24 h et puis je me suis retrouvé au chargement le lundi matin. Je n’ai pas trop de souvenir du chargement, je me souviens quand même de la douane où j’avais retrouvé un autrichien ce fut le seul camion occidental que j’aurai vu de mon voyage parce que je n’avais croisé que des camions nationaux dont les fameux SG SAVIEM revus à la sauce tchécoslovaque. Brno, neige, Austerlitz (enfin pas loin mais il y avait un panneau le long de l‘autoroute) pluie, Prague, temps gris Plzen ça m’a emmené jusqu’au soir et pas loin de la frontière j’ai croisé deux camions de chez Coing.
C’était bien la CB, ça nous a permis de causer vite fait et surtout d’apprendre que la frontière était complètement engorgée, il fallait pas loin de deux jours d’attente pour y accéder parce que le conflit yougoslave venait de s’allumer et l’Autriche fidèle à sa tradition de courtoisie avait tout simplement fermé sa frontière si bien que tout le trafic se reportait sur la frontière de Waidhaus. Les deux gars de chez Coing étaient des vieux habitués des pays de l’Est j’ai donc réussi à faire demi tour et je les ai suivi pour passer par Cheb, je peux dire que j’ai vraiment eu de la chance de tomber sur ces deux là mais nous ne sommes passé que dans la nuit, je n’ai pas demandé mon reste, j’ai dormi sur place et je me suis occupé des papier d’entrée en CEE le lendemain. A midi j’étais à la SHELL d’Aurach qui allait devenir le rendez vous des réguliers du pays je me souvient du bonheur de prendre une douche bien chaude, de mon camion tout noir de la crasse qu’ils mettaient sur les route (de la poussière de terril) du bonheur de le voir enfin propre à après le passage à Belfort de cette impression de faire partie des grands routiers (alors qu’il y a moins loin de Lyon à Prague que de Paris à Madrid) et je garde une tendresse particulière pour ce pays qui est devenu la République Tchèque et j’avoue que je suis excité comme un gosse les rares fois où j’y retourne.

 

C’est en discutant dans un resto que j’ai trouvé ce souvenir, un gars avait trouvé une plaque TIR sur un parking et l’avait ramassée sans savoir pourquoi, il se demandait bien quoi en faire, je l’ai débarrassé et j’ai gardé ce trophée en me remémorant mes deux voyages parce que du TIR, je peux dire que j’en ai fait même si je n’ai pas été bien loin.
Bon reprenons, je devais charger pour la Pologne et ce n’était pas mon premier voyage à l’Est mais cette fois le client voulait cette formule pour une question d’assurance à ce qu’on m’a dit alors je me retrouvais dans la file d’attente de l’usine de Berre avec mes cartes grises, mon ADR et le fameux carnet TIR en m’efforçant de prendre l’air de celui que rien n’étonne, le style baroudeur du bitume que je n’était certainement pas mais, à’intérieur ça bouillonnait un max tellement j’étais content de tutoyer la légende en ne me rendant pas compte que le seul à être impressionné c’était moi. J’avais encore le R340 et j’avais posé le carnet bien en évidence derrière le pare brise et me voila parti avec mes plaques TIR sur la remorque (on ne les plombait plus comme à la grande époque). Le carnet TIR c’est sympa parce qu’il n’y a pas besoin de faire de déclaration à chaque pays traversé, un volet au départ, un pour chaque sortie, un pour chaque entrée et un pour la douane d’arrivée, ça simplifie bien les passages (et c’est économique aussi) donc j’avais 4 volets
Le voyage ??? Comme tout les autres, une traversée de l’Allemagne jusqu’à Gorlittz / Zgorzelek avec la différence que je n’avais pas à faire ce fameux accompagnement pour la Pologne, un sacré temps de gagné quand même. La Pologne ses forêts de boulots et de sapins, ses autoroutes tellement défoncées qu’il fallait tenir le levier de vitesse en permanence sinon sa se décrochait et on se retrouvait au point mort mais ça n’avait pas d’importance j’adorais aller là bas. Dédouanement à Nova Huta banlieue industrielle de Krakovie et livraison à Czestochowa la ville de Jean Paul II et un détour de plus de 100kms au passage mais les itinéraires des donneurs d’ordre sont plein de mystères (et puis ça me promenait).
Bon ben, voilà qui j’avais fait mon voyage en TIR, j’avais l’impression de faire partie des grands, cette montée m’avait tellement marqué que je ne me souviens même plus
où j’ai rechargé en Allemagne…. Souvenirs souvenirs…
En parlant de souvenirs, j’ai vu un jour dans une file d’attente de je ne sais plus quelle douane un gars avec un carnet de 12 volets… Bon passons.

Avec toutes mes salutations.