Voir grandir ses gosses 1

L’autre matin à la radio, j’entends un étudiant en médecine dire qu’il ne veut pas devenir médecin de campagne mais médecin de ville…pour voir grandir ses gosses. Etrange si on a la vocation pour un métier de vouloir le faire, mais pas à fond. Dans leur métier en plus, avec la raréfaction des toubibs à la campagne, il y a moyen de faire une belle carrière…

J’en suis là dans mes pauvres réflexions de tourneur de volant, quand je me dis : et toi ? As-tu vu grandir tes gosses?

Depuis vingt ans, je pars à la semaine, mes gamins sont nés et ont grandi dans ces conditions. Est-ce qu’ils en sont malheureux? Suis-je un éternel absent, une pièce rapportée du week end? C’est quoi le plus important, la présence physique ou le poids moral du père? Suis-je plus absent qu’un mec qui rentre tous les soirs pour regarder Dechavanne veautré dans le canapé ou qu’un cadre qui ramène du boulot à la maison et qui ignore ses morpions?

Je n’ai bien sûr pas de réponses précises. La présence journalière d’un père ne freine pas la croissance des enfants et l’inverse non plus d’ailleurs! Je tente de m’occuper de mes rejetons quand je suis là, on essaie d’aller au cinoche, d’avoir des activités ensemble. Aujourd’hui on a tous des téléphones, on s’appelle, on pense les uns aux autres… J’espère faire au mieux.

Je pense les enfants suffisamment intelligents pour comprendre les motivations de leurs parents. J’encourage les miens à faire le métier qui leur plaira. Et je ne pense pas mes mouflets assez égoïstes pour me pourrir la vie en me demandant d’arrêter la route, je le suis assez moi, égoïste en continuant… Il serait stupide de comparer d’une part, l’amour que je porte à mes enfants et l’amour que je porte à mon métier d’autre part, mais on peut essayer de concilier les deux.

Malgré mon boulot, j’ai vu grandir mes gosses et je me souviens de tout, de tout…

Voir grandir ses gosses 2

L’autre jour, en moto, mon vieux pote a un léger renvoi, je l’entends dans l’intercom, il me dit : « désolé je suis un porc ». Là bien sûr je lui réponds avec la voix de Timon : « mais tu es un porc ». Pas de réaction, il n’a pas la ref. Idem quelques jours ou semaines plus tard avec ma chérie, je m’arrête de marcher pour enlever un gravier dans ma godasse, avec la voix de Woody je dis : « j’ai un serpent dans ma botte ». Elle n’a pas la ref non plus. A nous trois nous avons eu sept enfants, qui s’en ai occupé le plus finalement ?
Leurs mères respectives évidemment. Mais les pères, ils sont quoi là-dedans ? Ils sont là pour faire la police en rentrant du boulot ? Très peu pour moi. Ce serait pas plutôt de les élever dans le sens de les monter, les ouvrir, éduquer par le haut ?
En 2011 j’ai commis un petit billet d’humeur sur ma présence à la maison. Quatorze ans plus tard je peux tenter un petit bilan. Pas plus tard que la semaine dernière j’ai raconté les deux anecdotes à ma fille, elle m’a répondu que je n’ai jamais été un père absent, que j’ai toujours fait des activités avec eux le week-end, elle se souvient de longs moments sur la terrasse à la maison. A contrario le fils de mon pote lui reproche aujourd’hui de n’avoir été que présent physiquement : « tu rentrais du boulot, tu te mettais à ton bureau, t’en avais rien à foutre de nous ». Pour sa défense, artisan il a toujours bossé dur. Mais voilà, les années ont passé et les souvenirs des enfants restent. Je n’écris pas ce billet pour me glorifier, juste pour me dire
que finalement je n’ai pas été trop mauvais, j’ai fait au mieux, rien de plus. Donc toi jeune père qui réfléchit, réfléchis bien, tu n’es pas obligé de te sacrifier, on peut parfaitement concilier un métier passion et l’éducation de ses gamins, après tu feras comme nous tous, tu feras au mieux.

Un petit retour sur le texte de 2001 ici.