Ahmet, routier turc

C’est sur le parking du Port Pétrolier de Givors que j’ai rencontré Ahmet, et un de ses collègues… Un Bulgare, forcement.

Ahmet roule avec un des derniers FH13 de la gamme, à peine sorti des chaines de Goteborg, un 460, surbaissé au ras du sol, ce qui en dit long sur la qualité du reseau routier Turc de 2010.

Ahmet vit dans la banlieue d’Istambul à Gazi Antep, routier depuis 1988, il est un peu dégouté de la tournure que prennent les choses, et lui aussi, fustige la concurrence « déloyale »!! Le travail d’Ahmet est finalement assez classique, et l’aventure n’est pas au rendez-vous tous les matins.

Son travail consiste à prendre l’avion depuis la Turquie pour rejoindre Marseille. Là, il récupère son attelage, et durant une quarantaine de jours, il récupère des remorques au ferry à Toulon, les vide et les recharge en France, plus généralement en région lyonnaise ou parisienne pour les ramener au port de Toulon… Après ces 40 jours, il rentre enfin chez lui par avion pour 10 jours à la maison.

Son entreprise, GOK BORA est à l’image de son pays: en plein développement. A ce jour, GOK BORA, aligne 1140 attelages, sur l’Europe et l’Asie, ils vont encore vers l’Arabie et l’Iran. Ahmet, lui, préfère la France. Quand il est à sec de provisions de bouche, les LIDL et ALDI lui vont à merveille pour remplir le coffre et se nourrir le temps de son séjour. Les pleins de gasoil se font chez AS24, contrairement à ce qu’on peut penser, les carburants sont assez chers en Turquie.

Avec ses 23 ans passés sur la route, Ahmet, ne se plaint pas trop de son sort, il arrive à gagner 1000€ à la fin du mois, c’est assez peu chez nous, mais c’est trois fois le smic chez eux. Son loyer au pays tourne autour de 250€. En moyenne, il parcourt 14/15.000km par mois pour environ 200h de volant, un routier dans la norme… De toutes façons, quand il se fait contrôler par la police ici, il n’a pas droit à l’erreur! : « La police contrôle la carte, et le CMR, ils ne cherchent pas à en savoir plus sur le fait que je reste 40 jours à circuler en France… Je roule avec un ensemble Turc, je suis chargé pour la Turquie, ou en provenance du Pays, ils ignorent que je ne fais que des rotations entre Lyon et Marseille »

Pour Ahmet, le problème, vient justement du developpement de son pays, qui a cruellement besoin de main d’oeuvre. Les industriels, les entrepreneurs, et bien entendu les transporteurs turcs ont fait appel à de la main d’oeuvre étrangère, principalement des Ukrainiens, et Bulgares, et là, problème!!! Le Bulgare travaille pour 300€!!! 300€!!! qui dit mieux?? Le Bulgare est si peu gourmand, que les Turcs font appels à des tractionnaires bulgares, on voit souvent des PIMK tracter des semis de chez MARS, deux chauffeurs qui roulent beaucoup et à 20 centimes du kilomètre… Même Ahmet est largué! Ahmet a bien noté que les Espagnols sont aussi envahis, et que cela n’est bon pour personne! La Bulgarie selon Ahmet est un pays à l’abandon, livré à lui même, dont la population part en masse bosser ailleurs, entrainant vols et delinquance dans le pays d’Ahmet. Il en conclut que la Bulgarie n’est pas digne de l’Europe car elle n’est pas sur le chemin de l’évolution… Alors que la Turquie se developpe industriellement! Mais en Turquie, on a bien compris que Sarkozy ne veut pas des Turcs, et oui, on des musulmans! Mais des musulmans travailleurs!!!

Ahmet salue les routiers français! Les routiers turcs ne sont pas des sauvages, d’ailleurs, se garer au milieu des camions turcs, c’est même un gage de sécurité.

Regards d’ailleurs : Robert, frigo du sud… polonais

Si rouler pour 2000€ vous inspire, chez Equus on recrute, c’est écrit sur les portes du frigo!

Ce matin-là, Robert attendait patiemment derrière la fenêtre d’une secretaire acariâtre qui ne daignait pas lui prêter attention. A bout de patience, l’infortuné s’est dirigé vers la machine à café, mais il n’avait pas assez de monnaie, mon bon coeur me perdra, puisque je me suis fendu de 35 centimes d’Euros. Tout de suite la conversation s’est engagé par un « vous français? », « la France, trés bon… » Curieux comme je suis, j’ai bien entendu voulu en savoir plus ce ce très sympathique polonais, bien plus flegmatique que n’importe quel membre de la perfide Albion.

A 27 ans, Robert travaille depuis 4 ans pour une des plus grandes firmes Polonaise : Equus (prononcez Cheval en français), basée à Krakow en Pologne. Bien que créée en 1994, la société a connu une fulgurante ascension, puisque le parc se compose de 450 attelages, des frigos principalement, tirés par des MAN ou des Renault Premium.

Le travail de Robert est on ne peut plus régulier, et il ne s’en plaint pas. Il charge du groupage ou des marchandises diverses en Pologne pour la France. De là, il rallie à vide l’Espagne pour y recharger soit du congelé ou des produits frais, parfois des légumes. Ainsi, il est de retour à son domicile un week end sur deux. Robert aura bientôt un tracteur neuf étant donné que les tracteurs sont changés tous les 4 ans, et que le sien commence à s’user. Lors de ses voyages, il préfère rouler seul, car, il sait que bien souvent, en groupe il y a des problèmes. Les week end sont parfois chauds sur les parkings. De plus Robert prête une attention toute particulière au respect strict de la RSE, car les PV coutent horriblement chers, et sont à sa charge.

Après avoir vécu quelques années à Bruxelles, Robert a rejoint la ville de Lodz, au sud du pays, à 150km de Varsovie. Marié et père de deux petites filles, Robert est plutôt content de son sort. Tout d’abord, il fait le métier dont il rêvait étant petit, passionné de Volvo qu’il était. De plus, avec 2000€ mensuels, il gagne environ 4 fois le smic de son pays. Ce qui lui permet de vivre correctement, le montant de son logement, charges comprises s’élevant à 500€. Seul regret pour lui, les vacances très courtes qui lui sont accordées, une semaine l’an passé, ce qui est peu. Même s’il s’arrête quelques jours, le camion continue de rouler, le materiel ne doit pas moisir sur le parc.

Robert est donc un père de famille heureux, qui est plein d’espoir, pour lui, l’Europe c’est que du bonheur. D’autant que pour le moment chez lui en Pologne, il n’y a pas trop de concurrence avec les Roumains ou les Bulgares qui ont envahi plutôt le sud de l’Europe. Quand on lui demande s’il ne préfèrerait pas faire du national en Pologne, il répond non sans hésiter puisque le salaire plafonne à 800€. Il reste donc à espérer que cette situation perdure longtemps pour lui et ses collègues…

J’ai donc dû souhaiter une bonne route à Robert, car pris de remords, la secrétaire a fini par ouvrir sa fenêtre, ça a été rapide, une heure!!!

Avec Nicole de chez Wagner et Bonnefoy

Dans les années 70, Nicole « La Matronne » fait parti des encore rares femmes à conduire un camion, on la suit dans cette vidéo à bord de son FIAT des transports Wagner et Bonnefoy de Vitry le François.

Elle livre principalement entre l’EST et le NORD de la France, une motivation hors normes, beaucoup de manutention, le metier était dur, mais l’amitié et la solidarité encore bien présente ! Bon visonnage !