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CINQ MILLE D'UN COUP

par Lagaffe

 

Cinq mille d'un coup, 5000 salariés de MORY c'est quand même beaucoup même si on commence à être habitués à voir des boutiques disparaître de la liste des transporteurs à un point que ça devient de la routine, un tel chiffre fait peur à tel point que les politiques se sentent obligés d'intervenir, premier ministre en tête et même Aranud Montebourg notre « ministre de la gesticulation inutile aux frais de l'état » parle de faire le maximum pour sauver des emplois. Quand on connaît sa haine des camions on peut avoir des doutes et les sidérurgistes de Lorraine vous diront mieux que moi quelle a été son efficacité pour sauver leur aciérie.

Quoiqu'il en soit c'est un gros transporteur qui disparaît de notre paysage et le chiffre de 5000 ne tient pas compte des sous traitants, louageurs et tractionnaires de nuit, un gâchis impressionnant digne du naufrage de Moulinex.

Comment le transport français a-t-il pu en arriver là ? Comment le transport français a-t-il pu perdre tant de parts de marché en quelques années ? Et finalement… Le transport français a-t-il perdu tant que ça ?

Parce que, si JPV fut un précurseur, de Bourgey Montreuil avec les transports Polpol à Dentressangle et ses camion roumains, les transporteurs qui ont viré leurs français pour les remplacer par du pas cher sont légion et on ne peut pas reprocher à nos voisins de ne pas faire pareil, remorques belges tirées par des camions slovaques conduits par des roumains parce que c'est encore moins cher, camions espagnols et chauffeurs bulgares, routiers brésiliens importés par des boites portugaises, j'ai vu un géorgien dans un camion lituanien tirant une remorque allemande.

La RSE qui fut changée en 2008 a permis toutes ces dérives en supprimant la coupure obligatoire au domicile maintenant on peut laisser un chauffeur loin de chez lui pendant des années c'est légal et tout les cas de figure que je viens d'exposer le sont aussi alors on a vu de gros groupes se créer en exploitant ces facilités à fond et cette belle Europe que les fondateurs voulaient égalitaire et sociale est devenue une jungle où tous les coups sont permis pour produire moins cher en délocalisant tout ce qui est possible et le transport routier permet ces délocalisations dans la mesure où il n'est pas cher. Les gros chargeurs regardent les prix sans se soucier du reste qu'importe la nationalité du chauffeur du moment que la came circule.

Imaginons les mêmes pratiques dans une grande surface, vous arrivez devant la rangée de caisse et là, surprise, de grands panneaux vous annoncent que les caisses 17 à 26 vous font 20 % de ristourne sur le prix du caddie. A ce prix là, pas d'hésitation, tout le monde va se précipiter sur ces caisses alors que les autres restent désespérément inutilisées avec des caissières oisives mais payées correctement. Par quel miracle peut-on arriver à ce résultat ? Mais en employant des caissières à moitié prix, il suffit d'importer de la roumaine, bulgare, géorgienne… à pas cher et tant pis si elles n'ont pas les moyens de vivre décemment, elles n'ont qu'à dormir sur un lit de camp à côté de la caisse et de se démerder pour se laver dehors avec un bidon puisque les toilettes du personnel sont réservées au personnel « français » faut quand même pas déconner on a du savoir vivre dans la grande distribution. Vu que les quelques françaises ne voient plus personne à leur caisse, on va finir par virer tout ça et avoir un cheptel « low cost » dans tout le magasin et faire moins cher que le voisin qui va finir par faire pareil s'il ne veut pas disparaître. Allons plus loin sous traitons les caisses à une boite polonaise ou slovaque qui va se fournir en ukrainienne ou kazaque encore moins chère et on va vous faire 25%.

Inutile de décrire les réactions des médias, syndicats, politiques et autres on verra les chaines de télé fustiger ces négriers d'un nouveau genre alors que c'est exactement ce qui se passe dans le transport sans que personne ne trouve à redire. Accessoirement, c'est aussi comme ça que ça se passe dans l'agriculture et les rotations de bus roumains amènent des ouvriers pas chers pour cueillir les poivrons tomates et autre ramenés d'Espagne par ces camions pas cher, qu'importe si ça crée du chômage sur place.

Moi qui, comme beaucoup de mes collègues faisais des voyages dans toute l'Europe, je vois le périmètre des pérégrinations se restreindre en me disant que j'ai la chance d'avoir encore du travail dans un milieu qui a vu des milliers d'emplois disparaitre au profit de cette nouvelle classe de pauvres qui se voient rejetés de partout et je me demande si je ne vais pas rejoindre la cohorte des chômeurs qui vont acheter au moins cher alimentant ainsi cette spirale infernale de délocalisations sauvages.

Quand j'aurai des coups de cafard j'irai regarder les camions passer sur la rocade et je saurai ce que pensait l'OS licencié de chez Berliet quand il regardait passer les IVECO et les Mercedes de Bourgey Montreuil achetés avec des subventions françaises.

Ce texte est dédié au fossoyeur Moulinex qui préside actuellement aux destinées de GEODIS.

 

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