Routier du XXIème siecle

par Phil26

 

Alors même que, tous réunis, nous avons entre nos mains l'économie de notre pays et peut être même de l'Europe, nous ne rencontrons que mépris et tracasseries.

Le progrés technique devait entrainer une amélioration de notre qualité de vie, tout au moins dans notre quotidien. Mais de quel progrés parle-t-on?

S'il faut bien admettre que les constructeurs de PL ont amélioré les performances des véhicules ainsi que la maintenance quotidienne mécanique, les largeurs des couchettes sont restées les mêmes, alors que la longueur des camions n'a cessé d'évoluer, et celà devrait continuer. Le repos du guerrier, ne pese pas lourd face au rendement des machines.

A chaque ouverture d'un nouvel axe autoroutier, c'est la fermeture assurée des routes alternatives pour les PL, il n'est plus possible "légalement" d'emprunter la nationale, gouter un resto sympa, ou tout simplement varier les plaisirs. De toutes façons, les transports 'just in time" font la loi, et le respect de la législation, ne permet aucun écart, ni perte de temps. Le GPS sait calculer le meilleur itinéraire, mais ne donne encore pas les heures d'ouverture des restaurants. La plupart des chauffeurs de grosses flottes sont "traquées" par satelittes, et chaque "arret" suspect, ou inutile devra être motivé en fin de semaine. De beaux parkings, sécurisés, voient le jour. Avec leur grosses enseignes et leur néons, ils attirent les chauffeurs, un jour ces arrets vont devenir obligatoires et le routier devra faire contre mauvaise fortune, bon coeur. Le resto du coin aura bien du mal à tenir face à des groupes financiers qui possèdent l'autoroute, la radio d'autoroute, les panneaux à message variable, et qui peuvent même demander aux gendarmes d'obliger les camionneurs égarés ou mal garés à se diriger vers ces gros centres gardés.

Au volant, notre bon chauffeur doit se tenir à carreau, aucune erreur de sa part n'est desormais tolérée, son patron lui paye régulièrement des stages de remise à niveau de la réglementation sociale, en signant la feuille de stage, et après avoir obtenu son petit carton d'aptitude, notre homme, ne peut plus dire qu'il ne savait pas. S'il refuse le stage, impossible pour lui de travailler. Alors, à chaque controle, il serre de plus en plus les fesses. Est il en infraction à cause de ses horaires de travail, ou est il en infraction car il a peut être un peu trainé à table, ou tout simplement à la maison? Suivant le cas, le PV sera pour lui, ou pour son employeur, mais en général il sera plus facile de lui faire porter le chapeau.

Avec les 35h, les horaires de livraison se sont ressérés, des entreprises autrefois ouvertes dès 7h du matin, et jusque 19h, ont desormais des horaires dignes de la sécu. Ce n'est pas pour autant que notre brave conducteur peut accélerer pour arriver à livrer au moins 2 clients dans sa journée, d'abord, à bord de son superbe Scania de 580cv, il roule aussi vite que Bebert avec son Savien SM280 dans les années 60, il peut parfois mettre plusieurs kilomètres pour effectuer un dépassement car il est bridé, c'est tordant! Si jamais il se décidait à débrider son véhicule, il pourrait compter sur ses "collègues" pour le dénoncer à la gendarmerie la plus proche, un peu comme les collabos avec la gestapo. Il pourrait aussi se faire attraper par une Subaru payée par les contribuables au nom de la sécurité qui, elle non plus, n'a pas de prix ; il pourrait aussi se faire "flacher" par un des innombrables radars automatiques qui jalonnent les routes modernes du 21e siècle. Mais le routier d'aujourd'hui, aussi sérieux, aussi respectueux de la loi soit il, n'est pas à l'abri, car il reste un humain, avec ses faiblesses, les limitations de vitesses, toujours plus variables et parfois aléatoires peuvent comporter des pièges, mais aucune indulgence ne sera faite puisqu'il est un professionnel.

Une fois arrivé à son point de livraison, notre homme est loin d'être au bout de ses peines, chargements, et livraisons s'effectuant le plus souvent avec RDV, bien qu'il soit de moins en moins possible de stationner dans les zones industrielles, ou apparement les communes doivent juger le camion indésirable, il devra souvent arriver juste 5 minutes plus ou moins à l'heure de son RDV. Après avoir du faire la queue pour s'inscrire sous la pluie ou en plein vent auprès d'un gardien pathétique caché derrière son hygiaphone, c'est lui qui va devoir charger ou décharger son véhicule, parce que c'est convenu, et qu'il y a rien à dire. Parfois, il devra même coller les étiquettes, compter les colis, même si la palette est filmée. S'il a de la chance il pourra avoir accés à la cantine, mais celà est de plus en plus rare, parfois même, il n'aura même pas accès à la machine à café, interdite aux chauffeurs.

Alors avec tout celà, notre chauffeur se dit que demain ça ira mieux. Il lit souvent la presse professionnelle, ou on ne parle jamais de lui. Il peut admirer des camions plus beaux les uns que les autres, qui le font rever, mais dans lesquels, il sait qu'il ne fera jamais le moindre kilometre. La presse lui donne régulièrement des infos sur le dernier disque de frein à la mode, ou le nouvel essieu psychorigide d'un carrossier lointain, mais jamais personne ne parlera du désarroi qu'il peut rencontrer, bloqué qu'il est dans cette satané centrale de distribution. Il a bien entendu parler des syndicats, mais, là encore, il pense que ces gens sont bien loin de ses problèmes et des ses inquiétudes, lui qui a été habitué à traverser l'Europe, lui qui est indépendant, voilà, qu'il doit partager sa ligne avec un relayeur, c'est qu'il aimait bien lui, partir loin. Mais voilà, il coute trop cher. Trop cher? Déjà qu'il se trouvait mal payé, que les fins de mois étaient difficiles.

Desormais, lui qui avait choisi ce métier pour ne pas être dépendant, voilà qu'il se trouve en concurrence directe avec d'autres salariés, encore plus pauvres que lui, et qui bien souvent décrochent les plus longs parcours avec des camions toujours plus modernes que le sien. Et pourtant, il a beau tourner les pages de son magasine, lire les articles des syndicats, personne ne parle de ses problèmes existentiels.

Mais notre homme sait au fond de lui, qu'un jour, ça va s'arranger, qu'un jour ça va peter, comment, il ne le sait pas, mais la marmite est pleine, et c'est du bas, de la base que tout va peter. Aujourd'hui, il se fout de tout ce progrés, lui ce qu'il veut, c'est être libre, et gagner fierement sa vie, nourrir honnetement sa famille, le GPS, la régule, les coupures, tout ça le dépasse. Des fois pour se faire rire il se demande quel reglement ridicule va bien pouvoir inventer le pouvoir public pour l'empecher de tourner en rond.

Demain, il sera encore au volant, d'abord, il ne sait pas faire grand chose d'autre, il y a si longtemps.... Et puis, l'amour de la route est si fort que rien ne peut l'ébranler....

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