Atterrissage forcé

Plongé dans l'obscurité de cette nuit noire, voilà 4 heures que je roule sur cette autoroute déserte. Les kilomètres sont avalés sans m'en rendre compte, au beau milieu de la campagne endormie.

4 heures de solitude totale, j'ai coupé la radio, éteint la CB. Pendant 4 heures je me suis retrouvé seul, avec mon camion. J'ai pû faire le point de mes soucis, de mes projets aussi, mes êtres chers sont loin de moi certes, mais tellement près de mon coeur !

4 heures bercé au doux ron-ron du 520cv, pas une secousse, juste le tanguage si enivrant de la suspension à air ; ponctué par les étoiles filantes, visibles à 360° depuis mon bahut.

4 heures, seul, coupé du monde, les kilomètres défilent.... Mon camion avale la route comme un repas sans fin. Ma tête alourdie par cette atmosphère, quitte la réalité du monde terrestre. Grisé par cet ailleurs, je me laisse rêver, comme en dehors du temps. Tel un aviateur au dessus du monde, du haut de ma cabine, je trace mon chemin.... Je plane sur le bitume comme en apesanteur ... Secousse légère du Thermo-King qui se lance, vrombissant de tous ses décibels et passe inaperçu tel un bruit familier intégrant ma rêverie.

Le temps n'existe plus.... Tiens, un autre aviateur, est-il lui aussi dans cette galaxie? Je le double, échange d'oeillades furtives comme pour s'en assurer...

Au bout de ces 4 heures, je ne saurais dire avec précision l'endroit ou je me trouve, tout ce que je sais c'est que pour rien au monde je ne voudrais être ailleurs.

Au loin j'aperçois la lumière agressive de la station-service. Il va falloir songer à s'arreter, prendre un café et à nouveau se mélanger à la société..... L'atterrissage forcé en quelque sorte !

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