UNE AUTRE VISION DU FERROUTAGE...

par Lagaffe69

 

On nous l'a annoncé à grands cris, ça a fait de grands titres dans la presse, le ferroutage Luxembourg Perpignan est en route. Les anti camions sabrent le champagne, fini les murs de poids lourds sur nos autoroutes, vive la nature et les petits oiseaux qui gazouillent dans le silence champêtre.

Au-delà des utopies, regardons d'un peu plus près. Le ferroutage, c'est les camions sur les trains, jusqu'ici pas de problème. C'est même le bonheur des écolos qui s'imaginent naïvement qu'une vingtaine de camion sur un train, ça va résoudre tous les problèmes de transport. Vu comme ça, c'est irréfutable, plus de fumées de gaz oil, plus d'embouteillages et la route pour les seuls automobilistes.

Les trains fonctionnent à l'électricité, un truc non polluant, c'est bien connu. Sauf que, pour produire de l'électricité, il faut du carburant (charbon, fuel et gaz), du nucléaire (un truc à vous fâcher avec l'écolo du coin), des barrages (personne n'en veut) ou des éoliennes (ça fait pas joli dans le paysage). Tout le monde à l'air de penser qu'on a de l'électricité à gogo alors que c'est loin d'être le cas. Au Royaume Unis où l'électricité est majoritairement produite avec du charbon, le bilan CO² du train est sensiblement égal à celui de la route.

Le second problème est d'ordre logistique, les camions se retrouvant surtout sur les grands couloirs de circulation proches de la saturation, il semble logique de penser que les mêmes axes ferroviaires sont proches de la saturation eux aussi. Une vile comme Lyon est ce qu'on appelle un goulet d'étranglement. Vous pouvez d'ailleurs le constater quand vous êtes dans les bouchons sur la rocade ou au tunnel de Fourvière.

Il faut donc avoir en tête que, si les camions devaient aller sur les trains, il faudrait construire de nouvelles voies. L'abandon de la rocade ferroviaire lyonnaise suite aux manifestations des riverains nous montre que ce n'est pas gagné.

N'oublions pas la place que prend un terminal, à Aiton, le poste d'embarquement fait plus d'un hectare et les convois de la Maurienne ne sont pas à la longueur maximum. Dans le cas d'un trafic plus intense, il faut plusieurs postes, ça va prendre pas mal de place. Ces wagons sont très sophistiqués et doivent être positionnés au centimètre près dans les terminaux, on les place au laser. Les coûts de maintenance du terminal et du matériel sont donc élevés

Une incohérence de ce transport, c'est la masse inutile d'un convoi. Un camion de 40 T transporte en moyenne 25T de charge utile ; Un wagon peut emmener le double de poids net voire 60T.Un attelage sur un wagon, c'est seulement 25T de charge utile on perd ainsi 50 °/ de charge nette par convoi. Dans le cas où on ne transporte que les remorques on gagne un peu en efficacité.

Ce qui me choque le plus, c'est qu'on a déjà tout ce qu'il faut pour faire du transport combiné à un coût moindre, le conteneur dont la souplesse d'utilisation n'est plus à démontrer. Ces boites magiques vont indifféremment du bateau au train ou au camion sans trop de manutention, on peut les entasser l'une sur l'autre. Une remorque nécessite de l'entretien (éclairage, pneus..).

Un conteneur n'est jamais qu'une grosse caisse qu'on peut poser indifféremment sur un camion, un wagon ou un bateau. La mondialisation fait accroître le transport de produits manufacturés et on va voir de plus en plus de transport par conteneur. Il est quand même affolant de voir qu'un conteneur qui a passé 40 jours sur un bateau, plus une bonne attente sur le port, doit faire son dernier parcours (celui en camion) avec les mêmes délais que de la messagerie. A n'y rien comprendre. En fait, une fois la marchandise dédouanée les taxes courent et, bien sur, il faut que ce soit vendu le plus vite possible.

A l'heure où la SNCF débauche et ferme les lignes non rentables, ne pourrait on pas utiliser ces lignes pour transporter les conteneurs ? Il doit bien être possible de dédouaner la marchandise dans les gares. On arrivait bien à faire des déclarations par minitel, alors avec Internet…. Les gares inutilisées pourraient être modifiées à un coût raisonnable, sans mettre un portique de déchargement, un gros élévateur peut faire l'affaire. Les conteneurs feraient ainsi les derniers kilomètres par la route mais rentabiliseraient les lignes de chemin de fer qui tombent en désuétude. Le conteneur qui fait Fos / mer Limoge par la route ne peut il pas le faire par wagon ? Cette solution aurait le mérite de coûter moins cher en subvention que le ferroutage et d'être plus efficace au niveau environnement. Malheureusement, un camion sur un train, ça fait baver un écolo alors qu'un conteneur, c'est de la routine. Et en matière d'environnement, ce qui se voit est plus efficace électoralement parlant.

Des fleuves comme le Rhône ou la seine sont pratiquement inutilisés alors qu'ils longent des axes proches de la saturation ? Quand on voit le trafic sur le Rhin, on peut ce demander pourquoi on n'utilise pas ce moyen de transport qui est le plus écologique de tous. J'ai lu quelque part qu'une péniche représentait l'équivalent de 2 kilomètres de camion.

Une commission devrait se pencher sur ce problème et nous rendre un rapport dans quelques années. Rapport qui ira rejoindre les autres sur une étagère poussiéreuse d'un ministère quelconque.

On a pas fini de voir des camions sur les routes.

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