HIBERNATUS TRANSPORTUM

par Phil26

 

Durant plusieurs jours, les Franciliens ont subi la grève des cheminots. La bave aux lèvres, ils ont affronté des embouteillages monstres dès 5h du matin afin d'aller gagner leur maigre salaire.

Privilégiés pour les uns, travailleurs lambda pour les autres, il faut bien reconnaître que les politiciens épaulés par les médias ont tout fait pour opposer 2 parties de la population.

Obtenir une retraite à 50 ans pour les roulants, fait parti des avantages non négligeables et ancestraux de chaque agent à ce poste. Il n'y a pas que des conducteurs tranquilles à la SNCF, il y a aussi des galériens, comme nous, il y a des lignes difficiles ou oubliées par le modernisme.

Si la mobilisation faiblit chez les cheminots, si ces gens lâchent du lest sur leurs avantages de travail, il y aura un rempart qui s'effondrera. Il reste tellement peu de corporations susceptibles d'exercer une pression sur les pouvoirs en place et qui s'en servent. Depuis des années, il est indéniable que les fonctionnaires, tirent les conditions de travail vers le haut. Le train reste un moyen de transport sûr en France, regardons du côté de la Grande-Bretagne ou les privatisations à gogo ont eu raison de la qualité du service.

Pendant ce temps, ou l'ensemble de la presse et les Parisiens étaient focalisés sur la grève de ces soi disant salauds de privilégiés, le prix des carburants n'a cessé d'augmenter.

Mais les transporteurs eux, ne bougent pas, dans quelques jours, le litre de Gas-Oil sera plus cher que la tasse de café en terrasse. Pourtant, on a rien entendu, pas un bruit, pas un souffle, rien, nib.

Il y a bien eu un geste du gouvernement concernant la TIPP, mais sur le fond...

Jusqu'à quel prix les transporteurs vont accepter de payer le litre de carburant? 1€50, 2€, 3€ ?

Pour diminuer leurs charges en carburants, certains transporteurs, les gros bien sûr, ont surfé sur la vague écologie, et soumis une proposition de limitation de la vitesse pour les PL à 80km/h. On ne lutte pas en se mettant à genoux, à moins d'avoir Gandhi comme gourou, et encore! Quoiqu'il en soit ces mêmes gros ont trouvés depuis longtemps des parades légales à certaines augmentations des dépenses comme le remplacement du personnel par de la main d'œuvre européenne bon marché.

Que va t il se passer ensuite? Nous allons assister impuissants à un dumping social encore plus exacerbé, les entreprises devant maintenir leurs marges pour survivre. Les transporteurs de l'EST rachèteront directement les nôtres. Combien d'emplois chez nous vont être sacrifiés? De quel moyens de lutte disposons-nous? Imaginons un seul instant l'équivalent d'un blocage de 9 jours des transporteurs, juste pour rire. Un pays à plat, exangue, totalement paralysé. Les camions au garage, pas sur la route, nous tenons à nos permis. En Italie, en cas de grève, ceux qui ont tenté de rouler quand même, ont eu des soucis…

En plus, pour une fois, on aurait la côte dans ce pays. On ne gênerait pas sur la route, et on réclamerait notre retour à genoux.

Mais pourquoi ça n'est pas ou plutôt ça n'est plus possible dans notre métier ? Perdre un client ? Se faire manger un client par un confrère ? Pour être respectés, il faudrait à un moment ou un autre, montrer que nous sommes respectables. Mais je crains le pire, les gros transporteurs mènent la danse et nous allons assister en spectateurs impassibles à la lente mort de notre métier… On installera encore 2 ou 3 systèmes débiles sur nos camions, encore un peu plus de répression, et puis ça sera fini. On aura tout le temps d'astiquer nos camions, bardés de chromes, on ira les exposer au musée du transport français, et on prendra un moment pour regarder nos collègues de l'EST rouler sur nos autoroutes en pleurant sur notre sort.

Le métier est gangrené, moribond. Jusqu'à preuve du contraire, on peut encore sauver un malade souffrant ou agonisant, même avec difficultés, avec les moyens dont on dispose. Un mort lui ne se relève jamais et pourtant on le sait. Faudra-t-il attendre qu'il soit trop tard pour qu'on s'éveille? Tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir comme on dit. Et aucune bataille ne peut être considérée foutue tant qu'on ne l'a pas menée. La solidarité qui existe entre les cheminots, celle qui s'est perdue dans notre profession, entraînant dans son sillon le respect entier d'une corporation, nous ferions bien de nous en inspirer, tout le monde en tirerait profit, patrons et chauffeurs.

Si seulement l'exemple des grèves de cheminots pouvaient nous donner le sursaut qui nous fait tant défaut!

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