NON !

TOUT N'EST PAS PERDU...

par Power600

 

Il y a quelques mois je chargeais du matériel de menuiserie dans un magasin de la région. Un jeune qui était là se plaignait de son boulot, qui était en effet ingrat. Charger toute la journée des palettes tordues et des portes-fenêtres mal conçues et fragiles, et payé à coups de promesses d'augmentation...Pas très intéressant en effet. Il m'a demandé plusieurs fois de monter quelques secondes dans ma cabine.


Impressionné par la taille de la cabine du Magnum, surpris par le joystick de la boite automatique d'un Volvo ou la commande au comodo de la même boite sur un Premium, dérouté par le chrono tachygraphe à carte, perplexe en constatant l'exiguïté d'une cabine de porteur de distribution, à chaque fois une nouvelle source d'étonnement.


Puis les mois passent, je le vois à chaque chargement de ces foutues palettes biscornues qui tiennent plus ou moins vaguement debout en défiant les lois de la physique. Et un jour il me dit "j'abandonne ce merdier sans avenir, je vais faire comme toi. Tu vas voir".

Il m'a demandé ce qui existait comme organisme pour apprendre le métier de chauffeur. Je ne lui ai pas caché que je n'étais pas très au fait dans le domaine de l'apprentissage et qu'en dehors des recrutements de débutants à former que font parfois les employeurs, je ne savais pas trop quoi lui dire. Que le mieux serait sans doute de simplement demander à l'ANPE ou l'AFP ou autres qui seraient en mesure de lui donner toutes les précisions voulues.

Je voulais aussi lui donner l'adresse d'un petit site sympa qui fourmille d'informations en tous genres sur le métier.. Fierdetreroutier.com que ça s'appelle. Seulement j'ai oublié.
Plus tard encore il m'a dit qu'il a "trouvé un stage" qu'il commencera la semaine suivante.

Le temps passe encore et en effet je ne le vois plus à cet entrepôt. Et il y a deux jours, j'étais à livrer une semi complète dans un hypermarché de Vannes. Pas assez d'un seul camion pour cette commande, un autre avait le reliquat. Il est arrivé avant que je finisse de vider ma semi. Et surprise, qui vois-je arriver tout content?..

Mon jeune manutentionnaire, venu là au volant d'un Mercedes. Il a fait une première livraison à Theix et doit finir sa tournée à Moréac. Il l'a finalement réussi son passage. Il s'est goinfré tous les examens de permis, de caces et de "matières dangereuses" en une fois sans aucun échec. Le voilà plus diplômé que moi.


Il est de toute évidence content de sa place. Chez son employeur l'ambiance est bonne, le boulot intéressant, le matériel est très entretenu et le fait que les camions ne payent pas de mine, ce n'est nullement un problème. Le salaire correct est sans aucun rapport avec la modeste obole qui lui était généreusement octroyée dans son magasin de menuiserie. Il espère "faire de la longue" dans les années à venir et dans l'immédiat le régional lui convient.

Je finis de vider puis je prends des palettes vides, il me reste à quitter le quai pour lui laisser la place. Et je le vois reculer. Il casse, il redresse, il re-casse, il re-redresse un poil pour que son rétro ne touche pas au portail, et sa mise à quai se fait une une seule fois. Un peu lent parce qu'hésitant quelque peu et quelques zigzags mais au final une manœuvre torchée sans y passer trois jours et un ensemble bien en ligne et bien centré devant le quai. C'est qu'il a le compas dans l'œil l'animal!


Il fait sa livraison sans trainer, puis nous sonnes allés boire un café. Il m'a demandé de lui indiquer le meilleur chemin pour repartir vers son dernier client plus au nord. On va dans la même direction, il n'aura qu'à me suivre. Il m'a expliqué comment il est arrivé là en traversant Vannes où il n'était jamais venu. En gros il est passé pratiquement au plus court en ligne droite ou presque  sans se perdre ni se retrouver bloqué dans les rues de la ville. Pas le trajet le plus rapide mais il est tout de même arrivé à l'heure à son rendez-vous.  Il a un compas dans l'oeil et un GPS dans le nez!

On est repartis, il m'a suivi pour contourner la ville puis nous nous sommes séparés. Au final une rencontre qui change de l'ordinaire et un petit jeune "qui n'en veut".

Dans six mois c'est lui qui m'apprendra des choses du métier, hé hé. Des jeunes attirés par le métier de routier, il y en reste donc quelques uns. En voilà au moins qui n'a pas fait semblant. Pour la relève il y a donc de l'espoir.

Faudra vraiment que je pense à lui donner l'adresse de ce petit site de routiers.

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