LA POLOGNE

La Pologne, ce pays perdu, loin, là bas dans le froid et les brumes du nord. Ce peuple épris de liberté au point de donner tant de vies pour la nôtre. Ces gens tenant tête au broyeur soviétique. Ce courage forçant l'admiration de tous. Mais nous n'en sommes pas là.

Décembre 97, un ciel gris hésitant entre bruine et brouillard se traîne lamentablement sur Katowice. Katowice et sa couronne d'agglomérations. Le ventre industriel de la Pologne. Juxtaposition de mines de charbon, d'usines symboles du soviétisme triomphant, de cités lépreuse si peu entretenues depuis le grand effort industriel d'après guerre.

Katowice, le cauchemar du routier. Destination Krakow (Cracovie) joyau architectural chargé d'histoire (mais le routier ne visite que les zones industrielles). 8 heures d'autoroutes françaises et allemandes. Frontière polonaise, 6 heures de queue, 3 heures de formalités et c'est la traversée des plaines agricoles du sud. 5 heures de routes défoncées, d'autoroutes jamais finies et si peu entretenues. Il fait froid, la campagne est monotone et désespérante sous ce ciel terne dont on attend qu'une chose : la neige. La chaussée est un mélange humide de ces produits antigel issus des crassiers qui collent si bien aux carrosseries les rendant uniformément grises. Dans tous les pays, les traversées des villes sont éprouvantes. Mais ici, voies express de béton craquelé se finissant soudain dans des avenues aux pavés disjoints, boulevard entre des façades lépreuses. Pourtant depuis l'ouverture à l'ouest on rénove mais il y a tant à faire. Gliwice, Bytom, Dabrowa… Katowice. Une heure de périple urbain et c'est enfin l'autoroute, Dernière ligne droite avant ma destination, une autre ville, une autre banlieue industrielle. Les radios françaises en grandes ondes sont inaudibles alors on se rabat sur la bande FM, fond musical qu'on n'écoute pas vraiment. Quoique.

Une air connu me chatouille les oreilles. Une chanson française traduite en polonais c'est pas fréquent. Française, à voir:

Aicha de l'algérien Khaled, écrite par un juif, Goldman, chantée par un polonais. Sur l'autoroute n° 4 qui va vers Cracovie, une des sorties s'appelle Oswiecim. En allemand : Auschwitz. Joli pied de nez à l'intolérance non ?

Le lendemain, la neige est enfin tombée, recouvrant tout de ce blanc qui rend joyeux les enfants et qui effraie tant les automobilistes. Ce tapis qui met les voitures et les camions dans des situations périlleuses. Mais moi, j'avais dans le cœur un petit rayon de soleil. Je l'ai rangé avec quelques autres et je me le ressors de temps en temps. Pas trop souvent ! Il ne faut pas abuser.

Vive la vie.

Lagaffe 69

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