Val d'Aoste:

des pratiques qu'on croyait révolues

par Bob


Le soleil est radieux sur la vallée d'Aoste et ce mercredi soir prend des allures estivales. De retour sur la France, je m'apprète à gagner l'aire de régulation de l'autoport, pour y soutirer le ticket indispensable à tout camion désireux de transiter via le tunnel du Mt Blanc. A peine arrivé sur l'aire, je m'aperçois que le "circuit habituel" est barré et je comprends très vite qu'il s'agit d'un contrôle: le flèchage m'amène aujourd'hui directement sur la bascule, face au bureau de Polizia.

Je fais un rapide "état des lieux" et j'en déduis que ce contrôle devrait bien se passer car j'ai 11t dans la semi et mes disques son grosso-modo en règle... Ha si! Peut-être vais-je me faire "allumer" sur la vitesse, car effectivement on a tendance à ne pas s'en rendre compte, mais les PL sont sensés rouler à 80 en Italie... Bref on verra bien...

J'ouvre la portière, salue les protagonistes - un homme, une femme - et répond à leurs requêtes, une à une, selon le traditionnel déroulement d'un contrôle routier. Tout se passe machinalement jusqu'au moment de leur présenter ma licence communautaire, le document indispensable à toute opération de TRM au sein de l'UE.... Je ne la trouve pas. J'ai beau chercher partout et retourner l'intégralité de ma cabine: non je ne la trouve pas. Les deux agents me laissent un répit de quelques minutes pour leur présenter cette licence. J'appele mon Chef, lui explique la situation... et j'apprends que le fameux document est resté dans mon ancien camion, en France. Inutile donc de s'acharner à tout retourner, je n'ai pas de licence communautaire. Je descends du camion annoncer la nouvelle aux policiers.

Lui, est déjà en train de rédiger le procès verbal en fumant sa clope. Elle, recherche l'intitulé exact de l'infraction en fumant - aussi - sa clope. Nous sommes dans un bureau de Police et je me demande si le nuage toxique qu'ils génèrent est réglementaire mais bon... Loin de moi l'idée de faire la moindre remarque! Tous deux me parlent en italien sans trop faire l'effort de se faire comprendre, si bien que je suis un peu largué... Entre temps j'apprends qu'un collègue va passer dans la soirée pour m'apporter le précieux sésame, alors j'essaie de leur faire comprendre ça... Mais en retour ils m'annoncent - (du moins je décrypte) - que le camion sera de toutes façons, immobilisé jusqu'à demain car le bureau va fermer.

Certes, pas de soucis je "comprends", c'est "normal", finalement ça ne me gène même pas trop car j'ai de quoi manger dans le camion et l'autoport d'Aoste est un endroit agréable pour une coupure... Seulement voilà, les policiers me font aussi comprendre que l'immobilisation n'aura pas lieu ici, mais dans un endroit "agréé".

Et pourquoi? - du moment qu'on me confisque mes cartes grises je ne vais pas me sauver!?! Il ya ici un bureau de Police avec un grand parking devant, pourquoi pas ici?

Inutile de leur poser la question plus de deux fois, apparemment ça les fâche...

Alors voilà, l'aventure commence, je suis l'escorte de la Polizia dans les Rues d'Aoste. Sur le trajet, ils n'ont pas une seule fois utilisé le clignotant, si bien que j'ai même failli les perdre sur la fin! (je n'ose imaginer leur réaction).

Nous arrivons à destination. il s'agit d'un garage PL. La voiture de Police est dans la cour et je demande par la fenêtre où est-ce que je dois me mettre.

_"Ici" me dit l'officier en désignant l'entrée du garage.

_"Là!? dans l'entrée, comme ça?!!?"

Et effectivement je ne vois aucune autre possibilité dans cette toute petite cour... Alors il me laisse un numéro à appeler demain pour récupérer mes cartes grises, puis s'en va. Je vais voir le chef du garage pour savoir si je ne peux pas me garer dans la rue, là, juste devant... Mais non! hors de question! Je suis dans l'entrée et j'y reste! D'ailleurs, j'ai pour consigne de rester près du camion pour le bouger si un client arrive...

Je vais devenir fou! Mais qu'est ce que je fais ici? C'était pas mieux à l'autoport?

Heureusement un collègue qui était dans les parages vient me chercher, à la fermeture du garage, pour aller manger... A peine rejoint-on son camion que deux carabinieri (gendarmes) s'affèrent à lui mettre une contravention pour stationnement gênant! Mon collègue s'est arrêté sur le bas coté seulement deux minutes, les phares allumés, dans une impasse... mais bingo! c'est 80 euros et une menace de confisquer le permis s'il persiste à se justifier. Les 2 agents nous parlent en Italien et nous somment de leur répondre en Italien, en nous disant un truc du style :"nous savons très bien que vous parlez italien messieurs!"... Rien à dire, rien à faire, nous prenons ce second procès verbal et nous regardons ébahis la Fiat Punto s'éloigner. Alors nous allons manger, puis un autre collègue arrive dans la nuit avec la licence. Je retourne me coucher, au garage, juste derrière le portail.

Au petit matin je redemande à garer mon camion dans la rue car je dois partir en centre ville.

Le garagiste: "Non! tu laisses les clés dessus"...

Moi:"Hors de question"...

Lui:"alors je le bougerai avec la dépanneuse!"...

Je suis à bout... d'autant plus qu'il faut savoir que ce "parking" obligatoire me coute 100 euros, une somme fixée comme ça, qui tombe d'on ne sait où, et à payer de préférence en liquide... Je range tout ce qui est "volable" dans la cabine, je m'apprète à enlever mes tapis quand un second garagiste passe près de moi: je lui demande à lui aussi si je peux, par hasard, me garer dans la rue... Il me répond "oui, biensur"... 25 secondes plus tard le camion est devant le garage et les clés dans ma poche: ouf!

Je dois me rendre au bureau de police, à l'autre bout de la ville... Au garage, on s'empresse de me fournir un numéro de taxi apparemment habituel. Au moment où je rentre dans ce taxi, il m'a déjà couté 7 euros, c'est inscrit sur le compteur... 15 euros plus tard je suis au bureau de police. L'officier sort sa mine des mauvais jours pour m'annoncer qu'il y a un problème: "Monsieur, un défaut de licence c'est 3 mois d'immobilisation!"... je suis dans un cauchemar... je tente toutes les justifications possibles et imaginables mais rien à faire, il garde les cartes grises, les marchandises périssables ce n'est apparemment pas un problème pour lui... Il m'invite donc à le laisser travailler tranquille et me communique quand-même un ultime recours: le Giudice del Pace (Juge de Paix)...


Alors re-taxi, direction un autre bout de la ville pour voir le juge de paix. Heureusement, je tombe sur une Dame très gentille qui m'explique clairement la procédure et surtout qui dédramatise la situation! En effet, de quoi parlons-nous? D'un oubli, d'une simple erreur, il n'y a aucune volonté de tromperie et la licence je l'ai sur moi aujourd'hui! Alors voilà, je remplis un dossier mais il faut attendre l'avis du supérieur (le Juge) pour être définitivement rassuré. 1h30 d'attente, j'erre dans les rue d'Aoste quand mon téléphone sonne: c'est la dame de tout à l'heure qui est décidément très sympa de m'appeler pour m'annoncer que l'affaire est réglée. Je reviens au bureau du juge de paix, je la remercie 15 fois et je fonce à la Police avant la fermerture. On me rend alors mes cartes grises et je peux retourner au garage récupérer mon camion. Il est 12h30, il faut que j'attende 14h pour un ultime document à signer. 14h30, je trace ma route.

Cette aventure m'a coûté 50 euros de taxi (sans facture), 100 euros de "parking-fourrière" (sans facture) et 80 euros de carabinieri... plus les frais téléphoniques. Heureusement, j'ai la chance de travailler dans une entreprise qui m'a tout remboursé le jour même.

Pourquoi ce billet d'humeur? Tout simplement parce que j'en ai marre de subir un système dans lequel tout est calculé pour que chacun y retrouve son compte. Commençons par la forme: Mon "allié", au bureau du juge de paix m'a communiqué une information très intéressante:

En effet, il faut savoir que la Province de la Vallée d'Aoste est une province autonome dont les langues officielles sont l'Italien ET le Français, et donc par conséquent chaque représentant de la fonction publique est sommé de maitriser les deux langues. Dès lors, le policier ou le carabinier qui fait mine de ne pas vous comprendre démarre ainsi le processus de manipulation de sa "victime" du jour - Moi.

Que se passe-t-il ensuite: On m'amène dans une fourrière où il n'y a AUCUNE place de parking. Pourquoi ici alors que l'autoport est immense et contrôlé directement par la police? Pourquoi 100 euros? Pourquoi en liquide? Parce que chacun doit prendre sa part... Et ensuite, on vous fait faire 5 fois le tour de la ville... personne n'est dupe, le chauffeur ne peut pas faire ça à pieds, il n'a aucun contact, le garage n'est pas desservi par les bus, le taxi "habituel" est donc le bienvenu et son compteur tourne très vite...

J'ai comme l'impression d'être la victime d'une bande organisée... On vous place au coeur d'un engrenage sans fin mais tout est bien sûr très officiel!


Effectivement, je me suis retrouvé dans une position d'infraction, je ne le conteste pas du tout, j'aurais juste souhaité être immobilisé sur place et ne pas arroser les différents centres d'intérêts.

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