Carnet de bord de Janvier 2015 | Partager sur Facebook |
C'est confortable de couper au dépôt, certes, mais il y a toujours une douche à prendre, une casserole à laver, une main à serrer, une discussion à entamer... bref, quelque chose à faire qui empiète sur le temps de sommeil.
Ce matin il s'agirait de s'affoler un peu : je décolle à 7h30 avec mes bigbags. Je devrais déjà être dans la première ferme ; quoique, non : j'évite ce genre de livraison la nuit, dans la mesure du possible, histoire de ne pas accumuler les contraintes.
Je pars direction Chabeuil, près de Valence. La remorque est vide mais elle m'accompagne quand-même, en vue du rechargement.
J'appelle le premier client tandis que je grimpe le Grand-bœuf. Lorsque je lui demande "C'est compliqué pour venir chez vous ?", question qui sous-entend "j'aimerais des renseignements", il me répond "Ho bah non, moi j'y arrive bien à venir chez moi". Je pense à un blagueur, mais comme il ne dit rien d'autre, j'en conclus qu'il répond sérieusement.
Je pose la remorque dans une ZA, et pars à l'aventure en porteur.
Rien de difficile : pas d'arbre, une grande cour, un manitou télescopique ; c'est le client rêvé pour livrer mes sacs.
Je doute qu'il en soit de même pour le deuxième du jour, situé à Montmiral, à côté de Montagne, pas loin de Saint-Antoine-l'Abbaye... bref, au milieu de nulle part. Je pose la remorque à St Lattier, et m'engage sur un itinéraire de tous les dangers, avec des pentes, des virages, des arbres, un chien airant, quelques croisement difficiles, un carrefour où je manœuvre en trois fois : la totale. Mais j'aime bien ! De tout là haut on a une vue imprenable sur tout là-bas, il fait beau, je suis pénard dans la campagne, j'aurais presque envie de m'arrêter faire quelques roulades dans les prés. J'accède à la ferme comme je peux, difficilement, et je pose trois bigbags.
Je redescends via le même itinéraire, ma dernière livraison se fait dans la vallée, à Saint-Hillaire-du-Rosier-Gare, rien que ça. Le vieux paysan m'explique très mal au téléphone, je ne pige rien, j'y vais au feeling. En porteur ça passe partout... et lorsque ça ne passe pas, lorsqu'on a eu un mauvais feeling, on peut aisément reculer sur une centaine de mètres.
Je finis par trouver la ferme, le vieux paysan est dehors, il me fait de grands gestes, mais les deux cent derniers mètres sont rudes : des branches partout, et pas moyen de mordre dans l'herbe ni à droite, ni à gauche, au risque de glisser dans la pente. Du coup je sors la barre de toit pour (au moins) faire passer les plus grosses branches au dessus. Le vieux arrive, et comme tous les anciens il me sort "bah c'est bon, ça passe..." suivit du classique "Y'en a un autre qu'est passé l'autre jour...". L'autre en question étant peut-être en plateau, peut-être du genre gros bourrin, peut-être moins haut, bref, lui il est passé ! Je finis par passer aussi, en écoutant le bruit des griffures sur la carrosserie avec presque autant de souffrance que si elles me griffaient moi-même. Et le vieux devant qui continue à me dire "Mais vas-y, c'est bon...". J'ai envie de lui dire "Casse-toi le vieux !" mais je reste calme, nous ne sommes pas de la même génération, il n'a pas l'air de capter que ça me soucie de rayer un ensemble tout neuf...
Une fois vide, je retourne chercher la remorque, je mange sur ma coupure d'une demi-heure, et je file charger à Epierre 73.
Une grosse usine chimique, avec pas grand monde à l'intérieur : une gardienne désagréable, un cariste sympathique, et un responsable des expéditions incrédule de voir un Français venir charger chez lui. "Ça faisait longtemps" me confie-t-il.
Je pensais rentrer au dépôt pour y faire une troisième coupure cette semaine, finalement non : chargement demain matin à Vizille 38. Cool.
Temps superbe sur l'Isère, j'arrive à Vizille à la tombée de la nuit, je ne trouve pas de place qui me convienne. Je tourne, je tourne, puis je me pose à Péage de Vizille, pas trop loin de la boulangerie.