FDR - Carnet de bord
Carnet de bord de Janvier 2015 Partager sur Facebook
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  • finalement ce sera 5...
    allez mon gars, va au casse-pipe !
  • Mardi 20 Janvier 2015
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    D'aucun diront que c'était prévisible.
    Ce matin à 2h45, alors que j'ai programmé le réveil à 2h50, je sens une secousse depuis ma couchette. J'en sors d'un bond, et j'allume tout ce qui peut s'allumer : seulement le klaxon ne marche pas sans contact, le moteur ne démarre pas avant préchauffage... il n'y a bien que les feux qui daignent répondre dans la précipitation. J'entre-ouvre la portière, il y a des ombres au cul du porteur. Je gueule des trucs débiles (toujours dans la précipitation) Allez !... Filez !... Allez !... Barrez-vous !... Pchiii... !

    Je me trouve moi-même un peu con dans ma gestion de crise ; c'est bien simple, on a l'impression que je rentre les poules. Bref, on ne sait jamais trop comment on va réagir le moment venu.

    Triste face à face : je vois sortir de l'arrière du camion près d'une dizaine de gens... peut-être 7 ou 8 je ne sais pas trop, l'émotion me brouille un peu l'esprit. Ils sont là, et ils s'en vont, tranquille, se cacher dans le bois d'en face. Il y a des hommes, des femmes, différentes générations, emmitouflés dans de vieilles guenilles, de vieux blousons, de vieux jogging... et moi qui fais "Pchiii..." pour les faire fuir, comme des poules. Quelle triste situation.

    Je ne sais pas quoi faire. Je ne sais pas si certains ont réussi à se planquer dans mon chargement de groupage. Dans le doute j'appelle les flics. Ils arrivent dix minutes plus tard et ensemble nous ouvrons le côté et balayons à grands coups de lampes torches. Personne.
    Un flic et une flic, tous deux l'air sympa, ils se sont déplacés vite. Alors bien sûr j'ai droit au : "Vous savez c'est déconseillé de dormir ici..."
    Oui bien sûr, alors j'ai le choix entre dormir avant Arras avec 7h de volant, ou bien aller m'engouffrer dans l'attente interminable de Calais et finir avec 17h d'amplitude... auquel cas la même personne me dirait :
    "Bah fallait anticiper Monsieur..." the famous.

    Ce que j'ignore, en décollant de mon parking de merde à 3h15, c'est que les galères ne font que commencer. En effet, je suis obligé de prendre le train, et lorsque j'arrive les panneaux annoncent 2h30 d'attente. Ensuite, lorsque je déclare mes matières dangereuses, la jeune femme m'annonce, elle,  3h30 à 4h. Il me faudra finalement 5h pour faire Calais-Folkestone.
    J'ai ainsi regardé droit devant moi dans la travée pendant des heures, les portes de ce camion "Duvenbeck - The Culture of Logistics"... pathétique slogan, dont l'écho résonne d'autant plus lorsque l'on jette un œil à l'immatriculation : Romania bien entendu, pour une boite apparemment allemande. La culture roumaine de la logistique.
    Ce n'est pas l'envie qui manque mais on ne peut pas dormir dans les rangées, sous peine de rater le départ. Alors on reste là, à regarder "Duvenbeck - The culture of Logistics", comme un con.
    Comme un con, ou plutôt comme une merde, voire comme rien du tout : c'est comme cela que l'on nous considère chez Eurotunnel ; 5h à dépendre de leur service foireux, et pas même un café offert, pas même un mot sympa des haut-parleurs, rien, tout est normal dans la gestion du bétail.

    La journée continue, me voici en Angleterre, pile à l'heure de pointe pour passer Maidstone, pour me retrouver sur le M25, et rouler comme je peux (c'est à dire au pas) en direction d'Oxford. Je mets 4h15 pour rallier mon premier client, presque le double du parcours prévu.

    Le GPS ne trouve pas, il s'agit de livrer les arbres de la remorque chez un particulier. Un mec sympa d'une boite de transport m'y amène en voiture. Route hyper étroite avec des branches partout... on se croirait dans les environs de Saint Marcellin en pleine tournée de bigbags. Sauf que là j'ai une remorque accrochée aux fesses. Mon repérage en voiture n'est pas pour me rassurer, je sais juste où aller précisément.
    Lorsque je me présente avec le camion, le paysagiste me demande de faire demi-tour "sans rouler sur l'herbe, please". Impossible. Je ne suis même pas sûr de pouvoir me retourner tout cour.
    Je roule sur l'herbe, je balaie les branches, je me tors dans tous les sens, je gueule, je m'énerve... et au bout de 25 avants-arrières, c'est bon, j'ai fait demi-tour.
    A ce moment, le même paysagiste me demande de le suivre pour aller livrer à l'endroit exact. Et là je dis non... un vieux chemin de terre avec d'immenses dos d'âne et des arbres encore plus bas. Je refuse d'y aller. Et puis ça doit commencer à se voir que j'enrage ; il ne bronche pas et décharge dans le carrefour.

    Il est des jours comme aujourd'hui où tout va mal.

    La suite se déroule heureusement mieux : je fonce à Milton Keynes faire deux autres clients, pas faciles mais presque. Puis Swavesey en faire un dernier, juste à la fermeture. J'y arrive au terme de mon amplitude (14h57) et le sympathique gérant de la boite m'autorise à dormir devant. Enfin de la chance bordel !