Carnet de bord de Janvier 2015 | Partager sur Facebook |
J'aurais pu décoller plus tôt pour aller décharger le dernier à Hatfield. N'ayant pas de ramasse derrière mieux vaut préserver l'amplitude. En effet les temps sont durs, entre les bouchons, les tunnels, les ferries et j'en passe, il devient compliqué de faire une journée de moins de 15h.
Je décharge donc à 7h chez ce client au protocole de sécurité long comme le bras, dont j'ai déjà étudié la débilité à maintes reprises dans ce CDB. Aujourd'hui je ne me laisse pas faire, j'attends le gardien au tournant. Lorsqu'il me dit, alors que je m'apprête à sortir du site, "je vais monter dans la cabine pour vérifier", je lui réponds "non, si t'as un doute appelle la police, mais toi tu ne montes pas" ; ça passe. Ensuite lorsqu'il remplit son bulletin de sortie avec toutes les mêmes informations du bulletin d'entrée qu'il faut néanmoins répéter, il me demande : "lieu où vous vous rendez maintenant ?". Je réponds "je ne sais pas", pour ne pas répondre "qu'est-ce que ça peut vous foutre ?". Alors forcément il insiste, me disant qu'il doit remplir le bulletin... je finis par lui dire "y'a qu'à écrire Londres..."
Une dizaine de minutes pour lui faire ouvrir cette fichue barrière, trois petits tours de connerie protocolaire et puis s'en vont.
Je vais finalement recharger sur la côte est, à Clacton-on Sea. "Prévu 12h", j'ai le temps de manger et de balayer ma remorque.
Depuis la zone Industrielle de Clacton-on-sea, on ne voit pas la mer, on circule péniblement en slalomant entre les voitures ; puis, lorsqu'on arrive à destination on transpire à l'idée de manœuvrer pour se mettre en place.
Rien que d'aller faire demi-tour pour me mettre dans le bon sens (à ma main) s'avère compliqué. Il y a toujours un pénible en voiture derrière moi qui ne capte rien et me colle lorsque je mets les warnings dans les carrefours pour éventuellement y tourner. Quand je me présente dans le bon sens devant la toute petite entrée, je me dois de performer. Et comme par enchantement je performe : je sors une reculade de l'extrême et de derrière les fagots qui laisse pantois les automobilistes en attente. Derrière les pare-brises, je le vois bien, on se demande si "oui" ou "non" il s'agit du mec en couverture de Télérama.
Oui, je me Alain Delonise.
Un chargement de gros rouleaux en vrac, qui s'éternise. Mais tout le monde est bien gentil ici : on discute avec moi, on me paie le café, on me fait visiter l'usine.
Je repars donc avec l'amplitude rognée un peu plus. Un obstacle de taille se dresse à l'horizon : La Manche. Aujourd'hui à l'air encore plus apocalyptique qu'hier. Côté Anglais, on stocke les PL sur la M20 entre les sorties 8 et 9, c'est à dire avant Ashford. Oui on "stocke", comme de vulgaires palettes dans un entrepôt, sauf que là il y a des gens au volant...
Depuis la M25 on indique "aux touristes" de prendre la M2 et A2 pour aller en direction de Dover.
Je sors mes lunettes de soleil, ma chemise à fleur et mon "petit-routard" ; C'est bon, je deviens un touriste conduisant un camion, incognito.
Hormis quelques bouchons traditionnels d'heure de pointe, je parviens à rouler jusqu'au port sans "stockage". Il me reste 3h d'amplitude, et vu le bazar sur l'artère principale de Douvres, je ne me risque pas à tenter de trouver une place au parking de la Douane. Je décide de traverser ce soir.
Myferrylink, la prestigieuse compagnie personnelle de Jules, Luc, Carine et les autres, prochain départ 19H30, ce qui devrait me faire débarquer en France pile au terme de mes heures. Mais après tout la position "bateau" du tachygraphe ne sert-elle pas à cela ?
Je clos ma cession et passe en mode "bateau-train".
Sur le "Nord-pas-de Calais" je retrouve Mourad, le plus sympa des chauffeurs Belges. Ensemble nous regardons les starlettes du PSG qui mettent des buts aux starlettes de Bordeaux.
Arrivé à Calais, 22h, il y a encore une file d'attente interminable dans l'autre sens. D'après ce que j'ai compris de la FCO j'ai le droit à une heure pour trouver un endroit où me poser. Alors je me barre, au plus loin. Je tente l'aire de Rely, mais toutes les aires sont sursaturées, alors je sors à Lillers et je me pose au péage, 57 minutes de conduite.
Des clandestins monteront peut-être dans la nuit, on n'est plus à ça près...