FDR - Carnet de bord
Carnet de bord de Janvier 2015 Partager sur Facebook
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  • C'est reparti
    Charmes sur l'Herbasse
    Alain à perdu la tête
    le pti dernier de la maison !
  • Lundi 5 Janvier 2015
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    Deux semaines à faire des nuits de 9h, à prendre trois repas par jour, à se laver sans claquettes, à s'asseoir sur la cuvette aux toilettes... deux semaines de vie normale ; et puis soudain, un réveil sonne à 5h30 dans la nuit mâconnaise : nous sommes le 5 janvier, c'est la reprise.
    Moral en berne. Je rejoins mon camion sous un blizzard Sibérien.
    7h, il fait un bon 0 degré à l'intérieur de la cabine, c'est un peu rude au sortir de 15 jours de grasse matinée bien au chaud sous la couette.
    Je trouve ce retour de congés particulièrement difficile, et pourtant avec un départ au lever du jour, dans un camion tout prêt qui n'a pas roulé sans moi, on a connu pires conditions par le passé.

    Je vais charger à Chagny  sous un épais brouillard, typique du val de Saône qui aime à se revêtir les matins d'hiver. Il fait -4 degrés, mieux vaut rester vigilent : non contente  de nous masquer le paysage la purée de pois retombe sous forme de givre pour encore plus de sensations.

    Je ne suis pas en avance : j'arrive à 9h pour charger. Heureusement ça va vite, à 9h45 c'est complet et je me dirige vers les bureaux pour les papiers.
    Il fallait bien un peu piment pour assaisonner la rentrer : la secrétaire m'explique que "ça marche pas", qu'elle ne peut pas éditer les documents, et que je vais donc devoir attendre.

    1h15 précisément, dans le bungalow, derrière le hublot. J'ai rendez-vous à 14h pour décharger près de Romans. Ce n'est techniquement plus possible, mais je m'en fous. Tranquille, zen... je vais même m'octroyer un quart d'heure pour manger, ce qui constitue un acte de rébellion majeur.

    Le brouillard s'arrête à Lyon, la Saône aussi. Ensuite, c'est un franc soleil et 10 degrés de plus, ce qui permet aux gendarmes en poste de lézarder pénard dans le Grand Bœuf, tandis que je me ronge les ongles derrière un LTR qui grimpe à 35 Km/h. Zen je reste, et zen je resterai.
    Je décharge à 15h. Puis je rentre à Jarcieu.
    A quai j'écope d'une grosse tournée pour l'Angleterre ; de quoi voir le programme pour les deux-trois jours à venir.

    Je roule mes heures jusqu'à l'aire de Gevrey-Chambertin, j'y arrive crevé, comme si j'avais perdu le rythme d'une journée qui n'avait pourtant rien d'éreintant. 

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  • aux abords de la Total, Calais
    "l'espace chauffeurs" du Berlioz
  • Mardi 6 Janvier 2015
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    9h plus tard je reste pantois devant ce café absolument dégueulasse que m'offre la machine Hi-tech "Deli2go" avec son écran tactile : un bon vieux distributeur à boutons pressoirs vous en offre plus !

    7h, -3 degrés, je quitte Gevrey-Chambertin, direction Calais, direction l'Angleterre.
    Très vite une épaisseur de glace vient recouvrir la coque de mes rétroviseurs : signe qu'il faut faire gaffe, comme hier le brouillard est givrant et la route glissante. Je roule à tâtons.
    Le lever du soleil, ou le coucher de pleine lune - on s'y mélange -, est magnifique. Un panel de couleurs pastelles sur la campagne Champenoise où quelques chevreuils se gèlent les testicules - tout nu par un temps pareil les pauvres -, grattant la terre pour dénicher de quoi produire un peu de chaleur.

    Je m'arrête mettre du Gazole chez Leclerc à Reims, avec pour idée d'y faire aussi mes courses. Je découvre amer que le seul emplacement où j'aimais me garer a été supprimé. Alors je trace. Il restera des quatre-quarts "Bonne maman" au Leclerc Champfleury...
    Je me pose derrière la barrière de péage de l'A26, je mange en écoutant "La bande originale". Puis je repars.

    Le mercure peine à passer le zéro, et lorsqu'enfin il y arrive, à hauteur de Lens, c'est tout le charme de l'hiver qui s'évapore : les paysages givrés laissent place aux paysages moches, les coques de rétroviseurs dégoulines, les chevreuils rentrent au bois. Calais arrive.

    De pire en pire ; il y a une quantité ahurissante de clandestins postés aux abords de la Total, sur la route du port. Triste spectacle.
    Il y a la queue chez P&O, je vais chez MFL. Je suis en ADR classe 4, et la guichetière me donne 5 étiquettes à coller sur le camion.
    "3 suffisent..."
    "Non il en faut 5, vous êtes en camion-remorque : une sur chaque caisse des deux côtés, et une derrière"
    "Non, 3 suffisent : une de chaque côté sur le porteur, une derrière"
    "Non, je vous assure, je viens de faire la formation, je suis callée... etc."
    Je lui prends ses 5 autocollants, peu importe... de toute façon maintenant il pleut et aucun ne tient. Je monte à bord du Berlioz avec mes seules plaques orange, personne ne moufte.

    Comme je suis parmi les premiers je fonce à la douche. Je profite ensuite des dernières ondes françaises de Free pour geeker un peu. Apparemment dès ce soir je suis sur Télérama.fr ; pas de bol, pile au moment où je n'aurai plus d'accès à internet.

    Je débarque à Douvres à 18h, roule jusqu'au M25, Clacket Lane service, une aire où les places sont assez grandes pour ne pas avoir le souci de se faire balayer la cabine par le voisin.

    Les SMS fusent tandis que je mange ma soupe de panais maison : oui, c'est officiel, je fais un regard au loin ténébreux à la une de Télérama.fr.

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  • RedBull Racing
    nouvelle flotte
    environs de Birmingham
  • Mercredi 7 Janvier 2015
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    Le jour de gloire est arrivé. Puis à 11h20 on a voulu faire couler un sang impur. Bordel, je ne sais même pas quoi écrire là, dans ce carnet de bord, pour raconter cette journée.

    6h30, départ de Clacket Lane, je suis déterminé à performer avec mes six livraisons... et un brin excité il faut bien l'avouer, par la parution aujourd'hui même en kiosque du dernier Télérama orné d'un joli camion-remorque en couverture.
    Un peu en avance pour aller livrer chez Red Bull à Milton Keynes, je m'arrête quelques kilomètres en amont pour écouter le débriefing, non pas de Natacha Poloni (qui parait-il parle de moi au même moment), mais de ma conseillère en communication personnelle qui se moque déjà parce qu'il y a la fameuse photo dans la couchette, en train de faire semblant de dormir... la honte.
    Mais ce n'est qu'une photo, le reportage a l'air vraiment bien, j'en suis ravis. On verra ça plus tard.

    Je fonce dans la célèbre écurie de F1 qui héberge un taureau rouge... et qui par conséquent s'apparente plus à une étable de F1 qu'à une écurie. Passons.
    Hormis les voitures garées un peu partout dans la rue qui empêchent de manœuvrer sereinement, j'aime venir ici, je suis toujours tombé sur des gens sympas. Exemple : on m'invite à prendre les camions de l'étable en photo... tandis que chez Renault F1 on considère ça comme de l'espionnage industriel.
    Je sors deux palettes au hayon, et j'enchaine. Direction Birmingham.
    Le temps vire à la pluie, J'ai deux clients à livrer dans des endroits pas simples de la ville. Je perds du temps chez le premier : Il y a 5 bâtiments, aucun panneau pour indiquer où aller, et les ouvriers eux-mêmes ne savent pas vers lequel m'envoyer pour décharger. Ce sera finalement au fond d'une impasse, avec sortie en marche arrière du genre très balaise.   
    Mon troisième client n'est pas loin, j'y arrive avant midi.

    Tout va bien, je progresse tout en recevant quelques messages sympathiques concernant Télérama. Et puis vers 13h30 j'allume la radio...

    Voilà pour le jour de gloire. La suite se déroulant avec une boule au ventre, et un cocktail tristesse-colère-dégoût dans la tête. Ultra violence à Paris, on a dégommé la liberté, l'humour, l'esprit. 7 janvier 2015 : c'est le moyen-âge, le far-ouest, la jungle, la guerre... on ne sait pas trop, mais on peine à comprendre quels rouages peuvent amener l'être humain à utiliser son cerveau à des fins si barbares.
    La radio m'accompagne jusqu'à Doncaster où j'effectue deux autres livraisons. Je performe aujourd'hui, et cela m'indiffère totalement. Je vais me mettre en coupure à Durham, devant mon dernier client, dans une rue calme de l'industrial estate.

    9h40 de volant, 5 livraisons, 620 Km, 12 morts.

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  • environs de Rochedale
    à Manchester
    J'ai chargé chez ST Regis...
  • Jeudi 8 Janvier 2015
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    Putain j'ai envie de chialer en écoutant les interventions de Sofia Aram et Patrick Pelloux ce matin dans le 7/9 d'Inter. Et qu'est-ce que je fous là, dans mon camion, tout en haut de l'Angleterre ? Il faut aller manifester, grossir le mouvement de contestation, de refus, de révolte. Imagine-t-on vivre dans un monde sans humour ? Sans finesse d'esprit ? Sans second degré, ni troisième, ni quinzième ? Plutôt crever.

    J'ai dormi devant l'usine, personne n'est venu taper à la porte. Je me présente à 8h, peut-être était-ce ouvert plus tôt, peu importe. Vide à 8h20, j'ai pour mission d'aller charger un lot de 5m à Manchester. "5m et 3t5" précise le sms. Porteur ou remorque ? Il faut prendre une décision et ce n'est pas facile : si je charge dans le porteur il restera seulement 1m50 pour un éventuel lot à prendre au hayon, ou un accès merdique... mais si je charge dans la remorque et que les autres ramasses sont pondéreuses je serai en surcharge porteur. Jean-Noël m'annonce 5 ou 6 ramasses, j'eus préféré obtenir des infos plus détaillées, mais c'est déjà pas mal. 
    Je m'en remets à mon intuition : je charge le Manchester à l'avant de la remorque.

    Mission suivante : une ramasse à Kettering... à 3h d'ici. Parti de 0 de Manchester, je peux aller chez ce client d'une traite.
    14h30, on me fait poireauter une heure dans la cour, j'ai été bien inspiré de sauter mon repas de midi...Tout cela pour 5 malheureuses palettes de carton, chargées en 3 minutes.
    Le chargement suivant se fait dans une autre usine de la même enseigne, à Blunham. Rebelote : une heure d'attente, cette fois-ci pour 3 palettes.

    Je n'en ferai pas plus aujourd'hui : déjà que mes chargements sont espacés, si en plus j'y poireaute à chaque fois, je ne peux pas faire de miracles.
    La quatrième ramasse aura lieu à Norwich, demain.
    Je m'y rends dès ce soir, je me gare à destination avec 8h49 de volant, au fond d'une impasse ; il y a les doubles lignes jaunes au sol mais je ne gêne absolument personne, et puis merde il n'y a rien pour se garer dans les alentours.

    Gamelle de pates, carnet de bord, guitare.

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  • Suffolk
    Marc... j'ai honte !
    je roule dans un flipper
  • Vendredi 9 Janvier 2015
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    8h, Norwich. Le vieux type sur son chariot élévateur marmonne un truc dans sa barbe avec un air triste. Je ne comprends pas, il un l'accent du nord et parle tout bas comme s'il se confessait. Le faisant répéter je réalise qu'on n'en est pas si loin : ce vieux Monsieur est en train de me témoigner toute sa solidarité en rapport avec ce qu'il se passe en France. J'en suis presque gêné, bêtement je le remercie, je me lance à lui dire "C'est très gentil" en anglais mais malheureusement je ne me souviens pas du mot "gentil"... alors je dis "It's very... gentil". Gros naze que je suis.

    Fallait pas dessiner des camions sur la table pendant les cours de madame Nové-Josserand.

    J'ai dormi sur place, chargé la remorque complète à la première heure, je pars maintenant en direction d'Haverhill pour une autre ramasse.
    Le soleil rasant donne de belles couleurs au Suffolk, mais comme toujours dans les environs la route est grasse et pétrit le camion de bouillasse. Je débarque chez le client avec la remorque, je n'aurais pas dû, il s'avère plus que difficile d'y faire demi-tour... Je n'aurais pas dû, elle ne me sert à rien... Je n'aurais pas dû, mais je n'ai trouvé nulle part où la décrocher : pas de parking, pas de place dans la zone, rien. Alors je me tors comme je peux en frôlant les murs, et je finis par me mettre dans le bon sens. Je charge un chariot.
    Le camion est quasi-complet, et j'ai pour mission de rouler vers Douvres.

    Je dois caser une demi-heure de coupure, alors je m'arrête sur un refuge où flotte l'Union Jack, signe qu'on y sert à boire et à manger.

    Le "Mega Burger". Voici ce que je choisis dans l'indécision la plus totale devant le menu où l'on trouve entre autre le "Big Burger" et "l'Ultra Burger'. On n'a pas l'air de faire dans la finesse ici. Et dire que Marc (le journaliste de Télérama) évoque dans son article la conversation que nous avons eu au sujet du végétarisme... Me voici devant une montagne de viande entre deux bouts de pain.
    "Je mets du beurre sur le pain ?" Me demande en anglais le chef étoilé.
    "Ho bah oui, fais toi plaiz..." je réponds pour ne pas le contrarier. Rajoute aussi de l'huile des rillettes et du pâté, ça manque de légèreté.
    Je mange ce truc gargantuesque, véritable ode à la malbouffe, plus riche que l'ensemble de mes repas de la semaine ; l'équivalent anglais d'un Francescina portugais (pour les connaisseurs).

    Je roule en direction du port, écoutant les flashs spéciaux qui se succèdent les uns après les autres : double prise d'otage, des coups de feux de partout, Paris en état de siège, des envoyés spéciaux, c'est la guerre.
    Une situation chaotique qui ressemble étrangement à la fin de "Watchmen" d'Allan Moore, une BD géniale que l'on trouve au rayon "BD géniales" de toutes les bonnes librairies.

    Bref, je me dirige vers le bateau, ce dernier est en retard, sans doute à cause du mauvais temps. Car il vente et il pleuviote sur la Manche, un vrai temps de marin dont je n'ai pas l'ongle d'un doigt du pied. C'est à dire que je suis très vite malade, et encore plus vite avec un Mega Burger en cour de digestion.
    Je bois un café, je regarde la télé. Le temps passe, les douches sont libres, j'y vais. Me voici enfermé là dedans, à essayer de tenir en équilibre malgré la houle. A mes pieds il y cette mare de flotte qui s'écoule de gauche à droite au rythme des vagues. Je prends ma douche, toujours en équilibre. J'ai l'impression de faire une épreuve d'Interville. Le balan couplé au manque d'air de la cabine confinée me fait rendre mon café. Pour autant je garde le burger, il m'a quand-même couté 4£ !

    France ! Me revoilà, nous sommes vendredi soir, le vent souffle très fort sur Calais, je fonce en direction de l'A26, en direction de la maison.

    Je m'arrête à l'aire d'Urvillier dans l'espoir de :
    _ mettre de l'ADblue à la pompe
    _ acheter du pain
    _ acheter enfin Télérama
    Je ne trouve rien de cela, ce qui me conforte à l'idée que cette Total est vraiment pourrie. (Voir "anecdote de la douche d'Urvillier", archive CDB Ray 2013, Bibliothèque Nationale de France)
    Aire de Reims : pas de Presse non-plus.
    Aire de Sommesous : un rayon presse, mais pas de Télérama. Il va falloir attendre demain.

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  • Samedi 10 Janvier 2015
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    Je roule jusqu'à Mâcon.
    13h, je peux ENFIN lire Télérama. Je tiens à remercier vivement Marc (qui me lit j'en suis sûr), ainsi que toute l'équipe technique du magazine, pour la qualité du reportage. J'étais confiant, je suis ravi. N'en déplaise aux aigris de FranceRoutes cet article dresse un état des lieux fidèle de la situation, qui plus est à destination de lecteurs qui ne nous connaissent pas.

    La guigne de paraitre un 07 janvier, certes, mais il en est ainsi : allons de l'avant, battons le pavé ce dimanche, et luttons contre toute forme d'extrémisme.   


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  • Pont de Fleurville, ça faisait longtemps
    plateforme chimique de Tavaux
    Dombes
    on croirait une maquette
  • Lundi 12 Janvier 2015
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    Pas en avance, dormi à peine 3h... j'attaque cette nouvelle semaine de la plus belle manière. Au programme : aller vider un lot dans le Jura, près d'Arbois, et en recharger un autre près de Dole. Pour ce faire je laisse la remorque et ses 15 tonnes à Mâcon, je n'en ai pas besoin.

    Je dois remettre du Gazole : stop chez Total Access Fleurville. Je coupe ensuite par la cambrousse. Aujourd'hui c'est jour de Marché à Louhans, Les anciens sont lâchés sur les routes de Bresse. Mamie qui roule à 60 Km/h en deuxième, Pépé qui est parti sans dégivrer le pare-brise et qui ne voit rien... Je tombe sur de très beaux spécimens.

    Pas bien de se moquer lorsqu'on est soi-même mauvais : arrivé chez mon client, je recule le camion à quai, après avoir baissé la suspension, j'y vais tout doucement... tout doucement... lorsque soudain j'entends crrrrrr... une espèce de petit bruit de plastique. Je comprends direct  : c'est un feu qui a touché le quai. Pour ma défense : je n'ai pas de tampon à l'arrière du porteur, à cause du hayon, j'ai juste un petit rebord métallique au dessus du feu. Or le quai de ce matin est vraiment une saloperie : il est arrondi sur le haut (que je visais), si bien que c'est le feu qui a touché, à gauche. Pas cassé, juste un peu fendu... ça ne se voit même pas, mais bon, c'est fait.

    Voilà ce qu'il en est des routiers vedettes qui pavanent dans les magazines.

    Je roule contrarié jusqu'à la plateforme chimique de Tavaux, où je vais charger pour la première fois. Je découvre l'univers merveilleux des automates : de l'inscription à l'édition des CMR, tout se fait par une machine, rapide et performante certes... mais peu souriante.
    Il y a quand-même un cariste pour mettre les palettes dans le camion, le robot équivalent doit être trop cher.
    Pour une première, tout se passe très bien, Je ressors à peine une heure plus tard avec mon chargement. Il faut aussi parler des trains qui arrivent à l'heure !

    Je redescends sur Mâcon récupérer ma remorque. Puis direction St-Trivier-sur-Moignan, pour un roll à déposer.
    15h, je suis déjà à Lyon pour une troisième livraison suivie de deux nouvelles ramasses : plus ça marche, plus j'ai du boulot. Si bien qu'aujourd'hui je ne vois pas le jour.
    Je ramène le tout à Jarcieu, 8h40 de volant, je récupère du Barcelone et coupe à quai.

    Sur la porte d'entrée principale des transports Duarig il y a l'article de Télérama. Quel honneur ! J'en suis très touché.

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  • ça contrôle au péage...
    C-25
    sur la route d'Avinyo
    au groupage
    bien les gars...
  • Mardi 13 Janvier 2015
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    3h50... c'est beaucoup trop tôt. Je m'octroie une dizaine de minutes de rabe, en équilibre entre mon conscient et mon inconscient, à deux doigts de me lever mais aussi prêt à replonger dans le sommeil. 4h10... me vient à l'esprit que si je persiste je n'aurais plus le temps de prendre une douche, je partirais donc sale et de mauvaise humeur avec l'obligation d'en trouver une ce soir à Barcelone. Du coup je me lève.

    4h30, la journée commence officiellement, je m'en vais doucement, gobelet de café en main, radio sur Inter et chauffage soufflant vers les pieds.

    Me voici sur l'A7, quelque part entre Valence et Orange, quarante tonnes glissent souplement sur l'asphalte. Notre bahut s'enfonce dans une nuit noire constellée de points lumineux, blancs à gauches, rouges à droite. Deux lignes discontinues mais infinies...
    Bon ok, j'arrête le plagia.

    Fatigué ce matin ; je vise "La Palme" - cette bonne vieille Palme située à 4h20 du dépôt -, mais dès Montpellier je commence à regarder les aires à venir dans le but de m'arrêter dormir 45 minutes. Finalement le jour se lève, les coups de téléphone affluent et je continue à rouler.

    Au programme il y a trois livraisons, dont la deuxième "avant 13h" près de Vic, histoire de mettre un peu la pression.
    Je commence à Figuerès. Une grosse usine, une forte odeur de plastique, et une petite bonne femme sur son chariot élévateur qui vient à ma rencontre. Malgré la présence d'un quai, là, devant moi, elle ne rechigne pas à décharger par le côté, ce qui m'évite une manœuvre périlleuse et un décrochage (j'en ai dans le porteur et dans la remorque).
    Le GPS m'annonce 13h20 à Avinyo, chez le deuxième client. Je préviens Stéphane qui me répond : "Avant 14h c'est ok". Traduction : on va considérer les mandarines comme un repas de midi.

    Pas facile les derniers kilomètres qui mènent à Avinyo. Ils auraient pu construire un pont, le pont d'Avinyo... (Élue blague la moins drôle de la semaine, tous carnets de bord confondus)

    Je fonce vers Granollers, l'heure tourne, il y a une route barrée et un accident sur la déviation, mais ça va, je le vis bien, je ne suis presque pas en stress.
    Un chargement m'attend dès ce soir, dans la Zona Franca, et ça va être juste...
    Confirmation quelques instants plus tard ; J'ai 10 minutes de marge pour y arriver.

    Il fait beau à Barcelone, un pâle soleil d'hiver et une brune blanchâtre donnent à l'horizon des allures de couverture de Télérama. A ce propos je savoure mes dernières heures de parution en kiosque : demain exit Ray superstar, je laisse la place à ceux dont c'est le métier (chanteurs, présentateurs de télé, terroristes, hommes politiques etc.)

    9h57 de volant, je suis à quai chez le groupeur. Fin de la journée, je passe ma coupure sur place, d'autant que le chargement s'éternise.


  • Photos
  • la terre a tremblé à Isardrôme
    au dégroupage
    Vienne
    opération entretien
  • Mercredi 14 Janvier 2015
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    Drôle d'ambiance la nuit dans la Zona Franca : les patrouilles de sécurité tournent, les flics tournent, puis à nouveau les patrouilles de sécurité, suivies des flics... Un type en uniforme relève même mon immatriculation. Tout le monde surveille tout le monde.

    22h. Un petit chat vient quémander sous ma fenêtre, le temps que j'attrape un bout de couenne de jambon, je me tourne à nouveau vers l'extérieur en faisant ce petit bruit tout mignon pour appeler les petits chats, sorte de bruit de bisous répété deux fois... sauf que là, lorsque je fais ça, le petit chat a disparu et c'est un agent de sécurité au second plan qui prend ça pour lui. Moment de solitude. Certes ce n'était pas très virile, mais n'y a-t-il pas moyen d'être tranquille ici ?

    Je m'endors vers minuit et me réveille à 4h15.

    Je m'en retourne vers la France avec mon lot de groupage, plus un client à faire en direct.
    Direction Saint-Priest.
    Aujourd'hui sort le dernier numéro de Charlie Hebdo, je m'arrêterais bien l'acheter en station mais d'après ce que j'entends à la radio ce n'est pas la peine : rupture de stock dès l'aube, on se l'arrache presque autant qu'un Télérama avec Ray en couverture. Cela dit, Ray en couverture pose moins problème. Il est pourtant une sorte de prophète lui aussi... il diffuse l'inquiétude par delà les frontières. Il parle même de lui à la troisième personne tellement il est humble.

    Je coupe 45 à Loupian, puis je m'arrête 20 minutes près de Tain, pour manger. Je suis à destination à 13h30. Le réceptionnaire me décharge en un quart d'heure.
    Je file alors faire ma deuxième livraison à Pont-Evêque, dans les hauteurs de Vienne.
    J'arrive, je me mets en place, un type débarque et me demande si je peux aller de l'autre côté pour vider mes deux palettes. J'y vais. Seulement de l'autre côté on ne peut pas faire demi-tour. Je perds près d'un quart d'heure pour en sortir. 

    Je pensais rentrer pénard à Jarcieu, j'écope d'un chargement dans la même zone. Ensuite seulement je vais au dépôt.
    J'y arrive avec 9h45 de volant.
    Je décharge, mets du gazole, lave, puis je m'affaire à diffuser du dégrippant dans toutes poignées de la carrosserie ; histoire de forcer un peu moins pour ouvrir et fermer, c'est bien assez merdique comme ça...

    A quai je récupère des bigbags pour les environs de Romans-St Marcellin. Le fait est que je me rapproche dangereusement des 90h de volant sur la quinzaine alors mieux vaut une fin de semaine en régional. Tant pis.

  • Photos
  • sur les hauteurs de Montmiral
    chaud...
    des buissons, des lignes électriques, des chiens airants...
    l'ami Miko !!!
  • Jeudi 15 Janvier 2015
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    C'est confortable de couper au dépôt, certes, mais il y a toujours une douche à prendre, une casserole à laver, une main à serrer, une discussion à entamer... bref, quelque chose à faire qui empiète sur le temps de sommeil.
    Ce matin il s'agirait de s'affoler un peu : je décolle à 7h30 avec mes bigbags. Je devrais déjà être dans la première ferme ; quoique, non : j'évite ce genre de livraison la nuit, dans la mesure du possible, histoire de ne pas accumuler les contraintes.

    Je pars direction Chabeuil, près de Valence. La remorque est vide mais elle m'accompagne quand-même, en vue du rechargement.
    J'appelle le premier client tandis que je grimpe le Grand-bœuf. Lorsque je lui demande "C'est compliqué pour venir chez vous ?", question qui sous-entend "j'aimerais des renseignements", il me répond "Ho bah non, moi j'y arrive bien à venir chez moi". Je pense à un blagueur, mais comme il ne dit rien d'autre, j'en conclus qu'il répond sérieusement.

    Je pose la remorque dans une ZA, et pars à l'aventure en porteur.
    Rien de difficile : pas d'arbre, une grande cour, un manitou télescopique ; c'est le client rêvé pour livrer mes sacs.
    Je doute qu'il en soit de même pour le deuxième du jour, situé à Montmiral, à côté de Montagne, pas loin de Saint-Antoine-l'Abbaye... bref, au milieu de nulle part. Je pose la remorque à St Lattier, et m'engage sur un itinéraire de tous les dangers, avec des pentes, des virages, des arbres, un chien airant, quelques croisement difficiles, un carrefour où je manœuvre en trois fois : la totale. Mais j'aime bien ! De tout là haut on a une vue imprenable sur tout là-bas, il fait beau, je suis pénard dans la campagne, j'aurais presque envie de m'arrêter faire quelques roulades dans les prés. J'accède à la ferme comme je peux, difficilement, et je pose trois bigbags.
    Je redescends via le même itinéraire, ma dernière livraison se fait dans la vallée, à Saint-Hillaire-du-Rosier-Gare, rien que ça. Le vieux paysan m'explique très mal au téléphone, je ne pige rien, j'y vais au feeling. En porteur ça passe partout... et lorsque ça ne passe pas, lorsqu'on a eu un mauvais feeling, on peut aisément reculer sur une centaine de mètres.
    Je finis par trouver la ferme, le vieux paysan est dehors, il me fait de grands gestes, mais les deux cent derniers mètres sont rudes : des branches partout, et pas moyen de mordre dans l'herbe ni à droite, ni à gauche, au risque de glisser dans la pente. Du coup je sors la barre de toit pour (au moins) faire passer les plus grosses branches au dessus. Le vieux arrive, et comme tous les anciens il me sort "bah c'est bon, ça passe..." suivit du classique "Y'en a un autre qu'est passé l'autre jour...". L'autre en question étant peut-être en plateau, peut-être du genre gros bourrin, peut-être moins haut, bref, lui il est passé ! Je finis par passer aussi, en écoutant le bruit des griffures sur la carrosserie avec presque autant de souffrance que si elles me griffaient moi-même. Et le vieux devant qui continue à me dire "Mais vas-y, c'est bon...". J'ai envie de lui dire "Casse-toi le vieux !" mais je reste calme, nous ne sommes pas de la même génération, il n'a pas l'air de capter que ça me soucie de rayer un ensemble tout neuf...

    Une fois vide, je retourne chercher la remorque, je mange sur ma coupure d'une demi-heure, et je file charger à Epierre 73.
    Une grosse usine chimique, avec pas grand monde à l'intérieur : une gardienne désagréable,  un cariste sympathique, et un responsable des expéditions incrédule de voir un Français venir charger chez lui. "Ça faisait longtemps" me confie-t-il.

    Je pensais rentrer au dépôt pour y faire une troisième coupure cette semaine, finalement non : chargement demain matin à Vizille 38. Cool.
    Temps superbe sur l'Isère, j'arrive à Vizille à la tombée de la nuit, je ne trouve pas de place qui me convienne. Je tourne, je tourne, puis je me pose à Péage de Vizille, pas trop loin de la boulangerie.

  • Photos
  • des arbres ici...
    ...et des arbres là
    chaud...
  • Vendredi 16 Janvier 2015
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    Dégouté. J'ai passé la soirée à mettre à jour ce carnet de bord. Je me languissais par avance de cette photo prise le matin même : une mémé toute frêle poussant un énorme motoculteur au milieu du champ. Elle avait tourné la tête pile au moment où je shootais, la photo semblait extraordinaire selon l'aperçu ; j'imaginais déjà le commentaire : "Bah bon Dieu !", ou alors "quelle force !!!", ou encore "la vie cachée de Line Renaud". Mais non ! Rien de tout cela ! Par je ne sais quelle malédiction ce souvenir de Chabeuil n'a jamais daigné s'ouvrir sur mon PC. Sur la centaine de photos de cette semaine, une seule a merdé, celle-ci. Vraiment dégouté. Ha j'en ai du Volvo FH pris sous tous les angles ! Mais là c'était une perle rare, une capture pour la postérité, une pépite.

    Ce matin il fait 17 degrés à Vizille ! (nous sommes à deux pas des stations de ski). Je vais charger à la papeterie à 8h, et, faute d'avoir pu dormir sur place, je me retrouve en quatrième position. Cela me laisse le temps de boire le café, et de le payer à Philippe qui arrive pour charger lui aussi.

    Il est 10h lorsque j'en ressors, je rentre à Jarcieu. Je repars aussi tôt charger des arbres à Anjou, dans le porteur, avant midi. Nous sommes vendredi, c'est la fête, je m'arrête manger au "Petit glacier" à Sonnay. Car oui, bien que la région ne soit pas très montagneuse, il y a un glacier à Sonnay. Petit certes, mais glacier quand-même.
    Je récupère la remorque au dépôt et file charger des arbres à Belmont Tramonet.

    Rude épreuve : il tombe des cordes... que dis-je : des seaux, durant tout le chargement. Et puis la température à brusquement chuté à 3 ou 4 degrés. Je suis donc trempé, et gelé. Avec les pieds mouillés car mes chaussures prennent l'eau, le jean spongieux, les lunettes pleines de gouttes, les gants qui déteignent sur mes mains devenues jaunes orangées.

    Il est des jours où l'on rêverait d'être bien au chaud devant la cheminée.

    Au terme de cette douche il reste 3m de plancher dans le porteur. Je retourne à Jarcieu. J'y retrouve les copains, le quai numéro 1, le chef, les transpalettes ; nous chargeons, nous déchargeons, nous rechargeons, nous gerbons, nous préparons la semaine à venir. En ce qui me concerne, cela se déroulera du côté de l'Angleterre.

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  • les grues de St Dizier
    parking de Setques
  • Lundi 19 Janvier 2015
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    Tout seul, sur l'A6, je monte en direction de Montigny-le-Roi. Une nouvelle semaine débute, on annonce de la neige, des grèves de routiers, des perturbations au tunnel sous la Manche. Pour l'heure je suis tout seul, sur l'A6, calé à 90, et je roule vers Montigny-le-Roi.
    J'ai des palettes à déposer chez Olano, je prévois d'y arriver à 9h. Lorsque le jour se lève, à hauteur de Langres, quelques calandres d'en face sont blanches, preuve que Joël Collado ne raconte ne pas que des bêtises : il doit bien neiger quelque part sur la Champagne.

    J'arrive à destination : Olano-Ladoux, ex Europe-fruits, ex New-trans-Euro, une boite dont j'admirais les camions lorsque j'étais un jeune imbécile qui collais des posters de FranceRoutes dans sa chambre ; Franceroutes qui aujourd'hui me le rend si bien en descendant ma parution dans Télérama...

    Je coupe à travers les terres gelées de Haute-Marne, via Chaumont, Saint-Dizier et Châlons-en-Champagne. Quelques grues font le spectacle au milieu des paysages, grosses bestioles emplumées montées sur deux pattes filiformes ; on se demande bien ce qu'elles foutent là, à la place du faisan, du chevreuil, et du paysan champenois ; on se demande bien ce qu'elles foutent là : il n'y a pas même un chantier à l'horizon.

    Je fais l'appoint en gazole et ADblue avant de reprendre l'A26.
    J'ai les heures pour Calais, pile (en faisant 9h). Avec un chargement ADR en quantité limitée, je suis contraint de passer par le tunnel... ce qui n'est pas pour m'arranger. En effet, suite au début d'incendie de ce week-end la rotation des navettes est perturbée, on annonce 4 à 5 heures pour passer. Du coup je ne fais pas l'erreur de me jeter là-dedans (j'anticipe !), je reste en France ce soir, et parce je ne connais aucun endroit qui me sied j'échoue derrière la barrière de péage de Setques.

    Gros risque de me retrouver avec un clandestin caché dans les arbres. Ma carrosserie Jarjat me permet heureusement de tout fermer à clé... sauf les portes principales : celles de l'arrière du porteur et de la remorque. Bravo.
    Alors je mets un cadenas au cul de la remorque et un serflex au cul du porteur (un seul cadenas). S'il manque quelque chose demain il faudra s'inquiéter.


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  • finalement ce sera 5...
    allez mon gars, va au casse-pipe !
  • Mardi 20 Janvier 2015
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    D'aucun diront que c'était prévisible.
    Ce matin à 2h45, alors que j'ai programmé le réveil à 2h50, je sens une secousse depuis ma couchette. J'en sors d'un bond, et j'allume tout ce qui peut s'allumer : seulement le klaxon ne marche pas sans contact, le moteur ne démarre pas avant préchauffage... il n'y a bien que les feux qui daignent répondre dans la précipitation. J'entre-ouvre la portière, il y a des ombres au cul du porteur. Je gueule des trucs débiles (toujours dans la précipitation) Allez !... Filez !... Allez !... Barrez-vous !... Pchiii... !

    Je me trouve moi-même un peu con dans ma gestion de crise ; c'est bien simple, on a l'impression que je rentre les poules. Bref, on ne sait jamais trop comment on va réagir le moment venu.

    Triste face à face : je vois sortir de l'arrière du camion près d'une dizaine de gens... peut-être 7 ou 8 je ne sais pas trop, l'émotion me brouille un peu l'esprit. Ils sont là, et ils s'en vont, tranquille, se cacher dans le bois d'en face. Il y a des hommes, des femmes, différentes générations, emmitouflés dans de vieilles guenilles, de vieux blousons, de vieux jogging... et moi qui fais "Pchiii..." pour les faire fuir, comme des poules. Quelle triste situation.

    Je ne sais pas quoi faire. Je ne sais pas si certains ont réussi à se planquer dans mon chargement de groupage. Dans le doute j'appelle les flics. Ils arrivent dix minutes plus tard et ensemble nous ouvrons le côté et balayons à grands coups de lampes torches. Personne.
    Un flic et une flic, tous deux l'air sympa, ils se sont déplacés vite. Alors bien sûr j'ai droit au : "Vous savez c'est déconseillé de dormir ici..."
    Oui bien sûr, alors j'ai le choix entre dormir avant Arras avec 7h de volant, ou bien aller m'engouffrer dans l'attente interminable de Calais et finir avec 17h d'amplitude... auquel cas la même personne me dirait :
    "Bah fallait anticiper Monsieur..." the famous.

    Ce que j'ignore, en décollant de mon parking de merde à 3h15, c'est que les galères ne font que commencer. En effet, je suis obligé de prendre le train, et lorsque j'arrive les panneaux annoncent 2h30 d'attente. Ensuite, lorsque je déclare mes matières dangereuses, la jeune femme m'annonce, elle,  3h30 à 4h. Il me faudra finalement 5h pour faire Calais-Folkestone.
    J'ai ainsi regardé droit devant moi dans la travée pendant des heures, les portes de ce camion "Duvenbeck - The Culture of Logistics"... pathétique slogan, dont l'écho résonne d'autant plus lorsque l'on jette un œil à l'immatriculation : Romania bien entendu, pour une boite apparemment allemande. La culture roumaine de la logistique.
    Ce n'est pas l'envie qui manque mais on ne peut pas dormir dans les rangées, sous peine de rater le départ. Alors on reste là, à regarder "Duvenbeck - The culture of Logistics", comme un con.
    Comme un con, ou plutôt comme une merde, voire comme rien du tout : c'est comme cela que l'on nous considère chez Eurotunnel ; 5h à dépendre de leur service foireux, et pas même un café offert, pas même un mot sympa des haut-parleurs, rien, tout est normal dans la gestion du bétail.

    La journée continue, me voici en Angleterre, pile à l'heure de pointe pour passer Maidstone, pour me retrouver sur le M25, et rouler comme je peux (c'est à dire au pas) en direction d'Oxford. Je mets 4h15 pour rallier mon premier client, presque le double du parcours prévu.

    Le GPS ne trouve pas, il s'agit de livrer les arbres de la remorque chez un particulier. Un mec sympa d'une boite de transport m'y amène en voiture. Route hyper étroite avec des branches partout... on se croirait dans les environs de Saint Marcellin en pleine tournée de bigbags. Sauf que là j'ai une remorque accrochée aux fesses. Mon repérage en voiture n'est pas pour me rassurer, je sais juste où aller précisément.
    Lorsque je me présente avec le camion, le paysagiste me demande de faire demi-tour "sans rouler sur l'herbe, please". Impossible. Je ne suis même pas sûr de pouvoir me retourner tout cour.
    Je roule sur l'herbe, je balaie les branches, je me tors dans tous les sens, je gueule, je m'énerve... et au bout de 25 avants-arrières, c'est bon, j'ai fait demi-tour.
    A ce moment, le même paysagiste me demande de le suivre pour aller livrer à l'endroit exact. Et là je dis non... un vieux chemin de terre avec d'immenses dos d'âne et des arbres encore plus bas. Je refuse d'y aller. Et puis ça doit commencer à se voir que j'enrage ; il ne bronche pas et décharge dans le carrefour.

    Il est des jours comme aujourd'hui où tout va mal.

    La suite se déroule heureusement mieux : je fonce à Milton Keynes faire deux autres clients, pas faciles mais presque. Puis Swavesey en faire un dernier, juste à la fermeture. J'y arrive au terme de mon amplitude (14h57) et le sympathique gérant de la boite m'autorise à dormir devant. Enfin de la chance bordel !

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  • les zones anglaises pleines de bagnoles...
    sur le NPC
  • Mercredi 21 Janvier 2015
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    J'aurais pu décoller plus tôt pour aller décharger le dernier à Hatfield. N'ayant pas de ramasse derrière mieux vaut préserver l'amplitude. En effet les temps sont durs, entre les bouchons, les tunnels, les ferries et j'en passe, il devient compliqué de faire une journée de moins de 15h.
    Je décharge donc à 7h chez ce client au protocole de sécurité long comme le bras, dont j'ai déjà étudié la débilité à maintes reprises dans ce CDB. Aujourd'hui je ne me laisse pas faire, j'attends le gardien au tournant. Lorsqu'il me dit, alors que je m'apprête à sortir du site, "je vais monter dans la cabine pour vérifier", je lui réponds "non, si t'as un doute appelle la police, mais toi tu ne montes pas" ; ça passe. Ensuite lorsqu'il remplit son bulletin de sortie avec toutes les mêmes informations du bulletin d'entrée qu'il faut néanmoins répéter, il me demande : "lieu où vous vous rendez maintenant ?". Je réponds "je ne sais pas", pour ne pas répondre "qu'est-ce que ça peut vous foutre ?". Alors forcément il insiste, me disant qu'il doit remplir le bulletin... je finis par lui dire "y'a qu'à écrire Londres..."
    Une dizaine de minutes pour lui faire ouvrir cette fichue barrière, trois petits tours de connerie protocolaire et puis s'en vont.

    Je vais finalement recharger sur la côte est, à Clacton-on Sea. "Prévu 12h", j'ai le temps de manger et de balayer ma remorque.
    Depuis la zone Industrielle de Clacton-on-sea, on ne voit pas la mer, on circule péniblement en slalomant entre les voitures ; puis, lorsqu'on arrive à destination on transpire à l'idée de manœuvrer pour se mettre en place.

    Rien que d'aller faire demi-tour pour me mettre dans le bon sens (à ma main) s'avère compliqué. Il y a toujours un pénible en voiture derrière moi qui ne capte rien et me colle lorsque je mets les warnings dans les carrefours pour éventuellement y tourner. Quand je me présente dans le bon sens devant la toute petite entrée, je me dois de performer. Et comme par enchantement je performe : je sors une reculade de l'extrême et de derrière les fagots qui laisse pantois les automobilistes en attente. Derrière les pare-brises, je le vois bien, on se demande si "oui" ou "non" il s'agit du mec en couverture de Télérama.

    Oui, je me Alain Delonise.

    Un chargement de gros rouleaux en vrac, qui s'éternise. Mais tout le monde est bien gentil ici : on discute avec moi, on me paie le café, on me fait visiter l'usine.
    Je repars donc avec l'amplitude rognée un peu plus. Un obstacle de taille se dresse à l'horizon : La Manche. Aujourd'hui à l'air encore plus apocalyptique qu'hier. Côté Anglais, on stocke les PL sur la M20 entre les sorties 8 et 9, c'est à dire avant Ashford. Oui on "stocke", comme de vulgaires palettes dans un entrepôt, sauf que là il y a des gens au volant...
    Depuis la M25 on indique "aux touristes" de prendre la M2 et A2 pour aller en direction de Dover.
    Je sors mes lunettes de soleil, ma chemise à fleur et mon "petit-routard" ; C'est bon, je deviens un touriste conduisant un camion, incognito.

    Hormis quelques bouchons traditionnels d'heure de pointe, je parviens à rouler jusqu'au port sans "stockage".  Il me reste 3h d'amplitude, et vu le bazar sur l'artère principale de Douvres, je ne me risque pas à tenter de trouver une place au parking de la Douane. Je décide de traverser ce soir.

    Myferrylink, la prestigieuse compagnie personnelle de Jules, Luc, Carine et les autres, prochain départ 19H30, ce qui devrait me faire débarquer en France pile au terme de mes heures. Mais après tout la position "bateau" du tachygraphe ne sert-elle pas à cela ?
    Je clos ma cession et passe en mode "bateau-train".

    Sur le "Nord-pas-de Calais" je retrouve Mourad, le plus sympa des chauffeurs Belges. Ensemble nous regardons les starlettes du PSG qui mettent des buts aux starlettes de Bordeaux.
    Arrivé à Calais, 22h, il y a encore une file d'attente interminable dans l'autre sens. D'après ce que j'ai compris de la FCO j'ai le droit à une heure pour trouver un endroit où me poser. Alors je me barre, au plus loin. Je tente l'aire de Rely, mais toutes les aires sont sursaturées, alors je sors à Lillers et je me pose au péage, 57 minutes de conduite.

    Des clandestins monteront peut-être dans la nuit, on n'est plus à ça près...

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  • froid, soleil rasant
    Epernay
    vignoble champenois
    Arcis-sur-Aube
  • Jeudi 22 Janvier 2015
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    Froid, soleil rasant, j'ai refais 9h de coupure derrière mes 57 minutes, histoire d'être vraiment exempt de tout reproche, et le chef me demande d'attendre encore un peu pour une éventuelle ramasse.

    Je décolle donc à 9h, direction Reims.
    Sur ma route il y a l'aire de Barrale, avec une douche spacieuse et une machine à café. J'ai largement le temps d'y faire halte : mon client est fermé de 12 à 14, je ne peux y arriver avant 12h15...

    Je vais charger à Vertus précisément, au sud d'Epernay, cœur du vignoble de Champagne, dans un coin de France si beau au milieu d'une région si moche. Vertus, dont les habitants sont bons, modestes et braves... contrairement à ceux de la ville voisine, Vice, qui ne compte que des pervers et des lecteurs de Franceroutes.

    J'y arrive un peu avant 13h, et, comme je peux me garer en centre-ville, je décide d'aller me restaurer à la brasserie du coin, un PMU qui affiche un menu du jour à 12,50 : exactement ce que je cherchais.
    Certes il y a la télé, énorme devant moi, avec un discours de Najat Vallaud-Belkacem sans le son (mais avec Mickael Jackson à la radio derrière, ce qui créer un doublage plutôt intéressant), certes, mais ce bar-tabac m'offre un excellent repas, servi sans attente et avec le sourire... Bar PMU de Vertus, je le recommande.

    Je charge en début d'après-midi, comme prévu, et je quitte cette terre vertueuse pour entrer dans plein pied dans l'immensité céréalière qui la jouxte. Je descends tranquille en direction de Troyes via la N77. Le camion est complet, j'ai le temps, et j'entrevois même la possibilité de couper à la maison ce soir.

    Pas de neige, seuls quelques flocons épars dans les environs de Langres, pour faire peur. J'arrive sur Mâcon avec 9h de volant, je me pose chez les Bretons et je rentre. Il est 21h.


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  • C'est beau l'est-lyonnais
    souvenir de Rives
    les nouveaux routiers Bretons
    rentré de jour !
  • Vendredi 23 Janvier 2015
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    J'avais le choix entre vider "avant 7h" où "après 9h" à Saint Pierre de Chandieu, près de Lyon. Ce sera donc "après 9h", car d'une part il faut que je fasse moi-même 9h de coupure, et d'autre part le vendredi il ne faut jamais démarrer l'amplitude trop tôt. Une coupure stupide au dépôt pour manque d'heure est vite arrivée.

    Du coup je décolle à 7h30, tranquille. Et j'arrive à destination à 9h pile. Je décharge le cul du porteur et roule ensuite en direction de Rives pour vider mes bobines.

    10h45, me voici arrivé. Un endroit hors d'âge dans l'enceinte des papeteries : on a du dévers, des passages étroits, des branches, les obstacles en tout genre, et un vieux quai à contre-main. La totale.
    J'ai de la chance, lorsque j'arrive il n'y a personne, 5 minutes plus tard : 3 camions dans la cour.
    Je mets la remorque à quai, nous déchargeons. Arrive le moment critique du jour : pour sortir de ce quai je n'ai pas d'autre choix que de tout braquer à droite : devant moi il y a les deux autres camions, qui ne peuvent se mettre ailleurs tellement c'est merdique ici ; à gauche le mur.
    Je lève les suspensions au max, j'essaie de prendre le plus large possible... mais problème : le devers est tel, que j'ai beau jouer de la suspension, ça coince. Concrètement j'ai "le choix" entre balayer le hayon avec la flèche, ou faire toucher les caisses du porteur et de la remorque. Je suis au summum de la rage... Flèche trop courte, et surtout trop haute, voilà le résultat, je préserve mon hayon, il restera une trace sur la peinture du tablier de la remorque. Fait chier.

    Je vais recharger à Montluel, de sale humeur. Et puis ça passe. J'arrive dans une boite avec des caristes très sympas, on me paie le café "pour réchauffer un peu" dixit le gros gars jovial qui m'invite à la machine. Dehors il fait 0.

    15h45, le porteur est quasi plein ; j'ai pour mission de rentrer chez moi, sans passer par la case "Jarcieu". Je débarque chez les Bretons de jour ; c'est vrai que c'est beau la Bretagne.
    Il est 17h20 lorsque que je pousse ma porte d'entrée, je me pince, c'est bien moi, là, ici, maintenant.

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  • ça ne tient pas à Chalon
    Forteresse de Couches
    routier bobo-écolo
    on le voit de loin Anto !
  • Lundi 26 Janvier 2015
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    Vendredi 17h20 - lundi 8h20 ; soit 62h de weekend. Je n'ose même pas l'écrire, sachant que certains collègues me lisent, certains me publient même... Il s'agirait de ne pas attiser les tensions, je tiens à ma place sur FDR, imagine-t-on publier son carnet de bord sur FranceRoutes ? Alors que le camion n'a pas même une rampe de phare ? Soyons sérieux.

    Je démarre donc cette semaine à la traine. Mon programme consistant à aller charger chez le transporteur le moins avare en procédures diverses et variées de la région, il ne sert à rien d'aller perdre son amplitude sur le parking d'attente. Je m'y rends pour 9h15, heure à laquelle la salve des chauffeurs ponctuels de 8h aura sans doute terminé de charger ; heure creuse en quelque sorte.
    Et me voici bien inspiré, ou chanceux, au choix. Je charge en moins d'une heure, c'est à dire en trois fois moins de temps que d'habitude.

    Je quitte Chalon pour une deuxième ramasse, à Couches, près d'Autun. J'y vais sans la remorque, que j'abandonne dans la première ZA venue. Il n'y a que trois palettes à charger, alors autant s'alléger un peu, la jauge gazole déclinant dangereusement depuis ce matin.
    Sur la route d'Autun ça sent la Bourgogne à plein nez : des vignes de Mercurey à la forteresse de Couches, en passant par le port sur la Dheune à Saint Léger, c'est tout le charme d'une région qui s'offre au clampin de passage : une touche de côte d'or, une once de charolais, une pincée de Morvan ; le tout saupoudré de neige. 

    Couches, 11h. Je me présente chez le client pour charger des emballages. On me demande d'attendre midi, la commande n'est pas prête. Cela me conforte dans ma décision d'avoir décollé tard.
    Midi, je referme les portes, c'est chargé. Une troisième ramasse m'attend à Bourg-en-Bresse. Je me décide, après avoir récupéré la remorque, à mettre un peu de gazole à la Total Access de Tournus. L'occasion aussi d'attraper un café.

    Je charge Bourg et fonce sur Jarcieu. A quai nous redéballons tout, je ne garde que la machine pour Benidorm, et j'écope d'une belle tournée entre Benicarlo et Alicante.
    Il me reste près de 3h à rouler au départ du dépôt. Cela m'amène à l'aire de Via Ambrossum où je recule dans l'une des dernières places en épis pour me mettre en coupure avec 9h pile de volant. Optimisation maximale.

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  • à Montpellier, ce matin
    croisé Ludo International !
  • Mardi 27 Janvier 2015
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    C'est mon voisin de gauche, en démarrant son camion, qui me réveille. Ou plutôt qui me fait bondir de la couchette : tranquille, j'étais en train de m'oublier, alors que mon programme du jour s'annonce tendu.
    Pas de douche, pas de café, rien, je me sauve, je n'ai même pas fait mes itinéraires...

    Me voici sur l'A9, en train de conduire tout en mangeant une barre de chocolat sur une galette de riz bio, suivi d'une pomme : mon petit déjeuner de routier-bobo-écolo.
    A peine 10 minutes à foutre des miettes partout, et j'arrive dans un énorme embouteillage, entre les sorties Montpellier Est et Sud. Pas la congestion matinale habituelle, non, là ça coince sévère. J'apprends au même moment à la radio qu'il s'agit d'un camion en feu ; il va falloir être patient.

    Je perds une heure, et me voici désormais officiellement dans la merde : mon premier client à Peniscola réceptionne jusqu'à 15h, d'après le GPS j'y serai à 15h15. Je fonce.

    La température se réchauffe à mesure que je descends : il fait 17 degrés en Espagne, ils sont bien loin les flocons d'hier...

    AP7, direction Barcelone, j'aperçois au loin un cul de Fruehauf bleuté : c'est notre Ludo international qui m'ouvre la route sans le savoir. Grace à lui je découvre que ma cibi fonctionne parfaitement, contre toute attente, alors qu'avec Sweden on ne se captait pas. Peut-être ma cibi est-elle sélective ? Bref, avec Ludo nous descendons tels de vieux routmans, calés sur le 7, micro dans la main gauche, appareil photo dans la main droite, galette de riz bio dans le pied gauche, et volant dans le pied droit.

    Je dois faire une 45, l'occasion de se serrer la louche, sur l'aire de Maçanet. Je comptais profiter de ma 45 pour la douche, le repas de midi, et les itinéraires ; j'aurais tout juste le temps de bouffer un  bout de fromage à la hâte : mais voilà ce n'est pas tous les jours que l'on croise les copains !

    Je passe Barcelone sans encombre, et comme prévu j'arrive à destination à 15h15. Le portail est moitié fermé, mais Stéphane m'a annoncé, alors on m'ouvre. Je vide in-extremis.
    Objectif : profiter de ce coup de bol, et forcer le destin et aller vider le deuxième à Alcora, près de Castillon, bien que sur le BL on peut lire : "réception 9h-13h".
    Je roule. Il me faut néanmoins refaire une 30 min. Je m'arrête sur une Autogrill et, moyennant 3,30 euros, je m'offre une des plus miteuses douches des environs : en plein milieu des chiottes, avec une odeur épouvantable, avec une porte d'1,80 mètre tout au plus qui donne l'étrange impression de se doucher en public lorsque l'on aperçoit  les cheveux des gens qui passent... Bref, un mauvais plan.

    Alors oui, je sais, il y a la N340 avec moult restos routiers, j'y penserai lorsque le programme de détendra un minimum. Car comme d'habitude j'arrive à l'Alcora avec 8h50 de volant. Chez le client on me montre l'heure lorsque j'arrive, comme si j'avais fait une connerie... je renvoie un "bah oui je sais bien, qu'est-ce tu veux..." Que dire d'autre...
    Nous déchargeons quand-même, puis je me pose dans un coin de la zone, près d'un lampadaire, et je cale un CD de Brassens pour décompresser. A la radio il n'y a que RMC qui passe, avec des mecs qui parlent de foot, qui se prennent la courge, et qui rivalisent d'accent du sud ouest.

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  • livraison à Benidorm
    avec groupe de curieux...
  • Mercredi 28 Janvier 2015
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    Pas moyen de trouver un café sur AP7 ce matin. Je tente deux stations, toutes deux fermées, avec le vendeur derrière le hublot... je ne me vois pas lui demander de faire glisser un gobelet par en dessous. Donc je trace.

    Benidorm. Sorte de fausse mégalopole en carton-pâte au milieu de rien, mixe improbable entre Las Vegas pour les loisirs, La Défense pour le décor, et Miami pour la côte ; temple du tourisme en batterie. Partout des Pubs, des boites de nuit, des pancartes affriolantes de club, et des hôtels.
    L'été le touriste Anglais est dépaysé devant autant de touristes Hollandais, l'hiver leurs grands parents - chemise rose, pantalon beige, cheveux blancs bien proprets, joues tirées, lunettes de soleil, et micro-chien en laisse-, se promènent en roller ou en trottinette dans ce décor improbable, tel Jim Carrey enfermé dans son Truman Show. J'ai l'impression de revivre cette livraison à Jesolo Veneziano (l'équivalent italien en terme d'usine à touriste), il y a maintenant 4 ou 5 ans. Car aujourd'hui aussi je livre un hôtel, en plein milieu de tous les autres hôtels.
    Pas de problème pour décrocher la remorque, pas de problème pour accéder, pas de problème pour stationner : nous ne sommes pas dans une cité historique, tout ici a été conçu au gabarit d'un car de tourisme.

    J'arrive à 8h45 sur le parvis du "Sol Pelicanos". Une immense grue a déplié son bras télescopique pour monter le climatiseur géant sur le toit. Les mecs m'attendaient à 6h, j'avais pour consigne "rdv 9h" : incompréhension générale. L'avantage c'est que l'opération ne traine pas : le plus long étant de démonter la carrosserie Jarjat - une opération qui je le rappelle nécessite au minimum 3 bras 3 mains, et peut-être même 3 cerveaux.
    Notre déchargement est tellement attrayant qu'un petit groupe de curieux s'est formé. Des  vieux qui regardent et qui commentent. Ils doivent peut-être faire la même chose chez eux toute l'année, et là c'est les vacances, on ne change pas les habitudes.
    Grosse suée en ce qui me concerne au moment d'avancer au pas sans que la machine ne touche les parois. Pas d'accrocs. Le climatiseur s'envole dans les airs sans se décrocher sur le peloton de vacancier ; la guigne.

    Je quitte Benidorm après avoir attelé, et fonce sur Alcoy.

    Superbes paysages, et usine à l'accès tout merdique pour décharger mes 3 dernières palettes. Il s'agit d'un fabricant de remorques, un Jarjat espagnol ; aussi je fais sensation avec mes portes latérales : les mecs de l'atelier scrutent mon camion dans les moindres recoins. Ils font un peu la grimace lorsque j'ouvre, lorsque ça grince et ça coince de partout. En effet, même si j'ai récemment fait une "opération dégrippant", les charnières et les poignées n'ont pas apprécié le sel de la semaine dernière.

    Vide j'ai pour mission d'aller charger à une adresse introuvable entre Alicante et Murcia. Sur GPS, carte et PC je ne trouve ni la ville, ni la rue, ni la zone... tout juste le code postal. Stéphane parviens à me communiquer le numéro de la sortie sur l'AP7, je pars avec ça.

    Et je finis par trouver. Ce n'était pas difficile... seulement le bled s'appelle non pas "Heredades" mais "Las Heredades" : le petit détail qui fait tout foirer.
    Je suis sur place à 14h. Personne. Sans doute la pause, j'attends 15h.
    Il s'agit d'un lot de matériel événementiel pour Paris. Nous chargeons de 15h à 17h30, des trucs en vrac dans tous les sens, et Il s'avère difficile de savoir "quoi mettre où" avec le cariste. Car j'essaie d'optimiser la place au maximum,  pour cela je dois ouvrir et fermer 15 fois les côtés, faire bouger des palettes, puis les faire rebouger... Bref, à la fin je déteste Jarjat pour ces portes qui coincent de partout, et le cariste me déteste.

    Au moment de partir, ce dernier m'annonce : "donc livraison le 30 au matin... c'est bien ça ?"
    Nous sommes le 28, à 17h30 entre Alicante et Murcia. Et moi qui me voyais déjà remonter pénard par la nationale, et moi surtout qui perds du temps à essayer de gagner de la place...

    Le chef me confirme, livraison vendredi matin. Ni une ni deux, je me casse... pas en faisant crisser les pneus mais presque.

    Paysages sublimes, coucher de soleil de carte postale... mais pas une minute à perdre je roule en direction de la France.

    Tandis que j'approche de Valencià et de 9h de volant, je reçois un coup de fil de Phil.

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  • croisé Phil International !
  • Jeudi 29 Janvier 2015
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    Hier soir donc, le destin fût tel que j'ai pu rejoindre notre webmaster national pour la coupure. Moi qui cherchais un endroit avec anxiété, j'ai trouvé un endroit avec Phil26. Ensemble, nous nous sommes baladés dans les ruelles de Quart de Poblet, une ville merveilleuse sous les lampadaires, avec tous ces gens qui se baladent dans la nuit et dans la zone industrielle... Nous avons cherché un endroit pour manger, et nous avons trouvé ce bar à tapas sympa, où j'ai enfin pu aller aux toilettes tandis que Phil nous commandait plein de trucs tout gras à manger, et de la bière de Valencia à boire. Car Oui, nous avons bu un demi à Quart de Poblet.
    Pendant ce temps là, Barcelone Battait l'Atlhetico à la télé et l'ambiance était conviviale... bien qu'à Valencia on se demande pour qui ils sont...
    Nous sommes retourné au camion, la panse remplie de bacalao et les brulures d'estomac pas loin.

    Ce matin j'entends ronfler dans la rue, Je décolle à 5h20, laissant pioncer mon voisin de parking d'un soir ; j'avais presque oublié que je suis pressé.

    Je roule 4h pour m'arrêter sur l'aire de Porta Barcelona. Café, ménage, 45 minutes pas plus et je repars.
    Je compte rouler 10h, il me faut donc deux coupure de 45.
    Pour la seconde je choisis Narbonne, sa station Total, sa douche numéro4 où l'on a effacé "fierdetreroutier.com" sur la porte... c'est une honte.
    20 minutes pour la douche, 25 pour le jambon-fromage-œuf-pain-compote. Pas une minutes de plus, et voici reparti de plus belle.

    J'hésite longuement entre passer par le centre, ou passer par la vallée du Rhône. Je suis léger, théoriquement c'est plus court par le centre... mais je crains la neige.
    Après indécision totale, écoute de 107.7 et consultation de météo sur internet, je choisis le centre. On verra bien.

    Entre Pézenas et Lodève il y a cet Intermarché en bordure de l'A75 : parfait pour anticiper sur le gazole.
    Je grimpe sous le déluge. Me voici sur le plateau du Larzac avec un fort vent latéral et toujours ces trombes d'eau. Je ne suis pas très fier sur le viaduc de Millau, ça pousse sur le côté et la remorque se balade dans le rétro.
    De 14 degrés en bas, la température descend à 1 lorsque j'arrive dans les environs de Séverac. Ça devient préoccupant. J'ai envie de rouler au max, avant que la neige ne tombe, mais je suis rattrapé par le tachygraphe, il faut que je m'arrête.

    Aire de la Lozère, 9h57 de volant, 846km de mon point de départ. Ça y est il neige. Vraiment pas envie de passer la nuit ici.


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  • A75, 2h30
    échoué...
    garonor
  • Vendredi 30 Janvier 2015
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    2h, le réveil sonne. J'entrouvre le rideau : le parking est blanc, mais sans plus, à peine une fine couche dans laquelle je laisse mes traces pour aller attraper un café chez BP. J'interroge le caissier, il n'a pas entendu parler de perturbation. Alors je décide de démarrer ma journée.

    Ça glisse à l'accélération, mais la chaussée est seulement recouverte d'un léger voile blanc. Pour jauger le danger, je fais quelques "tests" sur les premiers tours de roues : j'accélère volontairement fort pour voir si ça tient, je mets des petits coups de volant, je teste le freinage... Je fais une sorte de contrôle technique rapide pour me mettre en confiance.

    Je roule en direction de Saint-Flour. Ça ne se passe pas trop mal. Jusqu'aux abords du viaduc de Garabit où je vois un véritable mur blanc devant moi, et j'entre dedans sans rien comprendre. On est passé de rien, à tout. En quelques secondes : gros flocons, vent latéral, et chaussée toute blanche. Une tempête soudaine comme je n'en ai jamais vu.
    Je dois bien avouer que je flippe un peu : visibilité nulle, le vent qui me pousse au point que je me demande s'il ne va pas verser la remorque, adhérence minimale. Je flippe surtout d'arriver sur un accident, un véhicule en vrac, et le voir au dernier moment.

    Mon cœur tambourine, mes bras sont crispés, j'ai coupé la radio, tous mes sens sont aux aguets.

    (Je dédis ce passage de carnet de bord à la horde de connards qui nous méprisent et nous fustigent lorsque l'on montre des camions dans le décor au JT de TF1)

    L'épaisseur de neige devient conséquente, ça patine de plus en plus. Passé le viaduc la visibilité s'est un peu améliorée. Au loin j'aperçois les feux rouges d'une voiture que je rattrape progressivement, ça m'emmerde autant que ça doit l'emmerder : lui va prendre peur, moi je vais devoir "rompre mon rythme". Car il s'agit de ne pas s'arrêter, sous peine de ne pas pouvoir repartir.

    Doucement, entre 40 et 50 Km/h, ça avance. Jusqu'à cette côte interminable : l'ultime monté du col de la Fageole (1107m). Toujours avec cette bagnole en ligne de mire, je ne peux pas trop prendre d'élan... et du coup je régresse... patine de plus en plus... tombe les vitesses une à une... jusqu'à m'arrêter pour de bon, planté, là, sur ma voie de droite, à une centaine de mètres du sommet. Je balance tous les noms d'oiseaux que je connais (pigeon, hirondelle, poule, autruche, buse, corbeau, renard, étourneaux, rouge gorge, rouge tête, rouge bec, colibri, épervier, moineau, canard, pingouin, phoque, méduse... ils sont tous là)

    Que faire ? Je tente bien de repartir, mais impossible : ça part en crabe direct, il s'agirait de ne pas trop décaler le porteur de la remorque afin de toujours pouvoir m'aligner en marche arrière sans me rapprocher des glissières... difficile à expliquer tout ça, mais il y a un réel risque de se foutre en vrac pour de bon.
    Mon seul espoir : le chasse neige. S'il chasse vraiment la neige, même à côté, je pourrais peut-être repartir.
    J'attends une bonne demi-heure, avec mes warnings, il neige à plein temps. Et puis, enfin, ça clignote derrière moi, il arrive avec deux - trois bagnoles et camions dans son sillage. Le convoi passe sur ma gauche. C'est maintenant qu'il faut opérer : et pas de droit à l'erreur. Profitant de la pente, et m'assurant que personne n'arrive, je laisse reculer l'ensemble en faisant une sorte de créneau sur la voie de gauche. Grosse tension pour cette opération chirurgicale, je m'aligne et appuie avec appréhension sur l'accélérateur. Ça part, tout doucement... mais ça part. Bêtement j'encourage mon camion, comme s'il s'agissait d'un bourricot... c'est ridicule, mais personne ne me voit. Une fois au sommet je le félicite, une petite claque amicale sur la croupe et c'est reparti.

    Me voici donc à nouveau en piste. Passé le col de la Fageole c'est plus facile : quelques coups de cul tout au plus, rien de terrible.
    Et puis la route redevient noire, la température redevient positive, on respire un peu.

    Je passe Clermont, je passe l'Auvergne, et décide de rallier l'A77 via Moulins, itinéraire moins monotone à mon goût.

    A 9h je m'annonce pour 11h à destination. Le client trouve moyen d'exprimer son mécontentement... j'ai une soudaine envie de meurtre. Murcia mercredi 17h30 - St Denis vendredi 11h, avec neige, optimisation maximale dans le respect de tout ce qui est à respecter. Je ne peux pas faire mieux, je suis au max.
    Aussi lorsque j'arrive à 11h05, après avoir bouffé une bonne dose d'embouteillages pour me chauffer définitivement, je lui fais part de mon avis, au type, sans m'énerver, avant même de lui dire bonjour : en gros ça se résume à "si tu veux que j'arrive avant 11h, il fallait juste que je parte de Murcia avant 17h30". Le débat est clos.

    Je décharge à la cité du cinéma, le complexe de Luc Besson. On m'indique d'entrer en marche avant. Une fois au fond, impossible de faire demi-tour. Alors, après une heure sous la neige fondue à me geler les doigts de pieds, il me faut tout refaire en marche arrière, avec passage de la barrière d'entrée à contre main, le top. Une vingtaine de minutes envolées.

    C'est qu'il n'en reste pas lourd : j'ai 8h de volant. Je recharge à Garonor, tout près. Et puis, parce qu'il reste de la place, je rends visite à Pascal, à Gennevilliers où je termine ma journée. Heureusement qu'il y a Pascal d'ailleurs, je me voyais mal couper à Garonor. Ici on est bien, il y a du café, et plein de trucs à se raconter.

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  • bord de Seine, D7
    Aire d'Auxerre
  • Samedi 31 Janvier 2015
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    Réveil à 2h15. C'est tôt pour un samedi. Et pourtant j'ai bel et bien dû caser une 11h de coupure, sans quoi j'aurais décollé à 0h30.
    Je suis en ADR et ça m'emmerde : obligé de contourner Paris alors qu'il n'y a pas un chat sur le périph. Je descends par la D7, pour rejoindre la 118, puis la 104, puis l'A6 où je me pose à droite et je regarde droit devant.

    Une grosse semaine s'achève, du moins j'aimerais qu'elle s'achève, car cette nuit encore ça sent la neige à plein nez.
    Confirmation à hauteur de Courtenay : ça y est, il neige. Cette nuit le trafic est dense, les Franciliens descendent en masse. Et comme toujours on voit de tout : des trop prudents, des inconscients, des débiles, des raisonnables. Je retrouve tout ce beau monde sur l'aire d'Auxerre où je dois mettre de l'ADblue, l'appétit du moteur euro6 ne me permettant pas de passer la semaine.

    Sacré challenge que de partir de l'aire d'Auxerre lorsque la chaussée n'est pas déneigée. La voie d'accélération est en monté, il est fortement déconseillé de s'y arrêter... or personne, mais vraiment personne ne laisse un espace sur la voie de droite, celle où tout le monde se suit en file indienne, la seule déneigée. Pire, les gens accélèrent pour m'empêcher d'entrer. Du coup je dois m'insérer "en force", avec les roues qui patinent et le cul du porteur qui chasse.

    Une fois sur l'autoroute, je reste à droite, loin, et zen. Je ne double que quelques bagnoles et camions vraiment trop crispés. Pour les autres, je reste derrière, je me fais doubler, y-compris à des endroits où ça craint vraiment... par des inconscients en voiture et/ou camion. Mention spéciale à tous ceux qui ne se préoccupent pas du tout de la distance de sécurité, et ils sont nombreux.

    Neige jusqu'à Beaune.
    J'arrive à Mâcon avec 1h30 de retard sur les prévisions initiales. 3807 Km, dont quelques uns assez stressants.