Carnet de bord de Aout 2018 | Partager sur Facebook |
J'ai mis le réveil à 7h aujourd'hui mais je somnole depuis 5h30, il a plu toute la nuit et il pleut encore, la perspective d'un dépotage sous la flotte dès le réveil rend le lever encore plus compliqué. J’enfile des fringues sales, je sais pas pourquoi, une sorte de pressentiment de livraison crado, et je vais à l'accueil.
C'est une “p’tite jeune” qui me reçoit, elle pèse le camion et m'indique le lieu de dépotage. C'est galère de trouver le bon placement : y'a un porche sur la droite que je ne dois pas toucher en levant la citerne, puis une plaque d'égout et des rails au sol sur lesquels je ne peux pas poser mes béquilles. Avec tous ces impératifs je peux pas trop éviter les flaques par terre, donc ce sera une livraison à “Saint-Malo les pieds dans l'eau” comme je disais quand j'étais gosse et qu'on me demandait où j'habitais. Je m'installe mais au bout de 15 minutes toujours personne n'est venu à me rencontre pour m'indiquer la bouche sur laquelle je dois me brancher. Je pars dans l'usine pour trouver un interlocuteur, un magasinier, encore un “p’tit jeune” m'emmène à la salle des commandes voir l'opérateur qui est encore plus un “p’tit jeune”. Là je commence à me dire “ma grande si tu commences à voir des p’tits jeunes partout c'est que toi t'en es plus vraiment une de p’tite jeune” en plus ils me vouvoient tous, j'ai trop le seum (c'est une expression de p’tits jeunes) mais je reste digne et j'attends d'être seule pour pleurer.
Alors que la pluie arrête de tomber je commence à dépoter ma dolomie. C'est un produit vraiment facile et j'ai pas grand chose à faire une fois que c'est mis en route, je surveille seulement.
Quand c'est vide je m'en vais laver chez le même transporteur chez qui j'ai lavé ma chaux Mardi. La dolomie ça se lave mieux. Je me protège quand même bien mais je crains moins de mourir étouffée. Je finis mon lavage sous des trombes de flotte.
Je dois recharger du gros sel sur le port et mon exploitant me demande d'y aller avec la citerne bien sèche. Je comprends pas, c'est pour charger du sel complètement mouillé, puis bon citerne bien sèche de ce temps là c'est pas évident. J'annonce direct que je chargerai pas avant 13h30. Je me pointe quand même au bureau du port avant midi pour peser et m’enregistrer, comme ça on a plus qu'à charger en revenant à 13h30. Les dockers comprennent pas trop pourquoi je veux sécher ma citerne, normal, ils me laissent m'installer direct dans le hangar, ça va mieux sécher à l'abri. J'ouvre tout en grand, je lève un peu la citerne et je pars manger. Je reviens une heure plus tard, un peu en avance pour tout fermer, c'est pas vraiment sec mais je suis absolument certaine que ça ne changera rien donc on charge comme ça.
Je vais livrer en foulée à Tremorel (22). Le sel c'est pour l'atelier cuir de l’abattoir. J'aime pas trop vider le gros sel parce que ça me fait de sacrés frayeurs. Il faut lever la citerne vraiment petit à petit mais le produit est très lourd et coule mal, il descend par vagues, ça fait comme des grosses avalanches de produit et on voit le cul de la citerne s'affaisser, parfois même les béquilles bougent, se décalent, et mon coeur s'arrête de battre une demi seconde à chaque fois pendant qu'un frisson me remonte toute la colonne vertébrale. Vers la fin du levage de la citerne je me prends par surprise 2 bons kilos de sel sur la tête, j'en ai partout : plein les cheveux, sur les vêtements, dans les vêtements, dans les chaussures… Je me marre, foutu boulet, je savais que ça allait arriver en plus mais j'y pensais plus à ce tas de sel ! Après 21 arrêts cardiaques le bazar est vide et je m'en vais le coeur léger voguer vers d'autres cieux.
Pour la suite le plan est simple :
1 : Je trouve un coin tranquille pour mettre un coup de balayette dans le cul de la citerne
2 : Je roule aux max de mes heures en direction de Caen
Les 3 et 4 seront pour demain :
3 : Chargement de carbonate à Billy (14)
4 : Relais à St-Brieuc avec un collègue et retour au dépôt pour le week-end.
Le max de mes heures m'emmène donc au Guilberville. Ça me fait chier. C'est pas que c'est un mauvais établissement mais c'est vraiment un gros truc, c'est extrêmement bruyant et ce soir je suis vraiment pas d'humeur. Tant pis, avec des écouteurs et un bouquin ça fera suffisamment barrage pour que les gens me laissent en paix et au moins je pourrai prendre une douche pour me déssaler.