Au bout d'un certain temps, nous avions décidés de nous marier. J'avais déjà eu l'occasion de voir mes futurs beaux parents. Manifestement, Jeanne avait eu du mal à leur parler de moi, et encore plus de mariage. Je sentais déjà des problèmes. Un dimanche après-midi, ils étaient invités chez ma mère à Damgan. Personne n'est jamais venu, ni ne s'est excusé, ils avaient oublié. Jeanne en était vexée, et il y avait de quoi. Par la suite, la rencontre avait quand même eue lieu.
Un dimanche soir, Jeanne étant en vacances, je suis venu la chercher chez ses parents, car elle devait venir avec moi, faire un tour d'Allemagne. Je signale quand même, qu'elle était majeure depuis longtemps, elle avait 21 ans. Sa mère ne voulait pas la laisser partir, et il y a eu un gros coup de gueule entre elles. Si elle venait, elle se démerderait à financer son mariage. Bref ce soir là, j'ai compris beaucoup de choses. La famille était d'une mentalité d'un autre siècle, où les mariages d'amour, n'existaient pas. Elle aurait due se marier avec un riche paysan qui avait des terres. Durant cette semaine, où nous étions partis en Allemagne, ma mère reçue un coup de téléphone anonyme, d'une femme avec la voie nasillarde qui l'insultait et critiquait toute notre famille. Dès le départ, nous avions des doutes, c'était soit la mère de ma prétendante, soit la tante Anne, la sœur de sa mère. Des doutes, mais pas de preuves. Par la suite, régulièrement, ma mère recevait des lettres anonymes, plus ou moins bêtes, avec évidement une écriture modifiée, mais qui 25 ans après restait toujours la même. Plus tard, j'ai eu l'occasion d'apprendre que sa mère et sa tante, ont-elles même fait des mariages d'argent. Sa tante n'a d'ailleurs jamais eue d'enfants. Sans doute n'a t'elle jamais consommée le mariage. Quand à Jeanne, elle n'a jamais reçue la tendresse qu'aurait dû avoir un enfant. On s'en aperçoit encore aujourd'hui. Je pense qu'elle cherchait par tous les moyens à quitter le foyer parental au plus vite, et c'est donc sur moi que cela est tombé. L'ange gardien qui veille sur mon destin, m'a fait un énorme cadeau. Merci mon ange.
Le 23 Juin 1979, ce fut le grand jour. Le jour de notre mariage, à Noyal Muzillac. Pour cette occasion, ma grand-mère m'avait payée un costume qui avait d'ailleurs été fait sur mesure par le frère de mon patron, qui était tailleur. Mon patron lui, avait servi de témoin à mon mariage. Le repas était à Molac, une table très réputée et à recommander, encore aujourd'hui. Puis nous avons loués un appartement rue Monseigneur Trehioux vers le port de Vannes.
Enfin bien marié et amoureux, que demander de plus ? Notre premier enfant fût une fille, Céline, née en Février 1980. Oui, huit mois après le mariage. Donc vis-à-vis de la belle-mère, nous avions fautés avant les noces. Ce fut donc l'occasion d'autres lettres anonymes. Un an après, Céline a eue une cousine, Laure Anne. Depuis ce jour, notre fille est presque devenue la souffre douleur de sa grand-mère. Quand Laure Anne avait une robe rose, Céline avait une bleue, etc. Ce n'était que des câlins pour la cousine et rien pour Céline. Bref nous nous exposions en permanence à une mentalité de bas étages.
Evolution aidant, nous envisagions de construire une maison. A l'occasion du partage des biens de leurs parents, entre Jeanne et ses trois frères, mon épouse reçue un terrain jouxtant une maison qui devait lui revenir par la suite, lors du décès de ses deux parents.
Parallèlement à tout ceci, dès notre mariage, je commençais à avoir des problèmes dans mon travail. Toutes les semaines, je ramenais un pneu éclaté, une amende de surcharge, un tablier de remorque plié, bref des trucs pas possibles. Ce ne sera que beaucoup plus tard que je ferais le rapprochement entre ma belle mère et mes emmerdes. C'était, depuis que je la connaissais, que plus rien ne marchait. Je n'osais pas l'assimiler à une sorcière, mais l'avenir me démontrera que j'aurais sans doute du le faire. Cela avait donc commencé avec les lettres anonymes. A la date d'aujourd'hui, j'ai maintenant les preuves que c'était elle.
Céline, alias, Bicou ou Moumoune, grandissait bien, c'était le principal. A défaut d'avoir une grand-mère maternelle très maternelle justement, ses deux parents et son autre grand-mère s'occupaient d'elle sans problèmes.
Suite à tous mes emmerdes, et ayant trouver l'amour, j'avais alors l'envie d'arrêter la grande route, pour me consacrer plus à ma famille. Il était donc temps de changer d'employeur.
Un samedi, sur le journal, je vois une petite annonce, concernant les Transports Ridel de Questembert, qui cherchaient un chauffeur. Dans ce même journal il y avait aussi un article sur l'accident d'un autre camion Ridel, qui revenant d'Italie, avait plongé dans le vide au Fayet, dans l'usine en contre bas. Le camion mort, le chauffeur aussi. Tout cela remettait donc en cause, la validité de la petite annonce. Comme parallèlement à l'activité de transports, l'entreprise Ridel, faisait dans la construction de maison, nous avons passé un marché, l'embauche contre la construction de la maison. Allez hop ! C'est signé.
Là, mon travail, consistait à faire deux tours de frigo, Vannes / les halles de Rungis à Paris, en double équipage, et entre les deux tours, un tour en régional. Le lundi après midi donc, je chargeais à la SEQ à Questembert, puis chez Galina à Vannes, de la viande de volailles. Ensuite nous partions pour livrer une dizaine de clients dans les halles à Paris, à partir d'une heure du matin. Une fois vide, nous allions recharger du plâtre dans la banlieue de Paris pour, soit vider le soir sur notre région, soit le lendemain matin.
Ce fût donc chez Ridel que j'ai connu Yves Jarsalé, qui était chauffeur aussi. Son fils Yannick avait à peu près six ans, maintenant, il est mon gendre. Les années ont passées.
Par la suite, un certain Vincent Fenzi, qui faisait du frigo aussi, sur l'Italie, a eu un accident à Gênes. Etant le dernier rentré, j'ai été obligé d'aller chercher le camion là bas. Je suis donc parti un mercredi et rentré le dimanche. Normalement ce fut Yves qui devait y aller, mais il avait un mariage. Le même mariage que nous, nous avions, celui d'une copine de Jeanne. Mais pas de pot pour nous, j'étais coincé et Jeanne n'a pas voulue y aller seule. Par la suite, le fameux Vincent étant parti renouveler ses exploits chez Dejan à Vannes, j'avais récupéré son ancien ensemble, pour faire une tournée Galina sur la Hollande et l'Allemagne. Il y avait du frais et du congelés, séparés par une plaque dans la remorque, à cause des différences de températures. Je chargeais le matin à Vannes et je livrais en Hollande dans la nuit vers une heure du matin. Les heures? Hum! Hum! La douane se faisait à Wernhout à l'entrée du pays. Jamais de soucis, ouvert 24heures sur 24, et de plus en une demi-heure l'affaire était bâclée. Une fois, j'étais même parti en laissant sur le bureau de chez Ridel mes papiers de douane, T2, factures etc. Hé bien, juste avec les bons de livraison, le transitaire a fait dédouaner mon chargement, et toujours en une demi-heure.
Au garage, il y avait un super mécano, Roger, qui m'avait épaté pour son savoir faire, et sur qui toute la partie mécanique de l'entreprise reposait. Lui au moins, il connaissait son métier. Ce qui n'était pas le cas de tous le monde dans la boite. En particulier, celui qui avait refait les freins de mon frigo. En repartant sur la Hollande, un peu avant Laval, je vois de la fumée sortir des trois essieux de la remorque. Les roulements de roues étaient montés trop serrés, et ils avaient grippés sur les fusées des moyeux. Résultat, il a fallu attendre pour être dépanné et ensuite debout dessus 100/110 sur l'autoroute pour rattraper le temps perdu. A l'arrivée, je n'avais qu'une heure de retard sur le temps maximum prévu. Ce retard n'avait pas porté à conséquence au regard du client. C'était bien là le principal.
Souvent, après avoir vidé en Allemagne, j'allais à Friedrichshafen, un port de la mer du nord, pour recharger des filets de poissons congelés pour Saint Malo. J'aimais bien aller là-bas dans le grand nord, dans la région de Hambourg. Je chargeais dans des frigos qui étaient carrément sur les quais en bord de mer. J'ai toujours été attiré par la mer. Si j'étais bloqué par exemple, un week-end en montagne ou dans la campagne, le moral n'était jamais bon. Mais si c'était au bord de la mer, même si je me trouvais à l'autre bout de l'Europe, dans la neige ou le froid, j'allais déjà beaucoup mieux.
Une fois aussi, j'avais chargé à la STEF à Lorient des pâtisseries surgelées pour Nancy. Sur la route, il y a eu un problème avec le groupe frigorifique. Il ne faisait que dégivrer. Comme un âne, je l'ai éteins et en arrivant, toute la marchandise était pratiquement dégelée. L'assurance a due payer, mais je n'ai jamais su si l'erreur venait de moi ou du matériel. Ou des agissements d'une sorcière…
Le dernier camion qui faisait de l'Italie ayant eu lui aussi un accident, la boite commençait à battre de l'aile. Sur la fin, je roulais avec un Berliet GLR160 en benne, mais j'étais alors en punition. Avec cet avion, je faisais du sable, Saint Nazaire / Questembert. Une fois de plus il était temps de chercher ailleurs. Quand l'ambiance d'une entreprise ne me plaisait plus, je partais, je ne cherchais pas l'affrontement.