Je me suis aperçu, que la mentalité des chefs d'agences de chez Dentressangle, était de récupérer les bons chauffeurs de leurs tractionnaires, et de laissez les mauvais. Ils avaient les moyens financiers et sociaux, que nous n'avions pas, pour les attirer vers eux.
A une autre période, j'avais un camion qui roulait pour Transiport à Saint Nazaire. Il faisait en régulier du Paris / Portugal. J'avais donc pris un gars qui avait de l'expérience, et surtout un permis valable. Dès la première journée, nous avions reçu un appel téléphonique de l'affréteur me signalant que mon gars avait bien été chargé chez le client et qu'il était en ce moment chez eux à faire la douane. Mais le problème, c'était qu'il était ivre. L'affréteur, ne voulait pas le laisser partir. Donc, viré sur le champ. N'ayant pas d'autres gars de libre, le camion était donc resté là bas. Le lendemain, l'affréteur m'ayant trouvé un autre chauffeur sûr, je lui avais fait confiance. Le nouveau avait donc pris le volant, direction le Portugal. Quelques jours plus tard, personne n'avait eu de nouvelles du camion. J'étais d'autant plus inquiet, que je ne connaissais même pas le chauffeur. Ce ne fût qu'une dizaine de jours après, que nous avons reçu un courrier du gars, me demandant de lui payer deux jours de travail, les frais de déplacement et le billet de train, Hendaye / Nantes. Mon camion était encore à la douane d'Hendaye, ouvert avec les clefs dessus, et le gars était tranquillement rentré chez lui, sans rien dire à personne. Le pire c'est que lui aussi voulait m'envoyer aux prud'hommes avec un syndicat en plus. Voulant éviter une perte de temps inutile, j'avais donc cédé et je lui ai payé ses journées. De toutes façons la loi était pour lui, car en période d'essai, il peut interrompre son contrat de travail à n'importe quel moment. Ce qu'il avait fait.
Il y en avait eu d'autres encore. Un autre chauffeur des Côtes du Nord, que j'avais sorti de l'ANPE, roulait pour Dentressangle à Chambéry, fut remplacé par un gars de Grenoble, qui dès qu'il a eu une carte bancaire entreprise, s'était empressé d'aller faire les courses pour sa famille. Un jour en Allemagne, il avait grillé un stop, et était rentré dans une voiture, une Mercedes. Le réservoir de gasoil droit du tracteur avait été pulvérisé, et comme il venait de faire le plein, c'était quatre cent cinquante litres de gasoil sur la route. Il faut donc ajouter à la facture qui n'était pas prise en charge par les assurances, hormis le coût du gasoil, celui de l'immobilisation, des amendes pour pollutions, etc.… Donc viré.
Le fait qu'il avait été viré, m'avait permis de faire un baptême de l'air. En effet, pour allez récupérer le camion à Vénissieux, dans la banlieue de Lyon, j'avais pris l'avion à Rennes avec ma fille Céline. Elle devait avoir six ans à peu près. Après un voyage d'une petite heure, nous avions atterris à Lyon, le soir. Nous avions pris un taxi pour rejoindre le lieu où était le camion. Le camion était là, mais pas les clefs pour le prendre. Que faire ? Le taxi, nous avait donc ramené chez le chauffeur, vers les vingt trois heures. En bas de l'immeuble, j'avais payé le taxi, et il était parti. Nous avions sonné à l'appartement, personne ne répondait. Là, on était mal. Il était tard, pas d'hôtel, pas de véhicules, et ma fille, qui était jeune encore. Nous avions donc attendu sur le palier, au bout d'une demi-heure, mon chauffeur était arrivé avec sa femme. Discussion etc., puis il nous avait ramené au camion, où les clefs étaient là, mais pas à la place prévue. Ce fût donc, à une heure très avancée dans la nuit, que nous avions pris la route de la Bretagne. D'ailleurs entre Roanne et Moulins, à Saint Martin d'Estraut, j'ai du m'arrêter dormir dans un relais routier, où l'on mangeait très bien, « Les Chevreaux ». Avant de m'arrêter, j'avais dis à Céline, qui si elle me voyait dormir, elle devrait me réveiller. Je pensais en effet, que je me serais réveillé tard dans la matinée, étant donné le manque de sommeil des jours précédents. En fait, ce ne fut qu'une heure après mon arrêt, qu'elle m'avait réveillé. Plutôt que de lui faire une réflexion qu'elle n'aurait pas comprise, j'avais pris sur moi de me lever et de repartir.
Enfin, pour clôturer le chapitre des chauffeurs, avant d'entamer celui de la fin de la Société, j'ai eu un autre chauffeur pour faire du Portugal. Un qui avait pris la suite de celui qui m'avait laissé mon camion à la frontière Espagnole. Transiport mon affréteur, m'avait donc trouvé un autre chauffeur de confiance. Moi-même étant sur la route, le gars était parti directement prendre le camion. Il y avait déjà assez de temps de perdu comme ça. Deux ou trois semaines après, je n'avais pas encore de nouvelles du chauffeur. Rien, je ne savais même pas son nom. Par contre, il travaillait, il faisait son travail, même très bien. Un tour par semaine de Paris / Portugal, c'était très bien, surtout quand on voyait le temps passé dans les douanes Portugaises. Bon, le principal était que le travail se faisait. Plusieurs fois, nous avions demandés à l'affréteur de lui dire de nous appeler, ne serais-ce que pour les déclarations sociales. Mais non, toujours rien. Au bout d'un mois et demi, quand même, le téléphone sonne et une petite voix jeune et bégayante, au bout du fil, se présente. C'était notre homme, enfin. Il avait donc l'Iveco pour rouler, et voulant faire l'échange avec un Renault, qui disposait d'un Telma, ce qui était mieux pour faire du Portugal, nous avions convenu d'un rendez-vous au centre routier de Bordeaux. Passant par l'intermédiaire de Transiport, j'avais appris, qu'il partait le soir de Rouen, il était dans les dix huit heures. Moi-même j'étais déjà sur place à Bordeaux. Le lendemain au réveil, j'avais eu la surprise de voir son camion à coté du mien. Franchement, je ne m'y attendais pas. La nuit avait due être courte pour lui. Ses rideaux étaient tirés, il dormait. Tant pis, je frappe à la porte. La cabine bouge, les rideaux bougent puis la porte s'ouvre et je le vois enfin. Hou !!!!!!! La surprise, Je vois un jeune d'une vingtaine d'années, un mètre soixante cinq, donc tout petit et frêle, avec les cheveux en banane, les santiags au pieds avec les semelles ferrées et le blouson à franges et à clous. Pas vraiment le look du routier, quoi. Quand on avait été prendre le café, j'en avais même un peu honte. Le pire, c'était qu'il était mon meilleur chauffeur après Navarre.