Avec tous ces soucis, et bien d'autres encore, car tout ne peut pas être écris, il est évident que le rendement de la Société Le Brec International, n'était pas des meilleurs. L'accident de Brun avait donc signé la mort de l'entreprise.

Brun roulait donc, pour la STAT, avec un R340, et un frigo de la STAT. Ceux-ci ayant eu un tour supplémentaire à faire en fin de semaine, Brun s'était proposé de le faire, pour les raisons personnelles déjà évoquées plus haut. Afin de respecter les heures de conduite, la STAT, nous avait donné un de leur chauffeur pour faire un double équipage. Ils avaient fait un peu de ramasse en Bretagne et avaient terminés leur chargement le soir au MIN de Nantes, pour être le surlendemain à Marseille. Donc à deux chauffeurs, ils avaient largement le temps d'arriver à destination. L'intérêt du double équipage était surtout pour le retour avec des fruits. Le lendemain, 31 Août 1985, mon chauffeur arrive vers 7 heures du matin à Usseau, un peu avant La Rochelle, au carrefour entre la route qui venait de Nantes et la trois voies qui faisait Niort / La Rochelle. Depuis l'arrivée de la voie express, tout le quartier à été modifié et le carrefour avec perte de priorité, a laissé place à un immense rond-point avec des bretelles d'accès. En tout état de cause, c'était pour nous un carrefour classique de deux routes nationales, dont la notre qui perdait sa priorité. Au lieu de prendre le virage à 20 Km/h, et accéder à la bretelle d'accélération, Brun avait pris le virage à 100 Km/h. Autant dire, qu'il ne l'a pas pris, et qu'il s'est couché en travers de la chaussée, bloquant toute circulation. Par chance, malgré le fait que c'était un jour de retour de vacances, personne n'arrivait sur cette grande route, donc pas de mort. Il n'y avait que le second chauffeur, dormant dans la couchette, qui avait été blessé, mais légèrement. Au niveau du matériel, la semi, bousillée, et le tracteur dans un sale état. Suite à cet accident, la STAT, m'avait bloquée les trois mois de recettes qui n'étaient pas encore payées, tant que ses clients n'étaient pas remboursés par l'assurance. Autant dire qu'il fallait fermer la maison tout de suite. J'avais pourtant essayé de continuer, mais étant donné le nombre de fournisseurs de légumes, soit une bonne vingtaine, il y avait un nombre impressionnant de papiers à faire, d'expertises, etc.… J'en avais passé des nuits blanches à courir en Bretagne chercher des papiers, les envoyer à Niort chez l'expert, etc. Payé le grutage du tracteur afin de le récupérer, le ramener au garage à Vannes, expertises etc. Parallèlement à cela, je subissais tous les ennuis évoqués plus haut, avec mes autres chauffeurs. Je me souviens d'un retour de La Rochelle à la maison, avec trois tonnes et demi de boites de conserves qui étaient dans la semi et que j'avais ramené un soir dans le J9. La charge utile étant de une tonne huit cents, c'était carrément le double qu'il y avait dedans. Puis une fois à la maison, je les avais vidés seul, carton, par carton. Du travail de fou.

Ma banque était la BPBA. La Société, suite à l'accident, avait un découvert d'environ 300 000 FRF, nous, nous sommes fait escroquer par le banquier. En effet, nous promettant un prêt de restructuration, qui aurait permis de surmonter la période due à l'accident, nous avions eu droit à un crédit couvrant le découvert, moyennant une caution à titre personnelle, de moi et de ma mère. Une fois les documents signés, une semaine plus tard, tous les comptes et les cartes bancaires, ont été bloqués. Sans prévenir, je me suis retrouvé avec mes camions au quatre coins de l'Europe, avec des chauffeurs qui ne pouvaient plus prendre de gasoil. Démmerde toi patron, avec tes camions et rembourse moi mon crédit. Nous avions passés devant le tribunal, mais pour rien, car leurs dossiers étaient si bien ficelés, que nous avions été grugés d'un bout à l'autre.

A ce stade, il avait fallu faire le point. Sur cinq camions, le DAF étant en location financière chez Le Roy, ils l'ont donc repris avec son chauffeur, Navarre, qui est alors devenu leur salarié. Les deux Renault, qui étaient en leasing à la Diac, ont été repris. Il me restait donc l'Iveco et le J9. Le J9, avait été revendu et comme j'étais cautionneur à titre personnel sur l'Iveco, j'ai repris la suite du crédit, et je suis reparti seul, en temps qu'entreprise personnelle. Au début, n'ayant pratiquement pas de fonds de roulement, ni de clients, j'ai galéré. Ce fût à ce moment, qu'une fois de plus, il y a eu une rencontre qui a entraînée un tournant dans ma vie.

J'étais donc dans une usine de Pontchâteau. Je discutais avec un autre artisan transporteur, lui exposant plus ou moins mes soucis. C'est alors qu'il me dit de faire de la ferraille sur l'Espagne. Lui-même en avait fait auparavant, il me certifiait que les ferrailleurs payaient cash les factures de transports. Cela changerait des habitudes, où l'on était payés à soixante, voire quatre vingt dix jours fin de mois. Il m'avait dit d'aller voir un ferrailleur d'Hennebont, de sa part. Dès le lendemain, c'était chose faite. Le seul problème, c'était que je n'avais pas de remorque adaptée pour transporter de la ferraille. J'arrive quand même à trouver une vieille savoyarde d'occasion à la SAMI à Sautron. J'avais enlevé la bâche et c'était parti…. au garage. Remise en état des freins, des essieux, etc. La remorque coûtait 30 000 FRF à l'achat, et j'avais 50 000 FRF de frais en plus à faire. Bon, cela ne m'arrangeait pas, mais si le boulot était derrière, il y avait de l'espoir. Il y avait des chargements en pagaille, deux cents francs la tonne transportée, entre Lorient et le Pays Basque Espagnol. Pour le retour, il y avait des chargements d'ardoises………..pour les autres. En effet les chargements en Espagne n'étaient que copinage et dessous de table. Pendant deux années, je n'ai jamais pu avoir un seul chargement d'ardoises. De même, je voyais régulièrement des camions Espagnols vider des poutrelles métalliques chez Le Roux à Noyal, soit à cinq cents mètres de la maison, et je n'ai jamais pu avoir un voyage. C'était chasse gardée pour les camions Espagnols.

Manifestement, il me fallait une benne pour faire de la ferraille, c'était beaucoup plus pratique et plus rapide pour vider. C'est alors, que j'ai fais la connaissance d'un ex ferrailleur qui avait mal tourné, Le Floch à Loudéac. Celui ci faisait le commerce de bennes d'occasion, des céréalières classiques en alu, dans lesquelles, il boulonnait des tôles d'acier, afin de les solidifier un peu. Car la ferraille arrache tout quand elle glisse sur les parois, lors des déchargements. Le coût, 150 000 FRF, avec possibilité d'échéancer les règlements. Mais l'utilisation de cette benne, m'empêchait de recharger des ardoises au retour. Comme de toutes façons je n'en avais jamais.

 

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