La petite cabine de mon nouveau camion, n'avait pas de couchettes, et donc pour les longues distances, ce n'était pas évident de dormir en travers des sièges, quand on fait 1M80 et que l'entraxe des portes n'est que de 1M70. Mais j'ai quand même été plusieurs fois à Marseille, Bordeaux et Lyon, et en plein hiver. Le mieux était quand même de faire du régional, Bretagne, Pays de Loire, et de rentrer le soir à la maison.
Le fait d'être sorti de prison et de retravailler, me remontait le moral. Mais c'était sans compter sur les services fiscaux qui ponctionnaient régulièrement mon compte en banque. Il fallait donc, dès qu'un chèque ou une traite était déposé, vérifier les dates de valeurs, et venir dès l'ouverture de la banque, retirer les sommes en espèces. Pas facile, lorsque l'on travaille.
C'était aussi, sans compter sur l'avocat, et ses factures à payer. Lui, il m'a vu venir. Etant donné que le fisc me réclamait au départ, 9 millions de Francs, soit 900 millions de centimes, ce qui est plus compréhensible pour les anciens qui liront mon livre, il était évident pour lui que j'avais les moyens de le payer plein pot, ce qui était faux, car je n'avais pas plus d'argent que d'habitude.
C'était aussi sans compter sur le verdict final du procès. Le fait de faire deux mois de préventive, n'empêche pas le dossier de suivre son cour. Alors, après être sorti en Novembre 99, le procès sera pour quand ? Novembre 2000 ? Non, Novembre 2001 ? Non pas encore, toujours attendre avec cette épée de Damoclès au dessus de moi, et de nous d'ailleurs, car ma femme était aussi stressée que moi, alors qu'elle n'avait rien à se reprocher, elle.
Un dimanche de septembre 2000, Céline avait passée le week-end à la maison, avec son copain du moment, Cédric, qui était à l'école à Poitiers, avec elle. Comme ils voulaient rentrer de bonne heure, ils ont pris la Golf de Jeanne. Céline étant déclarée à l'assurance comme conductrice occasionnelle. Ils sont partis vers les 10 heures, afin de faire la route tranquillement. Il faisait beau. Soudain, le téléphone sonne, Seb décroche. Au bout du fil, Céline en pleurs annonce qu'ils ont eu un accident sur la voie express à La Roche Bernard. Je la prends au téléphone, « Viens vite on a eu un accident ». Tous les trois, nous prenons la Twingo et c'est pied au plancher que l'on va les rejoindre. A la hauteur de la sortie de Nivillac, un gendarme fait sortir les véhicules de la voie express. Plus loin sur la route, on voit les gyrophares des voitures de pompiers et de gendarmerie. On est mal barré, je crois. Malgré le gendarme, je passe et vais sur les lieux de l'accident. Une Renault 5 est plantée dans les rails de sécurité au milieu. La Golf est sur le toit, après le pont de l'échangeur. A coté de la voiture, nous voyons Céline et Cédric debout. Au moins ils sont en vie. D'instinct, Céline vient pleurer sur mon épaule. Pour qu'elle vienne s'appuyer sur moi, c'est que vraiment elle a eu un choc moral terrible. Je retourne voir la R5 ; il y a deux vieux dedans. L'homme à droite est coincé, et la femme est encore au volant. Les pompiers sont autour.
Les faits se sont déroulés ainsi. Céline montait la côte sur la voie express, le soleil brillait entre la chaussée et le dessous du pont. Elle a donc été éblouie. Les anciens avec leur R5, devaient normalement rentrer sur le Finistère. Peut-être se sont-ils trompés de route à cause du soleil? On ne le sait pas, mais ils n'étaient donc pas dans le bon sens. La R5 ne roulait pas vite, vraiment pas vite. Peut-être redémarrait-elle de la bande d'arrêt d'urgence? La Golf roulait à 100/110, selon les témoins. Elle s'est donc retrouvée juste derrière la R5. Trop tard pour l'éviter, elle l'a poussée. La R5 a eu toute la moitié arrière enfoncée, jusqu'aux dossiers des sièges avant. D'où la différence de vitesse au moment de l'impact. Quant à la Golf, les airbags ont fonctionnés aussitôt, et se sont déployés. Puis la voiture étant déportée par le choc, est montée sur l'accotement, est montée sur le support en béton du pont. Ensuite elle est redescendue en faisant des tonneaux, elle est passée ainsi sur la chaussée, mais sous le pont, et s'est arrêtée sur le toit de l'autre coté. Ensuite les jeunes ont ouvert leurs portes et sont sortis. La Golf est morte, mais la cellule est restée intacte et les portes s'ouvraient normalement. C'est bien une preuve que la sécurité des voitures a bien évoluée.
Ensuite, en discutant avec un pompier, nous avons appris qu'ils attendaient l'hélicoptère. De part mon expérience de la route, et hélas des accidents, je savais que s'il y a hélicoptère, c'est très mauvais signe. On entend des bruits de rotors, le voilà. Il se pose carrément sur la voie express. Les pompiers découpent la R5. L'homme était déjà parti en ambulance à l'hôpital. Jeanne et nos jeunes montent dans l'ambulance des pompiers pour aller eux aussi à l'hôpital de Vannes pour des examens de contrôle. Je reste un peu avec Seb. On apprend la triste nouvelle d'un pompier, la vieille dame est décédée dans la voiture. L'hélicoptère ne sert plus à rien. Bonjour les emmerdes à venir pour nous.
Comme il était presque midi, Seb et moi allons chez ma mère comme cela était prévu et où nous annonçons la triste nouvelle. Puis nous allons à l'hôpital. Un peu plus tard dans l'après-midi, les parents de Cédric nous rejoignent, ils sont transporteurs aussi, de la Vendée, et ce jour là, ils étaient de mariage. Nous avons donc fait leur connaissance pour la première fois.
Au service des urgences de l'hôpital, plusieurs fois, Céline et Cédric m'ont demandés des nouvelles des vieux, je n'ai jamais pu leur annoncer la vérité, surtout dans l'état moral où ils étaient. Aux infirmières aussi, ils ont demandés, puis une, leur a annoncée la vérité, sans commentaires.
En fin d'après midi, ils sont sortis du service des urgences. Puis Le père de Cédric et moi sommes allés au garage voir l'état des voitures, ensuite nous sommes retournés à la maison.
Pour les obsèques, après plusieurs coups de téléphone, nous avons appris où aurait eu lieu l'enterrement de la dame, nous leurs avons fait parvenir une gerbe par Inter Flora. C'était bien le minimum que l'on pouvait faire.