Ce fut aussi la période des premiers flirts. Flirts, est un bien grand mot, car il était loin de se passer quelque chose entre nous. Par contre des petits mots doux ont bien circulés de tables en tables jusqu'aux filles, car certains ont été interceptés par notre fameuse bonne soeur.

Le soir, nous devions aller chercher du lait chez Hélène Gaillard. Sa ferme se trouvait, juste derrière l'école au fond du parc. Mais pour y aller, pas question de passer par l'école. Il fallait traverser le bourg, avec le pot de lait, puis prendre un petit chemin dans la campagne. Quand il faisait jour, cela pouvait aller, mais dès que la nuit arrivait, les fantômes, les voleurs et les loups, nous tournaient autour. Tout cela se passait dans la tête, et c'était le trouillomètre à zéro, qu'il fallait finir notre tournée.

Au bout d'un petit chemin qui allait vers l'école, il y avait le cimetière, devenu maintenant un parking. Il y avait aussi une épicerie tenue par Madame Marie Magrez. Par la suite c'est devenu un bistrot où il y avait une salle de jeux. Enfin, une salle de jeux, où il n'y avait qu'un baby-foot et un flipper. Là je me souviens de Soulanne, dont le frère avait repris le salon de coiffure paternel, et qui roulait dans une superbe traction Citroën, peinte en vert pale.

Durant ma jeunesse, religion chrétienne oblige, il a bien fallu me plier à toutes les exigences, petite et grande communion, confirmation, etc.… Durant la retraite de confirmation, il a fallu aller, salle de la Jeune France à Noyal Muzillac. En fait, c'était juste en face de notre futur terrain où nous avions depuis construit notre maison. Ha !! Le destin, quand même. N'ayant pas de place dans les voitures, car cela avait été programmé au dernier moment, nous avions été en vélo, Didier Flohic et moi.

Un jour, en revenant de l'école, ma sœur, la vraie qui devait alors avoir dans les quatre ans, avait traversée la rue devant la mairie sans regarder. Elle avait faillie se faire écraser par une 404, qui arrivait dans le bourg. Elle avait donc reçue cette fois là, une paire de claque de la part de son frère, et c'était mérité.

Il y avait aussi dans le bourg, une petite épicerie, chez Margueritte, où l'on apportait des asperges pour les vendre. C'était aussi l'époque où il fallait chercher des clopes pour mon père. Les Gauloises étaient à 1,50 F le paquet, les Carambar à 0.05 F, le Mars à 0.50 F, et les paquets de 11 chewing-gums à 1F.

Puis ce fut la cassure avec les curés. Pour des raisons que j'ignorais, mais qui avaient un rapport avec cette fameuse bonne sœur. Résultat, le CM2, avait été fait à l'école laïque. Ce qui à terme, n'était pas plus mal, car plus près de la maison, et plus d'obligations religieuses imposées. Dans cette école, je faisais partie des grands. Dans la classe, il y avait un Maître, le Directeur et trois rangées d'écoliers, les CM1, les CM2 et ceux qui passaient leur certificat d'études. Parmi ceux là, il y avait un certain Patrick le Guennec, qui m'étonnait par sa rapidité d'écriture. Il y avait aussi un poêle à charbon dans le milieu de la salle. Il fallait le remplir et le préparer tous les soirs pour chauffer la salle. La cantine était très bonne là. Je me souviens des œufs à la sauce tomate. Un de mes meilleurs souvenirs gastronomiques. Il y avait aussi un certain Jean Claude Puren, un gars de Kervoyal, qui arrivait, je ne sais comment, à retourner ses paupières et lever les yeux, ce qui lui donnait des yeux entièrement blancs, une horreur, cela faisait peur.

Toutes les fins de mois, il y avait un classement. Systématiquement, dans ma section le premier était Jean Lasquellec, le second Jean Paul Cotterel, et le troisième, moi même. Ce trio, assez loin devant les autres. Si pour une cause ou une autre, un des deux premiers était absent, je me retrouvais second. Mais quoiqu'il arrivait, c'était toujours dans le même ordre.

En fin d'année, avait lieu une remise des prix. J'avais eu alors un livre de bibliothèque intitulé; « Les champions du gas-oil ». Peut-être étais-ce le hasard ou peut-être le directeur s'était-il déjà aperçu que je voulais être routier. Personne ne le saura, mais au sujet de ce livre, il y a lieu de se reporter à deux autres périodes de ma vie à venir. En 1975, soit dix ans après, ainsi qu'en 1997, donc trente deux années plus tard.

Pendant les vacances, j'allais à la pêche. Jusqu'à maintenant j'y allais pour rigoler. Avec mon cousin, on pêchait un litre de bigorneaux, cela faisait 2 F, et on allait acheter une petite voiture Matchbox. Cela suffisait, quand on est gosse, mais avec le début de l'adolescence, j'avais des besoins plus sérieux. J'avais donc trouvé un travail chez l'épicier du coin. Il fallait ramasser les bouteilles vides consignées et faire le plein des rayons, pour 100F par mois.

La rentrée de septembre fut le passage en 6° à Muzillac. Le grand choc de l'adolescence, le début de la vie quoi ! Il fallait prendre le car tous les matins. De plus il fallait bosser pour de vrai. Avec Mesdames Le Bris en Français, Le Pévédic en histoire-géo, anglais. Je les revoie toujours en mémoire. C'est dommage de ne pouvoir imprimer les images que l'on a en mémoire. La classe était en préfabriquée. Nous étions grands, mais nous jouions aux billes quand même dans la cour. Celui qui perdait donnait sa bille au gagnant. Il y en a qui trichait évidemment. Non pas dans la course, mais ils fabriquaient leurs billes en terre cuite, alors que d'autres en achetaient des vraies en verre, avec leurs belles couleurs intérieures.

Cette année là, les études me courraient après. J'étais encore un enfant dans la tête, mais je n'étais pas le seul. J'ai donc redoublé.

Un jour dans le couloir de la salle de classe, au retour d'une récréation, nous étions en file indienne. Pour jouer, j'ai donné un petit coup de pied gentil au gars qui me précédait. Puis d'un seul coup, une explosion, un tremblement de terre, un terrible coup de pied au cul, suivi d'une grosse baffe à droite et d'une autre à gauche. C'était Hervé, le Directeur qui m'avait vu. Lui, n'a pas pris ça pour une plaisanterie, et par la suite, moi non plus d'ailleurs.

Le midi, pas de cantine, le resto. Hé! Oui, nous allions chez Bocéno, près de la poste de Muzillac. Dès l'arrivée des élèves, les premiers se jetaient sur les desserts, qui étaient en général des fruits et piquaient la part des autres. Là, je ne comprenais pas. Moi qui sortais de chez les curés où j'avais appris le partage et l'honnêteté, je ne comprenais pas. D'ailleurs maintenant non plus.

Au printemps et dans les périodes chaudes, dès la fin des cours, et juste avant de reprendre le car, nous nous dépêchions d'aller à la boulangerie du coin acheter une glace à l'eau orange ou citron, cinquante centimes. Plus loin il y avait une grand-mère qui tenait un petit magasin rempli de bombons à un centime et autres cochonneries du même genre.

Durant la deuxième année à Muzillac, il y avait eu des bruits qui courraient, comme quoi notre charmante prof de français, Madame Le Bris avait cédée aux avances de certains élèves de troisième. Je le dis bien, c'était des bruits. Je n'avais rien vu, mais comme il n'y a pas de fumée sans feu…

Durant cette deuxième année, le Directeur nous faisait les cours de dessin. Un jour où il y avait eu de l'orage, nous avions tous vu une boule de feu traverser la salle de classe, à une vitesse prodigieuse. Pourtant toutes les fenêtres et les portes étaient fermées. Cette boule est pourtant rentrée par un coté et sortie par l'autre. La foudre était tombée un peu plus loin en ville. C'était vraiment impressionnant.

Pendant cette période, je commençais à m'intéresser aux mobs et aux motos. C'est l'âge, 12/13 ans. Ma mère avait à ce moment une Peugeot 404, numéro d'immatriculation ? Pas de problème 768 EJ 56. Mémoire hein ?

Plus tard, pendant les vacances, je livrais les télégrammes de la poste. Au début en vélo, puis enfin à force d'économies, j'ai pu m'offrir une mobylette à 14 ans. Un Peugeot RT, avec une vulgaire selle, suspension à l'avant, mais pas à l'arrière, je n'avais pas les moyens de prendre le modèle au dessus. Je l'ai d'ailleurs en photo.

Mon père avait une mob. aussi, depuis longtemps. Un Scootex, une machin bizarre qui venait de je ne sais où. Elle avait un embrayage classique, mais pas de boite de vitesse, donc à chaque arrêt, il était indispensable de débrayer sous peine de caler. Bizarre, mais c'était comme ça.

Depuis mon jeune âge, mes parents avaient un jardin à 50 mètres de la plage. Enfin « avaient », était un bien grand mot, car j'ai appris plus tard, qu'il était prêté. La propriétaire l'ayant revendu par la suite, nous avions eu un autre en remplacement. Ce nouveau jardin fut beaucoup mieux, car il avait des arbres fruitiers. Quand ce fut la saison, à nous l'orgie de pommes, poires, prunes etc. Dans ce jardin, il y avait aussi des petites cabanes qui servaient au rangement des outils, et une en particulier aux toilettes. Des toilettes très sommaires quand mêmes. Mais, là où ces toilettes étaient intéressantes, c'est qu'il y avait régulièrement des journaux qui faisaient office de PQ. Parmi ces journaux, il y avait des « Détective » qui comme le nom l'indique, résumaient des enquêtes policières réelles. Le plus captivant dans ces ouvrages, était l'histoire plus ou moins érotique des pages centrales. Vu l'éveil de ma sexualité, ces histoires faisaient mon bonheur. D'où mon intérêt, à la fois d'aller au jardin manger des fruits et suite logique, d'aller aux toilettes.

Mon père avait fait fabriquer à la station service de Damgan, tenue par Michel Nahel et Bach, une remorque à bras. Cette remorque devait avoir une caisse de 1m80 sur 1m environ. Mais qui vu notre taille à cet âge, nous paraissait imposante. Elle nous servait à aller chercher du goémon à la côte, pour le jardin. Un jour, accompagné de mon cousin Bernard, nous l'avions remplie de sable. Quand il a fallu rentrer, pas moyen de la bouger d'un centimètre. Il devait y avoir au moins une tonne de sable dedans. Sans parler de la remonter sur la route. Il ne restait qu'une seule solution, la revider.

Les évènements de Mai 68, ne me laissèrent pratiquement aucun souvenir. J'étais alors en pension au collège Jules Simon de Vannes, près de la mairie. Les premières semaines de pension ont été évidemment très dures pour moi. J'ai vécu cela comme une punition, d'autant plus que j'avais treize ans et je devenais adolescent. Je commençais à comprendre beaucoup de choses, en particulier, le fait que mon père buvait et que malgré tout, ma mère faisait de son mieux pour nous élever sans laisser paraître ses soucis. Etant donc en pension, je rentrais tous les vendredi soir, la semaine était longue. Par la suite, ma sœur est venue à Vannes à l'école aussi, mais comme par hasard, il y avait des cars scolaires, et elle rentrait tous les soirs. D'où son surnom, la « chouchoute ».

De ces trois années passées à Vannes, je n'ai pas eu que des mauvais souvenirs quand même.

En montant le perron du bâtiment principal, nous arrivions dans un grand hall, un vrai château. Il y avait à gauche des bureaux et des salles de classes. A l'étage, de très grandes pièces faisaient office de dortoirs. Les lits étaient alignés en quatre ou cinq rangées, avec un box dans le milieu. Dans ce box, il y avait le pion de service, entre autre, un Monsieur Le Breton, surnommé « Mattow », que j'aurais l'occasion de revoir bien plus tard comme chef dans un bureau du service des impôts de Vannes. Péchard, déjà à cette époque fervent nationaliste breton qui organise maintenant la fête inter celtique de Lorient. Plus bas, en sous-sol, il y avait le réfectoire, avec un grand couloir où étaient alignés des emplacements pour mettre nos serviettes, et nos beurriers, car il n'y avait jamais assez de beurre sur les tables. Les salles du réfectoire devaient comprendre des tables de huit places, il me semble. Un jour, j'ai par maladresse cassé un verre. Quand j'avais su qu'il était facturé à la famille, j'avais la hantise de la réaction de mes parents, moi le gosse sérieux. En fait, je n'avais rien eu. Avec le recul, je m'aperçois aujourd'hui, que c'était ridicule.

En vis-à-vis du réfectoire, toujours en sous-sol, mais à l'extérieur, il y avait les toilettes, garçons et filles. Aux heures de récré, elles étaient squattées en permanence par des grands qui fumaient en cachette. Dans la cour, sur la gauche, il y avait la salle de musique, avec un piano. Evidemment, cours de musique classique. A coté, c'était le foyer, en fait une petite salle avec un vieux baby-foot toujours occupé.

A droite dans la cour, il y avait l'infirmerie, en trois années, je n'y suis allé qu'une seule fois, faire un tour. Donc par là, rien à signaler.

Le jeudi, nous n'avions pas d'école. Nous avions donc le droit à une promenade à pied et bien encadrée, à la Pointe des Immigrés, au bout du port. Le sport, lui se passait à Kercado. Nous y allions en car. A chaque fois, il y avait trois cars qui faisaient la navette dans Vannes pour nous envoyer sur le stade, et nous ramener ensuite. Après chaque séance de sport, j'avais un mal de dents pas possible.

 

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