Durant les grandes vacances, je me suis engagé comme mousse sur un chalutier de La Turballe, afin de faire la saison de sardines. L'embauche avait été d'autant plus facile, que mon oncle Paul, travaillait déjà sur ce bateau.
Mon dossier d'inscription était parti pour une école de routiers à Chateaubriand. Mais une semaine avant la date de rentrée scolaire, nous n'avions toujours pas eu de nouvelles. Après plusieurs appels, nous avions appris que le dossier c'était perdu, et qu'il n'y avait plus de place disponible. Panique à bord.
Je ne sais par quel hasard, notre vaillant recteur de Damgan, Larboulette, appris ce fait. Il s'est donc mis en relation avec un de ses collègues, l'abbé Nouzille qui était Directeur de l'école de routiers de Poitiers.
Poitiers fut le changement radical de ma vie. Un tournant, un virage, une frontière, le passage à la vie adulte, quoi ! Nous étions en septembre 1971, j'avais alors 16 ans. C'était il y a 32 ans, mais je m'en rappelle comme si c'était hier. A chaque fois que je repense à cette période, ou que je repasse dans la région, j'ai toujours la nostalgie du pays, un vrai coup de cafard, un coup de blues. De plus, qui aurait dit que trente ans plus tard ma fille serait venue à l'école ici ?
Ma mère avait alors une Renault 16 TL. Une belle voiture pour l'époque, le modèle au-dessus étant la TS. Nous étions arrivés la veille de la rentrée, car il y avait des documents à remplir et de plus Damgan était à 300 kilomètres. Il n'y avait pas de voie express comme aujourd'hui. Il fallait prendre les centres-villes de Pontchâteau, Nantes, Parthenay et Bressuire, ainsi que de simples routes nationales. Nous avions eu quelques difficultés pour trouver l'école, alors qu'elle se trouvait pratiquement à l'entrée de la ville. Encore fallait-il le savoir. Quand ma mère et ma grand-mère furent reparties, je n'ai pas eu la moindre once de cafard. Je ne savais pas du tout ce qui m'attendait, mais j'étais heureux. Pourtant je me retrouvais seul dans l'établissement. Les retours à la maison étaient prévus toutes les trois semaines, c'était donc autre chose que Jules Simon, mais cela ne me faisait alors rien du tout.
Donc, après le départ de mes parents, j'allais à pied faire un tour en ville. Le centre ville de Poitiers à savoir la Place d'Armes, est à environ cinq kilomètres du centre scolaire. A faire à pied évidemment, soit environ une bonne heure en marchant bien. Je me suis retrouvé par hasard dans un bar avec un autre élève qui sera plus tard dans ma classe. Nous étions alors les deux seuls à être rentrés la veille. Il s'agissait de Cousseau, un gars de Cholet. Je l'avais donc retrouvé dans la cour l'après-midi et nous avions sympathisés. J'ai toujours en mémoire les visages des autres élèves et des profs de l'époque : Patarin, Béade, Trochu, Bazire etc.…
J'étais alors parmi une majorité de fils de transporteurs. Des fils à papa. Nous ne sortions pas du même milieu, mais dans l'ensemble l'ambiance était bonne quand même.
Je devais donc préparer un CAP de conducteur routier mécanicien en deux années. Une autre classe le faisait en trois années. Plus loin, il y avait des classes de gestion transports, de mécanique générale, de mécanique automobile et poids lourds. Il y avait aussi les 4° Transports. Le fleuron des écoles de transports, les grosses têtes quoi, qui préparaient en une année l'équivalent d'un BTS Transports d'aujourd'hui, mais en plus dur, car il y avait encore les licences de transports et toute la panoplie de documents et de lois qui ont maintenant disparus avec l'avènement de la communauté Européenne. Dans cette 4° Transports, les gars, et les deux filles étaient dans l'ensemble plus vieux que nous déjà et possédaient leurs propres voitures, pas nous encore. Ils avaient des chambres dans le « château », au dessus du bureau du Directeur, et ils avaient le droit d'entrer et sortir comme ils le voulaient de l'enceinte de l'école.
L'entrée de l'école, se trouvant en face d'un terrain de camping, j'ai eu l'occasion de voir sortir un campeur avec sa caravane. Classique me diriez-vous ! Mais où l'anecdote devient intéressante, c'est que la caravane était tractée par un tracteur agricole aménagé dans le plus pur style hippie de l'époque.
Le groupe scolaire étant sur un terrain en hauteur, il y avait un grand parc et plus bas un bois descendait jusqu'à la route nationale 10. Cette RN10 était l'un des plus grands axes de France. La rocade de Poitiers était alors en construction, car j'avais eu l'occasion avant la fin des mes deux années de cours, de photographier des camions sur cette rocade. Maintenant, il y a eu en plus l'autoroute A10, mais c'est une autre époque ! Pour en revenir à ce bois au fond du parc, il y avait un grand mur qui le séparait de la route nationale. Le poste favori des élèves était juste en face d'une station service ELF. De notre perchoir, nous voyons en permanence les camions qui s'arrêtaient faire le plein de gas-oil. Souvent il y avait des Mercedes rouge des cartonneries Ménilgault, groupe Billerud. Nous voyons aussi passer les fameux Pegaso Espagnols qui montaient dans le nord de l'Europe. Les Pégaso avaient alors des cabines arrondies en formes de demi œuf, elles avaient de la gueule ces cabines. Ce qui est dommage, c'est que durant ma carrière, j'en ai vu des camions comme cela, mais jamais je n'en ai pris en photos. Maintenant pour en retrouver, cela va être dur. Donc de notre position sur le mur, nous avions aussi une vue plongeante dans les voitures qui passaient. La mode était à la minijupe…
Parmi les élèves, deux avaient des cors de chasse. Quelques fois à l'orée du bois, nous avions le droit à des entraînements de ces instruments, c'était phénoménal, et pourtant, il n'y en avait que deux seulement.
C'est durant cette période qu'était sorti, le film « Le Mans », avec Steve Mac Queen. L'histoire d'un coureur automobile, qui se passait dans le milieu des courses d'endurances. Ce film passait au cinéma Le Théâtre, Place d'Armes. Avec un camarade de classe, Nicolas, nous avions 55 minutes de délai pour arriver avant le début de la séance. Ce fut au pas de course, que nous avons fait le trajet, mais nous n'avions rien loupé du film.
Une autre fois, il y avait eu à Poitiers, une étape de liaison du rallye de Monte Carlo. Cette fois là, mon copain et moi avions carrément fait le mur pour aller voir çà.
En rentrant un dimanche soir, de Cholet, par le train. Je sortais de la gare de Poitiers et m'apprêtais à regagner l'école à pied, quand j'ai vu un Berliet GR 250 d'Express Marée, en camion remorque, tomber en panne. La route nationale vers Angoulême passait par la gare. Il y avait donc eu un gros bruit, et le camion s'était arrêté. Je ne me souviens plus exactement de la panne, mais il y avait une grosse fuite d'huile ou d'antigel qui coulait sous le moteur.
Pour descendre en ville, nous pouvions passer directement par la RN10. Du Porteau, nom du quartier où l'école se trouvait, il y avait un grand escalier taillé dans la roche, qui descendait sur la nationale. Près de cet escalier, les roches formaient une sorte d'abri, plus qu'une grotte. Cet abri était habité par un clochard, sympa. L'hiver, il faisait son petit feu de camp. Depuis ayant eu l'occasion de repasser plusieurs fois à cet endroit, toutes traces de civilisations ont disparues. D'où venait-il ? Où allait-il ? Mystère. Plus loin, Porte de Paris, c'était le carrefour routier de la région. Là se croisaient les routes venant de Bordeaux, Nantes, Limoges et Paris. Il y avait un relais routier, qui marchait bien, mais qui a depuis aussi disparu. Quand je vois maintenant l'emplacement, il serait aujourd'hui impensable de faire stationner des camions à cet endroit, tellement il y avait peu de place. De cette Porte de Paris, il y avait une seconde route pour rejoindre l'école. Une petite ruelle remontant vers le quartier de La Demi Lune. Pas plus large qu'une voiture, et qui grimpait dur. Si dur que ce fut dedans que l'on avait appris à faire des démarrages en côte sans frein à main avec l'estafette lors de nos premiers cours de conduite. Là nous avions toutes les chances de reculer, si c'était mal fait. C'est comme cela que l'on apprend. Mais les premières fois, on stress un peu quand même.
Les premières leçons de conduite étaient des manœuvres effectuées dans la cour, entre des quilles avec une des deux Estafette Renault. Etant donné que beaucoup de gars avaient déjà pris le volant avant, nous avions vite commencés les leçons de conduite sur route. Parallèlement nous faisions des manœuvres avec des porteurs.
Les week-ends se passaient à l'école évidemment. Beaucoup de gars rentraient chez eux, mais comme certains venaient de très loin, je ne me retrouvais donc pas seul pendant ces week-ends. Pour les troisièmes week-end, ceux où les sorties étaient obligatoires, je prenais le train pour Parthenay, de là c'était un car pour la gare de Cholet. A Cholet, ma mère passait me prendre et nous allions passer le week-end chez ma tante qui habitait près de là. Autrement dit, c'était vraiment la galère au niveau des moyens de transports. Quand il y avait des vacances, nous rentrions directement à la maison. Cela n'a pas duré trop longtemps, peut-être un trimestre. J'avais passé mon permis moto à Poitiers, (sur une 500 Terrot), épreuve de conduite, un aller retour autour d'une quille située à une trentaine de mètres et le papier rose dans la poche. Ma mère ayant sans doute marre de faire la route de Poitiers, ou celle de Cholet, j'eu l'immense surprise de trouver un jour dans le garage une vrai moto, pour moi. Une Honda cb125s, neuve. J'étais fou de joie. D'autant plus que mon copain Le Guennec Patrick avait lui la 125 mk2. La mienne était verte, monocylindre, 4 temps, vitesse de pointe 100 Km/h. Ma grand-mère, m'avait en plus offert la veste, le pantalon et les bottes en cuir, super quoi ! J'étais alors vraiment étonné, car l'ambiance s'était beaucoup dégradée avec mon père. Quand il était à la maison, il continuait de fumer et de boire, en moyenne c'était de l'ordre de 2 litres de vin et 3 de bière par jour. Ainsi que deux à trois paquets de gauloises. D'ailleurs, il était de plus en plus souvent à la maison, soi-disant pour arrêt maladie, en fait c'était pour des cures de désintoxication.
Pour en revenir au Porteau, j'étais quand même désavantagé par rapport à certains, car je suis rentré sans rien connaître au transport et aux camions, mais je me suis rattrapé depuis. Après le permis voiture, accepté, mais pas validé, car il fallait attendre le CAP, nous attaquions le permis porteur. Oui, mais les porteurs de l'époque, un Berliet GBK, avec le levier de vitesse au tableau de bord, vitesses non synchronisées, et un UNIC Izoard je crois avec un nez long. On ne l'avait pas eu longtemps, car il était pourri de tous les cotés. Par la suite nous avions eu un Berliet GCK et un Saviem SM8. Il y avait aussi une semi que nous prenions alors pour faire des manoeuvres, un petit Unic attelé à une remorque à un essieu, et par la suite nous avions eu un car, un Saviem S45GT. Dans le GBK, je me prenais la tête avec les vitesses non synchronisées. Sur le plat, il fallait passer les vitesses à tel régime, en faisant le double débrayage ou le double pédalage. En côte il fallait accélérer un peu plus en fonction de la dureté de la côte et de la charge dans le camion, en descente c'était le contraire. Au moindre faux pas, aucune vitesse ne rentrait et on se retrouvait au point mort. J'avais la hantise de ce camion, et je n'étais pas le seul. A cette époque, je me suis vraiment posé des questions sur mon avenir, car si tous les camions étaient comme çà, ce n'était plus la peine de continuer. Heureusement que pour les autres véhicules, le passage des vitesses étaient disons normal. Les manœuvres avec la semi ne me posaient pas trop de soucis. Mais le fait qu'il n'y avait qu'un seul essieu augmentait les difficultés. Au moindre coup de volant, la remorque partait aussitôt soit à gauche, soit à droite. Avec le recul, je ne regrette pas, mais c'était loin d'être évident.
Les cours de mécanique se passaient évidemment à l'atelier. Cet atelier était en fait un grand hangar compartimenté en fonction des spécialités. A l'entrée sur la gauche, il y avait une vingtaine de moteurs de voitures et de poids lourds sur des bancs d'essais, ainsi que des bancs pour essieux, boites de vitesses etc. Bref de ce coté là, nous étions très bien outillés, pas de quoi s'inquiéter. Au centre du hangar, il y avait le magasin. Un vrai magasin de grossiste, avec le comptoir. Nous avions des jetons numérotés, et une caisse à outils personnelle avec des outils Facom frappés de notre numéro. Caisse et outils que nous gardions définitivement à l'issue de nos deux années de formation. Les jetons servaient de consignes pour prendre au magasin des outils spécifiques tels que clé dynamométrique, pinces à segments ou autre matériels. En face, il y avait des machines outils, qui étaient réservées principalement aux formations de mécanique générale. Nous avions de temps en temps eu l'occasion de nous en servir, mais ce n'était pas le but de notre cursus scolaire. Au fond de ce bâtiment, se trouvait l'atelier de forge soudure de Monsieur Joulain. Ha ! Ce Monsieur Joulain. C'était un homme robuste, approchant la soixantaine, proche de la retraite, costaud comme un forgeron, et pour cause. Chiant comme c'est pas permis, la première année. Les cours en eux-mêmes étaient intéressants, mais il gâchait tout avec sa sévérité. Il fallait fabriquer des pièces mécaniques forgées, ou avec les tours de mécanique générale. Dans un des premiers cours, nous avions une petite plaque de tôle d'environ 10 cm sur 15, et il fallait faire des lignes de soudures avec métal d'apport. Ayant trouvé une autre plaque dans la poubelle, j'ai écris sur cette plaque en perçant des trous, « vive la moto ». Evidemment, avec la chance que j'avais, l'ancien est passé à ce moment, et j'ai mangé une avoinée pas possible. Par contre la seconde année, rien à redire, il était très gentil, méconnaissable, on faisait ce que l'on voulait. Mais c'était son style, saquer la première année et relâcher la deuxième.
Un jour, où nous étions en cour dans une salle attenante à l'atelier, nous avions entendus une grosse explosion, provenant du coin réservé à la mécanique poids lourds. Une fois revenus de nos émotions, il s'était avéré, que c'était le prof de mécanique, qui avait volontairement mal remonté un cercle sur une jante, et qui avait installé la roue dans une cage de sécurité, afin de montrer à ses élèves, les dangers que peuvent représenter un pneu mal monté. En effet, en gonflant le pneu, la roue avait explosée, mais était heureusement restée dans la cage. Cette cage d'ailleurs était par la suite inutilisable. Cette opération nous avait bien montré qu'il faut en permanence penser à la sécurité.
En cours d'exploitation de transport, nous avions Monsieur Gerbier. C'était comme beaucoup de profs, un ancien routier. A l'écouter, il aimait bien raconter sa vie par des anecdotes. Avec le recul de mes trente années de conduite, je m'aperçois que finalement, je suis pareil. C'est pourquoi j'écris ce livre. Il avait roulé pour Bernis, grande société de messageries de l'époque. Il était relativement jeune quand même, une trentaine d'années. Une anecdote me restera toujours en mémoire. En ce temps, comme je l'ai déjà évoqué plus haut, toutes les grandes routes de la région convergeaient vers la Porte de Paris. Celle venant de Limoges n'y échappait pas, et arrivait donc par une grande descente assez inquiétante, quand on est apprenti routier, sachant qu'en bas, il y avait une perte de priorité et donc un arrêt quasi systématique. Il prenait l'exemple d'un gars qui roule vite en descendant, s'en s'occuper des freins, ne peut plus s'arrêter et alors, bonjour l'accident. Sa phrase était : « astique pompon la rocade et bonjour l'accident ». D'ailleurs ce « astique Pompon » revenait souvent dans ses propos. Ayant par la suite répété l'anecdote à ma mère, j'ai été à l'époque surnommé par ma famille Pompon. Une autre avec ce Gerbier. Dans un cour, qu'il lisait, il y avait un scénario où était impliquée une Citroën deux chevaux, une vulgaire deudeuche de l'époque quoi. N'importe qui en lisant aurait dit « une deux chevaux », mais pas lui. Pour lui c'était une « deux cé vé », car l'orthographe sur les feuilles était « 2CV ».
Ces cours de transports n'étaient pas faciles pour moi, qui ne connaissais rien à ce milieu. Il fallait tout apprendre, les licences, les poids, les documents, les autorisations, les disques de couleurs pour les cars et bus, les douanes avec les autorisations de transports, les ATIE, les TIR, les carnets de passages en douane, les convois exceptionnels la même chose ensuite en transports en commun, et on remettait çà, avec les contrats de locations longues et courtes durées. Le tout par cœur, et pas le droit à la moindre erreur, qui pourrait être fatale dans la pratique, en cas de contrôle routier ou de passage de frontière. Quand je pense que maintenant avec l'ouverture des frontières, il n'y a plus rien. Mais qu'est ce qu'ils apprennent dans les écoles de routiers alors ? Avec tous ces cours nous n'avions qu'une heure de conduite par semaine.
Ce fut sur l'initiative d'un autre prof de conduite, Monsieur Béducheau, issu lui de chez Drouin, que nous avions fait de la conduite de nuit. Une très bonne initiative de sa part, mais qui lui avait posée beaucoup de problèmes avec ses supérieurs, afin de respecter la réglementation scolaire, qui nous interdisait de travailler la nuit. J'ai eu l'occasion de le revoir à Poitiers il y a quatre ans lors d'une réunion des anciens élèves de l'école. Mais quand je me suis présenté, il a mal interprété mon nom, et m'a pris pour un autre élève. Par contre c'est avec lui que ma fille passera la conduite lors de son CAP de routier, ou de routière.
La première année donc après avoir eu ma moto, je rentrais toutes les deux ou trois semaines à la maison. La route était longue, trois cents kilomètres et je plafonnais à 90/100 Km/h, toujours par la route nationale. Les fils à papa qui étaient dans l'établissement roulaient eux avec des 250 ou 350 Honda. Le fils Coutant de Tours, avec une 350 Kawasaki, neuve évidemment. Un autre qui habitait à cinq cents mètres de l'école venait quand même en 500 Suzuki, excusez du peu, et je ne parle pas de ceux qui venaient en voiture, Renault 16 TS, Citroën DS. Il y en a un qui venait de Châteauroux avec un Citroën HY, ce qu'on appelait à l'époque les « tubes ».
Je lisais toujours « Moto revue », ainsi que « Moto Journal », les deux meilleures revues consacrées à ma passion des deux roues. Dans le Moto Journal, il y avait le « majic puces », avec Guido Bettiol, surnommé gentiment par les lecteurs, Guidon Bestiole. C'était ni plus ni moins qu'une rubrique de petites annonces gratuites de rencontres, de dépannages et d'échanges de pièces détachées. J'avais donc, comme c'était la mode, passé une annonce pour rechercher une copine afin de faire des balades en moto. Je n'avais eu qu'une seule réponse, celle de Noëlle qui habitait à Couhé-Verac, soit à une quarantaine de bornes au sud de Poitiers. Ses parents faisait dans la culture du tabac, et elle avait un petit et un grand frère. Elle et son grand frère étaient ravagés de motos aussi, mais leurs parents ne voulaient pas en entendre parler. Donc je devais me présenter comme un copain d'école de Noëlle. Ont ils crus ? Mystère, mais cela avait passé. Le week-end, nous faisions des balades en 125. Le soir je dormais sous la tente près d'un hangar où séchaient des feuilles de tabac. Puis à force de s'envoyer des petits mots et de se promener ensemble, une idylle est née entre nous. Enfin disons un flirt poussé mais sage.
La fin de la première année de conducteur routier arrivait. C'était donc le début des vacances, tout allait bien, je ne redoublais pas. Après mes trois cents kilomètres de route pour rentrer à la maison, je suis parti le soir avec trois autres copains, Patrick Le Guennec, Jean Paul Nahel derrière moi et Bruno Le Guennec sur l'autre moto. Nous étions à Noyal Muzillac. Dans le bourg, il y avait un centre de formation d'aides ménagères, bref des jeunes filles quoi, avec lesquelles nous avions plaisantés un petit peu. Puis l'un d'entre nous proposa d'aller à Questembert. Pas de problèmes, c'est parti. Etant le premier, je me suis trompé de route, et j'ai pris celle du Guerno. Ne connaissant alors pas trop bien les lieux, je ne me suis pas rendu compte de mon erreur. La fatigue aidant, je me suis endormi au guidon, et dans un virage, j'ai été directement dans la haie d'un champ, il devait être dans les une heure du matin. La deuxième moto, qui me suivait, a fait de même. Sur les quatre kamikazes, j'étais le plus touché. J'étais resté un bon moment dans les vaps, en criant, « je brûle, je brûle ». En fait c'était le pot d'échappement qui était sur ma jambe. Une fois que nous ayons fait le point sur ce qui nous était arrivé, nous relevions les machines, qui n‘étaient pratiquement pas abîmées. La mienne ayant le pare-choc tordu et plus de feu rouge à l'arrière. Par contre, j'avais un mal de reins terrible. Chacun est donc rentré directement à son domicile sans trop d'encombres. En arrivant, ma mère dormait. Je l'ai réveillée pour lui expliquer notre accident. Elle m'a donné deux somnifères, mais du fait de mon mal de reins, je n'ai pas pu dormir. Le lendemain matin, j'ai pissé du sang. Donc direction le docteur, où j'apprends que mon collègue Patrick qui lui, se plaignait de la tête était allé le voir en pleine nuit, et était allé aussitôt à l'hôpital en observation. Pour moi, direction l'hôpital aussi, où j'ai rejoins mon camarade dans sa chambre. J'avais une hémorragie interne d'un rein, et un tassement de vertèbres. Patrick était sorti quelques jours après, quand à moi, il était hors de question de bouger tant que du sang sortait de mes urines. Cela a duré un mois. Un mois en pleines vacances et en plein été, tandis que les autres se promenaient tranquilles, les boules !!!
Depuis longtemps déjà, j'avais une espèce de bouton au-dessus de la raie des fesses. Je ne disais rien, car c'était un endroit intime quand même, et à 17 ans on est pudique. Seulement pendant ma période d'hospitalisation, les infirmières l'avaient remarqué. J'avais un kyste. Donc il fallait opérer. Mais rassurez vous, elles m'ont laissées une semaine de vacances entre le mois passé en observation et le mois passé suite à l'opération de ce kyste. Première anesthésie de ma vie. J'avais un peu peur quand même, mais tout c'est bien passé, c'était le principal. Depuis j'en ai eu d'autres opérations de toutes sortes, et ce n'est pas fini, j'en suis blasé. Ma deuxième période d'hôpital, je l'ai faite avec un tuyau dans le cul, excusez moi du terme, mais c'est vrai, et à chaque déplacement, j'emmenais la petite bouteille de saloperies qui se remplissait doucement, doucement. Tant que le drain crachait du pu, je restais en hospitalisation. Autant dire que le jour de la sortie, j'étais heureux, mais c'était trois jours avant la rentrée des classes de Septembre. Avec en prime une grosse cicatrice, qui me serrait le haut des fesses. Enfin tant pis, le principal étant que tout cela ne c'était pas transformé en cancer.