Donc, on attaque la dernière année scolaire de ma vie. Dernière, je le pensais, le hasard de la vie en avait décidé autrement. Mais ne brûlons pas les étapes, ménageons le suspens. Je retrouve donc toute la bande de l'année précédente. Durant l'automne, j'ai effectué quelques concentrations motocyclistes avec ma 125. Une concentration, étant une réunion organisée par un club où nous pouvions se faire des amis durant un week-end. L'inscription donnant droit à des repas et une médaille commémorative, prouvant que nous y étions. Le Ham, en Mayenne, Saint Paul d'Espisse près d'Agen, à deux dessus plus les bagages, ma 125 en avait fait des kilomètres. Puis à Maux en région Parisienne aussi. Mais là ce fût mémorable.
En vue de ce voyage, j'avais économisé sous après sous. J'étais juste financièrement, mais la passion m'appelait. Durant la semaine, j'avais, à mes heures perdues, nettoyé ma moto. J'étais à Poitiers, et lors d'une sortie en ville, je m'étais aperçu que le moteur avait des ratés et ne fonctionnait pas correctement. J'avais donc commencé à trifouiller l'allumage, les vis platinées, rien à faire. Pourtant je gazais un peu en mécanique et ce la ne marchait pas, je ne comprenais plus rien. Finalement, le jour J je suis parti quand même. J'ai fais plusieurs arrêts bricolage, car le moteur marchait de moins en moins bien. Le samedi après-midi, j'arrive dans la banlieue de la grande poubelle (Paris), et j'ai été voir un concessionnaire Honda, qui c'est aperçu que ce n'était qu'un simple chiffon qui bouchait le filtre à air sous la selle. Putaing, quel con j'étais. Comme il se faisait tard, je me suis résolu à prendre une chambre d'hôtel sur place et partir de bonne heure le lendemain matin. Chose dite, chose faite, me voila reparti dans la nuit. Puis sur le coup des six heures du matin, sur une petite route, une plaque de verglas et c'est la chute. Résultat, un clignotant de cassé, le levier d'embrayage cassé et pour moi rien heureusement. Le problème était le levier d'embrayage, donc malgré le fait que nous étions un dimanche, je suis retourné à la concession Honda. Le patron qui habitait au dessus du magasin, n'a pas daigné me vendre un levier neuf, et après une réparation de fortune, j'ai repris la route de Poitiers sans même avoir été à Meaux, qui n'était pourtant qu'à une trentaine de kilomètres. Inutile de dire, que j'étais déçu, très déçu même de mon week-end, et de plus sans un sous en poche. Bah, c'est la vie.
Par la suite, j'ai réussi à me faire payer une nouvelle moto, un peu plus puissante, ce qui ne gâchait rien pour faire la route. C'était une Suzuki 380, couleur orange, 3 cylindres, 2 temps. Elle avait un bruit extraordinaire, une espèce de feulement animal, terrible. Patrick Le Guennec, ne voulant pas être en reste, il a acheté la même, mais en bleue. Pour moi c'était beaucoup plus agréable, pour aller à Poitiers. Là au moins, je pouvais sans problème suivre le flot de la circulation. En ces temps, la vitesse était limitée à 110, sur les routes nationales. Elle avait été rabaissée à 100, en cours d'année. Un jour, en allant à Poitiers, au niveau de Torfou, une voiture de gendarmerie me suivait. Je m'appliquais à respecter le 110, mais ils m'ont arrêtés. J'ai eu le droit à un PV, car la limitation était passée à 100 durant le week-end.
Durant l'hiver, c'était pareil, je faisais toujours le trajet en moto. Plus d'une fois, j'ai pris la route dans le brouillard givrant. J'étais alors barbu, et en arrivant à destination, j'avais le bouc gelé avec des glaçons dedans. Comique, mais réel.
Pour en revenir à mes amours, je sortais toujours avec Noëlle, comme je présentais bien à ses parents, son frère avait eu l'autorisation de s'acheter une moto. Mais pour la première, il s'est payé quelque chose de trop gros, une Honda 750, qui était le summum des deux roues de l'époque. Deux ou trois années plus tard, il se tuera avec, sur les routes sinueuses du Gers. La vitesse était en cause une fois de plus. Noëlle avait trouvée du travail à Poitiers, pour se rapprocher de moi. Elle louait une chambre dans le quartier de la Demi-Lune. On se retrouvait là, toujours pour flirter, jamais plus. Je pense avec le recul, qu'elle attendait plus de moi. Moi, j'étais jeune, beau, et con à la fois, comme dans la chanson de Brel. Plusieurs fois elle venait à pied à l'école me chercher. J'en avais assez d'elle. Une fois, elle était même venue en stop à Damgan, c'est pour dire.
Nous arrivons donc à la fin de l'année scolaire. CAP et permis de conduire en vue. Mais aussi un autre examen demandé par Margnac, le sous-directeur, pour que je pose ma candidature à l'entrée en quatrième Transports, les fameux privilégiés du Porteau. Moi je ne voulais pas et je lui avais dit non, car je n'avais pas d'entreprise à reprendre, ce qui m'intéressait, c'était de rouler. Il a insisté auprès de ma mère, si bien que j'ai du céder, et je l'ai passé son examen.
Pour ce qui est du CAP de conducteur routier mécanicien, pas de problèmes, dans la poche haut la main. Pour les permis, celui de voiture était validé avec le CAP, dans la poche aussi. Pour le permis poids lourds, ce fut une toute autre histoire. Après avoir été le seul de l'école à avoir fait un sans faute au code, je fus aussi le seul de l'école à ne pas avoir eu la conduite, parce que je n'allais pas assez vite, il faut le faire quand même. J'avais eu la malchance de passer sur le Berliet GCK, un truc mou comme tout, qui n'avançait pas en temps normal alors… J'avais quand même le droit à une seconde chance au début du mois de juillet. A cette séance, j'y suis revenu, seul, avec la R16 de ma mère, et le fameux disque 90 de jeune conducteur, collé derrière. J'ai donc repassé l'épreuve de conduite, mais cette fois avec le Saviem SM8, et dans le centre ville de Poitiers. Cela ne m'a pas posé de soucis et j'ai eu mon papier rose. En revenant dans la cour de l'école, je vois le sous directeur, qui vient vers moi en levant le pouce en l'air, et tout souriant, ce qui n'était pas dans ses habitudes. Ha! Il pouvait être content, il venait d'avoir les résultats de l'examen d'entrée en quatrième transport. Premier, j'étais le premier sur quatre cents candidats dans toute la France, et il n'y avait que cent places de disponibles. Bon, j'étais content aussi, mais sans plus, car cela voulait dire qu'il fallait revenir et continuer les études. Merde alors ! Si j'avais su.