C’est vendredi, ça va le faire ou pas.
11h00, mon ptit chantier de merde, en l’occurrence un feu de FL touchant à sa fin, j’entends un vrai camion rentrer dans la cour.
En l’occurrence un Merco bâchée Espagnol.
Menu du jour : etrier grippé, et se soir, il doit être impérativement sur la route plus bas que Barcelone !!!!!
On s’affaire à démonter, roulement OK, c’est déjà ça.
Puis c’est midi,à la soupe !!!
Comme tout les midi, c’est courses à Lidl, comme toujours je propose au chauffeur de venir avec moi.
Lidl me repond-il ?
Ok, ok,en moins de 2 secondes il me sort un attirail de sacs à en faire palir une ménagère, sûrement un habitué des lieux.
3 sacs blindées plus tard je lui propose de venir manger en salle de pose, le client est roi.
On se met à discuter dans une langue difficile à comprendre le : Biéloespagnofrancais.
Je commence à lui monter mes camions, puis lui me raconte sa vie de chauffeur.
Prénom : Milko
Âge : 60
Nationalité : Bulgare.
Pays traverser,toute l’Europe,Danemark, Suède, 6000kms après Moscou Asie, Moyen – orient.
Ces classes:
La Somat, et chez Willy, c’était le top , m’a – t-il fait comprendre en palpant ses poches de Jean’s Deutch-Mark, Deutch-Mark, avec un grand sourire.
De ces souvenirs il évoque,un temps ou dans les pays arabe tu payais 350 litres de Go 1 $.
Pour remonter c’était maxi 250 litres à la frontière Turque.
Pas de problème 50$,et les douaniers fermaient les yeux.
Il se souvient encore des bouteilles de whisky acheté à l’ouest revendu 86$ en Arabie Saoudite.
Aujourd’hui à 60 balais il tourne en Europe,pour soit disant 2500 balles, plus que 5 ans et ça sera l’heure de la retraite.
Svetoslan, la France à tous prix ! Le low cost, il connait… Trop bien !
C’est sur le tard que Svetoslan est devenu chauffeur routier en Bulgarie.
Voici 5 ans qu’il sillonne les routes d’Europe de l’Ouest bien entendu. Après avoir effectué une carrière de conducteur de taxi, il a dû se reconvertir faute de clients, il a donc passé ses permis PL, ses ADR et l’équivalent de notre FIMO. Même avec une épouse docteur qui plafonne à 600€/mois et 3 enfants, il a fallu se résoudre à quitter le pays voir si l’herbe est plus verte ailleurs. Bien que la vie soit moins chère en Bulgarie, le travail ne court pas les rues.
A titre de comparaison, le loyer moyen en Bulgarie est de 100€/mois, le litre de gasoil lui plafonne à 1€40.
C’est en Hollande, chez Jan De Rijk que Svetoslan a fait ses premiers tours de roues entre la hollande, l’Allemagne et l’Espagne. La considération n’était pas au rendez-vous, les chauffeurs poussés à bout pour un salaire misérable bien sûr, autour de 1200€/mois. Depuis quelque temps, il a changé de crèmerie pour une société Bulgare, mais là encore, ce n’est pas une grande réussite. Il tourne toujours à 1200€/mois. Son employeur le fait travailler pour TRICOLORE un transporteur Danois implanté à Padborg spécialisé France et Allemagne. Durant 3 mois, il doit effectuer ses rotations. Au bout de ce laps de temps, il prend un avion à Hambourg pour Sofia, le camion, un R420 hors d’age reste au Danemark. Le camion rentre au pays une fois ou deux par an pour faire l’entretien. Après avoir travaillé 3 mois non stop, Svetoslan a un mois de repos en Bulgarie, bien entendu ce mois n’est pas rémunéré, tout au plus son patron paye ses cotisations sociales. De plus, bien souvent la paye n’arrive pas en temps en heure, son employeur prétextant des retards de paiement de la part de Tricolore. Impossible bien entendu pour lui de savoir qui dit vrai !
La plupart du temps, Svetoslan essaie de passer ses coupures de week-end à Padborg, mais les sanitaires ne sont accordés qu’aux chauffeurs et employés dechez Tricolore, les tractionaires Polonais ou Bulgares doivent se débrouiller à la station service voisine. A 51 ans, il est pas évident de se trouver dans ces situations là ! Aujourd’hui, il rêve de travailler pour une société française, prêt à quitter le pays pour s’installer sur Paris d’autant qu’il parle un peu la langue de Molière, mais pas pour y être traité comme un chien. Vu de Sofia, la France représente encore un espace de liberté et de progrès social.
Comme il me l’a demandé, je laisse les coordonnées de Svetoslan : 00359897683536 ou 00359896218667
Passionné depuis toujours par les camions, Aly, d’origine Burkinabé né en Côte d’Ivoire voici déjà 35 ans, est routier depuis ses 15 ans. Il a longtemps roulé en Côte d’Ivoire pour des employeurs Italiens et Français qui ont dû quitter le pays en 2007 pour des raisons politiques. C’est aussi pourquoi Aly est parti vivre en 2007 au Mali, à Bamako, où il loue une maison et s’est installé avec sa femme et ses 3 enfants.
C’est grand l’Afrique, les voyages d’Aly s’articulent autour de Bamako ^^
Fort de son experience de chauffeur qu’il doit aussi à son père, Aly travaille comme routier international.
L’entreprise pour laquelle il travaille compte 12 camions specialisés surtout dans le transport de pommes de terre, d’oignons et de mangues entre le Mali et le Sénégal. Parfois il est aussi amené à aller sur la Mauritanie, la Côte d’Ivoire ou le Togo. La plupart du temps, il quitte son domicile pour 15 jours.
Aly au volant, fier d’être routier !
Son camion est comme la plupart de ceux qu’on croise en Afrique, un modèle d’importation Européen, le sien, un Mercedes ACTROS 4148 de 1999 est particulièrement apprecié pour sa robustesse. Ici, la surcharge est un sport national puisque souvent il roule à 60T… Les plus connaisseurs auront remarqué que son tracteur est un 6*4, en fait à la base c’était un 8*4 qui a été transformé par l’industrie locale…
Chargement d’oignons à Dakar
Les routes sont souvent en mauvais état, et sur certaines portions, il faut 6 à 8h pour faire 200km, il faut s’armer de patience !! Mais quand on aime son metier, on ne compte pas. Alors avec le peu de moyens pour boucler le tour, Aly y va molo sur la pédale d’accélerateur, le litre de gasoil coute quand même 0,95€ ici.
Le salaire d’Aly, n’est pas trés elevé quand on le compare aux notres, puisqu’il dispose de 70000F CFA, ce qui correspond à 152€.
Sur la route, la brigade mobile senegalaise est aussi là pour ponctionner leur maigre salaire, à chaque fois, ce sont 1000 à 3000 F CFA, soit 1,52 à 3€ qui s’envolent. Il faut bien donner le billet caché dans un papier, les policiers apprecient le geste !!!
Dans le cadre du transport International que pratique Aly, il se trouve souvent avec 4 containers 20 pieds dans son chargement, mais le client ne declare pas tout, si bien que lorsqu’il arrive à destination, le chargement est souvent bloqué. Mais d’un autre côté, ça permet à Aly d’attendre tranquillement chez lui à Bamako.
Attente en frontière, parfois ça peut durer une dizaine de jours
Pour Aly et son aide conducteur, pas question de dormir dans la cabine qui de toutes façons, est trop petite, alors le soir venu, ils sortent la tente pour dormir. Pour manger, il faut faire soi-même sa popotte… Et entre Dakar et Bamako il n’y a aucune douche donc, la toilette se fait au seau.
Ici, pas question de disques ou de carte de chronotachygraphe et encore moins de code du travail, Aly étale des journées longues, de 7 à 23h, il s’arrête manger quand il a faim, son but est de boucler son voyage le plus radidement possible, il peut même rouler 7 jours par semaine.
Comme de partout, les jalousies entre les differents pays ne font pas forcement bon menage avec la solidarité, Aly en a déjà fait les frais. Sur ses épaules, il a une veritable pression, il est responsable de tout ce qui peut arriver sur son trajet, en cas de panne, ou de vol, c’est à lui de payer sur son déjà maigre salaire, d’autant plus que l’on ne lui donne pas assez pour payer le carburant et boucler un voyage, il faut donc rouler à l’économie et surtout faire trés attention aux vols de gasoil qui sont courants ici.
Il faut aussi être vigilent contre « les coupeurs de route », des bandes de voleurs, armés, qui pour arrêter les camions, mettent des grosses pierres au milieu des routes, obligeant ainsi les chauffeurs à s’arrêter et en profitent pour les racketter. A celà, il faut ajouter les risques d’accidents, qui sont malheureusement trés fréquents.
Le poids des chargements, la route difficile et le manque de puissance des camions ne permettent pas des vitesse elevées, mais la nuit, avec le manque d’éclairage, et des véhicules parfois arrétés n’importe où, le danger guette. Le plus grand danger vient des chauffeurs de bus, qui sont payés au voyageur et roulent comme des fous.
Quand il y a accident au milieu de nulle part, il ne faut surtout pas compter sur les pompiers, les blessés sont évacués par les véhicules les plus rapides, les blessés les plus graves decèdent bien souvent faute de soins et parce que les postes de secours peuvent se trouver parfois à plusieurs centaines de kilomètres. Le manque d’experience, la drogue, n’arrangent pas la situation sur la route.
Mais tout ça n’empêche pas Aly de retourner chaque jour sur la route, en hommage à son père qui lui a donné le virus, l’envie de toujours en découvrir un peu plus, voir de nouveaux paysages, en apprendre chaque jour davantage sur la mecanique lui donne toujours un peu d’espoir en l’avenir.
Ce samedi soir là, il n’y avait pas grand monde pour traverser sur le freteur Zeebrugge-Purfleet, juste Andrew et moi. Nous avons eu tout le temps de discuter et faire connaissance dans la sinistre salle chauffeur de ce ferry. C’est avec mon anglais approximatif que nous avons pu mieux nous connaitre. Voici 10 ans qu’Andrew traine ses roues un peu partout en Europe. Le rêve d’Andrew, c’était le sport, l’activité physique. Mais comme voyager lui plaisait bien aussi, il est devenu conducteur routier. Comme son prénom ne l’indique pas, Andrew est Slovaque. Il est originaire d’un village près de Bratislava, et habite maintenant avec sa petite amie à Poprad. La Slovaquie est comme la plupart des pays de l’est, bien pauvre. La séparation de l’ex Tchécoslovaquie n’a rien arrangé; en Slovaquie on ne produit pas grand chose, et celui qui veut s’en sortir est bien obligé de s’expatrier. Avec l’Euro, les prix des produits de consommation courante sont à peu près équivalents aux notres, seul la construction reste moins onéreuse.
Bien que très attaché à ses racines, Andrew a travaillé en premier lieu pour des maisons Italiennes, la demande il y a 10 ans était trés forte, il a pu ainsi gagner jusqu’à plus de 3500€ mensuels à ses débuts, mais bien entendu les heures étaient nombreuses, le travail épuisant. Petit à petit, les risques comparés aux salaires ne valaient plus le coup. Il a enchainé les postes, et s’est même payé le luxe de pratiquer la Turquie, la Syrie, pour un salaire misereux, mais avec beaucoup d’avantages « en nature ». Jusqu’à ce qu’il trouve une place stable ici en Belgique. Son travail est simple, presque routinier. Il reste 6 semaines durant, entre la Belgique et le sud de l’Angleterre, il s’ennuie un peu à vrai dire. Par contre aucun stress au niveau de la réglementation sociale. Le problème aujourd’hui vient essentielement du fait que son patron Belge ne fait encore pas assez d’économies sur les salaires. Depuis quelques temps, il embauche des roumains à tour de bras. Il y a peu, ils étaient 100 Slovaques dans la société, ils ne sont plus que 23, et le salaire baisse inoxérablement. L’autre problème vient aussi du fait qu’il n’a pas de camion attitré, quand il revient en Belgique, il doit souvent passer plusieurs heures à nettoyer le camion dans lequel il va camper 6 semaines durant. Quand il fait ses comptes, entre le train pour rejoindre Bruxelles et l’avion pour arriver à la maison, le compte n’y est plus… Avec moins de 2000€/mois, il voit le jour ou il va devoir payer pour travailler.
Quand on lui demande alors, pourquoi ne pas bosser « à domicile » en Slovaquie, il répond que c’est encore pire! Les rares transporteurs à ne faire que de la Slovaquie-Europe, embauchent des chauffeurs encore moins chers que les nationaux, de plus ils sont payés au chiffre d’affaire et aux kilomètres. Un organisme équivalent à notre « DRIRE » existe, mais dès qu’ils viennent en entreprise, le patron leur glisse une enveloppe et le problème est résolu dans l’heure. Trés récemment, un conducteur Slovaque d’une grosse société, s’est fait pincer en Europe roulant en coupure. Après avoir payé le procès, l’entreprise a fait savoir au chauffeur que les 5000€ seraient retenus sur son salaire, on a retrouvé peu de temps plus tard le pauvre homme pendu dans sa remorque. « Tout cela est désolant, autant pour les routiers Slovaques que pour la Slovaquie en général » se lamente Andrew qui a la rage contre son gouvernement qui ne fait absolument rien pour les habitants. Et c’est trés fierement qu’Andrew me montre les photos de sa maison, de sa région, à laquelle il est attaché. Patiemment, il cherche encore le bon plan, en Autriche ou en Allemagne, car il parle parfaitement aussi la langue de Goethe… On ne peut que lui souhaiter bonne chance, car, il le mérite!
Edgardo, un Argentin avec un coeur gros comme ça !
C’est alors que j’étais perdu dans une grosse usine bien pourrie de la région de Barcelone, que j’ai rencontré Edgardo qui m’a renseigné. Une armoire à glace, un type qui force le respect mais qui porte le sourire en permanence comme d’autres portent la casquette ou la moustache. D’emblée, j’ai eu envie de papoter avec lui, et quand il m’a annoncé qu’il était Argentin, j’ai eu plein de questions à lui poser. En pleine période de repli sur soi, chez nous en Europe et de grand retour du racisme le plus malsain, j’ai trouvé ça plutot interessant.
Pour vous brosser le tableau, Edgardo est ce que j’appelle un vrai passionné de transport. Né en Argentine il y a 49 ans, il vit en famille depuis 10 ans en Espagne. Ce jour-là, Edgardo était accompagné de Tomas son garçon d’une douzaine d’année qui n’a pas de souvenir d’Argentine.
Edgardo lui, a débuté comme apprenti routier en accompagnant son père transporteur dès ses 12 ans, puis il a roulé sa bosse au volant de son propre camion en Argentine jusqu’en 2003. Puis un jour, il a décidé de rejoindre l’Espagne. Qu’est ce qui peut pousser un homme à quitter sa terre natale et son univers pour venir en Espagne? En premier lieu, c’est l’insécurité qui règne en Argentine. Si ici on se plaint de la recrudescence des vols, là-bas, les bandits de grand chemin n’hésitent pas à tuer pour voler les cargaisons, le metier est devenu dangereux. La vie n’a pas la même valeur, les gens qui n’ont rien, sont prêts à tout pour s’en sortir. Alors, l’envie de sécurité d’un père de famille, mais aussi l’envie d’améliorer l’ordinaire et d’offrir le meilleur à ses êtres chers, l’Argentine n’offrant que bien peu de perspectives, ils ont quitté leur pays. Après avoir passé un an sans papier et après avoir effectué toutes sortes de petits boulots, Edgardo a pu faire convertir son permis de conduire et enfin retoucher un volant.
Une petite année à faire du frigo en international, et depuis il bosse en national pour une maison de Lugo, au volant d’un Fh12-420. Son salaire est le même qu’un espagnol moyen en national, il tourne autour de 2200€ tout compris. C’est bien entendu pas assez, mais c’est déjà trés bien. Quand on parle de la crise à Edgardo, il rigole immédiatement : Quelle crise ? Mais il y a pas de crise ici ! Les gens arrivent à se payer du pain tous les jours, et dans les champs, la plupart sont encore immigrés, les gens peuvent encore se permettre de « choisir » de ne pas bosser. Les gens ici parlent de crise, mais au fond, ils ne savent pas ce que c’est.
Je n’ai pas pu m’empêcher de demander à mon argentin, ce qu’il pensait du fait que des routiers de l’est venaient en masse s’installer en Espagne pour 2 fois moins de salaire. Interessant le point de vue d’un immigré hispanophone ! Pour lui, même s’il est vrai que ça peut paraitre injuste cette histoire de salaire, c’est quand bien la seule manière pour ces gens là, d’échapper à une vie de misère à Bucarest ou Sofia. C’est leur seule issue, et il est bien conscient qu’un jour peut être il pourrait perdre sa place.
Bien que son intégration dans la société espagnole est facile du fait de la langue, il n’en reste pas moins qu’il est souvent victime de remarques plus ou moins drôles de la part de certains collègues de travail, ou dans son environnement quotidien. Il y a des jours ou c’est supportable, d’autres moins. Malgré tout, Edgardo reste lucide et ne voudrait pour rien au monde retourner vivre en Argentine : « Ici en 10 ans, mon niveau de vie s’est plus amélioré qu’en 40 ans en Argentine ». Il possède un appartement, et n’a pas la boule au ventre au travail… S’il compare sa vie de routier ici, les choses sont differentes, les opérations de chargement et dechargement bien plus rapides, en Argentine, il faut des journées entières car l’administration dans les usines est lente et tatillonne. En International, il faut parfois attendre une semaine en douane, tout le monde se fout de tout, et la corruption est partout. Par contre l’absence de tachy rend la vie du chauffeur plus simple. L’entraide entre chauffeurs n’est pas vaine et souvent nécessaire pour survivre, les chauffeurs restent groupés la plupart du temps, font la route et mangent ensemble. Ici, c’est le tachy qui décide, et les grands voleurs de la route sont plutot ceux qui te plument à coup de 301€ de procès pour des péccadilles. En Argentine, c’est bien moins cher…
Nos chemins se sont séparés sur cette belle leçon d’optimisme et d’humanisme, ça fait du bien par les temps qui courent ! Hasta luego Edgardo !
C’est par une chaude soirée d’été que j’ai fait la connaissance de Vladimir, un Serbe au volant d’un camion Slovène, au fin fond du nord de la Catalogne, à Campdevanol. En passant près de son camion, il m’a fait un salut amical, je me levais de la sieste, je l’ai donc invité à boire un coup au café d’en face au milieu d’un joyeux brouhaha typiquement hispanique.
C’est à la suite d’un licenciement que Vladimir est devenu routier, à 41 ans. De nationalité Serbe, il s’est retrouvé sur le carreau lorsqu’il a subi la restructuration de la loterie Serbe, il était responsable pas trop mal placé. Il a du faire un choix, et comme il aimait bien voyager, il s’est dit pourquoi pas routier!? C’est exactement la même chose pour beaucoup d’entre nous, se remettre en question professionellement à la suite d’un licenciement passé un certain age, n’est pas évident. Nous avons pu nous comprendre dans un mélange d’Allemand et d’Espagnol, un papier et un stylo aident bien aussi. C’est un peu bouche bée que j’ai écouté ses histoires. C’est un peu Germinal version 2011.
Après avoir eu quelques experiences plutôt pas heureuses, il bosse aujourd’hui pour une maison Slovène qui compte une vingtaine d’attelages. Les chauffeurs sont de nationalité Croates, ou comme lui Serbes. Les Slovènes restent en régional, tous les soirs à la maison. Le travail de Vladimir se déroule de manière régulière entre l’Italie du nord et la Catalogne. Parfois il descend un peu plus bas en Italie mais c’est rare. Une fois pas mois il rentre en Slovenie pour être en règle avec le cabotage et tous les 3 mois, il peut rejoindre son domicile en Serbie. A la vue de son passeport, Vladimir est devenu un étranger dans on pays, la guerre a avant tout profité aux politiciens et à quelques nationalistes. Victime du système il doit montrer patte blanche et chacun des ses passages sont tamponnés sur son passeport. Tous les 3 mois, il laisse l’attelage au dépot en Slovénie pour 5 ou 7 jours. Le camion repart aussitôt avec un autre chauffeur, lui en revenant en recupèrera un autre. L’entretien et l’état du matériel s’en ressent bien évidement. Les camions doivent rouler coute que coute, et toujours au maxi du potentiel permis par la loi…
Chaque mois, il empoche 2000€, frais inclus bien entendu. Mais 2000€ quand on passe des mois entiers en Europe de l’Ouest, ça fait pas lobe, il faut faire attention aux frais, le paquet de clopes coute 1€ chez lui, ici, avec 1€ on a à peine un café. La boite ou bosse Vladimir est entièrement affrétée par un gros groupe Slovène qui a tout le boulot, chacun se sert au passage, restent les miettes pour le chauffeur. Avec un salaire de base de 470€ (!) mieux vaut que rien ne lui arrive. En effet sa couverture sociale est loin d’être la même que sous nos latitudes. Ainsi, il m’a expliqué avoir eu un grave accident du travail il y a quelques années. En déchargeant un lot de paquet de ferrailles gerbé en hauteur et qui lui a glissé dessus. De cet accident lui reste des broches en ferrailles en dessous du cou, j’ignore le nom de cet os. Mais surtout il lui reste un douloureux souvenir financier étant donné qu’un grosse partie de son opération a été à sa charge, son employeur n’ayant rien voulu reconnaitre! Pour Vladimir, c’est marche ou crève, ainsi, que ce soit pour une grippe, un mal de dents ou autre chose, il ne s’arrête pas se soigne comme il peut sur la route, c’est ça ou il perd sa place.
Bien entendu on se pose la question de pourquoi ne pas travailler au pays!? Mais c’est encore plus mal payé, et comme beaucoup, Vladimir cherche à améliorer son ordinaire et continuer à vivre au pays, et y rester car il est attaché à sa région. Malgré tout, Vladimir garde le sourire, et surtout l’espoir. Il salue chaleureusement les routiers français, et d’une manière générale tous les routiers du monde, car, comme il dit, on est tous dans la même galère!
C’est sur le parking du Port Pétrolier de Givors que j’ai rencontré Ahmet, et un de ses collègues… Un Bulgare, forcement.
Ahmet roule avec un des derniers FH13 de la gamme, à peine sorti des chaines de Goteborg, un 460, surbaissé au ras du sol, ce qui en dit long sur la qualité du reseau routier Turc de 2010.
Ahmet vit dans la banlieue d’Istambul à Gazi Antep, routier depuis 1988, il est un peu dégouté de la tournure que prennent les choses, et lui aussi, fustige la concurrence « déloyale »!! Le travail d’Ahmet est finalement assez classique, et l’aventure n’est pas au rendez-vous tous les matins.
Son travail consiste à prendre l’avion depuis la Turquie pour rejoindre Marseille. Là, il récupère son attelage, et durant une quarantaine de jours, il récupère des remorques au ferry à Toulon, les vide et les recharge en France, plus généralement en région lyonnaise ou parisienne pour les ramener au port de Toulon… Après ces 40 jours, il rentre enfin chez lui par avion pour 10 jours à la maison.
Son entreprise, GOK BORA est à l’image de son pays: en plein développement. A ce jour, GOK BORA, aligne 1140 attelages, sur l’Europe et l’Asie, ils vont encore vers l’Arabie et l’Iran. Ahmet, lui, préfère la France. Quand il est à sec de provisions de bouche, les LIDL et ALDI lui vont à merveille pour remplir le coffre et se nourrir le temps de son séjour. Les pleins de gasoil se font chez AS24, contrairement à ce qu’on peut penser, les carburants sont assez chers en Turquie.
Avec ses 23 ans passés sur la route, Ahmet, ne se plaint pas trop de son sort, il arrive à gagner 1000€ à la fin du mois, c’est assez peu chez nous, mais c’est trois fois le smic chez eux. Son loyer au pays tourne autour de 250€. En moyenne, il parcourt 14/15.000km par mois pour environ 200h de volant, un routier dans la norme… De toutes façons, quand il se fait contrôler par la police ici, il n’a pas droit à l’erreur! : « La police contrôle la carte, et le CMR, ils ne cherchent pas à en savoir plus sur le fait que je reste 40 jours à circuler en France… Je roule avec un ensemble Turc, je suis chargé pour la Turquie, ou en provenance du Pays, ils ignorent que je ne fais que des rotations entre Lyon et Marseille »
Pour Ahmet, le problème, vient justement du developpement de son pays, qui a cruellement besoin de main d’oeuvre. Les industriels, les entrepreneurs, et bien entendu les transporteurs turcs ont fait appel à de la main d’oeuvre étrangère, principalement des Ukrainiens, et Bulgares, et là, problème!!! Le Bulgare travaille pour 300€!!! 300€!!! qui dit mieux?? Le Bulgare est si peu gourmand, que les Turcs font appels à des tractionnaires bulgares, on voit souvent des PIMK tracter des semis de chez MARS, deux chauffeurs qui roulent beaucoup et à 20 centimes du kilomètre… Même Ahmet est largué! Ahmet a bien noté que les Espagnols sont aussi envahis, et que cela n’est bon pour personne! La Bulgarie selon Ahmet est un pays à l’abandon, livré à lui même, dont la population part en masse bosser ailleurs, entrainant vols et delinquance dans le pays d’Ahmet. Il en conclut que la Bulgarie n’est pas digne de l’Europe car elle n’est pas sur le chemin de l’évolution… Alors que la Turquie se developpe industriellement! Mais en Turquie, on a bien compris que Sarkozy ne veut pas des Turcs, et oui, on des musulmans! Mais des musulmans travailleurs!!!
Ahmet salue les routiers français! Les routiers turcs ne sont pas des sauvages, d’ailleurs, se garer au milieu des camions turcs, c’est même un gage de sécurité.
A 54 ans, Bjorn coule des jours heureux en Norvège, à tel point qu’il a même donné à son fils de 20 ans l’envie de faire lui aussi la route..
Le camion du père et du fils
Le DAF du petit !
Au début des années 2000, comme beaucoup, il a dû abandonner les lignes internationales avec le developpement des transporteurs Low Cost. Comme chez nous, Girteka, Kreiss, Vlantana ont pris la plupart des marchés, laissant les chauffeurs locaux se rabattre vers les lignes nationales.
Vu de chez nous, il est quand même interessant de connaitre un peu mieux les conditions de vie d’un routier Norvegien.
Bjorn travaille depuis un peu moins d’un an pour une petite entreprise qui compte 2 attelages dont le sien, un Mercedes Giga Space camion remorque en carrosserie nordique, seulement équipé de chauffage dans la caisse pour affronter les hivers. Chaque mois, il parcourt entre 11 et 12.000km sur les routes Norvegiennes. Ici, hormis autour d’Oslo, il y a très peu d’autoroutes bien que quelques chantiers soient en cours.
Déchargement de peinture à Kløfta
Le 2e camion de la boutique
Un beau dechargement de materiel de bricolage à Kristiansund
A Åndalsnes
Son rayon d’action se situe entre le sud du pays, proche de la frontière Suédoise, ainsi que l’Ouest. La Norvège s’étend très au nord, mais Bjorn ne veut pas y mettre les pieds, il a une sainte horreur de l’hiver et c’est pas simple quand on est Norvegien. Son travail en groupage lui convient. Avec un salaire autour de 5800€ mensuels il est satisfait, mais attention, ici la vie est chère, à titre d’exemple le moindre repas dans un restaurant c’est entre 20 et 25€.
Chaque mois, il abat en moyenne 270h de travail et conduite cumulées, toutes les heures sont payées. Les conditions d’accueil et de travail sont plutôt bons, les horaires de receptions en général sont de 7h à 17h, et de 6h à 22h dans la plupart des bases logistiques.
Comme chez nous, ils connaissent une recrudescence de vols en tous genre, gasoil, accesoires, marchandises. Comme chez nous, la police ne fait pas grand chose.
Il existe assez peu de truckstops en Norvège, la plupart du temps, il faut stationner sur des stations ouvertes H24, elles sont toutes équipées de douches pour un minimum de confort.
Avec une carrière déjà bien remplie, Bjorn a encore la foi dans ce métier, et rêve toujours de nouveaux horizons, et surtout de decrocher le gros lot au loto pour pouvoir partir et s’installer en Espagne ou en Thailande !!! On croise les doigts pour toi Bjorn.
Si rouler pour 2000€ vous inspire, chez Equus on recrute, c’est écrit sur les portes du frigo!
Ce matin-là, Robert attendait patiemment derrière la fenêtre d’une secretaire acariâtre qui ne daignait pas lui prêter attention. A bout de patience, l’infortuné s’est dirigé vers la machine à café, mais il n’avait pas assez de monnaie, mon bon coeur me perdra, puisque je me suis fendu de 35 centimes d’Euros. Tout de suite la conversation s’est engagé par un « vous français? », « la France, trés bon… » Curieux comme je suis, j’ai bien entendu voulu en savoir plus ce ce très sympathique polonais, bien plus flegmatique que n’importe quel membre de la perfide Albion.
A 27 ans, Robert travaille depuis 4 ans pour une des plus grandes firmes Polonaise : Equus (prononcez Cheval en français), basée à Krakow en Pologne. Bien que créée en 1994, la société a connu une fulgurante ascension, puisque le parc se compose de 450 attelages, des frigos principalement, tirés par des MAN ou des Renault Premium.
Le travail de Robert est on ne peut plus régulier, et il ne s’en plaint pas. Il charge du groupage ou des marchandises diverses en Pologne pour la France. De là, il rallie à vide l’Espagne pour y recharger soit du congelé ou des produits frais, parfois des légumes. Ainsi, il est de retour à son domicile un week end sur deux. Robert aura bientôt un tracteur neuf étant donné que les tracteurs sont changés tous les 4 ans, et que le sien commence à s’user. Lors de ses voyages, il préfère rouler seul, car, il sait que bien souvent, en groupe il y a des problèmes. Les week end sont parfois chauds sur les parkings. De plus Robert prête une attention toute particulière au respect strict de la RSE, car les PV coutent horriblement chers, et sont à sa charge.
Robert
en pleine action !
Après avoir vécu quelques années à Bruxelles, Robert a rejoint la ville de Lodz, au sud du pays, à 150km de Varsovie. Marié et père de deux petites filles, Robert est plutôt content de son sort. Tout d’abord, il fait le métier dont il rêvait étant petit, passionné de Volvo qu’il était. De plus, avec 2000€ mensuels, il gagne environ 4 fois le smic de son pays. Ce qui lui permet de vivre correctement, le montant de son logement, charges comprises s’élevant à 500€. Seul regret pour lui, les vacances très courtes qui lui sont accordées, une semaine l’an passé, ce qui est peu. Même s’il s’arrête quelques jours, le camion continue de rouler, le materiel ne doit pas moisir sur le parc.
Robert est donc un père de famille heureux, qui est plein d’espoir, pour lui, l’Europe c’est que du bonheur. D’autant que pour le moment chez lui en Pologne, il n’y a pas trop de concurrence avec les Roumains ou les Bulgares qui ont envahi plutôt le sud de l’Europe. Quand on lui demande s’il ne préfèrerait pas faire du national en Pologne, il répond non sans hésiter puisque le salaire plafonne à 800€. Il reste donc à espérer que cette situation perdure longtemps pour lui et ses collègues…
J’ai donc dû souhaiter une bonne route à Robert, car pris de remords, la secrétaire a fini par ouvrir sa fenêtre, ça a été rapide, une heure!!!