Vidéo, les routiers sympas en 1975

Dans cette vidéo de 1975, le discours est particulièrement interessant, on y entend mot pour mot la même situation qu’aujourd’hui. Le materiel a évolué, mais pas les hommes ! Un régal pour les yeux, faites vous plaisir !!!

Le calendrier des routiers

Et si vous participiez à un shooting photo pour réaliser le calendrier des routiers pour l’année 2021 ?

Il y a eu les joueurs, de Rugby, les pompiers et pourquoi pas les routiers ??

Waygoo, un société spécialisée dans l’affrètement, aimerait que vous participiez à cette idée un peu folle certes, mais qui redorerait un peu le blason de notre profession. Bien sûr les photos seront soft, n’ayez pas peur !!

Les fonds de la vente de ce calendrier seront reversés à une oeuvre caritative.

Pour participer au shooting, il suffit de vous rendre  le mercredi 9 décembre de 8h30 à 17h au 25 Rue du Mollaret à Saint Quentin-Fallavier (38070).

Plus d’infos, contact:

jerome.gras@waygoo.com

Fax : 04 82 53 44 43

31 Boucle de la Ramée

38070 Saint Quentin-Fallavier

Le Mali, en long, en large avec Aly

Depuis quelques temps, Aly a delaissé un peu les voyages vers Dakar pour se recentrer sur des voyages nationaux au Mali à bord de son Mercedes qu’il entretient du mieux qu’il peut.

Voici un petit bout d’aventures, qui demarre avec un chargement d’aliments pour bétail, qu’il livre à Diema, après l’avoir chargé à Sikasso, soit 710km.
Une crevaison au bout de 600km, c’est la routine pour Aly, qui met souvent sa casquette de l’atelier de vulcanisation, c’est lui le chef d’atelier !

Arrivé à destination, le chargement est transféré directement dans un camion Mauritanie, épuisé, Aly dort sur place.

Mauvaise surprise au reveil, le « boxer d’embrayage » ne veut rien savoir, il faut vite en commander un à Bamako par courrier, après avoir transféré l’argent bien sûr, une bonne journée de perdue quand même.

Mais Aly n’est pas au bout de ses surprises, son commissionaire l’envoie charger du ciment chez Diamond cement Mali-SA une cimenterie toute récente dans la région de Kayes. Quand il arrive sur place, il y a des camions dans tous les sens, bilan, une semaine d’attente pour charger à destination de Mopti, qui est une zone de conflits en ce moment.

Il faut s’armer de patience, trouver de quoi s’occuper, mais les journées sont longues. Finalement son chargement débute le lundi tard dans la soirée, et dure toute la nuit, il ne reprend la route que le mardi à 10h, mais le température grimpe rapidement à 42°. Alors prévoyant, et n’ayant pas envie d’éclater de pneus, il stoppe attendre que la nuit tombe et la fraicheur avec pour pouvoir continuer sereinement son chemin, avec 65T de charge et des pneus de mauvaise qualité, mieux vaut être prudent. Pour sa dernière journée, au reveil, il se rend compte qu’il a quand même une roue à plat, mais mauvaise surprise, le dernier goujon tourne dans le vide.

A ce moment là, n’importe le quel d’entre nous, abandonne, mais pas Aly, qui répare sa chambre à air avec la roue encore montée sur son moyeu, système D !

Il finit par rentrer enfin chez lui le soir à Bamako profiter de quelques heures en famille.

Comme tous les routiers du monde, il met en route dimanche soir pour aller livrer son ciment à 400km de Bamako. Mais voilà, rien ne se passe jamais comme prévu, et son client ne donne pas signe de vie, ce n’est que le lendemain qu’il finit par vider avec une équipe assez professionnelle et rapide. C’est dommage car il avait un RDV prévu pour charger du bétail pour Abidjan. Le travail est dur mais pas trop mal payé. Du coup, c’est annulé, le bétail, c’est pas comme le ciment, ça n’attend pas.

Finalement, il rechargera 60T de mil pour le nord Mali à Mopti sur les bords du Niger, en croisant les doigts pour avoir un voyage de bétail pour Abidjan un de ces jours !

 

Thaïlande, tropical road

La Thaïlande est un pays d’une superficie identique à celle de la France. Mais ici s’arrête la comparaison. L’eau est très présente et on se déplace beaucoup en bateau. La pollution : bof c’est quoi ce mot. Pourtant la plupart des camions roulent au gaz. Les véhicules roulent à gauche car la première voiture qui a circulé, a été achetée par le roi de Thaïlande en Angleterre.

On roule à gauche, on double par la droite ou par … la gauche. De même la bande blanche continue (jaune chez eux) est là pour la déco et la police ne verbalise pas pour ça. Ici pas d’auto école, on apprend avec la famille. Il y a bien un examen du permis de conduire mais il n’est pas obligatoire. Le permis à point existe aussi mais jamais on ne perd tous ces points car quand on a presque plus de points, il suffit de donner un billet à monsieur le gendarme et on repart.

Les routes sont dans un parfait état et souvent les camions serrent l’accotement pour laisser doubler les autres véhicules. En ville c’est bouchons à longueur de journée, alors on se déplace beaucoup en touktouk, un genre de moto à trois roues carrossé et sans portes (poumons fragiles s’abstenir car bonjour les gazs d’échappement. Il y a de nombreux accidents de camions car ils roulent jours et nuits (on ne connaît pas les 35 heures).

Il y a très peu d’autoroutes à péage. Les péages sont surtout présents à Bangkok. La maréchaussée est à la pointe de la technologie, en effet ils sont équipés des fameuses jumelles de contrôle de vitesse. Aux carrefours les feux signalent le temps qu’il reste avant que le feu change de couleur. Les panneaux sont différents du modèle européen mais faciles à comprendre même pour nous.

Beaucoup de camions remorques et de porte container mais très peu de frigos. La plupart des camions ont des lanières de cuir vers les roues pour nettoyer les jantes.

Le Renault thaïlandais c’est isuzu, on en voit partout. Quelques Volvo (surtout en porte containers) mais pas vu de White diamond, une poignée de scania (pour tirer les citernes) mais les autres modèle sont inexistants. Quelques grands groupes présents : DHL, Fedex. La plus grosse boite de transport est « Mon » transport, ils ont beaucoup de citernes et ils font également du bâché.

Voilà donc si vous êtes intéressé en ces temps de crise, pas d’hésitation, le chômage n’existe pas, les paysages sont magnifiques mais il ne faut pas compter ses heures et la couchette ne sert pas à grand-chose et surtout elle n’est pas très large (yéti prière de dormir au pied du camion).

RVL71 (2008)

Svetoslan, routier bulgare

Svetoslan, la France à tous prix ! Le low cost, il connait… Trop bien !

C’est sur le tard que Svetoslan est devenu chauffeur routier en Bulgarie.

Voici 5 ans qu’il sillonne les routes d’Europe de l’Ouest bien entendu. Après avoir effectué une carrière de conducteur de taxi, il a dû se reconvertir faute de clients, il a donc passé ses permis PL, ses ADR et l’équivalent de notre FIMO. Même avec une épouse docteur qui plafonne à 600€/mois et 3 enfants, il a fallu se résoudre à quitter le pays voir si l’herbe est plus verte ailleurs. Bien que la vie soit moins chère en Bulgarie, le travail ne court pas les rues.
A titre de comparaison, le loyer moyen en Bulgarie est de 100€/mois, le litre de gasoil lui plafonne à 1€40.

C’est en Hollande, chez Jan De Rijk que Svetoslan a fait ses premiers tours de roues entre la hollande, l’Allemagne et l’Espagne. La considération n’était pas au rendez-vous, les chauffeurs poussés à bout pour un salaire misérable bien sûr, autour de 1200€/mois. Depuis quelque temps, il a changé de crèmerie pour une société Bulgare, mais là encore, ce n’est pas une grande réussite. Il tourne toujours à 1200€/mois. Son employeur le fait travailler pour TRICOLORE un transporteur Danois implanté à Padborg spécialisé France et Allemagne. Durant 3 mois, il doit effectuer ses rotations. Au bout de ce laps de temps, il prend un avion à Hambourg pour Sofia, le camion, un R420 hors d’age reste au Danemark. Le camion rentre au pays une fois ou deux par an pour faire l’entretien. Après avoir travaillé 3 mois non stop, Svetoslan a un mois de repos en Bulgarie, bien entendu ce mois n’est pas rémunéré, tout au plus son patron paye ses cotisations sociales. De plus, bien souvent la paye n’arrive pas en temps en heure, son employeur prétextant des retards de paiement de la part de Tricolore. Impossible bien entendu pour lui de savoir qui dit vrai !

La plupart du temps, Svetoslan essaie de passer ses coupures de week-end à Padborg, mais les sanitaires ne sont accordés qu’aux chauffeurs et employés dechez Tricolore, les tractionaires Polonais ou Bulgares doivent se débrouiller à la station service voisine. A 51 ans, il est pas évident de se trouver dans ces situations là ! Aujourd’hui, il rêve de travailler pour une société française, prêt à quitter le pays pour s’installer sur Paris d’autant qu’il parle un peu la langue de Molière, mais pas pour y être traité comme un chien. Vu de Sofia, la France représente encore un espace de liberté et de progrès social.

Comme il me l’a demandé, je laisse les coordonnées de Svetoslan : 00359897683536 ou 00359896218667

Ali, routier au Mali

ALY, ROUTIER AU MALI

Passionné depuis toujours par les camions, Aly, d’origine Burkinabé né en Côte d’Ivoire voici déjà 35 ans, est routier depuis ses 15 ans. Il a longtemps roulé en Côte d’Ivoire pour des employeurs Italiens et Français qui ont dû quitter le pays en 2007 pour des raisons politiques. C’est aussi pourquoi Aly est parti vivre en 2007 au Mali, à Bamako, où il loue une maison et s’est installé avec sa femme et ses 3 enfants.

C’est grand l’Afrique, les voyages d’Aly s’articulent autour de Bamako ^^

Fort de son experience de chauffeur qu’il doit aussi à son père, Aly travaille comme routier international.

L’entreprise pour laquelle il travaille compte 12 camions specialisés surtout dans le transport de pommes de terre, d’oignons et de mangues entre le Mali et le Sénégal. Parfois il est aussi amené à aller sur la Mauritanie, la Côte d’Ivoire ou le Togo. La plupart du temps, il quitte son domicile pour 15 jours.

Aly au volant, fier d’être routier !

Son camion est comme la plupart de ceux qu’on croise en Afrique, un modèle d’importation Européen, le sien, un Mercedes ACTROS 4148 de 1999 est particulièrement apprecié pour sa robustesse. Ici, la surcharge est un sport national puisque souvent il roule à 60T… Les plus connaisseurs auront remarqué que son tracteur est un 6*4, en fait à la base c’était un 8*4 qui a été transformé par l’industrie locale…

Les routes sont souvent en mauvais état, et sur certaines portions, il faut 6 à 8h pour faire 200km, il faut s’armer de patience !! Mais quand on aime son metier, on ne compte pas. Alors avec le peu de moyens pour boucler le tour, Aly y va molo sur la pédale d’accélerateur, le litre de gasoil coute quand même 0,95€ ici.

 

Le salaire d’Aly, n’est pas trés elevé quand on le compare aux notres, puisqu’il dispose de 70000F CFA, ce qui correspond à 152€.

Sur la route, la brigade mobile senegalaise est aussi là pour ponctionner leur maigre salaire, à chaque fois, ce sont 1000 à 3000 F CFA, soit 1,52 à 3€ qui s’envolent. Il faut bien donner le billet caché dans un papier, les policiers apprecient le geste !!!

Dans le cadre du transport International que pratique Aly, il se trouve souvent avec 4 containers 20 pieds dans son chargement, mais le client ne declare pas tout, si bien que lorsqu’il arrive à destination, le chargement est souvent bloqué. Mais d’un autre côté, ça permet à Aly d’attendre tranquillement chez lui à Bamako.

Pour Aly et son aide conducteur, pas question de dormir dans la cabine qui de toutes façons, est trop petite, alors le soir venu, ils sortent la tente pour dormir. Pour manger, il faut faire soi-même sa popotte… Et entre Dakar et Bamako il n’y a aucune douche donc, la toilette se fait au seau.

Ici, pas question de disques ou de carte de chronotachygraphe et encore moins de code du travail, Aly étale des journées longues, de 7 à 23h, il s’arrête manger quand il a faim, son but est de boucler son voyage le plus radidement possible, il peut même rouler 7 jours par semaine.

Comme de partout, les jalousies entre les differents pays ne font pas forcement bon menage avec la solidarité, Aly en a déjà fait les frais. Sur ses épaules, il a une veritable pression, il est responsable de tout ce qui peut arriver sur son trajet, en cas de panne, ou de vol, c’est à lui de payer sur son déjà maigre salaire, d’autant plus que l’on ne lui donne pas assez pour payer le carburant et boucler un voyage, il faut donc rouler à l’économie et surtout faire trés attention aux vols de gasoil qui sont courants ici.

Il faut aussi être vigilent contre « les coupeurs de route », des bandes de voleurs, armés, qui pour arrêter les camions, mettent des grosses pierres au milieu des routes, obligeant ainsi les chauffeurs à s’arrêter et en profitent pour les racketter. A celà, il faut ajouter les risques d’accidents, qui sont malheureusement trés fréquents.

Le poids des chargements, la route difficile et le manque de puissance des camions ne permettent pas des vitesse elevées, mais la nuit, avec le manque d’éclairage, et des véhicules parfois arrétés n’importe où, le danger guette. Le plus grand danger vient des chauffeurs de bus, qui sont payés au voyageur et roulent comme des fous.

Quand il y a accident au milieu de nulle part, il ne faut surtout pas compter sur les pompiers, les blessés sont évacués par les véhicules les plus rapides, les blessés les plus graves decèdent bien souvent faute de soins et parce que les postes de secours peuvent se trouver parfois à plusieurs centaines de kilomètres. Le manque d’experience, la drogue, n’arrangent pas la situation sur la route.
Mais tout ça n’empêche pas Aly de retourner chaque jour sur la route, en hommage à son père qui lui a donné le virus, l’envie de toujours en découvrir un peu plus, voir de nouveaux paysages, en apprendre chaque jour davantage sur la mecanique lui donne toujours un peu d’espoir en l’avenir.

Il ira loin Aly !!!

Andrew, routier slovaque

Ce samedi soir là, il n’y avait pas grand monde pour traverser sur le freteur Zeebrugge-Purfleet, juste Andrew et moi. Nous avons eu tout le temps de discuter et faire connaissance dans la sinistre salle chauffeur de ce ferry. C’est avec mon anglais approximatif que nous avons pu mieux nous connaitre. Voici 10 ans qu’Andrew traine ses roues un peu partout en Europe. Le rêve d’Andrew, c’était le sport, l’activité physique. Mais comme voyager lui plaisait bien aussi, il est devenu conducteur routier. Comme son prénom ne l’indique pas, Andrew est Slovaque. Il est originaire d’un village près de Bratislava, et habite maintenant avec sa petite amie à Poprad. La Slovaquie est comme la plupart des pays de l’est, bien pauvre. La séparation de l’ex Tchécoslovaquie n’a rien arrangé; en Slovaquie on ne produit pas grand chose, et celui qui veut s’en sortir est bien obligé de s’expatrier. Avec l’Euro, les prix des produits de consommation courante sont à peu près équivalents aux notres, seul la construction reste moins onéreuse.

Bien que très attaché à ses racines, Andrew a travaillé en premier lieu pour des maisons Italiennes, la demande il y a 10 ans était trés forte, il a pu ainsi gagner jusqu’à plus de 3500€ mensuels à ses débuts, mais bien entendu les heures étaient nombreuses, le travail épuisant. Petit à petit, les risques comparés aux salaires ne valaient plus le coup. Il a enchainé les postes, et s’est même payé le luxe de pratiquer la Turquie, la Syrie, pour un salaire misereux, mais avec beaucoup d’avantages « en nature ». Jusqu’à ce qu’il trouve une place stable ici en Belgique. Son travail est simple, presque routinier. Il reste 6 semaines durant, entre la Belgique et le sud de l’Angleterre, il s’ennuie un peu à vrai dire. Par contre aucun stress au niveau de la réglementation sociale. Le problème aujourd’hui vient essentielement du fait que son patron Belge ne fait encore pas assez d’économies sur les salaires. Depuis quelques temps, il embauche des roumains à tour de bras. Il y a peu, ils étaient 100 Slovaques dans la société, ils ne sont plus que 23, et le salaire baisse inoxérablement. L’autre problème vient aussi du fait qu’il n’a pas de camion attitré, quand il revient en Belgique, il doit souvent passer plusieurs heures à nettoyer le camion dans lequel il va camper 6 semaines durant. Quand il fait ses comptes, entre le train pour rejoindre Bruxelles et l’avion pour arriver à la maison, le compte n’y est plus… Avec moins de 2000€/mois, il voit le jour ou il va devoir payer pour travailler.

Quand on lui demande alors, pourquoi ne pas bosser « à domicile » en Slovaquie, il répond que c’est encore pire! Les rares transporteurs à ne faire que de la Slovaquie-Europe, embauchent des chauffeurs encore moins chers que les nationaux, de plus ils sont payés au chiffre d’affaire et aux kilomètres. Un organisme équivalent à notre « DRIRE » existe, mais dès qu’ils viennent en entreprise, le patron leur glisse une enveloppe et le problème est résolu dans l’heure. Trés récemment, un conducteur Slovaque d’une grosse société, s’est fait pincer en Europe roulant en coupure. Après avoir payé le procès, l’entreprise a fait savoir au chauffeur que les 5000€ seraient retenus sur son salaire, on a retrouvé peu de temps plus tard le pauvre homme pendu dans sa remorque. « Tout cela est désolant, autant pour les routiers Slovaques que pour la Slovaquie en général » se lamente Andrew qui a la rage contre son gouvernement qui ne fait absolument rien pour les habitants. Et c’est trés fierement qu’Andrew me montre les photos de sa maison, de sa région, à laquelle il est attaché. Patiemment, il cherche encore le bon plan, en Autriche ou en Allemagne, car il parle parfaitement aussi la langue de Goethe… On ne peut que lui souhaiter bonne chance, car, il le mérite!

Edgardo, routier argentin

Edgardo, un Argentin avec un coeur gros comme ça !

C’est alors que j’étais perdu dans une grosse usine bien pourrie de la région de Barcelone, que j’ai rencontré Edgardo qui m’a renseigné. Une armoire à glace, un type qui force le respect mais qui porte le sourire en permanence comme d’autres portent la casquette ou la moustache. D’emblée, j’ai eu envie de papoter avec lui, et quand il m’a annoncé qu’il était Argentin, j’ai eu plein de questions à lui poser. En pleine période de repli sur soi, chez nous en Europe et de grand retour du racisme le plus malsain, j’ai trouvé ça plutot interessant.

Pour vous brosser le tableau, Edgardo est ce que j’appelle un vrai passionné de transport. Né en Argentine il y a 49 ans, il vit en famille depuis 10 ans en Espagne. Ce jour-là, Edgardo était accompagné de Tomas son garçon d’une douzaine d’année qui n’a pas de souvenir d’Argentine.

Edgardo lui, a débuté comme apprenti routier en accompagnant son père transporteur dès ses 12 ans, puis il a roulé sa bosse au volant de son propre camion en Argentine jusqu’en 2003. Puis un jour, il a décidé de rejoindre l’Espagne. Qu’est ce qui peut pousser un homme à quitter sa terre natale et son univers pour venir en Espagne? En premier lieu, c’est l’insécurité qui règne en Argentine. Si ici on se plaint de la recrudescence des vols, là-bas, les bandits de grand chemin n’hésitent pas à tuer pour voler les cargaisons, le metier est devenu dangereux. La vie n’a pas la même valeur, les gens qui n’ont rien, sont prêts à tout pour s’en sortir. Alors, l’envie de sécurité d’un père de famille, mais aussi l’envie d’améliorer l’ordinaire et d’offrir le meilleur à ses êtres chers, l’Argentine n’offrant que bien peu de perspectives, ils ont quitté leur pays. Après avoir passé un an sans papier et après avoir effectué toutes sortes de petits boulots, Edgardo a pu faire convertir son permis de conduire et enfin retoucher un volant.

Une petite année à faire du frigo en international, et depuis il bosse en national pour une maison de Lugo, au volant d’un Fh12-420. Son salaire est le même qu’un espagnol moyen en national, il tourne autour de 2200€ tout compris. C’est bien entendu pas assez, mais c’est déjà trés bien. Quand on parle de la crise à Edgardo, il rigole immédiatement : Quelle crise ? Mais il y a pas de crise ici ! Les gens arrivent à se payer du pain tous les jours, et dans les champs, la plupart sont encore immigrés, les gens peuvent encore se permettre de « choisir » de ne pas bosser. Les gens ici parlent de crise, mais au fond, ils ne savent pas ce que c’est.
Je n’ai pas pu m’empêcher de demander à mon argentin, ce qu’il pensait du fait que des routiers de l’est venaient en masse s’installer en Espagne pour 2 fois moins de salaire. Interessant le point de vue d’un immigré hispanophone ! Pour lui, même s’il est vrai que ça peut paraitre injuste cette histoire de salaire, c’est quand bien la seule manière pour ces gens là, d’échapper à une vie de misère à Bucarest ou Sofia. C’est leur seule issue, et il est bien conscient qu’un jour peut être il pourrait perdre sa place.

Bien que son intégration dans la société espagnole est facile du fait de la langue, il n’en reste pas moins qu’il est souvent victime de remarques plus ou moins drôles de la part de certains collègues de travail, ou dans son environnement quotidien. Il y a des jours ou c’est supportable, d’autres moins. Malgré tout, Edgardo reste lucide et ne voudrait pour rien au monde retourner vivre en Argentine : « Ici en 10 ans, mon niveau de vie s’est plus amélioré qu’en 40 ans en Argentine ». Il possède un appartement, et n’a pas la boule au ventre au travail… S’il compare sa vie de routier ici, les choses sont differentes, les opérations de chargement et dechargement bien plus rapides, en Argentine, il faut des journées entières car l’administration dans les usines est lente et tatillonne. En International, il faut parfois attendre une semaine en douane, tout le monde se fout de tout, et la corruption est partout. Par contre l’absence de tachy rend la vie du chauffeur plus simple. L’entraide entre chauffeurs n’est pas vaine et souvent nécessaire pour survivre, les chauffeurs restent groupés la plupart du temps, font la route et mangent ensemble. Ici, c’est le tachy qui décide, et les grands voleurs de la route sont plutot ceux qui te plument à coup de 301€ de procès pour des péccadilles. En Argentine, c’est bien moins cher…

Nos chemins se sont séparés sur cette belle leçon d’optimisme et d’humanisme, ça fait du bien par les temps qui courent ! Hasta luego Edgardo !

Vladimir, routier serbe

Vladimir, Yougoslave avant tout!

C’est par une chaude soirée d’été que j’ai fait la connaissance de Vladimir, un Serbe au volant d’un camion Slovène, au fin fond du nord de la Catalogne, à Campdevanol. En passant près de son camion, il m’a fait un salut amical, je me levais de la sieste, je l’ai donc invité à boire un coup au café d’en face au milieu d’un joyeux brouhaha typiquement hispanique.

C’est à la suite d’un licenciement que Vladimir est devenu routier, à 41 ans. De nationalité Serbe, il s’est retrouvé sur le carreau lorsqu’il a subi la restructuration de la loterie Serbe, il était responsable pas trop mal placé. Il a du faire un choix, et comme il aimait bien voyager, il s’est dit pourquoi pas routier!? C’est exactement la même chose pour beaucoup d’entre nous, se remettre en question professionellement à la suite d’un licenciement passé un certain age, n’est pas évident. Nous avons pu nous comprendre dans un mélange d’Allemand et d’Espagnol, un papier et un stylo aident bien aussi. C’est un peu bouche bée que j’ai écouté ses histoires. C’est un peu Germinal version 2011.

Après avoir eu quelques experiences plutôt pas heureuses, il bosse aujourd’hui pour une maison Slovène qui compte une vingtaine d’attelages. Les chauffeurs sont de nationalité Croates, ou comme lui Serbes. Les Slovènes restent en régional, tous les soirs à la maison. Le travail de Vladimir se déroule de manière régulière entre l’Italie du nord et la Catalogne. Parfois il descend un peu plus bas en Italie mais c’est rare. Une fois pas mois il rentre en Slovenie pour être en règle avec le cabotage et tous les 3 mois, il peut rejoindre son domicile en Serbie. A la vue de son passeport, Vladimir est devenu un étranger dans on pays, la guerre a avant tout profité aux politiciens et à quelques nationalistes. Victime du système il doit montrer patte blanche et chacun des ses passages sont tamponnés sur son passeport. Tous les 3 mois, il laisse l’attelage au dépot en Slovénie pour 5 ou 7 jours. Le camion repart aussitôt avec un autre chauffeur, lui en revenant en recupèrera un autre. L’entretien et l’état du matériel s’en ressent bien évidement. Les camions doivent rouler coute que coute, et toujours au maxi du potentiel permis par la loi…

Chaque mois, il empoche 2000€, frais inclus bien entendu. Mais 2000€ quand on passe des mois entiers en Europe de l’Ouest, ça fait pas lobe, il faut faire attention aux frais, le paquet de clopes coute 1€ chez lui, ici, avec 1€ on a à peine un café. La boite ou bosse Vladimir est entièrement affrétée par un gros groupe Slovène qui a tout le boulot, chacun se sert au passage, restent les miettes pour le chauffeur. Avec un salaire de base de 470€ (!) mieux vaut que rien ne lui arrive. En effet sa couverture sociale est loin d’être la même que sous nos latitudes. Ainsi, il m’a expliqué avoir eu un grave accident du travail il y a quelques années. En déchargeant un lot de paquet de ferrailles gerbé en hauteur et qui lui a glissé dessus. De cet accident lui reste des broches en ferrailles en dessous du cou, j’ignore le nom de cet os. Mais surtout il lui reste un douloureux souvenir financier étant donné qu’un grosse partie de son opération a été à sa charge, son employeur n’ayant rien voulu reconnaitre! Pour Vladimir, c’est marche ou crève, ainsi, que ce soit pour une grippe, un mal de dents ou autre chose, il ne s’arrête pas se soigne comme il peut sur la route, c’est ça ou il perd sa place.

Bien entendu on se pose la question de pourquoi ne pas travailler au pays!? Mais c’est encore plus mal payé, et comme beaucoup, Vladimir cherche à améliorer son ordinaire et continuer à vivre au pays, et y rester car il est attaché à sa région. Malgré tout, Vladimir garde le sourire, et surtout l’espoir. Il salue chaleureusement les routiers français, et d’une manière générale tous les routiers du monde, car, comme il dit, on est tous dans la même galère!